• Il n'est pas très facile de s’imaginer comment les hommes de la préhistoire voyaient l'autre vie. D'après leurs rites, tels que nous les suggèrent les vestiges de leurs nécropoles, on peut penser qu'ils concevaient l'après-mort à la manière d'une continuation moins périlleuse de leur existence. On préparait de la nourriture pour le défunt, on lui mettait à boire. Il était inhumé avec ses armes et parures. Sans doute pensait-on qu'il entrait avec sa mort dans une sphère d'existence privilégiée où il devait paraître à son avantage.

    Avec les religions structurées sont apparus les dieux des Morts, les portiers de l'au-delà auxquels il fallait payer le tribut, les passeurs qui assuraient la traversée du fleuve séparant cette vie de l'autre, à condition qu'on le mérite... La notion d'épreuve de l'âme, de jugement au seuil de sa nouvelle existence, de mérite, en définitive, s'est imposée. L'âme était pesée selon les actions terrestres du défunt, afin de déterminer si elle pouvait être admise en un lieu de récompenses posthumes ou précipitées dans les affres de la punition infernale. 

    C'est Thot l'Ibis, scribe des dieux, qui s'en charge sur les représentations égyptiennes. Le terrible Yamatanka, dieu des Morts tibétain, dispose lui aussi d'une gigantesque balance pour mesurer les mérites. De même, la divinité totonaque de l'ancien Mexique, Mictlantecuhtli, dont la caractéristique est le plus souvent d'avaler l'âme enfin d'en connaitre la saveur...

    Avec les religions révélées, toutes ces notions vont s'affiner ou prendre des directions bien précises. On dresse de véritables cartes du Paradis et de l'Enfer, ainsi que de cette région intermédiaire, le Purgatoire des chrétiens, où l'âme attend d'avoir reconquis sa pureté. Les populations asiatiques, avant même que le bouddhisme impose une unification,de la croyance, connaissent les itinéraires complexes de réincarnations successives, avec leurs règles, les seuls à franchir, les difficultés à surmonter...

    Partout, cependant, que l'on épure son karma, que l'on mérite le paradis de Mahomet, le jardin des Délices ou les chœurs angéliques du christianisme... l'âme cherche à déboucher sur la lumière d'une autre vie, si possible meilleure que celle d'ici-bas.

     Cette universalité de la croyance a évidemment quelque chose de troublant. D'autant que dans n’importe lequel de ces systèmes, on prétend que les morts sont revenus pour raconter comment cela se passe. Que des mages, ou des prêtres disent détenir le moyen de communiquer avec cet univers mystérieux et terrible de l'autre monde. Que les âmes des défunts ne sont pas aussi éloignées de celui-ci qu'on pourrait le croire...

    Livres des morts, voyages chamaniques dans les sphères de l'après-vie, mythes divers des paradis et des géhennes sont autant de témoignages de ces contacts sporadiques.

    Les religions révélées ont fait un sort à ce genre de curiosité. Toute tentative de "faire parler les morts" ou d'essayer, par quelques moyen que ce soit, d'entrer en contact avec l'au-delà est irrémédiablement sacrilège et maudite. On ne dit pas que c'est impossible, mais on l'interdit, en assortissant cette défense des pires menaces.

     

    Paradoxalement, c'est chez nous, en occident, que le désir de communiquer d'une manière systématique avec d'éventuels "correspondants de l'au-delà" a été le plus vif. Peut-être parce que  justement le catholicisme était l'une des religions les plus catégoriques sur l'interdiction de le faire...

    Au XIXe siècle, on se persuade que ce genre d'activité ne peut pas toujours être le fait des nécromants ou sorciers noirs, et qu'elle n'est pas attachée d'interdit. Les romantiques "qui parlent aux fantômes" donnent le ton, et les spirites introduisent, si l'on peut dire, une ligne directe entre l'ici-bas et l'au-delà.

    Léon Hyppolyte Rivali, un comptable qui changera son nom en celui d'Allan Kardec, reçoit la première illumination, en France du moins. Un esprit, d'abord, puis plusieurs lui dictent littéralement le nouveau message : "Non ! les morts ne sombrent pas dans le néant ! Ils vivent dans d'autres sphères de réalité selon leurs mérites sur la Terre et ils brûlent d'envie d'entrer en contact avec ceux qui sont restés de ce côté-ci de la Porte... "

    Le Livre des médiums et Le Livre des esprits véhiculent la nouvelles doctrines, qui se répand comme une traînée de poudre. Partout, les guéridons, les tablettes de oui-ja et autre supports de communication entre en action. Chacun veut retrouver ceux qu'il a aimé et perdus, dialoguer par l'intermédiaire des célèbres raps, avec les plus grands esprits que la Terre ait portés. Dans l'au-delà, ils s’avéreront d'ailleurs beaucoup plus abordables que de leur vivant...

    Il est évident que la science ne pouvait prendre ce genre de témoignages en considération. De Napoléon à Alexandre le Grand, de Gengis Khan à Jésus-Christ, les plus grands personnages de l'histoire condescendaient à tenir des propos au demeurant tout à fait anodin, quand ils n'étaient pas totalement dépourvus de bon sens, dans le moindre salon petit-bourgeois !

    Certaines de ces communications obtenues par les voies chères aux disciples de Kardec méritaient cependant que l'on s'y arrête. 
    C'est ce que firent les fondateurs de la Society for Psychical Research, en Angleterre. L'un d'entre-eux, Frederic Myers, écrivait en
    1891  " ...Nous avons réuni des milliers de cas qui nous paraissent présenter suffisamment de critères intéressants pour qu'on puisse en tirer des conclusions favorables en ce qui concerne la survie de l'âme. Certains demeurent néanmoins litigieux . Mais il en est un grand nombre qui prêchent en faveur d'une communication des vivants avec les morts par le vecteur d'une faculté parapsychique
    inconnues... "

    Bien entendu, il ne s'agissait pas de ces descriptions types de l'au-delà que l'on retrouvait au coin de chaque guéridon un peu inspiré. Myers et ses collaborateurs n'ont jamais admis les histoires où il est question d'une vie après la mort qui ressemble à un mauvais chromo  des villages d'élus où les anges côtoient les heureux défunts qui ont retrouvé leurs proches, partis avant eux, des réminiscences d'images pieuses avec des vierges extasiées et petits nuages...

    En revanche, ils s'arrêtent aux communications qu'il n'était pas possible pour le médium leur servant de vecteur d'extraire de son subconscient ou de celui des assistants.

    D'ailleurs, ils ne s’intéressent pas qu'aux spirites. Ils recueillent toutes les éventuelles manifestations ici-bas de l'autre monde : rêves, messages d'avertissement, intervention directes du supposé défunt. Cela donne une fantastique documentation, avec dépositions de témoins, cosignatures de personnes au-dessus de tout soupçon et de tout mysticisme inutile, procès-verbaux...

          Camille Flammarion, le grand savant français du début du XXe siècle, fera exactement la même chose. Il est de ceux qui estiment que la science doit prendre en considération certains témoignages , car ils le méritent en tant que données objectives sur l'après-vie. Ses divers ouvrages, "La Mort et son mystère", "Après la mort", etc..., constituent une mine prodigieuse d'exemples, dont il parait difficile de douter.  Avec lui, c'est un homme de raison qui prend les choses en main. En conclusion de son enquête, il déclare : " Nous savons que l'homme spirituel existe et qu'il ne meurt pas. Tout tend à prouver qu'il nous est possible de savoir ce qu'il devient après que son corps physique a disparu. "

    Il faudra plus de cinquante ans pour que d'autres savants décident d'aller plus loin.

    De plus en plus nombreux sont les chercheurs qui voudraient en avoir le cœur net et apporter enfin une réponse à "la question la plus fondamentale qui se soit jamais posée à l'homme", comme l'écrivait le pionnier de ces enquêtes qu'était Camille Flammarion...

    Des témoignages de sujets que la médecine est parvenue à ramener à la vie après un état de mort clinique ont été recueillis par des scientifiques tels que le docteur Moody ou le professeur Kübler-Ross. Ce genre de témoignage commence toujours par la dernière parole que prononce le médecin après avoir vainement tout tenté pour sauver son patient :
    - Il est mort.
    Le sujet, lui, n'a pas l'impression d'être mort simplement la souffrance qui l'habitait au cours de son agonie a cette fois complètement disparu. Le plus souvent, cependant, il perçoit pendant quelque temps un bruit qui lui parait très désagréable. Il le décrira comme un timbre de sonnette qui retentit ou un gros bourdonnement. 

    Mais ce n'est pas une règle générale  si le patient est "mort" dans un calme nerveux relatif, ont noté Moody ou Kübler-Ross, il entend plutôt une musique. Le catholique la perçoit angélique. Le Mahométan, lui, se souviendra d'un air de fête précédant son entrée dans le paradis d'Allah où des danseuses merveilleuses virevoltent pour l'éternité sur des mélodies enivrantes.

    On s'aperçoit que chacun vit sa mort selon sa culture. Mais le phénomène sonore demeure, qu'il s'agisse d'un croyant ou d'un athée. C'est donc, remarquent les chercheurs que nous venons de citer, une donnée absolument objective.  

     " Dans le même temps, écrit le docteur Moody, il se sent emporté avec une grande rapidité à travers un obscur et long tunnel.
    Après quoi, il se retrouve soudain hors de son corps physique sans quitter toutefois son environnement immédiat  il aperçoit son propre corps à distance, comme en spectateur. Il observe de ce point de vue privilégié les tentatives de réanimation dont son corps fait l'objet  il se trouve dans un état de forte tension émotionnelle... "

    Ce serait donc ainsi que commence l'après-vie. Il existe toutefois certaines variantes de schémas. Mais comme le souligne le professeur Kübler-Ross, à travers les centaines de cas qui ont pu être étudiés, on retrouve toujours les données identiques. 

    Certains ne vivent l'épisode du tunnel obscur que bien plus tard.  C'est même la dernière partie de leur itinéraire immédiat dans la mort. Au bout de ce tunnel, dans lequel ils ont l'impression de tourbillonner, "aussi léger qu'un feuille morte", il se fait d'abord une minuscule lumière. Elle est extrêmement vive. Plus ils progressent, plus elle s’amplifie en dimension tous en devenant d'une indicible douceur. Bientôt, ils quittent le tunnel tourbillonnant. La lumière les entoure de toutes parts et en surgissent des figures d'êtres chers, ainsi qu'une entité mystérieuse - toujours la même dans presque tous les témoignages - qui les accueille définitivement dans leur nouveau monde. 

    Mais revenons aux instants qui suivent immédiatement la mort clinique. 

    Détaché de son corps physique mais demeurant dans sa proximité, l'"âme" se reprend et s'habitue progressivement à s nouvelle condition. D'ailleurs, elle est la sensation confuse de toujours posséder un "corps" ou autre chose d'approchant.

    Un autre médecin, le docteur Maurice Rawlings, de l’hôpital de Chatanooga, dans le Tennessee, a noté que la personnalité "semble alors prendre conscience de sa survie. Elle n'est pas totalement séparée de la nature spécifique qui était la sienne dans le corps de chair. Elle dispose encore de certains réflexes, en quelques sorte, mais dispose parallèlement de facultés spéciales comme de lire dans la pensée la plus intime de ceux qui entourent le corps..."

    Ceux qui ont vécu cette épreuve démontrent souvent la réalité de ce dernier phénomène. Ainsi, ils savent à quoi s'en tenir sur l'affection véritable que leur portaient ceux qui les ont accompagnés dans leur agonie. Rawlings ainsi que son confrère le docteur Sabom, cardiologue à l'université d'Atlanta, ont enquêté spécialement sur ce sujet. Il leur apparu indéniable que les "survivants de la mort" avaient eu, pendant la période où ils étaient cliniquement défunts, ou peut-être juste avant, des renseignements d'ordre "parapsychologique" sur les personnes de l'assistance. Ensuite, l'âme s'éloigne. C'est la rencontre, dans une sorte de "no man's land" lumineux où elle s'apaise avec les êtres chers.

             "Et soudain, écrit Moody dans sa description générale du phénomène, une unité spirituelle, d'une espèce inconnue, un esprit de chaude tendresse, tout vibrant d'amour, un "être de lumière" se montre à lui. Il fait sur lui une sorte d'interrogation qui n'est pas verbalement prononcée et qui le porte à effectuer le bilan de sa vie passée. 

    "L'entité le seconde dans cette tâche en lui procurant une vision panoramique instantanée de tous les événements qui ont marqués son destin. Ensuite, le défunt semble rencontrer une frontière, la limite entre la vie terrestre et la vie à venir..."

    Dans les innombrables témoignages, recueillis, analysés et confrontés par le docteur Moody, ce n'est pas absolument évident. Mais ses confrères sont formels. L'être de lumière à toujours, dans les grandes lignes, des caractères identiques d'un sujet à un autre. Mais il prend la plupart du temps la forme que sollicitent les croyances du sujet ou ses expériences religieuses.

    Il ressemble à Jésus-Christ ou à un ange chez les chrétiens. Les athée ne le " personnalisent " pas, ce qui est significatif. Les Hindous ont tendance à le voir sous l'apparence d'un guide de l'au-delà de leur système d'après-vie, et il est même fréquemment accompagné d'une apsara, ces anges-femmes pas si désincarnées que cela de leur paradis...

    Pourtant, l'archétype de l'être de lumière demeure partout. Encore un élément important pour mesurer, au moins dans une certaine proportion, l'objectivité du phénomène. Ceux qui ont eu la chance de pouvoir revenir pour témoigner auprès de nos dignes  scientifiques ne sont malheureusement pas allés plus loin. Mais est-c vraiment une chance ?

    Tous sont d'accord pour reconnaître qu'après le "jugement" de l'être de lumière, ils ne pensent ni ne désirent retourner à la vie terrestre. D'intenses sentiments de joie, d'amour et de paix les submergent, quelles quelles que soient leurs croyances religieuses. Mais une voix intérieure leur dit qu'il n'est pas encore temps pour eux de quitter cette vie terrestre. Une sorte de reflux très difficile à décrire se produit. L'être, aussi bien que les parents et les proches, se fondent dans le brouillard lumineux qui les auréolait. Le bourdonnement ou la musique se font à nouveau entendre. Et ils réintègrent leur corps physique dans la chambre où ils agonisaient avant le merveilleux voyage.

    La vie après la mort, une question fondamentale

    Si nous n’étions en présence de témoignages réunis par de remarquables personnalités scientifiques, nous aurions quelque doute quant à la réalité de ces expériences. "... Et pourtant, nous ne pouvons que les croire, ont déclaré Rawlings et Sabom. Nos connaissances médicales nous permettent d'affirmer que pendant quelque temps ces personnes, qui ont été par la suite ramenées à la vie, étaient réellement cliniquement mortes. Elles auraient dû normalement ne conserver aucun souvenir de leur décès. Le cerveau ne fonctionnait plus, et cette rupture a duré suffisamment pour qu'une mémorisation "naturelle" n'ait pu avoir lieu. Or, toutes affirment avoir vécu ces minutes inoubliables, et les témoignages concordent entre gens qui n'ont strictement rien de commun entre eux. Un sur deux n'est pas croyant, et niais totalement, avant sa propre expérience, la possibilité d'une vie après la mort...

    "Aucun doute n'est permis, concluent les enquêteurs. Alors que nous les avons crus morts, ils étaient vivants dans un autre monde."

    Bien sûr, les sceptiques prétendent qu'il s'agit d'un simple phénomène physiologique. Ils ne mettent pas en doute l'objectivité des observations, mais leur interprétations. Les personnes en question auraient bénéficié d'une sorte de régime de faveur, si l'on peut dire, face à la mort clinique telle que la connaît notre science. Alors que le plus grand nombre n'en revient pas,, leurs tissus cérébraux se seraient remis normalement à fonctionner sans connaître les lésions habituelles. Les témoignages consisteraient en des sensations extrêmement rapides précédant l'arrêt des perceptions sensorielles quelques nanosecondes avant la fin...

    L'explication se tient. Il n'y a pas de raison, effectivement, d'appliquer des concepts tels que l'immortalité d'une certaine partie de notre personnalité  à une chose qui n'a pas encore été complètement expliquée par la biologie. Car on ne sait pas, scientifiquement parlant ce qu'est la mort? Sans doute un peu plus qu'un simple arrêt du cœur.

    Il subsiste pourtant un fait curieux : les médiums sérieux et les "contactés" au-dessus de tout soupçon dont les communications avec l'au-delà ont été recueillies et analysée par Flammarion ou la Society for Psychical Research anglaise, bien que n'ayant eux-mêmes jamais vécu d'expérience de ce genre, ont cependant transmis des messages communiqués depuis les sphères inconnues qu'on appelle l'après-vie qui recoupent très exactement ce que Moody et les autres ont appris de la bouche de leurs patients...

    Si la question n'est pas résolue d'une vie dans un au-delà étrangement semblable pour tout le monde, tout le scepticisme que l'on pourra déployer n'empêchera pas qu'il y ait "scientifiquement" aujourd'hui de fortes présomptions pour quelle soit une réalité.    

     

     


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    Un jour de 1947, un gros manuscrit, qui était déjà passé entre de nombreuses mains, fut posé sur le bureau du responsable de la maison Macmillan à New York. Mondes en collision était le livre de cet ouvrage à la documentation impressionnante. Un psychiatre, Emmanuel Velikovsky, l'avait signé. 

    Quelle motivation pouvait pousser un psychiatre à écrire sur les plantes, les comètes et la naissance du système solaire ? A en juger par l'état du manuscrit, d'autres éditeurs s'étaient déjà poser la question. Toutefois, l'éditeur Macmillan fut frappé par l'originalité de l'ouvrage et vit tout de suite l’intérêt qu'il pourrait en tirer. Cet auteur était peut-être fou, mais il avait du génie. Il prétendait par exemple, que les miracles mentionnés dans la Bible - du partage des eaux de la mer Rouge à la chute des murs de Jéricho -, loin d'être une affabulation, étaient, en fait, l'écho des cataclysmes qui avaient ébranlé la Terre à une époque lointaine.  

    Entreprise d'édition respectable, spécialisée dans les manuels scientifiques tout à fait sérieux, la maison Macmillan resta d'abord sur ses gardes. Fallait-il vraiment prendre tous les risques que comportait la publication de cet ouvrage ? L'éditeur opta pour un compromis  il offrit une avance à l'auteur ainsi qu'un contrat qui leur liait Velikovsky sans lui donner toutefois la garantie de publier son ouvrage. L'auteur accepta et, quelques mois plus tard, la Macmillan Company franchit le pas  le contrat final fut signé et le livre publié. 

    Juif russe, Velikovsky était né à Vitebsk en juin 1895. Il étudia d'abord les mathématiques à Moscou, puis la médecine. Diplômé en 1921, il partit pour Vienne étudier la psychiatrie avec Wilhelm Stekel, le disciple de Freud. En 1924, il s'installa en Palestine. En plus de ses activités de psychiatre, il dirigea des fouilles archéologiques dans la patrie de ses ancêtres.

    La lecture du livre de Freud "Moïse et le monothéisme" allait maquer un tournant décisif dans sa carrière. Dans cet ouvrage, Freud affirmait que Moïse était en fait un prêtre égyptien adepte de la nouvelle religion solaire que le pharaon Akhénaton avait tenté d'imposer. Toujours selon Freud, lorsque le pharaon avait été renversé, et sans doute assassiné, Moïse s'était enfui d'Egypte et avait transmis au peuple juif la nouvelle religion monothéiste.

     Les relations relatives à cet ouvrage ne s'étaient pas fait attendre. Freud fut vivement critiqué. Les historiens lui reprochèrent de mélanger mythe et réalité en faisant vivre Moïse et Akhenaton au même siècle. Cela n'empêcha pas Velikovsky de continuer des recherches dans le même sens... et d'arriver à la conclusion que le pharaon Akhenaton et Oedipe n'étaient en fait qu'un seul et même personnage. Akhenaton, comme Oedipe, n'avait-il pas épouser sa propre mère ?

    Lancé sur cette piste , Velikovsky en vint à formuler sa thèse majeure du grand bouleversement cosmique qui aurait accompagné la fuite des juifs hors d'Egypte  le passage de la mer Rouge, les flots gigantesques qui déferlèrent sur les armées égyptienne, le nuage qui obscurcit le jour, la manne tombée du ciel...

    A la recherche de documents consolidant son hypothèse, Velikovsky trouva, par un heureux hasard, un ancien papyrus, oeuvre d'un sage égyptien du nom d'Ipuwer, mentionnant les catastrophes décrites par la Bible. 

    En 1939, Velikovsky vint s'installer aux Etats-Unis. Il consacra les cinq ans qui suivirent à un étonnant travail de recherche en bibliothèque pour se constituer une documentation solide. La question qu'il se posait était la suivante  qu'avait-il pu se passer dans le ciel pour entraîner de tels bouleversements ? L'explosion d' "autres" lunes qui comme le prétendait l'Allemand Hans Horbiger, tournaient autour de la Terre à une époque reculée ? Velikovsky délaissa cette thèse pour une piste beaucoup plus inintéressante.   

    Au cours de ses recherches, il s'était aperçu qu'avant le second millénaire les astronomes n'incluaient pas Vénus dans les planètes. Très intrigué, il en vint à se demander si cela ne signifiait pas tout simplement que cet astre, à une époque reculée, n'avait pas le comportement d'une planète. Il arriva à la conclusion qu'un objet de masse planétaire, auquel il donna le nom de "comète", s'était formé à l'intérieur du système de Jupiter. Cette "comète", qui devint plus tard la planète Vénus, avait croisé plusieurs fois la route de la Terre.

    A l'appuis de cette hypothèse, Velikovsky cite plusieurs documents de l'Antiquité qui, selon lui, font référence aux catastrophes qu’entraîne l'approche d'une comète  gigantesques tremblements de terre, éruptions volcaniques, villes rasées, pays entiers dévastés... Bref, tout ce que raconte la Bible.

    Mais l'histoire de la comète ne s’arrête pas là. Sept siècles plus tard, elle rencontra Mars, dont elle fit dévier la trajectoire, ce qui provoqua de terribles bouleversements sur cette planète, mais aussi sur la Terre. Arrêtée dans sa course par cette rencontre, la comète s'installa sur une orbite fixe et devint la plante Vénus 

    Velikovsky savait qu'il exposait une théorie nouvelle qui allait bouleverser toutes les notions acquise. Toutefois, comme ses hypothèses n'engageaient que lui, il espérait que les preuves qu'ils fournissait et le sérieux de sa documentation allaient ouvrir la voie à d'autres travaux. Avant la publication de son livre, il avait soumis le manuscrit à l'astronome Harlow Shapley. Il comptait beaucoup sur l'avis de cet homme qui, lui aussi, avait défié la science officielle en soulevant l'idée que notre système solaire se situait à la périphérie de notre galaxie, et non pas près du noyau, comme on l'admettait communément.

    Harlow Shapley se montra poli, mais répondit que, trop occupé pour lire le manuscrit, il préférait pour l'instant le confier à un de ses amis, le sociologue Horace Kallen. Il promit toutefois de lui faire parvenir l'analyse spectroscopique de l'atmosphère martienne et celle de Vénus, dont il avait besoin. 

    Horace kallen lut Monde en collision et se déclara très impressionné. ce livre était peut-être une hérésie, mais la thèse était audacieuse. Shapley, cependant, ne se laissa pas convaincre : selon lui, les fondements de la thèse de Velikovsky étaient "erronés". Shapley, prouvait par là sa mauvaise foi, puisqu'il n'avait pas lu l'ouvrage. De plus, il refusa de donner l'analyse spectrographique comme il l'avait promis.

    L'hostilité de Shapley envers Velikovsky ne se démentit plus. En janvier 1950 parut dans le magazine Harper un long article sur le livre qu'Eric Larrabee allait bientôt faire paraître. L'article provoqua un vif intérêt. Shapley adressa alors une bien curieuse lettre aux éditions Macmillan, où il félicitait ses dirigeants d'avoir décidé de ne pas publier le livre de Velikovsky, en ajoutant que nombre de ses collègues s'étonnaient qu'une maison aussi sérieuse puisse s'aventurer dans le domaine des sciences occultes. L'éditeur répondit qu'il était conscient de l’accueil réservé qu'allait rencontrer Velikovsky, mais qu'il estimait néanmoins qu'elle valait la peine d'être diffusée, car elle ouvrait la voie à de nouvelles recherches. 

    Irrité au plus haut point, Shapley menaça de quitter les éditions Macmillan si Mondes en collision était publié ; ouvrage qui, à l'entendre, n'était qu'un "tissu d'absurdités destinés à faire la fortune de son auteur".

    La maison Macmillan passa outre. Mondes en collision parut le 3 avril 1950. Le succès fut immédiat. Succès qui s'explique en partie par un vaste public de "fondamentalistes" américains, pour lesquels la Bible doit s'interpréter dans son sens littéral.

    A tous les fondamentalistes qui se précipitèrent pour acheter cet ouvrage, qui démontrait scientifiquement la réalité des "miracles" de la Bible, se joignirent tous ceux que l'aventure d'une théorie nouvelle enchantait. Et, du jour au lendemain, Velikovsky devint célèbre.

      Seul à refuser l'aventure intellectuelle, le monde savant en voulut terriblement aux éditions Macmillan d'avoir publié un ouvrage si peu classique. Les règlements de compte ne tardèrent pas. Gordon A. Water, directeur de la section d'astronomie au musée d'histoire naturelle de New York, fut renvoyé pour avoir osé dire que les savants se refusaient à considérer le livre de Velikovsky avec l'ouverture d'esprit nécessaire. James Putnam, l'éditeur qui avait pris la responsabilité de publier Mondes en collision fut lui aussi renvoyé.

    Cédant aux pressions d'éminents professeurs qui menaçaient de boycotter leur manuels si le livre de Velikovsky n'était pas retiré de la vente, Macmillan passa l'ouvrage aux éditions Doubleday, qui avaient l'avantage d'être moins connues. Rien n'y fit. Les ventes continuèrent à grimper régulièrement. Ce qui n'était pas fait pour calmer le monde savant !

    Fred Whipple, le successeur de Shapley à l'observatoire de Havard, exigea que son livre Terre, lune et planètes soit retiré de la vente si la maison Doubleday persistait à publier Mondes en collision. Heureusement, l'éditeur refusa de céder à ce chantage. Vingt ans plus tard, dans le Village Voice, Whipple nia être jamais intervenu de cette façon. Comment se fait-il alors que ces deux lettres figurent dans l'ouvrage de Norman Storer Velikovsky reconcidered ?

    Toute cette polémique étonna grandement Velikovsky, qui ne s'attendait pas à un tel déchaînement d'hostilité non déguisée. Tous ceux qui l'avait rencontré reconnaissaient en lui un chercheur sérieux et sincère. Loin de refuser la critique si elle était fondée, il ne faisait toutefois pour lui aucun doute que "quelque chose" s'était passé. Pourquoi le monde scientifique cherchait-il à nier une telle évidence ?

    Une seule solution se présenta à son esprit : trouver et accumuler des preuves supplémentaires pour défendre encore plus efficacement ses idées et forcer les hommes de science à les prendre en considération...

     

     


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    La période médiévale ne fut pas exempte de procès de sorcelleries ; Jeanne d'Arc elle-même dut affronter cette épreuve de janvier à mai 1431. Ce mouvement judiciaire naquit d'ailleurs véritablement un siècle auparavant, vers 1326, lorsque le pape Jean XXII promulgua en Avignon la bulle Super illius specula qui assimila la sorcellerie à une hérésie, une déviance religieuse.

    Les accusations et condamnation ne se multiplièrent pas pour autant par la suite. Si Jurdana de Irissari fut brûlée dès 1329 en Basse-Navarre, il fallut attendre 1390-1391 pour que le prévôt de Paris orchestrât en France les deux premiers procès officiels de ce genre, deux procédures qui s'achevèrent par l'exécution par le feu de quatre femmes. A vrai dire, ce n'est qu'à la fin du XVè siècle que s'accéléra l’acharnement contre les "sorcières", et ce jusqu'au milieu du XVIIè siècle. Désormais armé notamment de la bulle Summis desiderantes affectibus (1484) du pape Innocent VIII et du tristement célèbre "Marteau des sorcières" que Jacques Sprenger et Henrich Kramer publièrent en 1486, les autorités, en particulier l'Inquisition, disposaient d'armes impitoyable pour anéantir les suppôts de Satan. D'autres textes officiels et ouvrages complétèrent régulièrement ces écrits et constituèrent un véritable arsenal à destination des chasseurs de sorcières, comme la Constitutio Criminalis Carolina (1532) de Charles Quint, le Demonomanie des sorciers (1580) de Jean Blondin, et le Démonolâtrie (1595) de Nicoas Rémy. Certains au contraire, s'opposèrent à ces procs et réagirent en conséquence. Réfutant la magie et rejetant la sorcellerie dans le monde de l'imaginaire, l'humaniste repenti Cornelius Agrippa, le médecin Jean Wier, l'érudit Montaigne et l'archevêque de Contorbéry William Laud furent parmi les rares à s'insurger, vainement contre ces pratiques.

    La lutte contre les sorcières devient alors un phénomène social. Bien que les chiffres soient sujets à caution, il est probable qu'environ 100 000 procès se tinrent à travers l'Europe durant la période moderne, avec un pic entre 1560 et 1630, et que la moitié se conclurent par un condamnation à mort. Ce constat cache cependant une forte disparité régionale. L'Europe méridionale, malgré le poids de l'inquisition en Espagne et l'omniprésence de l'Eglise en Italie et l'Angleterre des Stuart furent relativement épargnées, à la fois peu confrontée tant aux procès qu'aux sentences capitales. Au contraire, la France et surtout l'Europe centrale furent aux premières loges de la chasse aux sorcières. Ainsi, la Suisse seule fut le théâtre de 8000 procès, soit plus que le total des îles britanniques et que celui des pays scandinaves qui ne dépassèrent pas chacun 5000 procédures judiciaires. Ce dernier chiffre est tout aussi éloquent lorsque l'on sait qu'il correspond au nombre d'exécutions dans le monde helvétique. De leur côté, les territoires allemands sont particulièrement hostiles à la sorcellerie. Ainsi, entre autres exemples, 99 "sorcières" furent exécutées à Wurzbourg en 1616 et 600 le furent  entre 1623 et 1630 dans l’évêché de Bamberg où, d'ailleurs une Hexenhauss (maison de sorcières) fut spécialement bâtie pour enfermer les accusées.

    Cette répartition géographique des procès n'est pas le fruit du hasard. Au-delà des hystéries collectives propres aux temps de guerre, épidémies et autres famines, ce furent tout d'abord les populations des zones pauvres et éloignées des grands centres de pouvoir, donc avec moins d'accès à l'éducation, qui furent les plus sujettes à accuser, juger et condamner aux flammes les sorcières. Le monde urbain resta relativement à l'écart de ce mouvement. Prenons pour exemple le royaume de France où les procès furent nombreux dans le Languedoc mais plus rare dans la capitale ; entre 1564 et 1639, période phare de cet épisode historique, le Parlement de Paris n'organisa que 750 procès pour sorcellerie et n'exécuta que 10% des 1094 accusés . Dans un contexte très rural où le manque d'éducation se conjuguait à des croyances encore prégnantes, les autorités locales menèrent une politique de justice impitoyable dont certaines femmes firent les frais. Le but était d’asseoir un pouvoir politique parfois contesté que de christianiser en profondeur une société paysanne superstitieuse qui gardait des traces de paganisme, notamment en terre germanique. La dimension religieuse fut incontestablement le second facteur qui caractérisait les contrées où se concentraient les procès pour sorcellerie, à savoir les zones de confrontations, voire de conflits entre catholiques et protestants. En effet, chaque camp accusait son concurrent de diabolisme et s'appliquait à combattre les complices du diable avec zèle afin de conforter et de prouver sa place de seul représentant de Dieu sur Terre. Les femme accusées de sorcellerie ne jouèrent alors que le rôle de bouc émissaire là où ces religions tentaient d'imposer leur dogme, comme ce fut le cas là où les deux Eglises coexistaient, et notamment dans les terres germaniques et helvétiques.

    Au fil des décennies puis des siècles, la chasse aux sorcières déclina cependant. Un certain équilibre religieux s'instaura entre catholicisme et protestantisme tandis que la société moderne imposait des standards qui firent oublier ceux du Moyen Âge. De plus, le cartésianisme et l'essor de la science, encore timide, contribuèrent à calmer les esprits. Dès 1620, le Parlement de Paris commença à se désolidariser de ce type de procès, avant qu'un édit de Louis XIV mette fin au crime de sorcellerie en 1632. Même la papauté, déjà, en 1657, s'était insurgée par décret contre les abus de ce type de procès. Si des "sorciers" furent encore tuées par la populace au cours du XIXè siècle, les derniers procès officiels se tinrent au XVIIIè siècle. En 1684, Alice Moland fut la dernière d'entre elles, exécutée en Angleterre, et Veronika Zeritschim clôt ce chapitre de l'histoire en terre impériale, en 1756. En 1782, Anna Göldi fut décapitée dans le canton suisse de Glaris ; dernière sorcière identifiée, sa mort précède de peu celle de deux femmes inconnues qui furent brûlées dans la ville de Poznan en 1793. Leur décès marque la fin des procès de sorcelleries en Europe. A l"heure ou Diderot publie son Encyclopédie, en 1778, la sorcellerie n'est plus qu' "opération magique, honteuse ou ridicule, attribuée stupidement par la superstition, à l'invocation et au pouvoir des démons ".       

     

     

     


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