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    Le Paris occulte du XVIIIè siècle

    Nulle période, sinon la nôtre, n'est peut-être aussi paradoxale que le siècle des Lumières dans l'histoire de Paris. L'ère nouvelle de la raison ne s'étonne en rien de l'immortalité initiatique de Saint-Germain. Les encyclopédistes côtoient Cagliostro, le grand copte, et l'éblouissante Séraphita, son inquiétante épouse. Au cimetière Saint-Médard, c'est l'hystérie sur la tombe du diacre Pâris. C'est le plus sérieusement du monde que l'on cloue sur la porte cette extraordinaire inscription :

    De par le roy, défense à Dieu
    De faire miracle en ce lieu

    A vrai dire, surtout dans les hautes sphères de la société, on s'accommode fort bien de ce qui nous paraîtrait aujourd'hui contradictoire. On ne croit plus à Dieu. On préfère donc le Diable, plus libéral et plus excitant. Jusqu'à ce qu'il aille un peu trop loin et que son intrusion dans le siècle tourne au scandale ou à l'horreur...

    En 1706, Philippe d'Orléans, le futur régent du royaume, descend aux carrière de Val Gérard.
    Le Paris souterrain de l'époque était déjà un haut lieu de l'étrange et de la magie noire. Pour le duc et ses deux roués, Louis-Claude Fontenay et Victor-Maurice de Broglie, il s'agit d'évoquer le Diable dans ces anciennes carrières où il apparaît, dit-on, plus volontiers qu'ailleurs.

    Le neveu de Louis XIV s’intéresse depuis toujours à ces manifestations.
    " ... Sa curiosité, écrit de lui Saint-Simon, jointe à une fausse idée de la fermeté et du courage, l'avait toujours occupé à chercher à voir le Diable et à le faire parler. "

    Le vit-il à Montsouris ? Certains historiographes prétendent que, grâce à la conjuration dite du crapaud dans les grimoires, le futur régent et ses amis l'évoquèrent sous la forme d'un grand escogriffe barbu et à moitié nu dont le visage était atrocement balafré. Philippe avouera lui-même à Saint-Simon que la cérémonie, plusieurs fois tentée avec toutes les variantes en vigueur, avait toujours été assez décevante.

    Cela ne l'empêchera pas de croire très fort et jusqu'à la fin aux techniques de sorcellerie. Dans sa chambre du Palais-Royal, on retrouvera une cachette ménagée dans le mur où il gardait tous les grands grimoires de son temps, des manuscrits ésotériques, un squelette, plusieurs têtes de mort et tout l'attirail du nécromant...

    Le goût de Philippe d'Orléans pour l'occultisme opératif n'ira cependant jamais jusqu'aux exactions d'un autre grand, Charles de Charolais, le fils du Prince de Bourbon-Condé. L'homme est singulier. D'Argenson l'aîné, dans ses Mémoires, écrit de lui :

    " ... Sa branche est sujette à la folie et il alluma sa fureur par force vin pur, n'y mettant jamais une goutte d'eau. "

    La nuit, on entend d'étranges cris dans son hôtel de la rue de Bellefond des gémissements étouffés. Il en sort des odeurs insolites d'encens et de fumigations. Mais il y a tant de grands du royaume qui tâtent de la sorcellerie et des messes noires, le plus souvent orgiaques, que tout cela n'étonne pas trop les voisins et la police. "

     En avril-mai 1750, des émeutes ont éclaté à Paris, à la porte Saint-Denis et au Faubourg Saint-Germain en particulier. Des enfants disparaissent mystérieusement et ce sont les exempts du roi que l'on accuse de ces enlèvements. On soupçonne le pouvoir de les acheminer vers les Amériques, où il faut peupler les nouvelles colonies. La police enquête.
    Pour le lieutenant Berryer, avec lequel a été créé le Bureau de sûreté, qui deviendra par la suite notre actuelle Police judiciaire, cela sent la sorcellerie criminelle.

    Ses mouches remontent les pistes qui, toutes, aboutissent à l'hôtel de la rue de Bellefond. Depuis deux ans, le prince de Charolais est atteint d'une maladie de peau qui le fait atrocement souffrir. On a parlé de la lèpre. Toujours est-il que, peu confiant dans les apothicaires, il a mandé tous les sorciers et occultistes de sa connaissance. Un mage noir l'a assuré qu'il lui fallait prendre des bains rituels de sang humain. Comme il n'y a pas plus pur et donc plus efficace que celui des enfants, Charolais en fait enlever autant qu'il faut pour se livrer convenablement à ses répugnantes ablutions.

    Louis XV se contentera de l'éloigner de la Cour. Le sang des petites victimes aurait pu éclabousser davantage le pouvoir si l'on n'avait étouffé l'affaire. Charolais mourra dix ans plus tard à Montmorency, où il n'a pas abandonné ses activités occultes. Le Diable, disent les historiographes, était au rendez-vous de son enterrement, qui se fit "par un temps si épouvantable que les paysans croyaient sincèrement tous les démons de l'enfer déchaînés pour assister à ses funérailles"...

    Dans le Paris des années cinquante de ce siècle, les sectes, les sociétés secrètes et les cellules initiatiques de toutes sortes foisonnent. 
    Les mystérieux rose-croix qui affirment avoir réussi la transmutation alchimique, trouvé le secret de l'immortalité physiologique et, d'une façon générale, posséder tous les secrets de la cabale, sont dans la capitale. Ils s'y livreraient à des rites étranges au cours de cérémonies très fermées auxquelles rêvent d'avoir accès les aristocrates férus de magie et de sensations nouvelles.

    Le Comte de Saint-Germain, l'un des plus énigmatiques personnages de l'histoire, serait des leurs. Il a fait couler tant d'encre qu'il n'est pas plus nécessaire de revenir sur son cas que sur celui d'un autre mage insolite dont le charlatanisme est cependant plus avéré, au moins pour certaines de ses activités, Joseph Balsamo, qui se fait appeler comte de Cagliostro. 
    Mieux vaut s'attarder sur Casanova de Seingalt, moins mystérieux et significatif des paradoxes du temps.

    Vers 1750, il est arrivé depuis peu à Paris. Il se dit cabaliste rose-croix, et il semblerait que ses talents de sorcier guérisseur soient tout à fait réels.
    N'a-t-il pas guéri le comte de la Tour-d'Auvergne d'une sciatique irréversible en dessinant sur sa cuisse avec un onguent mystérieux le célèbre sceau de Salomon ? Il doit être aussi quelques peu alchimiste. On le voit partout jeter l'or à pleine mains, comme le comte de Saint-Germain. On dit aussi qu'il sait communiquer avec tous les esprits élémentaires et un bon nombre de démons qu'il convoque à son gré au cours d'évocations particulièrement spectaculaires...

    Voilà que la marquise d'Urfé, à laquelle l'a présenté le comte miraculé, s'entiche de lui. Elle est riche, et, tout alchimiste qu'il est, il a besoin de ressources pour mener le train de vie qu'il s'est fixé. En échange, il lui propose de réaliser un rêve dont on a aujourd'hui peine à croire qu'il ait pu habiter l'imagination d'une femme par ailleurs cultivée et du meilleur monde : Mme d'Urfé voudrait réaliser " l'hypostase de Paracelse ", ce qui, en termes moins sibyllins, signifie qu'elle désire avoir un enfant d'un esprit élémentaire ou d'un démon. Précisons qu'il s'agit d'un enfant dans lequel passerait son âme propre, ce qui lui assurerait l'immortalité et, par la même occasion, lui permettrait d'expérimenter le changement de sexe, puisqu'il serait loisible de le faire naître mâle à travers l'expérience !

    L'opération magico-cabalistique est mise en train. Mme d'Urfé a même couvert Casanova d'or pour qu'il lui trouve un poison très spécifique par lequel elle devra mourir quand naîtra sa masculine réincarnation. Entre-temps, l'occultiste est mêlé à une autre histoire de sorcellerie crapuleuse et d'avortement. Il a voulu rendre service à une de ses anciennes amies de Venise, Justinienne Wynne, qui a eu le malheur de se faire mettre enceinte par un autre alors qu'elle souhaitait se faire épouser par le célèbre financier de la Popelinière, le plus opulent des mécènes de l'époque. On attaque aussi Seingalt en justice pour maintes créances impayées... Il sera arrêté le 2 décembre 1759, et la marquise d'Urfé mourra, persuadée qu'elle porte en son sein l'enfant magique dans lequel elle doit se réincarner.

    Peu de gens aujourd'hui connaissent Casanova de Seingalt, escroc sans doute, mais peut-être vaguement inspiré et possesseur d'au moins quelques secrets de la tradition perdue Il existe cependant deux ou trois associations d'occultistes qui se réclament de lui. Rue Marbeuf, dans le VIII arrondissement, le centre de rénovation psychique enseignait encore la magie en utilisant le mythique sceau de Salomon qui avait remarquablement guéri le comte de la Tour-d'Auvergne. De nos jours, les adeptes du curieux mage vénitien sont davantage des tireurs d'horoscopes que de véritables détenteurs de science secrète. Ils font néanmoins partie de cette population mystérieuse, ou simplement insolite, de la capitale, que l'histoire officielle ne permet que bien rarement de soupçonner et qui agit pourtant dans l'ombre...

      En remplaçant avec plus ou moins de bonheur le Dieu de l'ancien régime et du clergé réfractaire, l'Etre suprême de la Révolution ne chassa pas le Diable et ses sorciers.

    Des fantômes hantent la place de Grêve, où se produisent depuis des centaines d'années les exécutions capitales. D'autres apparaissent toujours dans les carrières de Montmartre ou bien aux catacombes, où l'on a déjà transporté des charretées d'ossements en provenance des cimetières du Paris de jadis saturés et malsains. Mais c'est aux Tuilerie que sévit le plus célèbre d'entre-eux, celui qu'on appelle le "petit homme rouge".

     Il apparaît dit-on, à chaque fois qu'un malheur menace les habitants du palais. On l'a décrit de bien diverses manières. Tantôt c'est un diablotin sautillant et égrillard. Tantôt c'est un démon plus digne, faustien, en quelques sorte, bien qu'il soit moins terrifiant que le Méphisto du mythe allemand Mme de Campan, la suivante de Marie-Antoinette, l'a aperçu peu avant l'exécution de Louis XVI pendant les premiers jours d'août 1792. On dit même que la reine était présente lors de la manifestation du petit lutin pourpre. L'apparition n'a rien dit. Elle s'est contentée de grimacer et de paraître se moquer des deux femmes. Il reviendra pour annoncer la chute de Napoléon puis celle de Charles X.

    Qui aurait pu penser que Bonaparte, jeune militaire sans solde puis Empereur, ait fréquenté les sorciers et les astrologues.

    Bonaventure Guyon, un étrange professeur de mathématique céleste, et la grande mademoiselle Lenormand le reçurent pourtant. Ils lui prédirent son extraordinaire destinée puis le déclin de l'aigle. Et rien n'empêche de croire qu'il accorda foi à ces voyances. Il remercia en effet 'obscur Bonaventure en le nommant bibliothécaire du Palais et, en ce qui concerne la renommée de la cartomancienne de la rue de Tournon, il faut reconnaître que l'empereur et Joséphine furent pour beaucoup dans l'incroyable succès de mode qu'elle connut au début du XIXè siècle.

    Ce n'est certes pas le romantisme et ses implications multiples qui vont mettre en doute la suite de l'histoire mystérieuse de Paris. On peut même dire au contraire que tout l'occultisme florissant de la dernière partie du XIXè siècle et l'insolite de notre époque actuelle en vivent. Hugo fait surgir les fantômes du ventre de Paris et anime d'une existence étonnamment plausible les gargouilles de Notre-Dame. Dumas collectionne les histoires de revenants. Musset voit son double tout de noir vêtu.

    Et le 26 janvier 1855, à une grille de la rue de la Vieille-Lanterne, des passants découvrent le cadavre pendu de Gerard de Nerval, son  gibus noir en tête. Sue sa poitrine bleuie par un froid de - 18°C, dessinés à l'encre, des figures de la cabale et le célèbre pentagramme de Salomon...

     


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    Les cathares du IIIè Reich

    Par un beau jour d'été de l'année 1931, les habitants de Lavelanet, déjà levés en cette heure matinale, purent apercevoir un jeune homme grand et mince, au regard clair, vêtu d'une chemise de boy-scout et chaussé de lourds souliers de montagne, se diriger vers le château de  Montségur, qui détachait, sur le fond vert émeraude des forêts, la blancheur de son sarcophage de pierre. Ce garçon, alors âgé de 27 ans, qui gravissait les sentiers menant au "pog" aurait pu provoquer bien des interrogations. Que venait-il faire en ce lieu inhospitalier, perdu au cœur de la région de l'Ariège ? Qui était-il ?

    Otto Rahn fit une pause en arrivant au pied de l'immense porte donnant accès à l'intérieur de la forteresse dévastée. Que pouvait représenter à ses yeux ce lieu mystérieux que traversaient les premiers rayons de l'astre solaire ?

    Les cathares du IIIè Reich

    Montségur, Thabor des cathares d'Occitanie et dernier refuge de l'hérésie albigeoise, est un de ces hauts lieux où souffle l'esprit. de temps immémoriaux, le Pog, ou éperon rocheux sur lequel est bâti le château, a été considéré comme un site sacré.

    Déjà, à l'époque protohistorique, les Ibères se rendaient sur le Thabor pyrénéen vers l'équinoxe d'automne. On remarque ainsi, sur les pentes du Soularac, l'un des deux pics du massif du Tabe, un cromlech très rare formé de deux cercles de pierres dressés et tangents. Ce monument fut l'objet d'un culte dès l'époque néolithique, et n'a cessé d'être fréquenté par la suite, puisque les catholiques édifieront plus tard sur les mêmes lieux une chapelle vouée à Saint Barthélemy, fêté le 24 août, détournant ainsi le contenu des vieilles coutumes païennes.

    Les cathares du IIIè Reich

    On connait également la tradition qui fait des deux lacs que contient le massif de Saint-Barthélémy, l'étang des Truites et l'étang du diable, des lieux enchantés. On ne peut, dit la coutume, y jeter une pierre sans déchaîner aussitôt les foudres célestes. En fait, les orages sont très fréquents dans cette région montagneuse, et d'une rare violence. Pour les amateurs de mystères, disons que les druides, nombreux dans les Pyrénées lorsque les Celtes occupaient ces contrées, ont tracé à cet endroit un cercle magique qu'il est interdit au profane de franchir, d'où le nom de " lac des Truites ", déformation du mot druide.

    En dehors de sa situation inexpugnable, au sommet d'un éperon rocheux presque inabordable (1 272 m d'altitude), le château de Montségur offre des dispositions tout à fait étranges : les murailles de la forteresse, d'une épaisseur de 2 m, sont en effet dépourvues de crénelage, sauf sur le mur oriental, qui donne sur un à-pic vertigineux de 500 à 800 m. Une porte d'entrée monumentale, l'absence de tours de flanquement, l'abandon d'une part importante de l'aire rocheuse laissée sans protection sérieuse, la forme de la construction même font de Montségur un monument unique.

    Tel qu'il est, le château ressemble à un long coffre de pierre de forme pentagonale auquel est accolé un donjon rectangulaire. Toutes ces observations donnent à penser que le monument a été construit non en fonction d'impératifs militaires, mais sur un plan d'architecture sacrée. On peut désormais penser légitimement, et toute l'épopée albigeoise nous le confirme, que Montségur fut vraiment un temple voué à un culte, haut lieu appelé à offrir, en cas d'invasion, une résistance farouche.

    Les cathares du IIIè Reich

    Les observations extrêmement intéressantes de Fernand Niel, dans son livre Montségur, la montagne inspirée, prouvent que le plan de construction de l'édifice permettait de repérer avec une exactitude étonnante les principales positions du Soleil à son lever. Ancien temple manichéen dédié au culte solaire, Montségur est devenu le mont Thabor des cathares, selon une filiation spirituelle qu'il est aujourd'hui de plus en plus difficile de nier.

    D'autres châteaux occitans, il est intéressant de le noter, comme celui de Quiribus, dans les Corbières, qui servit lui aussi de refuge aux albigeois, ou celui de Puivert, représentent, à un certain degré, des dispositions comparables.

    Henri Coltel, qui fit des recherches dans le sud-ouest de la France, il y a quelques années, apporte un renfort à la thèse de Ferdinant Niel ; il découvrit en effet une quarantaine de souterrains des XIè et XIIIè, et il put constater :

    1° que tous ces souterrains contiennent une salle-chapelle pourvue d'une sorte d'autel ;
    2° que, pour une même région, tous sont orientés de telle sorte qu'ils convergent vers un même point.

    Après une étude approfondie de ces constructions , Henri Coltel, s'est convaincu qu'elles n'étaient pas uniquement ni essentiellement des refuges, mais surtout des lieux culturels où les cathares, dès avant les persécutions, célébraient des cérémonies initiatiques.

    Les cathares du IIIè Reich

    Otto Rahn, en 1931, savait ou pressentait tout cela. Il devait ainsi passer trois mois dans la région de Montsegur, avant de revenir, en 1937, pour un deuxième séjour après la parution de son ouvrage ''La croisade contre le Graal", paru en Allemagne en 1933.

    Mais, en 1931, les habitants de la petite commune de Montségur ne devaient pas se douter de l'honneur que leur faisait, outre-Rhin, un certain cénacle qui se préparait activement à fonder " pour mille ans "
    le IIIè Reich.

    Le fait est que cet intellectuel allemand avait reçu pour mission d'Alfred Rosenberg, auteur du fameux Mythe du XXè siècle, de vérifier l'exactitude de l'hypothèse suivante : Montségur était-il bien le Montsalvat des légendes arthuriennes, qui abrita le Saint-Graal ?

    Pour résumer l'importance de cette recherche, il faut signaler qu'Otto Rahn était un spécialiste plein d'avenir de l'étude de la Romanie. On sait que les cathares ont poussé leur prosélytisme jusqu'en Allemagne et, singulièrement, en Franconie, ce qui explique l’intérêt de nos voisins pour ce courant de pensée à base religieuse.

    Rappelons que le recteur de la cathédrale de Cologne prête aux cathares de Rhénanie la célébration d'une fête en l'honneur de leur grand initiateur Manès, preuve que la secte des cathares était alors solidement implantée en territoire germanique.

    Il faut croire que les recherches d'Otto Rahn étaient appuyées en haut lieu ou que ses sources étaient meilleures que celles de ses prédécesseurs, puisque cet ouvrage connut un grand retentissement en Allemagne et dans le Midi languedocien. Dans son livre, le jeune écrivain situait le Graal à Montségur et faisait des cathares les derniers dépositaires de l'objet sacré. Bien plus, il émettait l'hypothèse que le Graal pouvait être autre chose que la coupe d'émeraude de la légende chrétienne.

    Le deuxième séjour de Rahn à Montségur fut beaucoup moins long ; mandaté par le " Sacré Collège " hitlérien, il semble bien, pourtant, que Rahn n'ait pas abouti dans ses recherches, puisqu'une troisième mission fut organisée par la suite, qui semble-t-il, obtint quelques résultats...

    Les cathares du IIIè Reich

    Un deuxième ouvrage d'Otto Rahn parut en Allemagne en 1936, qui confirmait, si besoin en était, les talents de l'historien et du philosophe : La Cour de Lucifer en Europe, où l'auteur développe ses thèses catharisantes en s'appuyant sur des arguments politiques. 

    Après son court passage, en 1937, Otto Rahn, reparti pour l'Allemagne, ne devait plus jamais reparaître en Loguedoc, et le bruit courut, en 1945, qu'il avait été décapité par les nazi dans un camps de concentration. 
    Il semble que cette hypothèse, accréditée par Gérard de Sède dans son ouvrage Le Trésor cathare, soit un peu hasardeuse. Pour notre part, nous préférons nous ranger à l'explication donnée par Saint-Loup dans son dernier livre : Nouveau Cathares pour Montségur

    Les cathares du IIIè Reich

    L'enquête que l'auteur a effectuée auprès des autorités de la République fédérale d'Allemagne permet de confirmer que Rahn occupa un rang élevé dans l'Allemagne S.S. de Himmler. Par ailleurs, les papiers laissés par le ministre Rosenberg ont permis à Saint Loup d'apprendre la véritable fin de l'intellectuel national-socialiste. Nous livrons in extenso la conclusion de l'enquête menée par ce chercheur :

    " Rahn se donna la mort en absorbant une dose de cyanure au sommet de la montagne de Kufstein, pour des raisons politico-mystiques et aussi pour des raisons intimes. " (Probablement en mars 1939).

    Le début d'explication que nous livre Saint-Loup nous semble bien correspondre au sentiment profond de l'écrivain allemand : ce dernier a pu entraîner par ses recherches, préférer, à la guerre dévastatrice préparée par le IIIe Reich, apporter à l'homme blanc la révélation de sa vraie nature, qui consistait à faire de l’Allemagne une communauté de Purs, de Parfaits.

    Cette conception de Rahn était à l'opposé de la politique suivie, à partie d'une certaine époque, par les dirigeants nazis, aussi bien ne lui laissa-t-on pas d'autres choix que suivre la politique officielle du parti ou se suicider.

    Ayant sans nul doute, perdu tout espoir de se fixer en Languedoc, il ne lui restait plus qu'à utiliser le poison. Et c'est à la manière du suicide cathare (l'Endura) que Rahn est sorti d'un monde qu'il ne comprenait plus et qui allait rallumer, par les fours crématoires, les bombes au phosphore et l'explosion atomique d'Hiroshima, un bûcher de Montségur à l'échelle de la planète.

    Otto Rahn cherchait-il le Graal, ce vase sacré des peuple aryens ? Certains aspects de la doctrine nationale-socialiste pourraient expliquer cette thèse...

     


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    Une autre influence s'exerça particulièrement sur le catharisme occitan : celle des Celtes et du vieux fond druidique. Le culte de Belen, l'équivalent de l’Apollon romain, a toujours été très populaire dans la région pyrénéenne ; cette divinité celtique, devenue, par transformation, Abelio. On retrouve cette trace lumineuse dans la ville d'Albi, qui a donné son nom aux cathares méridionaux devenus les albigeois.

    Près de Montségur, dans les montagnes ariégeoises, se trouve le lac des Druides, qui, par déformation, est devenu " lac des truites ". Or la tradition veut que les Tolosates, tribu celte qui pilla le trésor de Delphes, aient jeté cet or dans le lac pyrénéen.

    A Carcassone, citadelle de l'hérésie cathare, s'élevait, jadis sur la colline rocheuse, un bosquet de chênes, qui n'était autre que le nom de la ville.

    Sur le château de Foix, autre bastion du catharisme, la tribu celte des Sotiates avait construit un oppidum. Les vassaux du comte de Foix, au Moyen Age, n'avaient pas oublié leurs lointains origines, puisqu'ils se faisaient appeler " fils de la Lune " ou '' fils de Belissena ". Ils prétendaient descendre de Belissena, déesse de la Lune, l'Astarté celtique. Dans leur armoiries figuraient le Poisson, la Lune, et la Tour, emblèmes de la déesse lunaire, du dieu du Soleil et de la puissance chevaleresque.

    Nous retrouvons ainsi la Lune et le Soleil, les deux polarités complémentaires, féminin-masculin, qui permettent de concevoir la créature parfaite : l'androgyne spirituel.

    Mais revenons un instant sur le symbole d'Apollon-Abellio, le dieu Hélios. Dans l'Antiquité, le dieu de la Pure Lumière solaire délivre au printemps la Terre de la prison hivernale, c'est pourquoi on l'appelle aussi le Sauveur (Sôter), comme, plus tard, le Christ. Comme le Christ également, il purifie le pécheur, le même à la Rédemption, à l'entrée du pays lumineux des âmes. Chaque années, nous dit la légende, sur un char attelé de cygnes, il gagnait le pays des Hyperboréens. L'arbre d'Apollon est le laurier, ce même laurier évoqué par les troubadours cathares, qui chantaient :

    Au bout de sept cents ans
    le laurier reverdira.

    Les Hyperboréens étaient le peuples élu d'apollon. Les auteurs grecs précisent que c'est dans un calice d'or que le " Rayonnant " venait à eux, " semblable à une étoile, en sorte que son éclat montait jusqu'au ciel ". Cette coupe nous ramène au Graal pyrénéen dont Montségur fut l'écrin : le Graal, coupe lunaire qui contient la lumière du Soleil spirituel. C'est là que les légendes laissées par les cathares pour transmettre leur messages prennent le relais de la mythologie.

    Une légende dans la région ariégeoise précise qu'à la chute de Montségur, en 1244, tous les cathares périrent par le feu, sauf Esclamonde de Foix, la princesse cathare. Quand elle sut le Graal en lieu sûr, elle monta au sommet du Thabor, se mua en colombe blanche et s'envola vers les montagnes de l'Asie.

    Le Graal symbolise ici la connaissance, la Lumière spirituelle retournant vers ses sources orientales ; mais un autre mythe éclaire le premier. D'après celui-ci, le Graal est l'émeraude taillée sur 144 faces tombées du front de Lucifer, l'archange déchu, lors de sa chute. La pierre tomba sur la montagne sacrée de Montségur qui se fendit en deux pour servir d'écrin au joyau. L'allégorie est ici transparente : l'émeraude tombée du front de Lucifer est le troisième œil, ou l’œil "tout voyant", qui permet de voir le passé, le présent l'avenir. Sur un plan littéral, le mythe est également vrai puisque la couronne solaire, analysée au spectrographe, se révèle comme un halo vert. Il faut songer aux aurores boréales, à l'arc-en-ciel, à l'écharpe d'Iris, ce qui nous ramène à Hyperborée. Comme quoi tout se tient...

    On retrouve dans d'autres contes et légendes, mis en place par les cathares ou véhiculés par eux, un échos de cette tradition solaire qui se manifeste dans le Veda, le zoroastrisme, la gnose manichéenne et, enfin, le catharisme. 

    Voici le conte du pélican tel qu'il est parvenu jusqu'à notre époque :

    " Le pélican était un oiseau aussi clair que le Soleil et qui suivait le Soleil dans sa course. Il laissait donc souvent ses petits seuls dans le nid. C'est pendant son absence qu'intervenait la bête diabolique. Lorsque le pélican revenait, il trouvait ses enfants tout déchiquetés. Il les soignait aussitôt et les ressuscitait. Mais comme les pélicans avaient été déjà mis à mort et ressuscités plusieurs fois, leur père décida un jour d'occulter sa lumière et de demeurer dans les ténèbres à côté d'eux. Quand la bête survint, il la vainquit, et la mit hors d'état de nuire. "

    Le sens dualiste de ce conte symbolique est évident et nos rapproche de cet oiseau lié aux rose-croix. Dans la franc-maçonnerie, le pélican est associé au 18è degré du rite écossais, celui de " Sublime Prince Rose-Croix ". Cet animal symbolise Jésus-Christ. Certains ont pu voir à Utelle une hampe de bannière utilisée depuis la Renaissance par les pénitents et surmontés d'un pélican en bois sculpté. Jadis, il y avait là deux congrégations : les pénitents noirs et les pénitents blancs. Lorsqu'on sait qu'Utelle abritait au Moyen Age une maison de l'ordre du Temple, on comprendra que le noir et le blanc figurent le binaire présent dans le beauceant des templiers, de même que le pélican est le gage d'une haute initiation.

    Cette parenthèse fermée, revenons au catharisme, si toutefois nous l'avons quitté vraiment. Il est question, dans un autre conte populaire occitan, le Roi des Corbeaux, d'un homme vert, un géant, qui a un œil au milieu du front. Le Peuple des Corbeaux est présenté comme une humanité obligée de s'incarner dans le corps de ces animaux. Enchaînés à la matière, ils ne peuvent parler. La rédemption féminine permet au roi des Corbeaux de retrouver la lumière et l'apparence humaine. 

    Le roman de Barlaam et Josaphat n'est pas proprement cathare, bien qu'il ait été traduit en vieil occitan dès le Xè siècle, mais un récit d'origine nettement bouddhique venu de l'Inde à travers l'Iran et Byzance, où il prit sa forme définitive. C'est un conte manichéen, c'est pourquoi il eut tant de succès chez les cathares, qui le traduisirent du grec. C'est un roman très riche en symboles, on y retrouve notamment la licorne alchimique. René Nelli, le grand spécialiste du catharisme occitan, a découvert à Raguse un plat cathare (bogomile) dont la gravure s'inspire d'une légende de cet ouvrage ; on y voit l'homme et la licorne.

    Cet animal légendaire est le symbole de la pureté recherchée par les Parfait cathares. Par sa corne unique au milieu du front, il symbolise aussi la " flèche spirituelle ", le " rayon solaire ", " l'épée de Dieu ". 
    La licorne est hermaphrodite, mais transcende la sexualité, ce qui l'a fait adopter par les albigeois, qui préconisaient la chasteté.

    En définitive, c'est à Simone Hannedouche que nous laisserons la parole, car elle répond aux objections de ceux qui dénient aux cathares une forme de croyance originale ou qui contestent le symbolisme solaire des albigeois, comme si toute les grande religions n'était pas un avatar du mythe solaire ; cet article, paru dans les Cahiers d'études cathares,
    s'intitule  : Montségur, temple solaire. Nous en donnerons seulement la conclusion :

    " Au cours de l'évolution décadente de la pensée religieuse, l'Eglise a nié l'Esprit humain en 869 au Concile de Constantinople, les cathares avaient maintenu depuis Manès la connaissance de l'Esprit créateur, le Verbe, dont parle l’Évangile de Jean... Aujourd'hui, faute d'attribuer les phénomènes de la vie à un créateur divin, on dit couramment :
    " La nature... nous a faits tels que nous sommes... " en recréant ainsi une personnalisation à la manière des peuples primitifs. A vrai dire, on pense aux Lois de la nature, dont on est fort en peine de préciser l'intelligence qui les a inventées : ce n'est pas l'homme puisqu'il les cherche !
    Les cathares, sans en étudier les manifestations chimiques, comme les alchimistes à leur époque, attribuaient la vie à l'action solaire de la lumière et de la chaleur, sans lesquelles il n'y aurait pas de vie sur terre, ce que nous reconnaissons aujourd'hui. Mais derrière les énergies solaires, auxquelles la sciences a dû ajouter celle de la Lune et même des rayons cosmiques, qui sont soumises à des rythmes et à des lois, ils ont placé l'Etre spirituel qui les dirigeait, le "Créateur" du monde terrestre, le Verbe en qui était la Vie, qui devint la lumière du monde et que les ténèbres ne comprennent pas. "

    Mais il serait vraiment borné de penser que des hommes intelligents, même au Moyen Age, aient pu adorer la boule de feu que la science actuelle appelle : le soleil physique. Les " sauvages '' eux-mêmes voyaient en lui une apparence prise par une divinité. Tant qu'on se refuse à admettre qu'à l'origine de la matière se trouve l'Esprit des entités spirituelles, c'est-à-dire, des forces spirituelles actives dans la nature, on ne peut concevoir qu'un Soleil physiques. Mais l'action de ces forces physiques à travers l'immense espace qui le sépare de la Terre reste difficilement compréhensible ''physiquement". Pourquoi la lumière et la chaleur ne diminuent-elles pas en traversant cette distance ? Pourquoi cette source de feu ne se consume-t-elles pas au cours des temps ? Qui l'alimente ?

    L'Esprit divin, qui, pour les cathares, se manifeste dans le Christ et qui rayonne des astres, du Soleil, des étoiles et des constellations zodiacales, agit extérieurement indépendamment de l'espace et du temps. La Lumière et la chaleur sont sa manifestation physique et bienfaisante. S'il est venu s'incorporer en l'homme, c'est pour que celui-ci puisse disposer librement de ses forces, personnellement et intérieurement, où elles se transforment en intelligence et en amour.

    La conception solaire du Christ est pour le moins plus cohérente que celle de la science, qui fait notre Univers et de la vie qui l'anime le résultat du hasard dans le jeu de forces telluriques et qui se contente de cette hypothèse, en attendant de tout démolir en cherchant à démonter un mécanisme qu'elle n'arrive pas à comprendre.

    Le Christ dispensant les forces solaires avec une richesse qui se nuance selon les douze aspects du zodiaque était au centre du christianisme de Manès et des cathares, et il n'est nullement impossible ni "bouffon" que le château de Montségur, et sans doute d'autres, ait été, en même temps qu'une forteresse défensive contre les armées des croisés, un temple solaire.

     


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