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Jeanne d'Arc - 1. La pucelle*
Depuis environ un siècle et demi, on enseigne aux écoliers et lycéens de France qu'une jeune vierge lorraine d'origine modeste entendit, alors qu'elle faisait paître ses moutons, les célestes voix de l'archange Saint Michel, de sainte Catherine et de sainte Marguerite lui enjoignant, de la part du Seigneur, d'aller en France secourir le dauphin, de le faire sacrer à Reims après qu'il eut recouvré son royaume et de " bouter les Anglais hors de France ".
On leur inculque qu'elle accomplit miraculeusement cette extraordinaire et difficile mission en remportant des succès spectaculaires et renversant une situation totalement désespérée. On leur apprend qu'à ses prodiges militaires succédèrent des événements non moins déconcertants et déroutants qui firent que cette exécutrice des voies de la Providence fut abandonnée, trahie, capturée par ses ennemis, accusée de sorcellerie, déclarée hérétique et relapse, condamnée par un tribunal ecclésiastique et brûlé vive.
On leur enseigne, enfin, qu'elle fut réhabilitée en 1456, qu'elle fut béatifiée en 1909 et canonisée en 1920, devenant ainsi la seule figure de toute l'hagiographie à avoir été sanctifiée par l'Eglise même qui la martyrisa.
Ajoutons que, pour les chrétiens, Jeanne incarne la fille du petit peuple choisie par Dieu pour être l'instrument de ses desseins. Pour les athées, elle est une visionnaire mystique qui a cru être chargée d'exécuter une volonté divine, une marionnette manipulée par le clergé et une partie de l'aristocratie. Tous, enfin, s'entendent pour voir en elle, selon l'expression d'Henri Martin, la " France incarnée ".
Consensus qui a l'avantage de jeter un voile sur l'identité réelle de cette héroïne nationale. En accréditant une légende à des fins purement religieuses et politiques, on commet l'une des grandes impostures de notre histoire, on occulte une vérité historique aux nombreux aspects politiques et ésotériques. Ces derniers retiendront plus particulièrement notre attention, car ils sont totalement significatifs des diverses dimensions et des aspects secrets de l'histoire.
Depuis 1932, date de la publication de l'ouvrage capital de Jean Jacoby,
Le Secret de Jeanne d'Arc, Pucelle d'Orléans, une douzaine d'historiens se sont attachés à violer le tabou que constitue le mythe de Jeanne d'Arc et à rompre la puissante conspiration du silence qui veut à tout prix préserver une image d’Épinal.Mais leurs travaux sont loin d'avoir le retentissement mérité et demeurent ignorés du grand public. Ainsi faut-il citer les recherches de Jean Grimod, de Jean Bosler et d'Edouard Schneider qui, malgré le mépris, les sarcasmes ou le silence, font progresser la découverte de la vérité.
Face à la thèse officielle qui veut que Jeanne soit née à Domrémy, vers 1412, et qu'elle ait été brûlée à Rouan en 1431, ces historiens affirment que Jeanne était en réalité une princesse royale, élevée secrètement à Domrémy et brûlée vive à Rouen. Certains d'entre eux considèrent que cette princesse royale a échappé au bûcher et qu'elle a survécu sous le nom de dame des Ardoises.
Nous ne reviendrons pas en détail sur la vie de Jeanne telle qu'elle est communément relatée. Nous nous bornerons à souligner quelques faits qui paraissent à la fois indiscutables et lourds de sens.
Que nous indiquent ces faits ?Qu'une puissante autorité, appartenant au Parti français, le parti des Orléans, connaissait l'existence de Jeanne dès son enfance ;
Que Jeanne fut surveillée et éduquée à Domrémy selon une certaine optique ;
Que le moment venu, on lui révéla un ou plusieurs secret relatif à la maison royale de France et qu'on lui confia une mission politique précise ;
Que sa venue à Chinons était attendue alors que Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs n'avait pas encore donné son autorisation ;
Qu'elle y fut amenée par un messager royal et par des gens de Gérard Machet, le confesseur de Charles VII ;
Que, reçue à la Cour en grande cérémonie, elle identifia le dauphin qui s'était mêlé à la foule des courtisans ;
Qu'elle mit un terme aux hésitations du dauphin en lui révélant un secret ;
Que dès ce moment, on lui rendit des honneurs princiers ;
Qu'elle fut soutenue et protégée par la maison d'Orléans ;
Qu'elle témoigna aux représentants de cette maison une grande affection ;
Qu'elle s'entoura de parents et de serviteurs des Orléans ;
Qu'elle porta les couleurs d'Orléans et le surnom de Pucelle d'Orléans, et qu'anoblie elle se vit conférer par faveur insigne les armes de France avec une brisure. Ici, le remplacement par une épée d'une des trois fleurs de lis d'or des armes de France constitue une brisure de bâtardise.
Le blason de Jeanne était " D'azur à deux fleurs de lis d'or accompagné d'une épée d'argent à la garde d'or, chargée de cinq fleurs de lis sur la lame, férue dans une couronne d'or ".
On sait aussi que sa véritable famille s’effaça dans l'ombre et que Jeanne sembla s'en désintéresser ;
Enfin que, par son caractère, ses goûts, ses idées, ses aptitudes, ses manières, Jeanne n'avait rien d'une fille des champs mais tout d'un chevalier...
Les " très nobles et excellentes armes de France " que Jeanne obtint en partie ( et qu'elle ne porta jamais ) sont révélatrices de ses origines.
La couronne d'or, pièce royale, est celle des dauphins de France.
L'épée est chargée de cinq fleurs de lis, comme celle du duc Louis d'Orléans. Sans doute est-ce en raison de leur évidence même que Jeanne s'abstint de les porter, mais leur existence est attestée par une ordonnance de Charles VII, en date du 2 juin 1429, conservée à la Bibliothèque nationale.Ajoutons que son habillement marquait aussi son appartenance à la maison d'Orléans dont la livrée était de vermeil et de vert avec des orties disposées en bordure. Les archives départementales du Loiret conservent un état des comptes de la forteresse d'Orléans où l'on trouve mention des dépenses effectuées en avril 1429 par Gaucourt, gérant des biens du duc Charles ou il est question entre-autre de " trente-cinq sols pour une demi-aune de deux verts achetée pour faire les orties des robes de la Pucelle ".
A la lueur de ces faits, il faut admettre que Jeanne est une princesse d'Orlans et qu'elle est la demi-soeur du duc Charles, qui lui marqua toujours le plus grand intérêt. Ainsi est-elle la petite-fille du roi Charles V le Sage et la fille du duc Louis d'Orléans, née des amours de ce dernier avec sa belle-sœur et maîtresse, la reine Isabeau de Bavière, épouse de son frère le roi Charles VI le Bien-Aimé.
Une telle ascendance fait de Jeanne la demi-sœur du roi Charles VII.
Jeanne serait donc l'enfant que l'on désigne habituellement sous le nom de Philippe, dont Isabeau accoucha le 10 septembre 1407, en l'hôtel Barbette, et qui mourut le jour même de sa naissance. Ainsi, pour mieux brouiller les pistes et soustraire l'enfant illégitime à la colère du roi, l'on déclara la naissance et la mort d'un garçon tandis que l'on mettait en lieu sûr la petite Jeanne.L'inconduite d'Isabeau de Bavière était notoire et, longtemps, Charles VII pensa qu'il était le fils illégitime du duc Louis d'Orléans jusqu'à ce que Jeanne prononçât publiquement la fameuse phrase :
" Je te dis, de la part de Messire, que tu es vrai héritier de France et fils de roi ". Le secret d'état portait sur la naissance de Jeanne, fille adultérine d'Isabeau, et non sur celle bien légitime de Charles VII.Robert Ambelain avance l'hypothèse que Jeanne ait apportée simplement à Charles VII l'assurance qu'il était bien de sang royal, parce qu'issu de Louis d'Orléans et d'Isabeau de Bavière, et ainsi petit fils du roi Charles V le Sage.
Remarquons que si la Pucelle avait simplement affirmé au roi qu'il était bien le fils légitime de Charles VI, il n'y aurait aucunement eu matière à secret. Or, ce secret était d'importance ; il suffit pour s'en convaincre de constater la place qu'il tient dans le procès. Il était même un élément d'identification entre Jeanne et le roi, puisque, en 1440, lorsque Jeanne des Armoises se présentera à Charles VII, ce dernier lui dira :
" Pucelle ma mie, soyez la très bien revenue, au nom de Dieu qui connait le secret entre vous et moi... "Il va sans dire que le sang royal de Jeanne, sœur utérine de Catherine de Valois, reine d'Angleterre et demi-sœur de Charles VII, rend très peu plausible la légende du bûcher de Rouen et donne un crédit certain à la thèse qui veut que Jeanne ait survécu sous le nom de dame des Armoises.
Rappelons un événement hautement significatif qui se produit le surlendemain de son arrivée à Chinon, dans les premiers jours de mars 1429 : Jeanne exigea de Charles VII le don de son royaume. Étonné mais n'osant pas refuser, le roi fit rédiger par le notaire royal l'acte légal de cession. Alors Jeanne offrit le royaume de France au " Roi des Cieux ", puis, ensuite et en son nom, elle le remit à Charles VII. Cette étonnante scène se déroula en présence du duc d'Alençon et de La Trémoile, et le duc en témoigna lors du procès.
En fait, par cette cérémonie, le roi tenait son royaume de " droit divin " et n'était plus contestable, même s'il s'avérait être un bâtard !
Ainsi Jeanne la Pucelle, princesse royale d'Orléans, a-t-elle aussi été, pendant quelques instants, reine de France...
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Commentaires
bonjour , merci pour tout ce " travail ". Ouai , je me doutais bien qu'il y avais anguille sous roche ! Merci de nous avoir eclaire sur ce point" litigieux " de notre histoire ! Quand je dis que tout n'est que " menteries " !
Joli boulot merci