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    Jeanne d'Arc et l'héritage des druides

    Le caractère mythique de certains aspects de la vie de Jeanne d'Arc  ne manque pas d'être hautement significatif des buts véritables de sa mission et des conditions matérielles et spirituelles qui lui permirent de la mener à bien.

    A cet égard, la véritable " promotion '' qui préluda à la manifestation publique de la Pucelle est un bel exemple de mise en condition de l'opinion populaire. On parlerait de nos jours de campagnes publicitaires, ou de guerre psychologique, préparant le terrain politique et militaire dû à un vieil héritage celtique que le christianisme n'avait pu faire totalement disparaître.

    Et l'on comprendra mieux, à la lueur de quelques-uns de ces faits, l'attitude de l'Eglise qui n'hésita pas à la déclarer " sorcière, devine, fausse prophétesse, invocatrice de malins esprits, magicienne, schismatique, sacrilège, idolâtre, apostate, blasphématrice, séditieuse,  de la paix, altérée de sang humain et excitant à verser, quittant sans vergogne la pudeur de son sexe et prenant scandaleusement habit d'homme d'armes pour ces choses et autres abominables à Dieu et aux hommes, séductrice des princes et des peuples, usurpatrice des honneurs et du culte divins, hérétique ou véhémentement suspecte d'hérésie... "

    Jeanne d'Arc et l'héritage des druides

    Crécy, Poitier et Azincourt avaient décimé la noblesse française, qui avait perdu toute espèce de vigueur et de prestige et se montrait prête , en ce début de XVè siècle, à se soumettre au prétendant anglais. Ce dernier ne se posait pas en conquérant, et aucune question de nationalité n'entrait en ligne de compte.

    La situation était catastrophique en France. Les fléaux qui frappaient le pays depuis la démence de Charles VI, et surtout depuis le meurtre du duc d'Orléans, n'avaient épargné personne.

    N'attendant plus rien de la terre, le peuple tournait les yeux vers un ciel désespérément vide. Cependant quelques-uns ne renonçaient pas.
    Une ardente fermentation religieuse, à laquelle était étranger le haut clergé, agitait les campagnes. Quelque chose de l'exaltation mystique d'autrefois s'était réveillé. Ainsi le Breton Thomas Connecte, membre de cette singulière congrégation qui prétendait compter les druides parmi ses aïeux, parcourait-il le Nord et les Flandres en prêchant partout avec virulence " contre les vices et péchés d'un chacun, et en spécial contre le clergé ".

    Jeanne d'Arc et l'héritage des druides

    D'autres prêcheurs, tirant leurs textes de l'Apocalypse, remuaient les autres provinces. Le cordelier Richard, disciple de Vincent Ferrier, annonçait la naissance de l'Antéchrist et révélait " qu'en l'an trentième ( 1430), on verrait les plus grandes merveilles qu'on eût jamais vues ".

    Ainsi qu'à toutes les époques de fermentation religieuse, les cas d'extase se multipliaient. Marie d'Avignon, une visionnaire, était allée trouver Charles VII pour lui conter que, dans une de ses visions, elle avait aperçu des armures qu'on semblait lui offrir, que ces armes n'étaient pas pour elle mais pour une jeune fille qui viendrait après elle et qui délivrerait de ses ennemis le royaume de France.

    Des prophéties se répandaient ici et là, assurant que la France perdue par une femme serait sauvée par une femme. Tel ce tercet d'un almanach du XVè siècle :

    Une femme la France perdra,
    Une femme la France sauvera,
    L'une de l'autre sortira

    Il est facile à comprendre : Isabeau de Bavière, reine de France, liée au parti anglais, perdra le royaume et sa fille le sauvera.

    Ces prophéties semblent bien correspondre à des slogans et à des idées élaborées pour préparer un certain climat psychologique.
    Tous annonçaient qu'une vierge, venue des marches de Lorraine, délivrerait Orléans et rendrait le royaume à son véritable roi, Charles VII. Une autorité plus imposante confirmait encore ces révélations.

    Jeanne d'Arc et l'héritage des druides

    On avait consulté le druide Merlin et sa prophétie, où il était dit que
    " la Vierge descendra sur le dos du Sagittaire ", du tireur à l'arc.
    Le peuple lut dans cette parole la promesse qu'une pucelle mettrait sous ses pieds " les hommes armés
    de l'arc ", les Anglais.

     La précision de la prophétie de Merlin l'Enchanteur, rapportée par Geoffroi de Mommouth laisse rêveur : " De la ville du Bois-Chenu sortira la Pucelle, afin de prendre soin de la guérison... Elle portera dans sa droite la fôret de Calyddon, dans la gauche les créneaux des murs de Londres... Chacun de ses pas allumera une double flamme... Elle fondra en larmes pitoyables et remplira l'île d'une clameur d'épouvante... A la mort de la pucelle, la forêt danoise se soulèvera : elle éclatera en une voix humaine et criera : Leve-toi, Cambrie... et dis à Gwynton : La terre te dévorera ! "

    Jeanne d'Arc et l'héritage des druides

    Le Bois-Chenu est ce bois composé de chênes extrêmement vieux, appartenant à Jacques Darc, qui comportait l'arbre dit arbre des Dames.

    Il s'agit d'un ancien bois sacré remontant à la fin de la période druidique et de l'un de ces arbres sous lesquels officiaient les druides et dont on disait qu'ils étaient la demeure d'une fée. L'arbre selon les druides, possédait une âme, et ils traitaient certaines maladies par transfert psychique sur cette âme. La guérison dont il s'agit ne peut être que celle de la France malade. D'une France malade de ses divisions en souffrant à la fois d'illégitime royale et de l'inégalité de voix du tiers état dans ses représentations parlementaires.

    Dans sa main gauche, matérielle et quelque peu vile, la cité et le pouvoir de Londres que Jeanne devra acheter quand elle ne pourra vaincre les armes à la main. Dans sa dextre, elle emporte la forêt de Calyddon dont on sait qu'elle était l'alliée des Français. En cela, elle incarne l'indomptable âme celtique, qui n'avait pas adhéré aux mœurs nouvelles.

    Les larmes de Jeanne expriment sa pitié et sa générosité qui viendront à bout des plus épaisses murailles, et le bruit de ses victoires épouvantera l'île anglaise. La forêt danoise représente la grande famille celte dont les loges de charbonniers furent les auxiliaires les plus résolus de la Pucelle.
    Quant à Gwynton, c'est le nom celtique de Winchester dont le cardinal fut l'un des plus redoutable ennemis de la Pucelle.

    Comme on peut le constater en lisant son histoire officielle, l'enfance et l'adolescence de Jeanne ont été fortement imprégnées par les influences celtiques.

    Jeanne d'Arc et l'héritage des druides

    Sur un certain plan ésotérique, l'histoire de la Pucelle n'est que le couronnement d'une série vingt-cinq fois séculaire de légendes populaires qui annonçaient l'affranchissement des basses couches de la société. C'était un moule dans lequel Jeanne se coula naturellement, parce qu'elle était faite pour le remplir. Mais, malgré sa piété ce moule n'était si chrétien ni catholique, et l'idéal chevaleresque et populaire, dans lequel elle s'était incarnée, est toujours resté en dehors du christianisme.

    La Pucelle chevaucha donc sous la protection de la vieille déesse patronymique de la France, celle que les druides et les Bélénides avaient rapportée de leur lointaine Phrygie.

    Pour certains hermétismes, Jeanne incarne la figure centrale de l'ésotérisme royal, croyance qui veut que certaines monarchies auraient eu pour arcane une fée royale, ou Dame blanche.

    Quel que soit le plan sur lequel on se place, on ne peut que constater, en reprenant le jugement du plus méconnu de nos hermétistes, Grasset d'Orcet, que " ni les héros, ni les héroïnes, ni les miracles eux-mêmes ne s'improvisent ; ils sont le résultat d'une infinité de collaborations occultes, presque toujours séculaires ".

     

      


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    Jeanne la pucelle

    Depuis environ un siècle et demi, on enseigne aux écoliers et lycéens de France qu'une jeune vierge lorraine d'origine modeste entendit, alors qu'elle faisait paître ses moutons, les célestes voix de l'archange Saint Michel, de sainte Catherine et de sainte Marguerite lui enjoignant, de la part du Seigneur, d'aller en France secourir le dauphin, de le faire sacrer à Reims après qu'il eut recouvré son royaume et de " bouter les Anglais hors de France ".

    On leur inculque qu'elle accomplit miraculeusement cette extraordinaire et difficile mission en remportant des succès spectaculaires et renversant une situation totalement désespérée. On leur apprend qu'à ses prodiges militaires succédèrent des événements non moins déconcertants et déroutants qui firent que cette exécutrice des voies de la Providence fut abandonnée, trahie, capturée par ses ennemis, accusée de sorcellerie, déclarée hérétique et relapse, condamnée par un tribunal ecclésiastique et brûlé vive.

    On leur enseigne, enfin, qu'elle fut réhabilitée en 1456, qu'elle fut béatifiée en 1909 et canonisée en 1920, devenant ainsi la seule figure de toute l'hagiographie à avoir été sanctifiée par l'Eglise même qui la martyrisa.

    Jeanne la pucelle

    Ajoutons que, pour les chrétiens, Jeanne incarne la fille du petit peuple choisie par Dieu pour être l'instrument de ses desseins. Pour les athées, elle est une visionnaire mystique qui a cru être chargée d'exécuter une volonté divine, une marionnette manipulée par le clergé et une partie de l'aristocratie. Tous, enfin, s'entendent pour voir en elle, selon l'expression d'Henri Martin, la " France incarnée ".

    Consensus qui a l'avantage de jeter un voile sur l'identité réelle de cette héroïne nationale. En accréditant une légende à des fins purement religieuses et politiques, on commet l'une des grandes impostures de notre histoire, on occulte une vérité historique aux nombreux aspects politiques et ésotériques. Ces derniers retiendront plus particulièrement notre attention, car ils sont totalement significatifs des diverses dimensions et des aspects secrets de l'histoire.

    Jeanne la pucelle

    Depuis 1932, date de la publication de l'ouvrage capital de Jean Jacoby,
    Le Secret de Jeanne d'Arc, Pucelle d'Orléans, une douzaine d'historiens se sont attachés à violer le tabou que constitue le mythe de Jeanne d'Arc et à rompre la puissante conspiration du silence qui veut à tout prix préserver une image d’Épinal.

    Mais leurs travaux sont loin d'avoir le retentissement mérité et demeurent ignorés du grand public. Ainsi faut-il citer les recherches de Jean Grimod, de Jean Bosler et d'Edouard Schneider qui, malgré le mépris, les sarcasmes ou le silence, font progresser la découverte de la vérité.

    Face à la thèse officielle qui veut que Jeanne soit née à Domrémy, vers 1412, et qu'elle ait été brûlée à Rouan en 1431, ces historiens affirment que Jeanne était en réalité une princesse royale, élevée secrètement à Domrémy et brûlée vive à Rouen. Certains d'entre eux considèrent que cette princesse royale a échappé au bûcher et qu'elle a survécu sous le nom de dame des Ardoises.

    Nous ne reviendrons pas en détail sur la vie de Jeanne telle qu'elle est communément relatée. Nous nous bornerons à souligner quelques faits qui paraissent à la fois indiscutables et lourds de sens.
    Que nous indiquent ces faits ?

     Jeanne la pucelle

    Qu'une puissante autorité, appartenant au Parti français, le parti des Orléans, connaissait l'existence de Jeanne dès son enfance ;

    Que Jeanne fut surveillée et éduquée à Domrémy selon une certaine optique ;

    Que le moment venu, on lui révéla un ou plusieurs secret relatif à la maison royale de France et qu'on lui confia une mission politique précise ;

    Que sa venue à Chinons était attendue alors que Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs n'avait pas encore donné son autorisation ;

    Qu'elle y fut amenée par un messager royal et par des gens de Gérard Machet, le confesseur de Charles VII ;

    Que, reçue à la Cour en grande cérémonie, elle identifia le dauphin qui s'était mêlé à la foule des courtisans ;

    Qu'elle mit un terme aux hésitations du dauphin en lui révélant un secret ;

    Que dès ce moment, on lui rendit des honneurs princiers ;

    Qu'elle fut soutenue et protégée par la maison d'Orléans ;

    Qu'elle témoigna aux représentants de cette maison une grande affection ;

    Qu'elle s'entoura de parents et de serviteurs des Orléans ;

    Qu'elle porta les couleurs d'Orléans et le surnom de Pucelle d'Orléans, et qu'anoblie elle se vit conférer par faveur insigne les armes de France avec une brisure. Ici, le remplacement par une épée d'une des trois fleurs de lis d'or des armes de France constitue une brisure de bâtardise.

    Le blason de Jeanne était " D'azur à deux fleurs de lis d'or accompagné d'une épée d'argent à la garde d'or, chargée de cinq fleurs de lis sur la lame, férue dans une couronne d'or ".

    On sait aussi que sa véritable famille s’effaça dans l'ombre et que Jeanne sembla s'en désintéresser ;

    Enfin que, par son caractère, ses goûts, ses idées, ses aptitudes, ses manières, Jeanne n'avait rien d'une fille des champs mais tout d'un chevalier...

     Jeanne la pucelle

    Les " très nobles et excellentes armes de France " que Jeanne obtint en partie ( et qu'elle ne porta jamais ) sont révélatrices de ses origines.
    La couronne d'or, pièce royale, est celle des dauphins de France.
    L'épée est chargée de cinq fleurs de lis, comme celle du duc Louis d'Orléans. Sans doute est-ce en raison de leur évidence même que Jeanne s'abstint de les porter, mais leur existence est attestée par une ordonnance de Charles VII, en date du 2 juin 1429, conservée à la Bibliothèque nationale.

    Ajoutons que son habillement marquait aussi son appartenance à la maison d'Orléans dont la livrée était de vermeil et de vert avec des orties disposées en bordure. Les archives départementales du Loiret conservent un état des comptes de la forteresse d'Orléans où l'on trouve mention des dépenses effectuées en avril 1429 par Gaucourt, gérant des biens du duc Charles ou il est question entre-autre de " trente-cinq sols pour une demi-aune de deux verts achetée pour faire les orties des robes de la Pucelle ".

     Jeanne la pucelle

    A la lueur de ces faits, il faut admettre que Jeanne est une princesse d'Orlans et qu'elle est la demi-soeur du duc Charles, qui lui marqua toujours le plus grand intérêt. Ainsi est-elle la petite-fille du roi Charles V le Sage et la fille du duc Louis d'Orléans, née des amours de ce dernier avec sa belle-sœur et maîtresse, la reine Isabeau de Bavière, épouse de son frère le roi Charles VI le Bien-Aimé.

    Une telle ascendance fait de Jeanne la demi-sœur du roi Charles VII.
    Jeanne serait donc l'enfant que l'on désigne habituellement sous le nom de Philippe, dont Isabeau accoucha le 10 septembre 1407, en l'hôtel Barbette, et qui mourut le jour même de sa naissance. Ainsi, pour mieux brouiller les pistes et soustraire l'enfant illégitime à la colère du roi, l'on déclara la naissance et la mort d'un garçon tandis que l'on mettait en lieu sûr la petite Jeanne.

    L'inconduite d'Isabeau de Bavière était notoire et, longtemps, Charles VII pensa qu'il était le fils illégitime du duc Louis d'Orléans jusqu'à ce que Jeanne prononçât publiquement la fameuse phrase :
    " Je te dis, de la part de Messire, que tu es vrai héritier de France et fils de roi ". Le secret d'état portait sur la naissance de Jeanne, fille adultérine d'Isabeau, et non sur celle bien légitime de Charles VII.

    Jeanne la pucelle

    Robert Ambelain avance l'hypothèse que Jeanne ait apportée simplement à Charles VII l'assurance qu'il était bien de sang royal, parce qu'issu de Louis d'Orléans et d'Isabeau de Bavière, et ainsi petit fils du roi Charles V le Sage.

    Remarquons que si la Pucelle avait simplement affirmé au roi qu'il était bien le fils légitime de Charles VI, il n'y aurait aucunement eu matière à secret. Or, ce secret était d'importance ; il suffit pour s'en convaincre de constater la place qu'il tient dans le procès. Il était même un élément d'identification entre Jeanne et le roi, puisque, en 1440, lorsque Jeanne des Armoises se présentera à Charles VII, ce dernier lui dira :
    " Pucelle ma mie, soyez la très bien revenue, au nom de Dieu qui connait le secret entre vous et moi... "

    Il va sans dire que le sang royal de Jeanne, sœur utérine de Catherine de Valois, reine d'Angleterre et demi-sœur de Charles VII, rend très peu plausible la légende du bûcher de Rouen et donne un crédit certain à la thèse qui veut que Jeanne ait survécu sous le nom de dame des Armoises.

    Jeanne la pucelle

    Rappelons un événement hautement significatif qui se produit le surlendemain  de son arrivée à Chinon, dans les premiers jours de mars 1429 : Jeanne exigea de Charles VII le don de son royaume. Étonné mais n'osant  pas refuser, le roi fit rédiger par le notaire royal l'acte légal de cession. Alors Jeanne offrit le royaume de France au  " Roi des Cieux ", puis, ensuite et en son nom, elle le remit à Charles VII. Cette étonnante scène se déroula en présence du duc d'Alençon et de La Trémoile, et le duc en témoigna lors du procès.

    En fait, par cette cérémonie, le roi tenait son royaume de " droit divin " et n'était plus contestable, même s'il s'avérait être un bâtard !

    Ainsi Jeanne la Pucelle, princesse royale d'Orléans, a-t-elle aussi été, pendant quelques instants, reine de France...

     


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    L'auberge rouge de Peyrebeille

    " Je n'ai jamais dormi plus tranquille qu'à l'auberge de Peyrebeille, certaine nuit, il y a vingt ans. Assaillis une fois par un terrible orage, nous dûmes, des paysans et moi, neveu de leur curé, faire halte dans cette maison, maison célèbre dont les propriétaires précédents étaient morts sur l'échafaud. On avait guillotiné le père, la fille et le domestique, qui, du reste, avait mis tous trois leurs têtes sous un couteau en ricanant, natures féroces qui ne tremblaient pas en tendant la tête pour expier leurs crimes.

    " C'était une auberge perdue... On ne pouvait rien entendre ni rien savoir de ce qui s'y passait, et, protégée par ce mystère, la maison fut le théâtre muet d'assassinats horribles.

    " Dans la chambre à quatre lits où nous couchâmes, on avait égorgé le mari, la femme, et l'on montrait encore des traces de lutte. Les cadavres, dit-on, avaient été donnés en pâture aux cochons, après avoir été coupés en morceaux et avoir tourbillonné dans l'eau bouillante... "

    L'auberge rouge de Peyrebeille

    Ce récit est dû à Jules Vallès et se trouve dans son ouvrage La Rue, publié en 1866. Son séjour à l'auberge de Peyrebeille remonte donc à 1846. Il avait alors une quinzaine d'années , ce ces souvenirs ont trait à son enfance dans le Velay, lorsqu'il séjournait chez un de ses oncles, curé dans la Haute-Loire.

    L'écrivain révolutionnaire s'inspire ici d'un fait divers authentique qui eut son dénouement en 1833, soit treize ans seulement avant que Jules Vallès couche dans la célèbre auberge. Or, il est très étonnant de constater qu'en un si court laps de temps la légende, car ce récit est totalement fantaisiste, ait remplacé à ce point la réalité.

    L'auberge rouge de Peyrebeille

    L'affaire de Peyrebeille n'a pas fini de faire couler beaucoup d'encre, car un siècle et demi après cette troublante énigme est loin d'être élucidée.

    Le 2 octobre 1833 à midi, à Peyrebeille, trois personnes, Pierre Martin, sa femme et leur domestique, Jean Rochette, étaient guillotinés devant leur auberge en présence de plus de 30 000 personnes accourues des pays alentour de l'échafaud pour célébrer leur délivrance d'un long cauchemar. Dans toute cette foule, on n'eût pas trouvé alors un seul individu pour douter que les aubergistes qui venaient d'être exécutés étaient coupables, et pourtant...

    L'auberge rouge de Peyrebeille

    Lorsque après tant de temps on se penche sue cette terrible affaire, on ne peut s'empêcher de se demander si cette triple exécution de 1833, par elle-même assez peu courante même à cette époque, ne fut pas la plus grande erreur judiciaire du XIX siècle ?

    En 1765, un naturaliste, qui herborisait dans les montagnes du Vivarais, l'abbé de Mortesagne, décrivait ainsi l'auberge de Peyrebeille :
    " Il n'y a point d'habitation humaine aussi isolée, il n'y a point d'année que quelques voyageurs isolés ne doivent leur salut à cet abri. "

    L'auberge rouge de Peyrebeille

    Peyrebeille est en effet située sur un plateau du Mézenc, à près de 1 300 mètres d'altitude, aux confins des départements de l'Ardèche et de la Haute-Loire. L'auberge est bâtie sur une route très fréquentée qui faisait communiquer le Massif central avec la vallée du Rhône. Au début du XIXè siècle, avant la découverte des chemins de fer, de longs convois de mulets circulant dans les deux sens en faisaient une voie commerciale très animée.

    Si la route était fréquentée, l'auberge, elle, se trouvait complètement isolée. Les villages les plus proches, Lamarce et Pradelles étant situés respectivement à 6 et 9 km de là. Ainsi, lorsqu'on se trouve aujourd'hui encore sur le plateau, aussi loin que le regard s'étende, on ne remarque aucune trace d'habitation. C'est une solitude d'une grandiose sauvagerie, au climat rude, où la neige persiste jusqu'au moi de mai.

    L'auberge rouge de Peyrebeille

    L'hivers, des chutes de neige abondantes transformaient cette région en un désert blanc, d'énorme congères apparaissaient qui faisaient disparaître routes et chemins. Alors, malheur au voyageurs égaré sur ces hauteurs ; il ne lui restait plus qu'à mourir de froid, à moins de parvenir jusqu'à la fameuse auberge.

    L'auberge rouge de Peyrebeille

    Au début du siècle, elle était tenue par un couple d'Ardéchois, Pierre Martin, dit Le Blanc, et par son épouse, Marie, née Breysse.
    Pierre Martin était né à Peyrebeille même. Sa femme était de Lanarce. Quant au domestique, Jean Rochette, il était natif de Banne, commune de Mazan. A l'époque, on a voulu voir dans ce dernier un nègre ou un mulâtre. En fait, c'était un Ardéchois né tout près de Parebeille.
    Nous avons son signalement dans la procédure : " Taille 1,70 m ; cheveux et sourcils chatain clair ; front grand ; yeux gris ; nez bien fait ; bouche moyenne ; menton rond ; visage ovale ; teint coloré. " Ainsi donc,
    le " nègre au faciès bestial " était un blond au teint fleuri !

     C'est qu'au XIXè siècle l'imagination est allée bon train au sujet des aubergistes. Celle de l'opinion locale, puis celle des journalistes et des écrivains qui parlèrent de l' " auberge sanglante " fera de cet Ardéchois
    " un noir né aux Antilles, prénommé Fétiche, et qui, esclave de planteurs, réussi à s'échapper en assassinant ses maîtres, y compris leur petite-fille de six ans. Arrivé en France, il avait rencontré Pierre Martin alors directeur d'une ménagerie ambulante. Ensemble ils avaient parcouru les routes de France, assassinant en chemin bon nombre de personnes dont ils donnaient, bien entendu, les corps à dévorer aux lions... "
    Mais arrêtons-nous la !...

    Cette histoire rocambolesque parut à la fin du XIXè siècle sous la plume fertile d'un certain Jules Beaujoint.

    L'auberge rouge de Peyrebeille

    Essayons d'y voir plus clair. Pierre Martin naquit en 1773, sa femme en 1777 et le domestique en 1785. Ils se marièrent probablement en 1794, puisqu'un fils, qui ne vécut pas, fut baptisé à Lanacre en 1795, puis ils s'établirent fermiers dans un domaine de la forêt de Mazan. En 1798, une fille naquit, puis un peu plus tard, une seconde. Dix ans après, en 1808, les époux Martin et leurs filles s'installèrent à Peyrebeille dans la maison du beau-père. Ils arrivèrent en amenant avec eux une chèvre blanche et une poule noire, au dire des gens du pays, qui voulurent y voir plus tard une signification fatidique.

    Il s'agissait d'une ferme : mais Martin, qui était entreprenant, vit bientôt tout le parti qu'il pouvait tirer d'une autre activité : celle d'aubergiste.
    Il résolut donc d'y établir une véritable hôtellerie, qui fit bientôt une concurrence d'enfer aux aubergistes de Lanarce. Il fut secondé par son épouse, excellente cuisinière, qui y attira les noces ainsi que les chasseurs ou les compagnies en quête de plaisir. Ils allaient pour cette raison susciter contre eux des haines et des jalousies féroces.

    On s'aperçoit qu'un climat favorable était créé, qui permettra plus tard aux pires accusations de se répandre contre les aubergistes et de trouver créance dans la région. En effet, Martin, qui avait fait construire son auberge en 1815, se vit une quinzaine d'années après accusé par la rumeur publique d'avoir fait fortune en commettant de nombreux crimes, en assassinant des voyageurs dans son établissement ou dans les environs.

    L'auberge rouge de Peyrebeille

    En novembre 1831, à la suite de la découverte à une dizaine de kilomètre de Peyrebeille du cadavre d'un homme, les époux Martin étaient arrêtés ainsi que leur domestique et leur neveu, car l'homme assassiné avait été aperçu chez eux peu de temps avant sa disparition.

    L'instruction du procès allait durer près d'un an et demi, premier indice qui laisse supposer que les preuves du crime ne furent pas faciles à réunir. L'acte d'accusation, lu le 18 juin 1833, disait les aubergistes responsable de ce meurtre et de quatre tentatives d'assassinat.
    On est déjà loin de la cinquantaine de crimes que l'opinion leur imputait.
    En définitive, l'arrêt de la cour d'assises de l'Ardèche du 25 juin 1833 ne retiendra pas la seule accusation de meurtre et décidera :
    "  ... ils ne sont pas coupables d'aucun des autres faits qui leur sont imputer ",
    c'est-à-dire des quatre tentatives d'assassinats, sans parler des innombrables crimes que la rumeur publique leur prêtait généreusement.

    Cependant, de nombreux cadavres avaient été découvert dans la région de Peyrebeille, ce qui avait donné lieu à la rumeur contre les aubergistes et provoqué la peur chez les habitants. Si les époux Martin n'y étaient pour rien, comment expliquer alors la présence de ces corps, que l'on retrouvait soit sur le plateau, soit dans les ravins dans un tel état qu'ils ne pouvaient être identifiés ? Une première explication peut être avancée, qui concerne les conditions climatiques. En 1884, soit plus d'un demi-siècle après l'exécution des aubergistes, deux gendarmes furent pris dans une tourmente de neige près de Peyrebeille ; quelques jours après, on ne retrouva qu'un cadavre et un agonisant. Il est donc probable que la neige, la tempête, le froid furent le plus souvent  responsable de ces sortes de tragédies.

    L'auberge rouge de Peyrebeille

    Il y avait aussi les loups, à cette époque encore très nombreux dans ces régions, et le plateau de Peyrebeille bordé d'épaisses forêts leur offrait un refuge idéal.

    Un demi-siècle auparavant, tout près de là, se trouvait le domaine de la fameuse " bête du Gévaudan ". Il s'agissait en réalité de plusieurs loups qui, plus forts que les aubergistes, avaient en l'espace de trois ans dévoré une centaine de personnes. La première victime de la " bête " fut une jeune femme, Jeanne Boulet, de la paroisse de Saint-Etienne-de-Lugdarès, qui gardait des vache. Le loup la dévora un 30 juin 1764.
    Or, Saint-Etienne-de-Lugdarès se trouve à moins de 10 km de Peyrebeille.

    En ces temps, ces accidents étaient relativement fréquents, et ce qui était vrai en 1764 l'était également cinquante ans plus tard, les loups amateurs de chair humaines s'accroissant toujours en Europe après les hécatombes dues aux longues guerres. Après les campagnes de Napoléon, ils devaient être nombreux en ces années qui suivirent en 1815, qui est précisément l'époque où Martin venait de faire bâtir son auberge.

    L'auberge rouge de Peyrebeille

     Enfin, il reste une troisième hypothèse pour expliquer ces crimes :
    celle des bandits. A l'époque troublée de la Révolution française, des bandes de brigands s'étaient constituées en de nombreuses régions. Le massif forestier de Bauzon et de Mazan, près de Peyrebeille, abritait pour sa part des troupes de voleurs et d'assassins, les célèbres " chauffeurs " de
    l'Ardèche, qui se cachaient sous les apparences d'associations politiques contre-révolutionnaires et royalistes. La bande qui nous intéresse comptait une cinquantaine d'individus commandés par un natif de Lanarce, Duny, dit " le roi de Bauzon ", qui rançonnait et assassinait les voyageurs qui passait sur la route.

    Avec le retour de l'ordre imposé par Bonaparte, ces brigands furent traqués, et Duny, capturé, mourut en prison à Privas. Mais il est plus que probable que certains des membres de la bande échappèrent aux poursuites et continuèrent à exercer, plus discrètement, leur criminelle industrie. Or, fait troublant, le propre oncle de Pierre Martin, un nommé Beaufils faisait partie de la troupe de Duny : il fut capturé par les soldats et fusillé. Ceci donna consistance à la croyance que le neveu en avait également fait partie, ce qui n'était évidemment pas impossible.
    Peut-être les aubergistes ne furent-ils que les complices, volontaires ou forcés, des derniers bandits de la bande du roi Bauzon...

    Les aubergistes pouvaient-ils vraiment être coupable de ces crimes ?

    L'auberge rouge de Peyrebeille

    Le climat, les loups et les brigands peuvent expliquer les cadavres trouvés dans les parages de l'auberge sanglante de Peyrebeille.
    Dans le pays même, beaucoup ne crurent pas à la culpabilité des aubergistes.

    Un avocat du Puy, Jean Malzieu, proclamait, par exemple, que son père, avoué à Largentière, couchaient très souvent chez les martin et confiait de forte sommes qu'il portait sur lui à l'aubergiste ; jamais, il ne remarqua quoi que ce soit de suspect...

    On a dit que cet aubergiste s'était fait une règle de ne jamais s'attaquer aux gens du pays, mais seulement aux voyageurs de passage. Alors, comment expliquer que l'unique crime dont il ait été convaincu, et qui le conduisit à l'échafaud, fut précisément celui d'un habitant du pays ?

      

    Il s'agissait en l'occurrence de Jean Antoine Anjolras, un riche cultivateur. Le corps de ce vieillard de 72 ans, disparu le 12 octobre 1831, fut trouvé sur les bords de l'Allier le 26 du même mois, à trois lieues de l'auberge ; il semblait avoir été assassiné. L'opinion publique, inquiète des crimes découverts dans le pays et jalouse des aubergistes, les accusa de ce forfait.

    L'auberge rouge de Peyrebeille

    Plusieurs témoins irrécusables rapportèrent avoir vu Anjolras dans leur auberge peu de temps avant sa disparition. On savait que le vieillard s'était rendu à la foire de Saint-Cirgues-en-Montagne le 12 octobre, qu'il avait pas mal bu et qu'il avait fait part de son intention de coucher à Peyrebeille.

    Le 1er novembre, la justice arrêtait Pierre Martin, son neveu et Jean Rochette, le domestique. Quelques jours plus tard, c'était le tour de la femme de Martin. L'instruction fut longue. Finalement on trouva un témoin de l'assassinat d'Anjolras : il s'agissait de Laurent Chaze, un vagabond qui parcourait le pays en mendiant. Celui-ci prétendit que, dans la nuit du 12 au 13 octobre, il avait demandé l'hospitalité à Peyrebeille. L'aubergiste l'avait fait coucher dans le foin. Anjolras vint également se coucher dans la grange et, au milieu de la nuit, Laurent Chaze vit les aubergistes, leur neveu et leur domestique s'approcher d'Anjolras, le réveiller, lui donner des coups de marteaux sur la tête, puis la femme lui verser un pot d'eau bouillante das la gorge.

    On a peine à croire aujourd'hui que c'est sur cet unique témoignage, qui fourmille d’invraisemblance, que les accusés furent condamnés à mort.
    Pourquoi Anjolras, riche cultivateur, aurait-il couché dans le foin ?
    Surtout, par quelle aberration les criminels auraient-ils placé auprès de lui un mendiant qui ne manquerait pas d'être témoin de leur meurtre, ou comment purent-ils croire qu'il ne serait pas réveillé par leur terrible remue-ménage ? Et puis, que vient faire là cette eau bouillante ?

    L'auberge rouge de Peyrebeille

    Tout, par contre pourrait s'expliquer si Anjolras, qui avait bu et qui avait 72 ans, avait été victime d'une grave indisposition qui aurait entraîné sa mort. Les aubergistes, effrayés, craignant des doléances de la famille, l'auraient porté jusqu'à l'Allier. Cela expliquerait pourquoi ils auraient tenté de " réveiller é le vieillard ainsi que le suggère l'épisode du pot d'eau bouillante, un remède sans doute.

    Il n'y avait donc aucune preuve matérielle contre les aubergistes.
    Rien ne lui appartenant n'avait été retrouvé chez eux. Pourtant, la plupart des ouvrages publiés sur Peyrebeille font état du manteau d'Anjolras, reconnu à l’audience par sa veuve, qui l'aurait identifié en signalant que la doublure contenait des titres qu'elle y avait cousus. Ce coup de théâtre aurait, selon ces auteurs, emporté la conviction des jurés.

    Malheureusement pour cette histoire, il suffit de consulter l'acte de décès d'Anjolras, dressé en la mairie de Lesperon, le 27 octobre 1831, sur comparution de ses neveux, pour constater qu'Anjolras était célibataire !

    Qu'est-ce qui a donc pu emporter la décision du jury chargé, du 18 au 25 juin 1833, de juger les aubergistes de Peyrebeille ? Les crimes perpétrés dans les auberges n'étaient pas rares à cette époque.

    L'auberge rouge de Peyrebeille

    Il existe dans les archives de l'Hérault les actes d'un procès qui eut lieu au milieu du XVIIIè siècle contre " des cabaretiers père, fils et femme tenant hôtellerie à Pont-de-Mars, paroisse de Saint-Romain-le-Désert, en Vivarais, accusés d'avoir assassiné et volé des voyageurs qui logeaient chez eux et condamnés par le présidial du Puy aux galère et au bannissement ".

    Qui plus est, du vivant même des Martin, un autre aubergiste, Brun, dit l'Enfer, installé à Meyras, sur la même route que Peyrebeille, mais plus au sud, avait été guillotiné pour de nombreux crimes qu'il avait perpétrés autour de son établissement. Il ne semble pas douteux que Peyrebeille ait souffert de la proximité dans le temps et dans l'espace de ces deux sinistres demeures.

    Au terme de cette enquête, on se trouve devant plusieurs hypothèses : ou bien les aubergistes étaient innoncents et le 2 octobre 1833 a été accomplie une des plus grosses erreurs judiciaires du XIXè siècle, ou bien ils sont coupables, mais de combien de crimes ?, ou bien encore ils ne furent que des victimes des activités des derniers bandits de la bande à Duny.

    L'auberge rouge de Peyrebeille

    On peut aussi se demander si les aubergistes n'ont pas été victimes de la passion populaire et d'une opinion publique alarmée qui demandait à grand cris des coupables. Cet état d'esprit explique sans doute le rejet par la chambre criminelle du pouvoir en cassation, puis le refus, dans les derniers jours de septembre, de la grâce, même seulement celle de la femme, par le roi Louis-Philippe.

    Il avait été décidé que les condamnés seraient exécutés devant leur auberge. Le départ pour Peyrebeille fut fixé au mardi 1er octobre.
    Un détail curieux : l'abbé Chiron, aumônier des prisons à Privas, s'était intéressé à eux. Il organisa une quête auprès de quelques personnes de la ville pour pouvoir les malheureux de vêtements chauds et de provisions pour la route. Après 20 mois de détention, les Martin n'avaient plus d'argent. On est loin des monceaux d'or amassés grâce à leurs crimes que leur prêtait l'opinion...

    Le chemin vers le lieu du supplice ne fut qu'un long calvaire et les condamnés ne cessèrent d'y être en butte aux outrages.

    Tout le long du parcours de 80 km, accourus de partout, les habitants des campagnes garnissaient les talus de la route et insultaient les condamnés. A Mayres, les deux époux Martin et Rochette passèrent la nuit. On se remit en marche le lendemain, 2 octobre, à 5 heure du matin. Le domestique donna son manteau à un pauvre en lui demandant de prier Dieu pour lui. La femme, couchée dans la charrette, poussait des gémissements. Vers 11 heures on arriva sur le plateau, en vue de Peyrebeille, la guillotine y était dressée, à 20 m au sud de l'auberge.

    L'auberge rouge de Peyrebeille

    Le plateau avait été envahi par une foule immense, près de trente mille spectateurs s'étaient massés en cercle autour des bois de justice. On avait organisé une gigantesque " kermesse ". Des marchands vendaient du pain, des saucisses, des fruits ; on mangeait des raisins de la dernière vendange, on buvait du vin. Les gendarmes à cheval durent dégager la route pour que la charrette franchisse les derniers mètres. Le bourreau de l'Ardèche, Pierre Roch, avait particulièrement surveillé le fonctionnement de son instrument, car il s'agissait d'un cas assez rare et délicat, l'exécution successive de trois personnes.

    Il était toujours aidé par son neveu, Nicolas Roch. Celui-ci était au fait de son métier, car il demanda à son oncle de quel côté il allait faire " saluer " les condamnés. Pierre Bloch lui répondit : " Du côté de leur maison. Du reste c'est plus convenable. "

    L'auberge rouge de Peyrebeille

    Lorsque Pierre Martin aperçut l'échafaud, il s'écria : Vaqui nostro mouort ( voici notre mort ! ). A midi, heure fixé pour l'exécution, le greffier donna lecture de l'arrêt. Un grand silence s'était fait. Marie, la première, fut basculée sur la planche. " Tenez, Martin, lui dit le bourreau, voilà la tête de votre femme qui tombe. " Martin et Rochette furent exécutés à leur tour.

     Alors, une scandaleuse frénésie s'empara de la foule. Pendant que les plus vieux retournaient à leur agapes, la jeunesse du pays organisa une farandole monstre autour du lieu de l'exécution. Un meurtrier d'Aubenas, célèbre dans toute la région, Josélou, était monté tout exprès à Peyrebeille.

    L'auberge rouge de Peyrebeille

    Pendant ce temps, Jeanne Martin, épouse Deleyrolle, après avoir rendu à ses parents les derniers devoirs, s'acheminait vers Lanarce pour y faire la déclaration du décès. Est-ce que justice n'était pas faite ?

    Ce mystère sera-t-il un jour éclairci ? On peut en douter, car depuis plus d'un siècle le dossier de cette célèbre affaire a disparu des archives du greffe de Privas, sans qu'on ait jamais pu en retrouver de trace.
    Disparition bien étrange, elle aussi ; un mystère de plus dans une affaire qui n'en manque pas. 

    L'auberge rouge de Peyrebeille

     


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