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    Poltergeist - Annemarie Schneider

      

    Un jour de l'été 1967, un avocat bavarois commence à avoir de curieux ennuis avec son téléphone. Se doutait-il  qu'à partir de cela son bureau allait devenir le lieu d'une des plus incroyables hantises qu'il ait jamais été donné d'observer aux spécialistes ?

     Parfois, les quatre postes sonnent ensemble et il n'y a personne au bout du fil. Il arrive aussi que la conversation avec un correspondant soit interrompue par des bruits curieux ou coupée brusquement...
    Mme Adam fait appel aux réparateurs de la société Siemens qui ont installé les lignes, une boîte de raccordement et les quatre postes.
    Pendant plusieurs semaines, ils vont tester l'ensemble de l'équipement sans trouver d'anomalie techniques.

    Comme les perturbations n'ont pas cessé pour autant, les professionnels s'adressent au service officiel des télécommunications. On remplace le matériel Siemens par un autre et on installe, entre autres instruments de mesure, un compteur de communications. Adam demande à ses employés, le chef de bureau Johannes Engelhard, deux secrétaires et une autre personnes qui travaille à mi-temps, de tenir un registre de leurs appels.

    Poltergeist - Annemarie Schneider

    5 octobre 1967... Le compteur enregistre une communication que, dans le bureau, personne n'a pu passer. La même chose se reproduit le 19 octobre et à partir de cette date, c'est par douzaines que des appels sont enregistrés par l'administration des postes qui, après enquête, constate que la plupart concernent l'horloge parlante.

    On remarque même que ces communications sont tellement rapprochées qu'il ne serait matériellement pas possible d'obtenir autant de fois le numéro en si peu de temps. Le 20 octobre par exemple, pas moins
    de 46 appels , toujours à l'horloge parlante, sont passés
    entre 7 h 42 et 7 h 57 du matin !

    Les phénomènes mystérieux ne font que débuter.

    Le 20 octobre la lumière s'éteint soudain avec un bruit sourd.
    Un électricien d'une entreprise de réparation locale, Herr Bauer, est appelé d'urgence. Il constate que les tubes fluorescents sont en très bon état, mais qu'ils se sont retournés sur eux-mêmes dans leur logement et donc déconnectés.

    Bauer remplace tout le matériel par acquis de conscience. A peine a-t-il terminé... que le même bruit se produit, accompagné de perturbations aussi identiques qu'inexplicables. De plus, les fusibles jaillissent de leur tabatières sans l'intervention de personne.

    Poltergeist - Annemarie Schneider

    Quelqu'un émet l'hypothèse que les phénomènes peuvent provenir de la distribution du courant électrique. On mande un spécialiste de la compagnie officielle, Paul Brunner, qui est à pied d'oeuvre dans les locaux d'Adam le 15 novembre.

    Brunner mène une enquête approfondie et ne découvre rien du tout. Il change cependant quelques appareils, à l'intérieur du bureau et dans les autres locaux de l'immeuble, pour qu'aucun doute ne subsiste.

    Pour lever toute équivoque, on place un Unireg, instrument électrique qui permet de mesurer les différences de voltages et de les visualiser par un tracé sur papier. Par la suite, on y ajoutera un compteur Tektronix pour étudier parallèlement les variations de champ magnétique et de niveau sonore.

    Les instruments sont scellés pour éviter toute intervention humaine. Malgré tout, pendant les semaines qui vont suivre, des perturbations inexplicables se produisent. On note qu'elles ont toujours lieu pendant les heures de bureau. Jamais durant les week end ou les vacances...

    Poltergeist - Annemarie Schneider

    Le 20 novembre, dans le bureau même de l'avocat, un tube fluorescent se détache et tombe sur le sol où il se brise. Les autres grillent sans raison et les appareilles de mesure sont complètement affolés. Les tubes sont remplacés par des ampoules qui se mettront à exploser d'elle-même deux jours plus tard..., tandis que la machine à photocopier fonctionne sans être branchée !

    Brunner ne désarme pas. Il pense que les anomalies peuvent venir de plus loin, du réseau urbain par exemple, bien que le bureau de la Konigstrasse soit le seul endroit de la ville où elles se manifestent.
    Sait-on jamais avec l'électricité...

    On branche directement l'installation d'Adam sur le transformateur principal, à l'aide d'un câble spécial.

    Les lampes continuent d'exploser. L'une d'elles blesse une employée.
    Puis elles se mettent à se balancer sarcastiquement au plafond comme pour provoquer les spécialistes impuissants, tandis que les fusibles s'éjectent à nouveau de leurs logements et que les instruments de mesure s'affolent de plus belle.

    Poltergeist - Annemarie Schneider

    Le lundi 11 décembre, à 8 h 45 du matin, Me Adam bavarde avec son assistant Mayr dans la salle des dactylos. Soudain un tableau, accroché au mur, se met à pivoter sur lui-même. Surpris, Brunner, qui vient d'entrer dans la pièce, essaie de le maintenir. Et c'est une ronde infernale de tous les tableaux qui ornent les lieux. Ils virevoltent autour autour des clous et certains tombent violemment au sol...

    Adal et Brunner avaient noté, ce matin-là, une tension particulière chez les deux secrétaires, Gustel Huber et surtout Annemarie Schneider. Elles quittent précipitamment la salle en poussant des cris. Les hommes observent, impuissants, le phénomène.

    Brunner comprend qu'il n'est pas capable d'expliquer quoi que ce soit. Il rédige un rapport officiel dans lequel il reconnait, lui le sceptique du début, " qu'il faut bien postuler la présence d'une force inconnue de notre science et de notre technologie. Un pouvoir dont ni la nature, ni la force, ni la direction qu'il peut prendre ne peuvent être définies. Un pouvoir au-delà de notre compréhension... "

    Poltergeist - Annemarie Schneider

    L'affaire prend une telle importance qu'on demande en consultation deux des plus éminents physiciens allemands des années soixante, les docteurs Karger, de l'institut Max Plank de physique plasmas, et Zicha, de l'université de Munich.

    Leurs conclusions apparaissent nettement dans le rapport qu'ils rédigent sur l'affaire :

    - les phénomènes électriques et électroniques étranges ne sont accompagnés d'aucune différence dans les voltages et n'en résultent pas ;

    - les anomalies n'ont pas pour cause d'éventuelles variations dans les fréquences du voltage en provenance de l'extérieur ;

    - Il n'a pas été découvert de charge électrostatique ;

    - les appareils de contrôle et de mesure fonctionnent normalement en eux-mêmes ; ils ont été changés à plusieurs reprises pour effectuer ce test ;

    - aucun champs magnétique n'a été détecté ;

    - pas de variation infra ou ultrasoniques ;

    - toute intervention humaine ou fraude est à éliminer...

    L'énergie manifeste, remarquent les deux chercheurs, une curieuse forme d'intelligence. En ce qui concerne par exemple les communications téléphoniques, elle se fixe sur des appels répétés à l'horloge parlante.
    Elle paraît jouer à cache-cache avec les investigateurs, choisissant toujours pour intervenir un point du bureau ou un moment propres à les déconcerter. Ses manifestations capricieuses le sont moins qu'il y parait. A l'analyse, au contraire, elle semble obéir à certains schémas plutôt insolites de production des phénomènes.

    Poltergeist - Annemarie Schneider

    Des équipes de chercheurs en toutes disciplines se succèdent.
    La police envoie ses détectives et ses spécialistes. Plusieurs universités mandent des enquêteurs, dont Hans Bender qui s'occupe d'un département de parapsychologie et qui travaille en particulier sur les hantises.

    Pour le professeur Hans Bender, c'est une manifestation tout à fait naturelle, quoique paranormale. Il souscrit à la thèse anglo-saxonne selon laquelle certaines personnalité perturbées, adolescents ou adultes dont la puberté a souvent été retardée, psychopathes légers, introvertis maladifs sont susceptibles de libérer eux-mêmes ou de catalyser une force inconnue qui devient responsable des phénomènes.

    Très vite, les soupçons de l'équipe de " nouveaux exorcistes '', comme on les appelés dans une certaine presse de l'époque, se sont portés sur Annemarie Schneider. C'est elle la plus tendue de tous.
    Et puis il y a certains indices. Un assistant du professeur a vu des lampes se balancer sur son passage dans les couloirs des locaux de la Köningstrasse. Les phénomènes ne se produisent qu'aux heures de bureau, plus particulièrement dès son arrivée à 7 h 30 chaque matin.
    On a aussi noté que lors de ses absences pour de petits congés, il ne se produit plus rien.

    Poltergeist - Annemarie Schneider

    Le 13 décembre, on l'envoie en vacances jusqu'au 18, afin d'effectuer un test. De fait, pendant 5 jours, il ne se passe rien. A son retour, les tableau recommencent à tomber des murs quelle que soit la solidité de leurs fixations qui, toutes, ont été scrupuleusement vérifiées ; les ampoules électriques éclatent, les pages se détachent avec violence et toute seules du calendrier mural... Des meubles se déplacent et des tiroirs s'éjectent violemment de leurs logements.

    A chaque manifestation, Annemarie tombe maintenant dans une mauvaise crise de nerf. Il est en effet constaté qu'à partir du moment où l'on a découvert la personne responsable du poltergeist, celle-ci, même si elle n'est pas consciente des énergies qu'elle déchaîne, éprouve en retour une sorte de choc nerveux pouvant la conduire jusqu'à la démence.

    La police intervient pour dresser procès-verbal. Elle aussi soupçonne fortement Annemarie d'être pour quelque chose dans les manifestations inexpliquées. L'officier Wendl, qui dirige l'enquête, espère prendre la jeune fille en flagrant délit. Il pense qu'elle a jusqu'alors réussi à tromper les observateurs, mais qu'elle ne lui échappera pas en fin de compte.

    Poltergeist - Annemarie Schneider

    Wendl va très vite admettre que, physiquement du moins, elle n'est pour rien dans l'affaire. Un après-midi, un énorme meuble de chêne se déplace sur trente centimètres dans la pièce où elle se trouve employée, Gustel Huber. Même à deux, elles ne seraient pas parvenues à soulever cette armoire qui pèse près de 200 kg. Il faudra d'ailleurs les muscles de deux énormes policiers pour en venir à bout, et non sans peine encore !

    Le plus curieux, c'est qu'Annemarie est elle-même victime de la force mystérieuse qui se déchaîne autour et à cause d'elle.

    Le 17 janvier justement, alors que valsent les meubles et les dossiers, qu'un visiteur malheureux se trouve soulevé à près d'un mètre du sol avec le tabouret sur lequel il est assis, la jeune fille reçoit un violent choc électrique au niveau des jambes. Vers la fin de l'après-midi, selon le témoignage de Gustel Huber, elle est littéralement poursuivie par la chaise qu'elle vient de quitter. Un policier, présent dans le couloir, a surgi dès qu'il a entendu les cris hystériques des deux employées. Il sera témoin du phénomène et du fait qu'il s'acharne sur Annemarie.

    Poltergeist - Annemarie Schneider

    Mme Adam, conseiller par Bender et pratiquement tous les autres enquêteurs, finit par la renvoyer. Dès qu'elle est partie tous les phénomènes cessent du jour au lendemain. Il ne se passera plus rien dans le bureau de l'avocat ou autres locaux.

    Hans Bender resta en contact avec Annemarie Schneider. Il désirait tester en laboratoire ses capacités de psychokinésie. Était-elle consciemment capable de produire des effets aussi spectaculaires que les phénomènes qu'elle avait déclenchés malgré elle dans le bureau de Mme Adam ?

    Il se trouva que non. Malgré tous les efforts qu'elle déploya d'ailleurs de très bon gré, il ne se passa rien. A cause même de ces efforts et de son désir de faire plaisir à l'équipe des parapsychologues du professeur Bender, aurait tendance à dire ce dernier...

    Poltergeist - Annemarie Schneider

     En effet, Annemarie paraissait à même de produire des phénomènes en fort état de stress et de frustration. Une analyse psychologique très poussée démontra qu'il en était certainement ainsi. Bender retrouvait là l'exemple presque classique de la hantise dont le schéma est le suivant :
    une personne jeune, instable et mentalement perturbée, dépassée par ses problèmes nerveux et profondément frustrée.

    Elle appelait inconsciemment l'horloge parlante parce qu'elle ne se trouvait pas à son aise dans les bureaux d'Adam. Elle bouleversa de fond en comble les locaux et s'attaqua même à des personnes parce qu'elle haïssait ce lieu et ceux qui le fréquentaient. L'effet poltergeist étant incontrôlable même par celui qui le produit, il arriva qu'il se retourna contre elle.

      


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    Calculateurs Prodiges

    Dès lors qu'il s'agit de nombres et d'opérations arithmétiques, tous les calculateurs prodiges sont doués d'une mémoire proprement fantastique. Leur demande-t-on de répéter une liste de quarante nombres que l'on vient d'énoncer à la suite ? Ils se font un jeu de le faire...

    Mais là n'est pas le plus étrange. Comment parviennent-ils à effectuer des calculs que les mathématiciens chevronnés ne font que la plume à la main ou abandonnent aux machines ?

    Chose plus surprenante encore : la plupart des grands virtuoses du calcul mental sont d'une intelligence médiocre.

    Pis : certains frôlent l’imbécillité ou sont complètement incultes.

    Calculateurs Prodiges

    Tel était, au milieu du XVIIIè siècle, l'esclave noir Thomas Fuller, qui mourut à l'âge de 80 ans, sans que ses maîtres aient pu lui apprendre à lire et à écrire, en dépit de tous leurs efforts.

    Illettré lui aussi, et presque idiot, l'Anglais Jedediah Buxton (1702 - 1762) était un maniaque de l'arithmétique. " Il ne voyait, observe à son sujet Alfred Binet, que des chiffres et des prétextes à opérations mentales, l'esprit complètement fermé pour le reste " Et en effet : un jour qu'on le conduisit au théâtre, n'avait-il pas, au lieu d'écouter la pièce et d'y prendre plaisir, compté le nombre de pas exécutés par les danseurs et le nombre de mots prononcés par les acteurs ?

    Calculateurs Prodiges

    Mais Buxton représente sans doute un cas limite. L'Allemand Zacharia Dase, né en 1824, bien qu'il ne fût pas un mathématicien original et ne découvrit aucune théorème nouveau, aida considérablement Gauss, le célèbre astronome et physicien, dans certains de ses calculs. On lui doit une table de logarithmes naturels des nombres ( de 1 à 100 500 ) et l'énoncé des nombres premiers du 7ème au 8ème millions. Gause ne parvint pas à le " coller " lorsqu'il lui demanda de multiplier deux nombres de cent chiffres chacun...

    Calculateurs Prodiges

    Quant à Henry Mondeux, qui acquit en son temps une grande célébrité, il se montrait imbattable dans le calcul des carrés et des cubes.
    Né en 1826 dans un village près de Tours, il fut très jeune préposé à la garde des moutons. Comme, faute d'avoir fréquenté l'école, il ignorait jusqu'à la notion de chiffre, il s'inventa un système de notation à l'aide de cailloux diversement disposés sur le sol. L'enfant avait sept ans, et l'instituteur, à qui on avait touché mot du jeune phénomène, pensa qu'il était scolarisable. Il tenta donc de l'instruire. En vain.

    Présenté  l'Académie des sciences, devant une commission de savants, il fit l'étonnement de tous par son aptitude au calcul mental, sa mémoire des nombres, et sa quasi-incapacité à se rappeler les noms de lieux et de personnes.

    Dans son rapport, Cauchy note que Mondeux " imagine des procédés quelquefois remarquable pour résoudre une multitude de questions diverses que l'on traite ordinairement par l'algèbre. Les règles qu'il emploie pour former le produit ou la puissance demandés sont précisément celles que donnerait la formule connue sous le nom de binôme de Newton. Guidé par ces règles, il peut énoncer, à l'instant même où on le demande, les carrés et le cubes d'une multitude de nombres, par exemple le carré de 1 204 ou le cube de 1 006. "

    Comme l'affirme le rapport de la commission, les questions d'analyse indéterminée n'étaient pas au-dessus de la portée du jeune calculateur :
    " L'un de nous lui a demandé deux carrés dont la différence fut 133.
    Il a donné immédiatement comme solution le système des
    nombres 66 et 67. On a insisté pour obtenir une réponse plus simple. Après un moment de réflexion, il a indiqué les nombre 6 et 13. "

    Calculateurs Prodiges

    On pourrait en dire autant de Jacques Inaudi, né d'une famille très misérable, en 1867, dans le Piémont. Jeune berger lui aussi, il occupe les longs loisirs que lui laisse la garde de son troupeau à exécuter mentalement des multiplications à cinq chiffres, sans pour autant connaitre la table de multiplication... Il n'a pour lors que 7 ans.

    A la suite de circonstances familiales pénibles, il part sur les routes, accompagné de son frère, qui s'est improvisé montreur de marmottes pour subvenir à leurs besoins. Lui-même propose au badauds un numéro de calcul mental sur les marché ou règle les litiges qui opposent les paysans lorsqu'il s'agit pour eux d'effectuer des comptes tant soit peu compliqués... Les plus forts en arithmétique s'étonnent et lui posent différent problèmes, qu'il résout avec une facilité déconcertante.

    Calculateurs Prodiges

    Il se produit bientôt dans les cafés et, chaperonné par un ancien voyageur de commerce, qui devient son imprésario, se rend à Paris, pour donner des séances au théâtre Robert-Houdin. Nous sommes en 1878, Jacques Inaudi a onze ans, c'est pour lui presque déjà la gloire, mais non encore la reconnaissance officielle de ses dons, malgré l'attention que lui portent certains hommes de science de l'époque, dont Camille Flammarion et l'anthropologue Paul Broca. Lorsqu'il sera, en 1892, présenté à l'Académie des sciences, la commission chargée de l'examiner, ne pourra que constater la maîtrise du jeune prodige. Toutefois, malgré des dons aussi flagrants, Jacques Inaudi, pas plus que Mondeux, ne deviendra un créateur, un véritable mathématicien.

     Cela dit, il serait erroné de croire que la virtuosité en matière de calcul mental interdit à celui qui possède ce don singulier tout autre talent, ou même un quotidien intellectuel élevé... Paul Lidoreau, pour ne citer que lui, joignait à un talent artistique certains des qualités de chef d'entreprise.

    Mais, même dans ce cas, le don des nombres n'en reste pas moins mystérieux, de sorte que, à propos des calculateurs prodiges, deux espèces d'hypothèses ont été émises, celle dont le para psychologue Aimé Michel se fait le champion lorsqu'il estime que des hommes comme Inaudi ou Lidoreau " offrent peut-être à notre observation le seul phénomène psychologique supra-humain de cette planète ".
    L'autre, plus commune, plus plausible aussi, en appelle à une explication par l'inconscient.

    Calculateurs Prodiges

    Sur ce point, en effet, les observations de tous les psychologues concordent, aussi bien que les déclarations des intéressés eux-mêmes. Paul Lidoreau, interrogé, ne se fait pas faute de rappeler qu'il effectue ses opérations de tête entièrement, et sans fatigue, aidé en cela par son inconscient. " Ainsi, déclare-t-il spontanément à Robert Tocquet, pour extraire l racine cubique d'un nombre de quinze chiffres, il me faut exécuter une moyenne de douze à quinze opérations en vingt seconde.
    Or, plusieurs de ces calculs s'effectuent en même temps dans mon esprit sans que je sache exactement de quelle manière. " Quant à Maurice Dagbert, autre calculateur prodige contemporain, il confie : " Vous dire ce qui se passe en moi lorsque je calcule ? Impossible ! C'est vraiment incommunicable... " On pourrait multiplier à l'envi les témoignages qui vont dans ce sens.

    Que cette étrange sorte d’activité psychique que constitue la virtuosité en matière de chiffres puisse échapper, parfois entièrement au contrôle de la conscience, c'est ce qui est corroboré par le fait que la plupart des sujets observés se livrent simultanément à d'autres occupations. Alfred Binet avait ainsi noté qu'après avoir posé à Inaudi un problème dont la résolution demandait quelque temps, il tentait de le distraire par tous les moyens. Peine perdue... Jacques Inaudi se montrait capable de soutenir une conversation tandis qu'il résolvait le problème en question, auquel il fournissait la réponse juste.

    Calculateurs Prodiges

     Mais il y a mieux : Maurice Dagbert peut, dans le même temps et sans gêne apparente jouer tel morceau de musique, qu'il exécute avec brio sur son violon, et effectuer mentalement diverses opérations comme par exemple, vingt racines cubique de trois chiffre chacun à extraire.

    L’inconscient est-il une explication suffisante ? A vrai dire, tout se passe comme si, chez certains calculateurs prodiges, une force indéterminée mais agissante cherchait à compenser les handicaps psychiques ou moteurs dont ils sont affligés.

    Calculateurs Prodiges

    A ce titre, le cas de Louis Fleury, né en 1893 est exemplaire. Affecté dès sa naissance d'une ophtalmie purulente qui le rend complètement aveugle, il a la malchance d'être abandonné par ses parents alors qu'il est âgés de 18 mois. L'Assistance publique le place chez des agriculteurs qui soit par négligence, soit par manque de temps, soit par incapacité, s'occupent assez mal de lui. A dix ans, c'est à peine s'il marche, et il ne sait ni se laver ni s'habiller seul. Mis en pension dans une école pour aveugles à Arras, il se révèle un élève médiocre.

    S'il parvient à comprendre le mécanisme de l'addition et de la soustraction, la multiplication reste pour lui une opération peu accessible, et il demeure absolument fermé à la division. Médecins et pédagogues sont formels : l'enfant est inéducable. A sa quinzième année, on le dirige par conséquent vers un hospice où se trouvent parqués pèle-mêle débiles profonds, vieillards atteints de gâtisme et autres psychopathes incurables.

    Calculateurs Prodiges

    Voilà donc Louis Fleury condamné à une vie végétative. En souffre-t-il ? Il ne semble même pas, à tel point, du fait des circonstance et d'une déjà longue habitude au malheur, son délabrement psychique est grand.
    Un choc émotif va cependant le réveiller de sa torpeur. L'un de ses camarade d'hospice, son voisin de table, fait une crise d'épilepsie.
    Les cris de cet homme, les exclamations des assistants prennent dans l'esprit du jeune garçon des proportions terrifiantes. Il en tombe malade et en reste obsédé longtemps.

    C'est pour se débarrasser de cette obsession qu'il s'astreint à ce qui lui avait toujours paru comme la plus difficile, la plus ingrate, la plus laborieuse, la plus absorbante des tâches : le calcul.
    Mais alors que les opérations les plus simples, en écriture braille, lui semblaient, naguère encore, d'une complexité inouïe, ne voilà-t-il pas
    qu'additions, soustractions, multiplications, divisions même, auxquelles pourtant son esprit se montrait rebelle, il les effectue sans effort, et de tête !

    Dès ce jour, sa carrière est toute tracée. Sorti de l'hospice, il donnera des séances dans les écoles et dans les salles de spectacles, tant en Europe qu'aux Etats-Unis. Il accroîtra notablement ses performances jusqu'à extraire la racine cinquième de 1 935 752 415 en trois minutes et dix secondes.

     

     


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    Zombies

    Selon les croyances de la paysannerie, mais souvent aussi de l'élite cultivée, Haïti est la patrie des zombies, ces sinistres cadavres animés, mais sans âmes.

    Le zombie est l'esclave d'un sorcier malfaisant, ou bokor, qui a déterré un cadavre d'une personne fraîchement décédée, et, par le moyen de ses incantations, il lui a redonné l'apparence de la vie. C'est une existence incomplète. Bien que le Zombie mange, respire entende et arrive même parfois à parler, il n'a pas souvenirs de sa vie passée ni de connaissance objective de sa condition actuelle. En d'autres termes, le zombie est un robot de chair, une machine biologique.

    La paysan haïtien, toujours en éveil devant les aspects redoutables du vaudou, a plusieurs signes pour reconnaître un zombie. Il oscille d'un côté et de l'autre en marchant, il accomplit les autres gestes avec une lenteur, toutes mécanique, a des yeux fixe et parle avec une voix nasillarde. Cette caractéristique est particulièrement associée avec la mort dans le folklore haïtien, à cause de la coutume locale de boucher les narines des morts avec des boules de cotons.

    Zombies

    Il est bien connu que les guédé, les sinistres dieux de la Mort du panthéon vaudou, parlent ainsi. Quand un adepte du vaudou est possédé par un guédé, il se met à parler du nez. Comme autre rapprochement à faire entre les zombies et les dieux de la Mort, rappelons que le plus célèbre de ces derniers, le capitaine Guédé, est souvent appelé " capitaine Zombi ".

    Tous les haïtiens redoutent la possibilité que leurs parents défunts soient transformés en cadavres ambulants. Les différentes précautions destinées à empêcher cette éventualité sont bien évidentes encore aujourd'hui. Par exemple, même les plus pauvres paysans dépensent des sommes considérables pour faire poser des pierres tombales énormes sur les tombes de leurs parents proches. Dans la campagne, les tombes sont construites aussi près que possible des routes les plus passagères afin d'empêcher les sorciers, toujours soucieux de discrétion, d'accomplir leur oeuvre néfaste. Parfois la famille change de sépulture nuit après nuit, jusqu'à ce qu'elle soit sûre que le cadavre est assez décomposé pour échapper aux entreprises des bokors. Parfois le corps est enterré dans une cour de ferme par précaution.

     Ceux qui craignaient particulièrement la sorcellerie prennent des précautions encore plus extraordinaires pour empêcher leurs morts d'entrer dans le monde fuligineux des zombies. Ils vont jusqu'à leur injecter du poison, ou à les mutiler, ou à leur tirer dessus, les " tuant " ainsi une seconde fois.

    Zombies

    Une mesure moins radicale consiste à placer dans la tombe des aiguilles sans chat et des pelotes de laine, avec des milliers de minuscules graines de sésame. On croit que l'esprit du mort sera si occupé aux tâches impossibles d'enfiler les aiguilles et de compter les graines qu'il n'entendra pas la voix du bokor le mander hors de sa tombe.
    Il arrive aussi que l'on place un couteau dans la main du cadavre, pour l'engager à se défendre lui-même.

    Les sorciers contrôlent de vrais troupeaux de zombies et, en certains cas, vont même jusqu'à les louer pour les travaux des champs. Un cas de cet ordre est rapporéé par William Seabrook.

    Zombies

    En 1918, la récolte de canne à sucre fut fantastique. L'Hasco ( l'Haïtian-American Sugar Corporation ) offrit une prime aux travailleurs de ses plantations. Bientôt, de petits groupes de villageois, incluant des familles au complet, se rendirent au bureau d'embauche de la compagnie. L'usage était que ces groupes travaillent en commun, la paye entière du groupe étant versée à leur chef, qui procédait au partage après le retour chez eux. Un matin, un vieux chef de village, Ti Joseph, et sa femme, Croyance, conduisirent un groupe de neuf hommes déguenillés, traînant la patte, au bureau d'embauche. C'était, à ce qu'expliqua Ti Joseph, des paysans ignorants et arriérés venant des montagnes impénétrables qui forment la frontière d'Haïti avec la république Dominicaine. Ils ne parlaient qu'un obscur dialecte rural et ne comprenaient ni le créole ni le français. En dépit de ce léger défaut, continua-t-il, c'étaient de bons travailleurs, puissants, infatigables, qui fourniraient un excellent rendement.

    Zombies

    Les étranges ouvriers de Ti Joseph travaillèrent opiniâtrement pendant tout le jour, ne s'arrêtant qu'au crépuscule pour avaler leur dîner, une bouillie de millet no salée. Selon la tradition vaudou, en effet, si un zombie goûte de la viande ou du sel, il devient conscient de sa condition et, pleurant des larmes amères, il retourne à la tombe qui est son véritable foyer.

    Un dimanche matin, Ti Joseph laissa les zombies sous la surveillance de sa femme Croyance et s'en alla. Croyance les emmena dans un village proche ; il y avait là une fête religieuse, et elle pensa apparemment aussi surprenant que cela puisse paraître, que les zombies seraient heureux d'assister à la procession. Mais les zombies ne furent pas touchés par le spectacle. Muets et absents, ils continuèrent à regarder dans le vide.

    Croyance, animée par la pitié, décida que quelques douceurs leur feraient plaisir. Elle acheta donc quelque tablettes faites de caramel, de coriandre et de cacahuètes. Elle en mit un morceau dans la bouche de chaque zombies. Mais les cacahuètes avaient été salée avant d'être utilisée pour ces tablettes. En mâchant la friandise, les zombies réalisèrent qu'ils étaient morts, qu'ils n'appartenaient plus au monde ensoleillé d'Haïti, mais bien à l'obscurité de la tombe.

     Avec un effroyable hurlement, ils se levèrent et trottinèrent hors du village dans la forêt, et, de là, vers leur village dans la montagne.
    Quand ils y parvinrent, ils furent reconnus par leurs parents et amis qui les avaient enterrés depuis longtemps. Comme ils atteignaient le cimetière, chacun rejoignit sa tombe, arracha la pierre tombale et la terre qui la recouvrait et s'y écroula, en pleine décomposition.
    La puissance de Ti Joseph, qui avait préservé leurs cadavres de la pourriture, s'était évanouie.

    Zombies

    Les villageois se vengèrent de Ti Joseph. Ils payèrent le sorcier local pour lui jeter un sort. Mais avant qu'il ait pu faire son effet, quelques gaillards le prirent dans une embuscade et lui coupèrent la tête.

    Cette histoire fut narrée à Seabrook par Constant Polynice, un fermier haïtien qui affirmait se moquer des superstitions de ses concitoyens ; mais les zombies, affirmait-il, étaient pleinement réels. Peu après lui avoir raconté cette histoire, il montra à Seabrook un groupe de trois supposés zombies. Ils travaillaient avec des machettes, sous la surveillance d'une jeune femme.

    Seabrook scruta le visage de l'un d'eux : " Et ce que je vis, ajouté à ce que j'avais entendu auparavant, fut un choc écœurant. Les yeux étaient le pire. Ce n'était pas mon imagination qui travaillait... On aurait dit exactement les yeux d'un mort, pas d'un aveugle, mais fixes, vides, semblant ne rien voir. Le visage entier semblait non seulement dépourvu d'expression, mais encore incapable d'en avoir. "

    Seabrook se rassura lui-même en concluant que ces hommes étaient de
    " pauvres êtres humains demeurés, des idiots, forcés à travailler dans les champs " Mais son ami haïtien savait à quoi se tenir...

    Probablement moins crédule que Seabrook pour tout ce qui concerne le vaudou, Zora Hurston, également Américaine, rencontra et photographia une femme dont on disait qu'elle avait été Zombie pendant 29 ans.

    Zombies

    En 1907, Félicia Mentor mourut d'une maladie subite et fut enterrée par son mari et par son frère. En 1936, une femme vêtue d'une sorte de sac de coton grossier fut rencontrée errant sur la route près de la ferme de son frère. Elle avait apparemment perdu la faculté de s'exprimer normalement. Le père et le frère de Félicia l'identifièrent comme leur parente morte depuis longtemps. Conduite dans un hôpital, elle se recroquevillait quand on voulait l'approcher, comme si elle craignait un mauvais traitement.

     C'est là que Zora Hurston la photographia et essaya de s'entretenir avec elle. Elle écrivit : " La vision était effrayante. Ce visage blême avec des yeux morts.  Les paupières étaient blanches tout autour des yeux, comme si elles avaient été brûlées par un acide. Il n'y avait rien que l'on puisse lui dire ou lui demander, et la vue de sa déchéance était trop dure pour être contemplée longtemps. "

    Le père et le frère de Félicia Felix Mentor pouvaient-ils s'être trompés en l'identifiant ? La femme qu'ils avaient trouvée n'était-elle qu'une idiote errante ?

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    La plus grande difficulté qui se présente pour un enquêteur moderne de la vie en Haïti, et spécialement du vaudou, c'est que, pendant 14 ans, le pays fut sous l'emprise d'une des plus cruelle dictatures de l'histoire.
    François Duvalier - " Papa Doc ", aussi bien pour ses amis que pour ses ennemis - haïssait et détruisait tout ce qui rappelait le vieux temps du colonialisme. Après s'être nommé lui-même président à vie, il contrôla les commerces américains, français et anglais dans son pays, aussi bien que l'activité politique. Noir, il devint le fléau de milliers de Haïtiens mulâtres.

      

    Papa Doc passait pour posséder un Bokor ( Sorcier très puissant ).
    Sa garde personnelle, toujours masquée de lunettes noires et armée jusqu'aux dents, était surnommée les tontons macoutes, d'après les sorciers voyageurs qui sont les personnages les plus craint du vaudou.
    Papa Doc encourageait la croyance au vaudou et à ses propres puissances magiques, aussi les paysans et même beaucoup de gens de la classe moyenne le croyaient-ils tout-puissant et presque divin.

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    Son fils " Baby Doc ", bien que lui aussi président à vie, semble avoir relâché quelques-unes des restrictions imposées par son père, mais l'influence omniprésente du vaudou est trop profonde pour perdre sa puissance facilement. Tout étranger cherchant des informations sur ce sujet doit donc trier avec beaucoup de soin les renseignements qu'il obtient.

    Cependant, il reste des contes ou des bribes de faits qui donneraient à réfléchir aux plus sceptiques. Par exemple, on a cru pendant des années que Papa Doc était seulement cynique quand il se servait des " forces " du vaudou. Lui-même, disait-on, étant un homme instruit, tenait tout cela pour billevesées. En fait, depuis sa mort, en 1971, son grand mausolée bleu et blanc, surmonté de la croix chrétienne, est perpétuellement couvert de fleurs fraîches et, bien que situé dans les beaux quartiers de Port-au-Prince, il est gardé jour et nuit par des hommes armés. Aucun bokor " travaillant des deux mains " - c'est-à-dire à la magie noire - ne risque de voler le corps de Duvalier pour en faire un zombie.

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    Un correspondant du journal africain Drum,  qui visitait Haïti à la fin des années soixante, nota l'ambivalence généralisée des autorités à propos du vaudou : " Un touriste n'aura aucune peine à se faire inviter dans un houmfort ( Temple vaudou ) pour la cérémonie du samedi soir.
    Le houngan ( prêtre vaudou ) et ses suivant entrent apparemment en transes, et tout est très pittoresque. Mais parlez de zombies, ou du
    culte des morts, fondé sur le Baron Samedi et l'adoration dans les cimetières, et vous trouverez des visages de bois. Je fût convaincu de la persistance des cérémonies secrètes et des pratiques " noires " rien que par l'insistance des autorités à les démentir. "

    Le vaudou a toujours été une affaire en or, et il n'y a pas que les journalistes de passage à se faire duper. Des fraudes sont souvent mises à jour. L'anthropologue Francis Huxley raconte comment un magistrat vit un houngan prendre un cadavre dans une tombe, réciter des invocations, le secouer et, finalement le ramener à la vie. Le magistrat, moins impressionné que les amis qui l'accompagnaient , examina la tombe vide et trouva... un tube qui en sortait pour la respiration. Le " cadavre " était le complice du houngan.

    Mais la tricherie n'explique pas toutes les histoires désagréables courant sur les zombies. Une de ces histoires fut racontée à Huxley par un prêtre catholique.

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     En 1959, un zombie fut trouvé errant dans les rues du village. On le conduisit au poste de police, mais la police refusa prudemment de s'en mêler et le laissa dehors. Au bout de quelques heures, quelqu'un lui donna à boire un verre d'eau salée, pour ranimer, au moins une partie, son activité mentale. Le zombie hurla alors un nom que chacun reconnut pour celui d'une femme habitant le village. On alla la chercher, et elle identifia le zombie comme son neveu, qui était mort et avait été enterré en 1955. Le prêtre catholique en entendit parler, interviewa le zombie et découvrit le nom du bokor qui l'avait ensorcelé. Le prêtre signala le nom à la police qui, complètement affolée, cette fois, se contenta de faire passer un message au bokor, pour qu'il vienne récupérer son zombie.
    Deux jours après, le zombie fut trouvé assassiné. On arrêta le bokor, qui bientôt relâché.

    Alfred Métraux obtint les confidences d'un autre cas de zombie datant des années cinquante. Une jeune fille avait rejeté les avances d'un houngan qui " travaillait des deux mains ". Quelques jours après qu'elle ait éconduit ce soupirant indésirable, elle fut atteinte d'une forte fièvre et mourut à l’hôpital d'une maladie non spécifiée. Le corps fut ramené à la maison, où un cercueil acheté tout fait à Port-au-Prince l'attendait.
    Malheureusement, il était trop court, et le cou de la jeune fille dut être plié en deux pour que le cadavre puisse y tenir . Une autre mésaventure survint durant la " veillée funèbre ", où dominaient le rhum et la danse. Une chandelle allumée tomba dans le cercueil, où elle brûla gravement le pied gauche.

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    Quelques mois après l'enterrement, une rumeur se répandit, selon laquelle que le jeune fille supposée morte avait été vue en compagnie du houngan qu'elle avait rejeté. Sa famille regarda cette nouvelle comme un bobard superstitieux. Sans doute, supposa-t-on, le houngan est-il attiré par des filles d'un physique approchant de celui de la morte et s'était-t-il trouvé une maîtresse qui lui ressemblait.

     Mais, quelques années après, un fils de la famille vit une femme qui ressemblait à sa défunte sœur, occupée à des besognes ménagères.
    Il lui demanda son nom. Elle ne put lui répondre, et ne semblait avoir aucune mémoire du passé. Mais son cou était tordu et son pied gauche portait la cicatrice d'une grave brûlure. On l'amena à son ancien domicile supposé, mais, en dépit des soins aimants qui l'entourèrent, elle ne put trouver sa connaissance et demeura dans une sorte d'hébétude jusqu'à sa ( seconde) mort. Un récit parfaitement authentifié fut rapporté par l'écrivain Stephen Bonsal en 1912 :

    " Un homme était tombé malade. Il fut atteint d'accès de fièvre violents, bien qu'intermittents, que les médecins furent impuissants à circonscrire. Comme il faisait partie des fidèles d'une mission étrangère, le pasteur de cette mission vint le voir. Au cours de sa seconde visite, le malade mourut, et il aida ses proches à le revêtir de son costume funéraire. Le lendemain, il assista à l'enterrement, cloua lui-même le couvercle du cercueil et vit enfin mettre le mort en terre.

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    " Le facteur de Jacmel trouva quelques jours plus tard une homme habillé de vêtements funéraires attaché à un arbre et qui gémissait. Il délia le pauvre diable qui recouvra bientôt la voix, mais non ses esprits.
    Il fut plus tard reconnu par sa femme, par son médecin, qui avait signé le certificat de décès, et par le pasteur. Mais la victime, elle, ne reconnut jamais personne et passa ses jours et ses nuits à murmurer des mots inarticulés et incompréhensible. Le président Nord Alexis le fit placer dans une ferme du gouvernement, près de Gonaïves, où l'on prit soin de lui "

    Y a-t-il une explication sensée, et non surnaturelle, à des cas de " cadavres " enterrés retrouvés des mois ou des années après, toujours vivants mais sans âmes ?

    Parmi ceux qui le croient, citons le docteur Antoine Villiers, un médecin français qui a pratiqué en Haïti pendant des années. Il ne croyait pas que quiconque ait été littéralement " ramené d'entre les morts " mais il n'était cependant pas sûr que certains êtres apparemment privé d'esprit qui travaillaient dans les champs n'aient pas été " arrachés des tombes où ils gisaient dans leur cercueils, enterrés par leurs familles éplorées ".

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    A.W. Cardinall, qui a passé des années en Côte-de-l'Or ( Ghana ), rapportait, en 1927, que les jeunes gens de certaines tribus connaissaient parfois une sorte de mort temporaire. Quand un jeune demandait à être reçu dans une des sociétés secrètes de la tribu, on l'initiait en l'entaillant un peu partout avec un couteau. La " médecine " était introduite dans les blessures, provoquant un coma prolongé. " Il meurt pendant cinq jours " disait textuellement Cardinall. A la fin des cinq jours, on administrait une autre médecine au jeune homme et il retrouvait alors la vie normal.

    Il est clair que la connaissance de " médecines" de ce genre fut apportée en Amérique par les esclaves spécialisés dans la magie de leur pays. En 1789, une commission d'enquête du gouvernement britannique  sur l'esclavage établit qu'un " esclave- sorcier  " impressionnait les visiteurs en leurs montrant " un nègre apparemment mort qui, par l'effet de leur art, ressuscitait bientôt ".

    " Le sorcier lança diverses poudres sur la victime, les souffla sur elle, dansa autour, l'obligea à boire une liqueur préparée pour l'occasion, et finalement, le sorcier et son assistant se saisir du nègre et le firent tourner de plus en plus vite jusqu'à ce qu'il perde ses sens et tombe mort, sur le sol, selon toute apparence et selon la croyance des spectateurs.
    Le " chef " poussa des gémissements sourds, sortit de la cabane avec des gestes frénétiques et s'enfuit dans un bois voisin. Au bout de deux ou trois heures, il revint avec une brassée d'herbes. De certaines, il exprima le jus dans la bouche du mort, avec d'autres il lui lava les yeux et lui enduit le bout des doigts, accompagnant la cérémonie de nombreuses postures grotesques et chantant pendant tout le temps quelque chose entre la comptine et le hurlement... Un temps considérable se passa avant que l'effet attendu se produise, mais, à la longue, le cadavre recouvra graduellement le mouvement et se leva du sol "

    Zombies

     La belladone et le datura sont deux des poisons végétaux que les Haïtiens du commun croient devoir être mélangés avec des substances plus magiques - par exemple : trois gouttes provenant du nez d'un cadavre - pour fabriquer les médecines avec lesquelles les sorciers contrôlent leurs zombies.

    En fait, de nombreuses drogues sont connues de notre pharmacopée moderne comme produisant un état de catalepsie ou
    d' " animation suspendue ". La plupart, mal employées, peuvent causer des lésions cérébrale. Un hôpital moderne peu rapidement diagnostiquer d'après l'état d'un malade ce qui lui est arrivé et quelles substances toxiques ont été administrées, mais Haïti en possède fort peu. Et la peur toujours présente du zombie signifie que bien peu de paysans rencontrant un " cadavre " errant auront l'idée de le conduire chez un médecin, auprès duquel il pourrait recevoir un traitement approprié.

    Zombies

    Ainsi, il apparaît que la croyance aux zombies est fondée sur la superstition et, par dessus tout, sur la fraude, où le zombie n'est qu'un complice. Il se peut que les zombies rencontrés par des observateurs étrangers n'aient été que des débiles mentaux. Mais il est tout aussi possible que des êtres malveillants possèdent les connaissances nécessaires pour simuler une mort apparente.

    Les législateurs d'Haïti ont, en fait, donné corps à cette possibilité.
    Le docteur Williers attira l'attention de William Seabrook  sur le Code de criminalité du pays. L'article 249 du Code dit que " peut aussi être considéré comme meurtre qualifié l'emploi qui peut être fait contre n'importe quelle personne de substance qui, sans causer exactement la mort, produisent un coma léthargique plus ou moins prolongé.
    Si, après l'administration de telles substances, la personne a été enterrée, l'acte doit être considéré comme meurtre, quelles qu'en soient les suites ".

    Se peut-il donc que les champs et les collines de Haïti soient encore aujourd'hui travaillés par des hommes et des femmes " morts " condamnés à travailler dans l'hébétude jusqu'à ce qu'une vrai mort vienne les libérer de leur esclavage ?

     

      


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