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    Le temps de Noël est celui des contes et des chants. Dans ce registre populaire qui se fredonne ou se raconte à la nuit tombée, il est un chant à la mélodie entraînante qui a pour nom La Marche des Rois. Cet ancien Noël provençal repris par Bizet dans l'Arlésienne en 1872 évoque la marche des mages que la tradition a transformé en rois, venu honorer l'enfant Jésus. Difficile de démêler dans cette histoire l'authentique de l'improbable. Regardons donc comment le récit forgé par la tradition a construit celui des Rois mages.

    A la base de toute légende existe un fait réel, même s'il est d'essence divine. L'Évangéliste saint Matthieu nous livre les faits :
    " Après la naissance de Jésus à Bethléem de Judée, sous le règne d'Hérodote, des mages venus d'Orient se présentèrent à Jérusalem. Où est le roi des juifs qui vient de naître ? demandaient-ils. Nous avons vu son étoile et nous sommes venus lui rendre hommage. "
    Ni leur royauté, ni leur nombre, ni leurs noms ne sont indiqués par l'évangéliste, mais leur existence a très vite été adoptée par les Pères de l'Eglise.

    Dans les premiers siècles qui ont suivi la large diffusion du christianisme, des théologiens, dits Pères de l'Eglises, ont en effet étudié, comparé, interprété ou traduit les textes bibliques pour les rendre plus accessibles. Ces précieux écrits servent de référence pour comprendre comment les récits se sont transmis. Parmi eux, Tertullien (155-225), d'origine africaine serait à Carthage le premier auteur latin défenseur de la foi chrétienne. Origène (185-254) d'Alexandrie, n'est pas considéré comme un père de l'Eglise mais a permis d'en éclairer la pensée.

    Dans ses Homélies sur la Genèse, Origène est le premier à fixer le nombre des mages à trois. Ce n'est bien sûr pas par un hasard mais une référence à la Sainte Famille comme à la nature trinitaire de Dieu. S'il retient ce nombre, c'est aussi pour essayer d'établir des correspondance tout comme l'a fait Tertullien entre différentes prédictions de l'Ancien Testament et la vie de Jésus. 
    Dans le psaume 72 par exemple, il est écrit : " Les rois de Tarsis et des îles enverront des présents ; les rois de Saba et de Séva paieront le tribut. Tous les rois se prosterneront devant lui, toutes les nations le serviront. "

    Il est fort probable aussi qu'Origène, fidèle au texte de saint Matthieu, ait choisi les trois mages en rapport avec les trois présents offerts dans le récit biblique : l'or, la myrrhe et l'encens. Il est à noter que les siècles avançant, les interprétation se sont multipliés . Un texte connu dans l'histoire sous le nom d'Excerpta latina barbari, ou Extraits latins d'un barbare, conservé à la Bibliothèque nationale de France apporte une précision supplémentaire. Traduit du grec en latin, il mentionne le nom de trois mages : Bithisares, Melchior et Gathaspa venus vraisemblablement de Perse et de Babylonie. Ces noms, oubliés puis retrouvés, s'imposeront définitivement à partir du XIIe siècle, moment à partir duquel l'Eglise va formaliser le culte des mages et les présenter comme des rois.

    Mais le texte va plus loin puisqu'il précise également l'âge de chacun des mages. Melchior serait un vieillard, Gaspard un homme jeune et Balthazar un homme d'âge mûr. A nouveau la symbolique s'impose et puise ses sources dans une série de sermons du pape saint Léon le Grand (440-461). Celui-ci fit des mages le symbole de l'universalité du christianisme. En attribuant aux mages les trois âges de la vie, l'auteur anonyme du VIIIè siècle donnait ainsi plus de poids au message universel défendu par Léon le Grand. Non seulement les représentants de toutes les nations s'étaient agenouillés devant le Divin Enfant, mais aussi ceux de tous les âges. Il a ainsi voulu montrer que, dès la naissance du Sauveur, ce n'était pas seulement les juifs qui avaient reconnu la divinité du Christ, en la personne des bergers, mais aussi les non-juifs, appelés par ailleurs les "gentils".

    D'aucuns diront que le nombre trois symbolise les trois continents alors connus : Asie, Afrique et Europe. D'autres penseront que les mages font allusion aux trois fils de Noé : Sem Cham et Japhet. Il est au environs du XVIè siècle une couleur de  peau distincte pour voir derrière ces trois figures de l'humanité tout entière. La nature de leurs présents est elle aussi symbolique. Par la variété de leurs cadeaux, ils viennent reconnaître les différentes natures du Christ : l'or si précieux pour honorer le roi, la myrrhe qui pense les blessures pour l'homme mortel et l'encens qui s'élève dans le ciel pour rappeler la nature divine de l'Enfant. D'autres ouvrages comme Le Livre de la caverne des trésors écrit en syriaque par Ephren de Nisibe au VIè siècle, racontent autrement l'histoire des mages. L'ouvrage fait mémoire d'une prophétie expliquant que de l'or, de l'encens et de la myrrhe avaient été déposés par Adam en Perse, pour être apportés au Messie dont la venue devait être annoncée par un astre extraordinaire.

    A la fin du XIIIe siècle, Jacques de Voragine, futur évêque de Gênes, rassemble toutes les traditions éparses concernant les Rois mages dans un livre qu'il intitule La Légende dorée. A cette époque justement, la légende a pris des proportions gigantesques du fait de la redécouverte providentielle des reliques des mages à Milan lors d'un siège provoqué en 1158 par Frédéric II Barberousse, empereur d'Allemagne. Frédéric conquiert la ville soutenue par le pape et confisque les reliques. Elles sont transportées à Cologne en passant par Valance. Besançon, Strasbourg et Mayence et suscitent une forte émotion. De nombreux pèlerinages subsisteront sur les lieux du passage tandis que les mages rejoindront la crèche sous forme de petit santons. L'Eglise continue de célébrer la fête des Rois le premier dimanche de janvier.  

     


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  • Le Mystère de la Nativité 

    Le " mystère de la nativité " est indissociable de l'histoire de la Sainte Famille. Il est à la fois l'épicentre car c'est dans le foyer de Marie et Joseph, tout juste mariés, que Dieu, qui les a choisis selon le récit, fait naître Jésus à Bethléem. Le révélateur car c'est par cette naissance bien réelle du temps du roi Hérode que  l'histoire de la Sainte famille commence. La Nativité est donc pour  Marie et Joseph le plus intime et le plus publique des événements qui puissent leur arriver.

    Si cette naissance a été qualifiée par la suite de "mystère", c'est pour accentuer la portée extraordinaire tant au niveau religieux qu'au plan historique. Rappelons que le mot "mystère" vient d'une racine grecque qui signifie "être initié". Le mot revient à expliquer ce que nous ne pouvons voir avec les yeux et que nous n'aurons jamais fini de comprendre, mais qui éclaire d'une signification les choses importante de la vie et du monde.

    Pour comprendre en effet ce qui participe au mystère de cette naissance, il est nécessaire de replonger dans l'histoire du pays hébreu, conquis par l'Empire romain et de bien avoir à l'esprit ce qui avait été promis au peuple juif descendant d'Abraham et de Moïse. De longue date était annoncée la venue d'un libérateur qui serait appelé le "Messie", c'est-à-dire celui qui, envoyé par Dieu, viendrait apporter le salut à Israël et par Israël au reste du monde. Cette espérance messianique, le peuple juif très croyant l'avait puisée dans les Livres saints de l'Ancien Testament où se trouvaient consignés les promesse faites par Dieu à leurs prophètes inspirés.

    Les historiens du premier siècle, on peut s'en étonner, se sont faits discrets sur les circonstances de la naissance de Jésus, même s'ils n'ignoraient pas le personnage public qu'il était devenu. Subsistent les textes de l'historiographe judéen Flavius Joseph au 1er siècle, et du Latin Pline le Jeune (env. 61-115). L'historien romain Tacite (env. 58-120) et l'érudit romain Suétone (entre le 1er et 2ème siècle) l'évoquent également brièvement à l'occasion de la description de l'incendie de Rome. Mais les seuls documents qui narrent de façon plus précise la nativité de Jésus sont les évangiles dits de l'enfance, de Luc et Matthieu. 

    Matthieu introduit ainsi son récit : " Jacob engendra Marie, de laquelle a été engendré Jésus, celui qui est appelé le Christ. " L'évangéliste parle aussi des mages venus d'Orient, guidés par l'Etoile de Bethléem. Ils se mettent en chemin pour rendre visite à la Sainte Famille et adorer l'enfant. Au court du récit de Luc, la conception virginale de la Vierge Marie annoncée par l'ange Gabriel a été retenue comme un des premiers signes signifiants d'une naissance atypique. L'ange dit à Marie : " Le Saint-Esprit viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. " La réponse de Marie, qui acte son adhésion à ce projet insensé, est la suivante : "Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon sa parole. "

    Devant de tel signes, les théologiens se sont accordés pour dire que toute la vie de Jésus reposait sur un mystère à approcher non par la raison ni l'intelligence mais par la cœur : mystère de sa vie et de sa mort auquel s'ajoute le mystère de ceux qui, comme Marie, ont adhéré et fait confiance. Alors, la nativité de Jésus Christ est-elle idéalisation légendaire comme les païens de l'époque ont pu le penser, eux qui étaient sensibles aux origines surhumaines des puissants ? Ou bien est-ce une croyance qu'adopteront les chrétiens ? L'empereur Constantin, en se convertissant au christianisme en 330, lève les doutes.

    Si aucun texte dans les évangiles ne précise la période de l'année où a eu lieu cet événement, c'est le pape Libère qui décide en 354, que la Nativité sera fêtée le 25 décembre. Il assimile ainsi les fêtes populaires et païennes célébrées autour du solstice d'hivers avec une nouvelle fête religieuse. Cette date est rapidement adoptée en Orient depuis la fin du IVe siècle. Certaines Eglises orthodoxes (Jérusalem - Russie - Serbie - République monastique du mont Athos)  utilisant le calendrier julien, continuent de célébrer la fête de la Nativité le 7 janvier.

    Le Mystère de la Nativité

    La légende qui a véhiculé la naissance de Jésus dans une grotte date du IIè siècle. Ce récit s'inscrit dans le registre littéraire du merveilleux. On en trouve le détaille dans le Dialogue avec Tryphon de l'apologète et philosophe chrétien Justin de Naplouse, puis dans le Protévangile de Jacques. Ces récits apocryphes n'ont pas été retenu comme étant authentiques, mais ont alimenté le décor de la Nativité, transformant la mangeoire de pierre de la salle haute dans laquelle Jésus avait été déposé en une image plus romantique, celle de la grotte. Les deux plus anciennes représentations de la Nativité qui soient connues datent du IVè siècle.

    La première consiste en une peinture murale ornant la chambre mortuaire d'une famille chrétienne ayant vécu aux environs de 380, découverte dans les Catacombes de Saint-Sébastien à Rome. L'autre mention fait référence à une scène peinte sur le sarcophage de Stilicon (IVè siècle) de la Basilique Saint-Maximilien à Milan représentant l'adoration de l'enfant Jésus par les Rois mages. Mais la plupart des représentations remontent en Occident au Moyen Age, tandis qu'en Orient les icônes ont très tôt représenté la Nativité. De très nombreux peintres y ont depuis trouvé leur inspirations. 

     


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  • La fête des sigillaires a parfois été confondue par les Saturnales. C'était alors l'occasion de décorer les maisons et de les parer de verdure, avec du houx, du gui et des guirlandes de lierre. Des figurines grotesques destinées à être brûlées étaient suspendues au seuil des maisons. L'initiative en serait revenue à Héraclès, qui aurait convaincu les descendant des Pélasges, un peuple qui avait précédé les Romains dans le Latium, de substituer ces statuettes aux sacrifices humains qui auraient été effectués jusqu'alors en vertu de pratiques primitives d'expiation.

    Des cadeaux étaient aussi offerts, qui recevaient les noms de saturnalia et sigillaricia (chandelle de cire, figurines de terre cuite, porte-bonheur, petits bijoux, gâteaux). Les enfants étaient particulièrement gâtés et recevaient de petits objets ainsi que de petites sommes d'argent (l'équivalent de nos étrennes). Un marché spécial était ouvert à cet effet. Les habitants se réunissaient aussi pour des repas au cours desquels ils partageaient une galette : celui qui trouvait la fève dissimulée dans le gâteau était désigné " roi du banquet " et pouvait alors distribuer des gages et des ordres à ses comparses moins chanceux.  

    La période de la fin d'année était donc, dans la Rome antique, pas si différents de ce que nous vivons aujourd'hui. De nombreux usages et traditions se sont perpétués bien que transformé sous couvert de christianisme. Mais le message reste pour l'essentiel le même : celui d'un passage de l'ombre à la lumière. 

     

     

     


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