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Par giova35 le 3 Juillet 2013 à 23:24
Mrs Dorothy Norton et Miss Agnès Norton ( pseudonyme ) séjournent à Puys, un village proche de Dieppe. Bien qu'elle se connaissent depuis longtemps ( elles sont belles-sœurs ), c'est la première fois qu'elles passent leur vacances ensemble. Elles partagent une chambre au second et avant dernier étage d'une maison située en bordure de mer.
A l'aube du 4 août 1951, à 4 h 20, Agnès sort de son lit et se dirige à tâtons à travers la pièce obscure, cherchant à identifier les bruits étranges qui l'on éveillée voici quelques instants. Sa compagne ne dort plus, elle non plus, puisqu'elle lui demande d'allumer la lampe. " Entends-tu tout ce tapage ? " demande Agnès. Dorothy entend elle aussi.
" En fait, déclara t-elle plus tard, elle écoutait cet étrange tintamarre depuis une vingtaine de minute. " Agnès pour sa part affirmera également que le même laps de temps s'était écoulé depuis qu'elle avait été réveillée.
Immobiles, les deux belles-sœurs observent donc, médusées, l'incroyable vacarme qui semble provenir de la plage toute proche. Par la suite, Dorothy tentera de décrire les sons qu'elles entendaient alors :
" C'était comme un rugissement continu, tantôt assourdi, tantôt plus intense. "De plus en plus intrigués, les deux femmes sortent sur leur balcon afin de découvrir l'origine de ces bruits insolites : mais elles ont beau scruter les alentours de la maison en direction de la plage, il leur est impossible d'apercevoir le rivage ni de découvrir ce qui les a tirées du sommeil...
Et, pourtant, les bruits proviennent indubitablement de la grève, et ils s'intensifient même de seconde en seconde. Les deux Anglaises distinguent maintenant plusieurs types de sons. Dorothy identifie pour sa part " des cris, des rafales d'armes à feu, des bruits d'avions et, par moments, des explosions d'obus ".
D'après Agnès, elles entendaient une cacophonie où se mêlait " des coups de feu, des sifflements d'obus, des cris, des explosions, ainsi que des bruits d'accostage ". Cette dernière ajoute encore que " tous ces sons semblaient venir d'une très grande distance, comme s'il s'était agi d'une lointaine émission radiophonique qui ne leur serait parvenue que par intermittence ".
Abasourdies, Agnès et Dorothy, incapables de s'expliquer ce qu'elles entendent vont peu à peu conclure à l'origine à l'origine paranormale de ce phénomène. C'est là, en effet, un domaine qui est familier à Dorothy, qui a déjà vécu elle-même plusieurs expériences parapsychologiques.
Mais une seule de ces manifestations a été de nature purement auditive, comme c'est le cas à présent : quelques jours auparavant, elle a été réveillée par des bruits assez semblables à ceux qu'elles entendent aujourd'hui, mais beaucoup plus faibles et assourdis." Tout à la fin, dit-elle, il m'a semblé entendre des hommes qui chantaient. Tout a cessé à l"aube, au chant du coq, et je me suis alors endormie. " Toutefois, en cette circonstance, sa belle-sœur n'a rien entendu et ne s'est même pas réveillée.
L'aventure d’Agnès et Dorothy Norton suscita beaucoup de scepticisme lorsqu'elles le rendirent publique. Ceux qui refusaient de croire à une manifestation paranormale firent remarquer que les deux Anglaises étaient en possession d'un guide touristique de la région, dans lequel on pouvait lire une brève description du raid sur Dieppe entrepris par les forces militaires britanniques et canadiennes le 19 août 1942.
Lors de l'enquête menée par G.W. Lambert et Kathleen Gay, les deux femmes admirent le fait et reconnurent qu'elles avaient pris connaissance de ce passage, mais nièrent l'avoir lu avant la nuit en question.
Les incrédules ajoutèrent que les deux Anglaises séjournaient déjà à Puy depuis une semaine lorsque ces événements eurent lieu : n'était-il donc pas surprenant qu'elles aient montré si peu de curiosité pour ce célèbre épisode de la Seconde Guerre mondiale, qui s'était justement déroulé sur les lieux mêmes de leur villégiature ? Il n'était cependant pas invraisemblable qu’Agnès et Dorothy aient ignoré ce chapitre de l'histoire militaire.
Dans une lettre publiée dans le Journal de juin 1952, G.W. Lambert déclare que
" ni l'une ni l'autre ne montraient guère d’intérêt pour les événements de cette période et qu'elles n'avaient probablement jamais rien lu au sujet de cette tentative de débarquement ".
Rien ne permettait donc d'affirmer que leur attention avait été attirée sur ce point dans les jours précédant le 19 août.Il est en tout cas hors de doute que les faits rapportés par les deux femmes évoquent le raid de 1942. Pendants qu'elles se tenaient sur le balcon, écoutant trois heures durant cet ahurissant vacarme, Agnès et Dorothy ont soigneusement noté l'heure exacte à laquelle elles ont entendu les différentes catégorie de bruits. Le lendemain, elles ont rédigé chacune, séparément, une relation détaillée. Il est d'ailleurs à noter que leurs deux récits présentent de légères divergences. Par exemple, et alors que toute deux s'accordent pour situer à 4 h50 la fin de la première
" vague " sonore, Agnès note que le fracas reprend à 5 h 07, tandis que, selon Dorothy, il est à ce moment 5 h 05. Les deux belles sœurs possèdent chacune une montre, mais elles s'accordent pour estimer que celle d’Agnès est généralement plus exacte, celle de Dorothy tendant à retarder légèrement.Il est vrai que si l'on admet ce décalage, cela remet en question les temps précédents qui correspondent au début et à la fin de la première série de bruits et sur lesquels les témoignages des deux femmes concordent : si la montre de Dorothy a pu prendre deux minutes de retard
entre 4 h 50 et 5 h 07, c'est qu'elle fait plus que retarder légèrement ! Signalons enfin que les légères différences des deux récits peuvent peut-être s'expliquer par le fait qu'Agnès, durant la Seconde Guerre mondiale, était membre du Women's Royal Naval Service, et que, de ce fait, elle devait certainement être plus exercée que sa belle-sœur à établir un rapport détaillé et précis.Les deux enquêteurs, G.W. Lambert et K. Gay, établirent un tableau comparatif des bruits entendus par Agnès et Dorothy, avec les heures correspondantes qu'elles avaient noté un minutage réel du raid sur Dieppe du 19 août 1942. Ce jour-là, les opérations avaient débuté exactement à 3 h 47, lorsque les navires de guerre alliés qui se dirigeaient sur Puy étaient tombés sur un convoi allemand et avaient dû engager le combat. De ce fait, les forces allemandes cantonnées à Puys furent alertées, si bien qu'en débarquant, les Anglo-Canadiens furent accueillis par un feu meurtrier et subirent de lourdes pertes.
Lambert et Gay émirent l'hypothèse que les " cris " entendus par Agnès et Dorothy auraient pu être poussés, neuf années plus tôt, par les hommes de la garnison allemande en état d'alerte et gagnant leurs positions de combat.
Le débarquement, tant à Puys qu'à Bernarval, avait été initialement prévu pour 4 h 50, mais fut finalement légèrement retardé : la première vague de péniches de débarquement toucha le rivage de Puys à 5 h 07 précises ; à 5 h 12, les destroyers de la Royal Navy commençaient à bombarder Dieppe, où le gros des troupes débarqua à 5 h 20, tandis que l'attaque aérienne des fortifications du bord de mer par les Hurricane de la R.F.A. avait débuté à 5 h 15. A 5 h 40, le bombardement naval cessa complètement : dix minutes plus tard, 48 autres appareils de la R.F.A. arrivés en renfort, s'engageaient également dans la bataille.
G.W. Lambert et K. Gay avaient relevé ces précisions dans un ouvrage de Christopher Buckley, Norway, the commandos, où un chapitre entier était consacré au raid sur Dieppe. Et ils s'étaient assurés que ni Agnès ni Dorothy n'en avait eu connaissance avant le 4 août 1951 - en fait, il est même probable qu'elles n'en avaient jamais entendu parler. Plus tard, Agnès ajoutera que, bien qu'elle eût été membre du W.R.N.S. durant la guerre, elle n'eut jamais accès aux rapports de la Royal Navy concernant les opérations militaires.
D'une manière générale, le chronométrage effectué par Agnès et Dorothy lors de la nuit du 4 août correspond donc plus ou moins aux différentes phases du raid, encore que certains aient mis l'accent sur le léger décalage horaire et les divergences de détail présentées par leurs récits respectifs. Mais la contestation portera surtout sur le
" conditionnement psychologique " des deux femmes, conditionnement qui les a peut-être amenées à interpréter abusivement ce qu'elles entendaient.N'auraient-elles pas été induites en erreur en identifiant les bruits qui leur parvenaient ? A cet égard, un argument de poids fut avancé par un autre " correspondant " de la Société de recherches psychiques, qui attribua une cause naturelle à cet étrange vacarme.
Au mois de septembre 1968, M R.A. Eades révéla en effet qu'en août 1951, il passait ses vacances en France avec sa famille. A la fin de ce mois, ils avaient campé une nuit au bord de la mer, à l'est de Dieppe. Cette nuit-là, ils furent tous réveillés par " un bruit absolument indescriptible qui dura plusieurs heures ". Les membres de la famille Eades, fort perplexes, cherchaient vainement à identifier et à localiser ce tintamarre qui évoquait, se disaient-ils, un champs de foire, une cour d'école à l'heure de la récréation ou un zoo en folie... Ce n'est que le lendemain, lorsqu'ils se rendirent en ville, qu'ils apprirent qu'une drague avait été en action dans le port pendant une partie de la nuit. Ils purent même voir l'engin, alors inerte.
La même mésaventure ne serait-elle pas arrivée aux deux belles-sœurs ?
En se basant sur ces nouvelles données, G.W. Lambert enquêta auprès des autorités du port de Dieppe, afin de vérifier si une drague avait ou non fonctionné au court de la nuit du 3 au 4 août 1951. Il s'avéra que l'un de ces engins avait bien été en marche de minuit et quart jusqu'à 8 h 15 le lendemain matin. L'explication était séduisante. Toutefois, il faut remarquer que la drague avait été mise en action plus de trois heures avant que les deux femmes aient été réveillées et qu'elle fonctionna encore plus d'une heure après qu'elles eurent cessé d'entendre des bruits : il est donc difficile d'attribuer leur insomnie à l'engin seul...
Le débat fut à nouveau ouvert dans les colonnes du Journal de la Société de recherches psychiques et suscita un courrier particulièrement abondant. M Eades, à qui l'on devait déjà cette ingénieuse hypothèse, suggéra notamment qu'une nouvelle enquête soit menée, afin d'examiner toute l'affaire avec des yeux neufs. C'est ainsi qu'en 1969 M. Robert Hastin entreprit d'étudier à nouveau, en reprenant tous les témoignages à la source, l'étrange expérience vécue par Agnès et Dorothy Norton. S'il ne parvint pas à des conclusions déterminantes, il put néanmoins attirer l'attention sur un certain nombre de point intéressants, mal élucidés jusqu'alors.
Bien que les deux femmes aient mentionné le décalage de deux minutes qu'elles avaient enregistré en ce qui concerne le début de la seconde vague de bruits, curieusement, personne jusque-là ne s'était préoccupé de vérifier laquelle des deux montres était la plus exacte.
Après vérification, il apparut également qu’Agnès et Dorothy avaient en fait déjà entendu parler du raid sur Dieppe, mais qu'elles ne possédaient à ce sujet que des informations vagues et très générales. Les deux belles-sœurs avaient bien reconnu être en possession du guide touristique, renfermant une description assez précise du raid. Elles reconnurent qu'elles en avaient pris connaissance cette nuit-là, sur leur balcon,
entre 5 h 07 et 5 h 40, tandis qu'elles écoutaient les bruits singuliers. Mais elles nièrent une fois de plus énergiquement avoir lu ce passage auparavant. Fait troublant, alors qu'elles auraient fort bien pu ne pas révéler qu'elles disposaient du guide en question, elles avaient d'elles-mêmes signalé ce fait aux enquêteurs.D'autres faits sont encore plus troublants...
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Par giova35 le 2 Juillet 2013 à 20:00
Moins sauvage que le loup, mais presque aussi redoutable, le Black Dog - " chien noir " -, ainsi nommé car il est essentiellement d'origine anglo-saxonne, sème la terreur auprès de ceux qui le rencontrent en pleine nuit par ses hurlements à la mort, ses yeux luisants et ses crocs acérés. Les descriptions de ce chien redoutable sont assez vagues, car les malheureux qui ont croisés son chemin ont senti aussitôt leurs forces vitales les abandonner, tandis qu'une impression de désespoir et de mort imminente les envahissait. Aussi n'ont-ils guère eu la faculté ni le désir de fixer dans leur mémoire les traits de l'effrayant canidé. Certains ont toutefois estimé que le black dog n'était guère plus gros qu'un labrador ; d'autres, en revanche, ont affirmé qu'il était de la taille d'un veau et même d'un kelpie.
Les premières apparitions de black dogs ont été signalées en Ecosse et en Irlande, avant d'essaimer dans d'autres contrées. C'est ainsi qu'on redoute le black dog qui hante les monts d'Ulster, au pays de Galles, ainsi que celui qui erre dans les monts d'Arrée en Bretagne, où il est une incarnation d'âmes damnées. La bibliothèque de la Société de cryptozoologie de Londres abrite une brochure rédigée en 1577 par Abraham Fleming, dans laquelle l'auteur relate les méfaits d'un terrible black dog qui terrorisait les habitants de Bungay, dans le Suffolk, situé à environ 150 km de Londres.
Le black dog annonce toujours un sinistre présage, et celui qui, le voit mourra dans l'année. Pour échapper à cette fatale prophétie, il faut être accompagné par un descendant de Ean MacEndroe de Loch Ewe, en Ecosse. Ce fameux MacEndroe, l'année de la bataille de Culloden ( 16 avril 1746 ), libéra en effet une fée qui n'arrivait pas à se dégager du taillis de ronces dans lequel elle s'était imprudemment enfoncée. En remerciement de cette bonne action, la fée conféra à MacEndroe et ses descendants, jusqu'au septième fils du septième fils une totale immunité contre les pouvoirs du black dog. Il suffit donc de se promener avec l'un des heureux membres de la famille MacEndroe pour voir les black dog s'enfuir sans demander leur reste.
Les chiens du diable
Dans l'île de Man, un chien noir nommé Moddey Doo est attaché au château de Peel. Dans le Morvan, il s'agit de l'âme damnés d'un garde-chasse condamné à errer sous cette forme terrible.
En Normandie, on affirme que tous les chiens noirs, à l'exception des chiens de bergers, appartiennent au diable.
Cambry, dans son voyage dans le Finistère, écrit que le diable, en forme de gros chien noir, précipite les passants dans une rivière près de Quimper où ils se noient. C'est sous cet aspect également que le démon suivait les sorcières. Ces dernières empruntaient son apparence pour commettre leurs méfaits, par exemple en Auvergne où elles " se mettaient en chiennes pour étouffer les enfants en s'endormant sur leur cou ".
Dans certains collèges de jésuites, " un chien noir était une sorte de croquemitaine pédagogique qui venait emporter l'âme et parfois le corps des enfants impies ". Jean Wier, élève et disciple de
Cornelius Agrippa ( 1486 - 1535 ), médecin, philosophe et sorcier, raconte que son maitre possédait un chien qui lui servait de démon familier :
" J'ai vu et connu familièrement ce chien... qui était noir et de moyenne taille, nommé Monsieur ; et du temps que je demeurais avec Agrippa, je l'ai mené souvent en laisse. Mais c'était un vrai chien mâle, qui avait pour femelle une chienne de même taille et couleur, appelée Mademoiselle.
Le chien partageait le repas et les études de son maître, et les méchantes langues contaient qu'il connaissait les nouvelles de tous les pays par le chien, qui était le Diable. Mais à la vérité, il les savait par lettres que les hommes doctes lui envoyaient de toutes parts. "Au pays de Galles, on redoute les chiens de l'enfer : " Les ewes anmon ( chiens d'enfer ), que l'on appelle aussi quelquefois ewe wyloir ( chien du ciel ), forment une meute fort extraordinaire. Les personnes qui ont l'ouïe assez fine pour cela les entendent souvent courir la chasse dans les airs, quoique l'on ne dise pas quel est le gibier qu'ils poursuivent.
On assure qu'ils sont surtout bruyants peu de temps avant la mort des personnes très perverses. Les uns disent que ces animaux sont blancs et ont les oreilles rouges ; d'autres prétendent au contraire, qu'ils sont tous noirs.Dans d'autres régions, l'apparition d'un chien noir est également un présage de mort : " En Bretagne surtout, les hurlements d'un chien égaré annoncent la mort. Il faut que le chien de la mort soit noir ; et s'il aboie tristement à minuit, c'est une mort inévitable qu'il annonce à quelqu'un de la famille pour la personne qui l'entend. "
Le chien des Beskerville
Les membres du clan MacLartin ont également de bonne raisons de redouter l'apparition du chien noir, car il annonce toujours leur mort prochaine sur un tas de fumier. Le dernier membre de ce clan à avoir aperçu ce chien noir fut lord Jamie MacLartin en 1715.
Quelques jours plus tard, les dragons anglais pendirent haut et court lord Jamie à Arbroath et jetèrent son corps sur un tas de fumier.Le chien des Baskerville, qui apparaît dans le roman de Sir Arthur Conan Doyle est un chien gigantesque annonciateur de trépas, qui hurle à la mort sur la lande lorsqu'un descendant des Baskerville va mourir.
Le fameux détective Sherlock Holmes démontre qu'en réalité ce chien n'a rien de surnaturel. Il s'agit d'un molosse dressé par un héritier indélicat qui cherche à faire mourir de peur les descendants des Baskervilles, afin de s'emparer de leur fortune.Enfin, il faut mettre en garde les femmes contre les agissements de Cusith, l'énorme chien que possèdent les fées des Highlands d'Ecosse.
Aussi gros qu'un taureau, de couleur vert foncé, avec une longue queue tressée comme une natte de cheveux de femme, il vient chercher les épouses des fermiers et les entraine jusqu'au mont des fées où elles doivent servir de nourrices pour allaiter les enfants des fées.Extrait de " La petite Encyclopédie du Merveilleux " d' Edouard Brassey
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Par giova35 le 30 Juin 2013 à 12:11
Au printemps et dans l'été de l'année 1212, les habitants de France, de l'Allemagne et du nord de l'Italie purent voir ébahis, un spectacle des plus extraordinaires : des hordes d'enfants, en longues troupes, s'acheminant par les routes et les sentiers en chantant des cantiques.
A ceux qui les interrogeaient, ils répondaient qu'ils allaient à Jérusalem délivrer la Vraie Croix des mains des Sarrasins, ou, simplement, qu'ils allaient vers Dieu. Mais d'autres se taisaient, ou disaient ignorer pourquoi ils s'étaient mis en marche.
De toute part, ce fut une grande émotion. C'est qu'il était devenu rare, à cette époque, de voir l'Europe agitée par l'appel de la Terre Sainte.
Depuis 1187, Jérusalem avait été perdue par les chrétiens. Les croisades organisées par Frédéric Barberousse, Richard Cœur de Lion ou Philippe Auguste pour la reconquérir n'avaient abouti qu'à de lamentable échecs.
Celle des grands féodaux, partie en 1202, s'était terminée à Constantinople par une guerre entre chrétiens et la fondation d'un empire latin d'Orient à Byzance. Ces croisades, à la grande fureur du pape Innocent III, ressemblaient plus à une affaire, et la piété des croisés à du pillage organisé.Le souvenir du désastre invengé de 1187 n'était pas près de s'éteindre, et un chroniqueur, Renier de Liège, terminait tous ses alinéas par ce douloureux leitmotiv :
" Et l'Eglise d'Orient est encore maintenant aux mains de la gens sarrasine. "Des prédicateurs, des visionnaires exaltés parcouraient la chrétienté afin d'appeler les fidèles aux armes pour leur demander d'aller délivrer le tombeau du Christ. C'est à ce moment qu'apparurent les troupes d'enfants pèlerins. Les chroniques qui en font mention sont très nombreuses et toutes donnent des détails intéressants.
Tout semble commencer en l'année 1212, lorsque le pape, préoccupé par les luttes soutenues dans le midi par les albigeois et par l'attitude menaçantes des Maures d'Espagne, ordonna pour le 23 mai une procession générale des hommes et des femmes pour obtenir
" la paix de l'Eglise universelle et du peuple chrétien, et surtout pour que Dieu soit propice à ceux qui vont combattre en Espagne contre les Sarrasins. Tous, sans exception sont invité à se rendre à la procession, sans que nul ne s'excuse ". En France, ces procession ajoutèrent encore à la surexcitation de l'esprit public." En ce temps, dit une chronique, dans le royaume de France, les enfants et les jeunes filles, un certain nombre de garçon et de vieillards portant des bannières, des cierges, des croix, des encensoirs, faisaient des processions, allant par les villes, les bourgs et les châteaux, en chantant et criant en français " Seigneur, Dieu, élevez la chrétienté ! Seigneur Dieu, rendez-nous la Vraie Croix ' ". Ils chantaient ces paroles et beaucoup d'autre encore, car ces processions n'étaient pas toutes semblables, et chacun variait à son gré. "
" Alors, raconte le chroniqueur de Saint Bertin, comme on faisait des processions par toute la France pour implorer le secours de Dieu contre les infidèles, il vint à l'esprit d'un petit pâtre du diocèse d'aller en procession, et il y alla.
" En revenant, il trouva ses brebis sur le point de dévaster les moissons, et lorsqu'il voulut les renvoyer, elles fléchirent le genou devant lui, comme pour implorer son pardon. Quand le peuple apprit le fait, il fut révéré avec une si excessive vénération qu'en peu de temps plusieurs milliers de petits enfants affluèrent vers lui de toutes les parties du royaume, sans que nul ne les poussât ou les inspirât, et lorsqu'on les interrogeait où ils voulaient aller, tous, mus par une même pensée, répondaient : Vers Dieu ! "
Cet enfant, un berger de Cloyes, près du château de Vendôme, affirmait que le Seigneur lui était apparu sous la figure d'un pauvre pèlerin.
Après avoir accepté de lui du pain, il lui avait donné des lettres adressées eu roi de France. Comme Etienne se rendait auprès de celui-ci avec des pâtre de son âge, on se rassemble autour de lui de diverses parties des Gaules, au nombre d'environ 30 000 personnes." Il y avait alors, en divers lieux, écrit le chanoine de Laon, des enfants qui étaient en grande vénération, parce que la foule du peuple croyait qu'ils avaient opéré des miracles. La multitude des enfants se porta vers eux afin de partir sous leur direction pour rejoindre le saint enfant Etienne. Tous reconnurent ce dernier pour leur maître et leur chef. "
A partir du mois de juin 1212, ce mouvement n'allait cesser de s’amplifier et l'enthousiasme de croître. Écoutons Matthieu de Paris, ennemi de cette croisade, qu'il jugeait oeuvre du démon, en dresser le tableau :
" Pendant le cours de cette année, dans l'été, un égarement comme aucun siècle n'en vit jamais l'exemple se produisit en France. A l'instigation de l'ennemi du genre humain, un jeune garçon, qui, par l'âge était vraiment un enfant, allait par les villes et les châteaux du royaume de France, comme s'il était envoyé par Dieu, chantant en langue française :
" Seigneur Jésus-Christ, rendez-nous la sainte Croix ", y ajoutant beaucoup d'autres choses encore." Des enfants du même âge l'ayant vu et entendu, le suivaient en nombre infini. L'esprit profondément troublé par un prestige diabolique, ils quittaient leurs pères et leurs mères, leurs nourrices et tous leurs amis, et chantaient, ainsi que faisait leur guide. Chose incroyable, il était impossible de les retenir en les enfermant, leurs parents ne pouvant les faire revenir par la persuasion pour les empêcher de suivre leur célèbre instigateur vers la mer Méditerranée. Ils traversaient le royaume en foule et marchaient processionnellement en chantant. Déjà, nulle cité ne pouvait les contenir à cause de leur multitude. "
Comme il fallait s'y attendre, le passage d'une si grande foule n'alla pas sans causer de graves désordres. Un chroniqueur allemand nous montre des enfants de l'un et l'autre sexe, des jeunes filles et des femmes mariées ou vierges, n'hésitant pas un instant - la bourse vide, pêle-mêle, par les villes et les campagnes - à laisser là leurs instruments de travail pour se joindre la troupe de ceux qui passaient. A Saint-Quentin, le peuple, excité par des meneurs, attaqua les demeures des chanoines et les chanoines eux-mêmes qui avaient refusé de subvenir à l'entretien des jeune pèlerins.
L'âge moyen des participants semble avoir été relativement bas. Le manuscrit de Cologne parle d'enfants de divers âges et de conditions , de six ans et au-dessus jusqu'à l'âge d'homme. Un autre assure que nul n'avait plus de douze ans. Mais cette foule, estimée par d'aucuns à
15 000,20 000 ou 30 000, ne renfermait pas que des enfants. Selon certaines chroniques, on y rencontrait " des jeunes garçons et des jeunes filles avec quelques tout jeunes gens et des vieillards ". Malheureusement, " des ribauds et de mauvaises gens s'étant joints à eux corrompirent une telle troupe ".Un fait, d'ailleurs, qui prouve que les enfants n'étaient pas seuls représentés, " le calife en acheta quatre cents pour sa part, tous clercs, parmi lesquels se trouvaient quatre-vingts prêtres ".
Cette multitude reconnaissant Etienne pour son chef l'entourait d'une singulière vénération. Quant aux foules, elles le tenaient pour un saint et s'attachaient les moindres parcelles de ses vêtements comme de véritable reliques. Le berger de Cloyes, selon Matthieu de Paris, était placé sur un char orné de tentures et escorté de gardes armés qui l'acclamaient sans cesse. " Le nombre de ces gardes étaient si grand que leur trop grande multitude les obligeait à se serrer l'un contre l'autre, et celui qui pouvait emporter des fils ou des poils arrachés à ses vêtements se considérait comme heureux. "
Etienne aurait voulu rencontrer le roi Philippe Auguste, mais le souverain, après avoir demandé, sur ce prodige, l'avis des évêques et les docteurs de l'université de Paris, ordonna aux enfants de regagner la maison paternelle. Une petite partie seulement obtempéra, mais la plupart d'entre eux, suivant Etienne continuèrent leur chemin.
Par la Bourgogne, ils s'acheminèrent vers Marseille en suivant la vallée du Rhône. Partout où ils passaient, on se pressait pour voir le maître des bergers, l'envoyé de Dieu, et les habitants des villes et des bourgs leur donnaient des provisions, de l'argent et les soutenaient contre le clergé qui, en général, condamnait cette expédition. Ils arrivèrent finalement à Marseille.
Sur la foi d'une révélation miraculeuse, on leur avait en effet fait croire que, cette année-là, la sécheresse serait si grande que le soleil dissiperait les eaux de la mer Méditerranée et que, à l'instar des Hébreux en Egypte, ils pourraient franchir le mer à pied sec jusque sur les côtes de Syrie.
La fin de cette expédition allait connaître un sort lamentable...
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