• Paul Davies

    Paul Davies est un physicien et écrivain australo-britannique né à Londres le 22 avril 1946.

    " J'appartiens au nombre de ces chercheurs qui ne souscrivent pas à une religion conventionnelle, mais refusent de croire qui l'Univers est un accident fortuit. L'Univers physique est agencé avec une ingéniosité telle que je ne puis accepter cette création comme un fait brut. Il doit y avoir, à mon sens, un niveau d'explication plus profond. Qu'on veuille le
    nommer " Dieu " est affaire de goût et de définition. "

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    Le mystère de la Grande Pyramide

    Voici plus de quarante siècle que les pyramides dressent leur masse énigmatiques au-dessus de la vallée du Nil. Aujourd'hui encore, ces édifices colossaux gardent tout leur mystère. Les bâtisseurs de pyramides détenaient-ils des secrets à jamais perdus, et à quelle fin les anciens Égyptiens ont-ils érigé ces monuments grandioses ?

    La fascination exercée par les pyramides tient avant tout, à leurs dimensions écrasantes. Sur le papier, les plan d'une pyramide - ou même sa maquette - n'ont guère de quoi exciter l'imagination : quatre faces triangulaire, un sommet et des galeries intérieures conduisant à une chambre centrale.

    Le mystère de la Grande Pyramide

     Mais tout change lorsque nous nous tenons au pied de l'édifice et que nous levons la tête vers son sommet : toute notion de forme géométrique paraît alors irrecevable, et la pierre et le ciel semblent se partager l'Univers. Si nous pénétrons à l'intérieur, nous aurons vite perdu tout contact avec la réalité et tout sens de l'orientation en parcourant le labyrinthe de tunnels étroits et humides.

    Et les pyramides conservent bien leur secret. Nous ne pouvons aujourd'hui encore, qu'émettre des suppositions sur les raisons qui ont incité les maîtres de l'ancienne Egypte à entreprendre cette oeuvre colossale.
    De même que nous sommes réduits aux hypothèses en ce qui concerne les techniques employées pour leur construction. Nous ne disposons en effet d'aucun document historique relatif à l'édification des pyramides, et seules les pierres sont susceptibles de nous livrer les clés de cette énigme.

    Le mystère de la Grande Pyramide

    Les vestiges archéologiques nous permettent toutefois de reconstituer les étapes successives ayant abouti à la forme pyramidale parfaites qui caractérise l'une des Sept Merveilles du Monde. La première ébauche de pyramide remonte aux début de la IIIe dynastie, aux environ de l'an 2650 avant notre ère : il s'agit de la pyramide à degrés du roi Djoser à Saqqarah, tout près de Memphis, alors capitale de l'Egypte. On peut imaginer l'émerveillement et la fierté des habitants lorsque, portant les yeux vers les collines bordant le désert, à l'ouest de la cité, ils apercevaient les six gradins étagés du mausolée de leur défunt roi s'élevant à plus  de 60 m au-dessus du sol. Le mémorial du roi Djoser est également le premier monument funéraire construit en pierre. Les tombeaux étant auparavant bâtit avec de simple briques de terre crue.

    Tout commença par une large stèle de pierre recouvrant la chambre funéraire creusée à 30 m de profondeur dans le roc. Puis l'on songea à donner plus d'importance au tombeau. Il semble que le ministre et architecte du roi Imhotep, ait alors imaginé de superposer des mastabas de taille décroissante, qui allaient inaugurer l'âge des pyramides.
    Les bâtisseurs élevèrent donc quatre gradin obtenant ainsi une pyramide à quatre degrés, présentant une forme tronquée. Puis ils élargirent ultérieurement la base et ajoutèrent les deux derniers degrés au sommet.

    Le mystère de la Grande Pyramide

    Quelle était, pour les sujets du roi Djoser, la signification symbolique d'une telle pyramide à degré ? On supposa qu'il s'agissait d'un monumental escalier emprunté par le souverain défunt pour gagner le royaume des astres. Quant aux pyramides ultérieures, aux faces latérales, lisses, leur forme a pu être inspirée par l'extrémité pyramidale des obélisques, pierres levées dédiées au dieu Soleil, dont elles symbolisaient l'un des rayons. Nous ne savons pas non plus quelle était la destination exacte des diverses structures architecturales comprises dans l'enceinte de la pyramide. Ces bâtiments étaient-ils le théâtre de cérémonies publiques du vivant du roi Djoser, constituaient-ils le domaine réservé des prêtres chargés de perpétuer son culte après sa mort, ou bien ont-ils été édifiés pour que l'esprit du souverain défunt puisse accomplir ses devoir religieux dans l'autre monde ?

    Par la suite, chaque pyramide regroupera un vaste complexe architectural comprenant, outre la pyramide proprement dite, un temple funéraire,
    dit " temple-haut " destiné à recueillir les offrandes et accolé à la face est, une série de chapelles et de bâtiments divers et une chaussée reliant le temple-haut aux temples de la vallée du Nil.

    Le mystère de la Grande Pyramide

    Les successeurs de Djoser nous laisseront quelques pyramides à degrés incomplètes, et il faudra attendre le règne de Snéfrou, premier souverain de la IVè dynastie, pour voir apparaître la première pyramide régulière : c'est celle de Meïdoum. Il s'agit d'une pyramide tronquée à trois étages, dont les faces ont été ensuite revêtues d'un dallage de pierre de manière à obtenir des pentes lisses. Malheureusement, le mausolée, édifié sur le sable et non sur une assise rocheuse, comme les autres pyramides, s'est affaissé, peut-être même avant d'avoir été terminé. Il ne reste aujourd'hui que la partie centrale, qui s'élève à quelques 75 m de hauteur, au milieu d'un amas de pierres ayant fait partie de l'édifice.

    Le mystère de la Grande Pyramide

    Au cours de la IVe dynastie, les bâtisseurs égyptiens maîtrisent parfaitement la forme pyramidale classique, dont le plus parfait exemple demeure les trois grandes pyramides de Guizèh : celle de Khéops, dites " Grande Pyramide ", celle de Khéphren, moins haute, mais aussi large à sa base, et celle plus petite de Mykérinos.

    Le mystère de la Grande Pyramide

    La Grande Pyramide, l'une des Sept Merveilles du monde, est unique non seulement par ses dimensions, mais encore par sa disposition intérieure : en effet, les galeries et la chambre intérieure, au lieu d'être situées au niveau du sol ou sous la terre, ont été aménagées en hauteur, dans l'intérieur même de l'édifice.

    Le mausolée s'élevait à l'origine à 146 m et chacun des côtés de la base mesurait 231 m. Mais, au cours des siècles, le revêtement extérieur de ces monuments a été prélevé pour construire les maisons du Caire et il a pratiquement disparu. Si bien qu'aujourd'hui, la Grande Pyramide atteint seulement 138 m de hauteur pour 227 m de côté. Jamais aucun monument n'avait atteint, et n'atteindra par la suite des dimensions aussi colossales !

    Le mystère de la Grande Pyramide

    Pendant la Ve et VIe dynastie, les souverains d'Egypte firent ériger d'autres pyramides à Saqqarah et dans le site proche d'Abousir, mais sans jamais atteindre à la perfection de leurs prédécesseurs : la maçonnerie en était généralement plus grossière et, à la période la plus tardive, la partie centrale du mausolée était constituée par des pierres de petites dimensions, cimentée avec de la boue séchée : le revêtement calcaire n'a pas résisté aux intempéries et le sommet de ces pyramides s'est effondré par la suite. A la fin de la VIe dynastie, le royaume d'Egypte, en pleine décadence, était morcelé en une série de provinces rivales, et les monuments grandioses n'étaient plus en faveur.

    Lorsque l'on parle des pyramides sans autre précision, il s'agit généralement de celle de Guizèh, et surtout de la Grande Pyramide, dont la construction reste entourée de mystère. De toute évidence, les pyramides étaient destinées à servir de tombeau aux souverains de l'ancienne Egypte, dont le sarcophage était déposé dans ce que nous appelons aujourd'hui la " chambre royale ". Nous n'avons cependant aucune autre indication concernant d'éventuelles funérailles. Le seul accès à la chambre royale est constitué par la " grande galerie " : à la base de la Grande Pyramide, ce magnifique couloir offre des dimensions imposantes ( 50 m de long - 8 m de haut - 2 m de large ) ; mais il se rétrécit pour monter en pente abrupte vers le sommet de l'édifice. Il est donc difficile d'imaginer une procession empruntant  cette voie pour conduire la dépouille mortelle de Chéops jusqu'à sa dernière demeure, car l'assistance, pour accéder à la chambre royale, aurait dû pratiquement ramper, la dernière partie du couloir étant extrêmement basse.

    On peut encore se poser des questions sur le choix du site de la Grande Pyramide. Les roi égyptiens se faisaient traditionnellement enterrer sur les contreforts des hauteurs bordant le Nil, ce qui, pour les habitants de la vallée, représentait la direction de l'occident. Le peuple de Memphis pouvait ainsi voir les mausolées de ses rois se détacher sur l'horizon du soleil couchant, astre auquel, croyaient-ils, ils étaient apparentés.

    Le mystère de la Grande Pyramide

    Mais d'autres hypothèse plus complexes ont été avancées, comme le montrent le professeur Livio Catullo Stecchini et Peter Tompkin dans leur ouvrage Secret of the Great Pyramid. Les anciens Égyptiens, affirment-ils, avaient des connaissances beaucoup plus étendues qu'on ne l'imagine généralement dans les domaine de la géographie et de la cosmologie. Selon Stecchini, ils savaient par exemple, que la Terre est ronde et ils étaient capables d'évaluer avec précision la latitude et la longitude ( et donc de mesurer la circonférence de notre planète ). L'Egypte tout entière, nous dit-il, témoigne des connaissances approfondies de cette ancienne civilisation : les frontières, les principales villes, les temples les plus importants occupent une position significative en termes de longitude et de latitude. C'est ainsi que la longueur du territoire égyptien représentait exactement 1 500 000 coudées royales ( 1 coudée = 0,525 m ).
    De même, la plupart des distances séparant les sites les plus importants du royaume s'exprimaient par des nombres harmonieux.

    Cette conception du monde, affirme encore Stecchini, a profondément marqué de nombreux peuples de l'Antiquité, qui calculaient l'emplacement de leurs monuments et de leurs ville d'après la position des principaux méridiens de l'Egypte.

    Le mystère de la Grande Pyramide

    Mais la Grande Pyramide renferme encore d'autre secrets : certains ont fait remarquer que le rapport entre la base et sa hauteur correspond exactement à la valeur de pi, c'est-à-dire à la relation existant entre la circonférence d'un cercle et son diamètre. On dit également que la pyramide de Chéops est une illustration du nombre d'or, rapport privilégié existant entre deux grandeurs, lorsque celle-ci sont entre elles dans la même proportion que la plus grande avec leur somme.

    Le nombre d'or, clé de l'Univers visible pour certains philosophes de l'Antiquité, jouera un rôle prépondérant dans l'architecture grecque classique et ce principe est considéré comme générateur d'harmonie.

    Le mystère de la Grande Pyramide

    Voici encore d'autres chiffres : on a estimé que la Grande Pyramide est constituée de quelques 2 500 000 blocs de pierre calcaire, d'une taille moyenne de 1,20 m x 1,20 m x 0,75 m pour un poids approximatif de 2,500 t
    ( certains des blocs les plus volumineux atteignent 15 t ).
    Au total, on compte à peu près 2 700 000 m³ de pierre, soit 6 millions de tonnes, ce qui représente deux fois le poids total de l'Empire State Building.

    Le mystère de la Grande Pyramide

    D'après les informations dont nous disposons, la construction de la Grande Pyramide aurait pris vingt à trente ans, employant en permanence de 4 000 à 10 000 hommes sans compter les innombrables travailleurs taillant la pierre dans les carrières. En outre, durant les mois d'été, au moment de la crue du Nil, des centaines de milliers d'hommes étaient enrôlés pour haler jusqu'au chantier de construction les réserves de pierre pour l'année suivante.

    Les pierres de qualité inférieure, utilisées pour la partie centrale de la pyramide provenaient pour la plupart des carrières environnantes.
    Mais le granite dont sont faites les parois des chambres intérieures vient de beaucoup plus loin. Quant aux dalles de calcaire fin destinées au revêtement extérieur de la pyramide, elles proviennent des carrières de Tura, creusées au flanc des collines de Mokattam, de l'autre côté du fleuve, à l'est du Caire.

    Le mystère de la Grande Pyramide

    Voici, selon Petrie, comment les 100 000 hommes ( le chiffre vient d'Hérodote ) organisaient leur travail : il fallait environ 8 hommes pour manipuler un bloc de pierre de taille moyenne ( 2 500 t ).
    Chacun de ces groupes plaçait environ dix de ces blocs en l'espace de trois mois. Pour amener les blocs de pierre de la carrière au fleuve, il fallait une quinzaine de jours, et un jour ou deux pour les transporter sur le fleuve.
    Puis six semaines pour les amener au pied de la pyramide.

    Le mystère de la Grande Pyramide

    Là, il fallait encore compter quatre semaines pour hisser les blocs taillés au sommet de la construction. Les énormes pierres étaient sans doute charriées sur des sortes de claies de bois, devant lesquelles on versait à mesure un mélange de boue et d'eau afin de faciliter le glissement de leurs patins incurvés.

    Petit rappel et mise au point :

    Combien de temps leur a-t-il fallu pour construire cette pyramide ?
    Combien d'hommes ont-ils été employés sur son chantier ?
    Deux décennies, et cent mille hommes, répondent en général les égyptologues.

    On pense également que les travaux n'avaient lieu que pendant les trois mois que durait l'inondation de la vallée du Nil, durant lesquels les hommes ne pouvaient se rendre aux champs. La Grande Pyramide se compose, selon les estimations les plus raisonnables, de 2,5 millions de blocs. Si l'on suppose qu'ils travaillaient trois 365 jours par an, les maçons durent mettre en place 31 blocs par heure ( un bloc environ toute les deux minutes ) pour achever la pyramide en 20 ans. Et si les travaux de construction étaient limité à la période de trois mois de crue du Nil, lorsque la main-d'oeuvre paysanne, ne pouvant travailler aux champs, était disponible, ces chiffres doivent être multipliés
    par quatre - soit 2 blocs par minute, cent-vingt par heure.

    De tel scénarios ont de quoi donner des cauchemars aux architectes les plus aguerris. On a peine à imaginer, par exemple, le degré de coordination qui devait être maintenu pour assurer un débit continu d'un bout à l'autre de la chaîne logistique, des carrières jusqu'aux maçons. Imaginons également la catastrophe que constituait la chute d'un seul bloc de deux tonnes et demie du haut de la centième ou de la cent cinquantième assise.

      Comment manipulait-on ces énormes blocs de pierre ?
    Et quels secrets-a-t-on cherché à enfermer dans cette pyramide ?

                                                                                                                                                                            Extrait de " Inexpliqué " 1981


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    Les Chats - La réhabilitation

    Objet de persécution et d'hécatombes si féroces pendant près d'un millénaire, on arrive à se demander comment le chat domestique a finalement pu assurer sa survie en Occident. Bien sûr, l'espèce fait montre d'une prolificité extraordinaire. Mais celle-ci n'aurait pas suffit à empêcher sa disparition s'il n'avait pas bénéficié de la sympathie et de la protection de frange de la population.

    Cette bienveillance à l'égard du chat est attestée, par toute une série de légendes, dans lesquelles transparaît une image favorable de l'animal officiellement décrié et démonisé.

    Un conte de Perrault, Le Chat botté, rapporte l'aventure d'un chat qui donne par son intelligence et sa ruse, fortune et gloire à son jeune maître accablé par la misère et le mauvais sort. Cette histoire, et d'autres, insistent sur l'aspect éminemment utile du chat. Derrière les enjolivements nés du merveilleux propre à toute imagination, elles traduisent le bon sens populaire qui, au contraire des théologiens, vit toujours dans le félin domestique le précieux auxiliaire contre les rongeurs et le gardiens sûr des provisions, donc l’artisan sinon de la richesse, du moins du bien-être du foyer.

    Les Chats - La réhabilitation

    Jusqu'à l'invention contemporaine des raticides chimiques, le chat fut en effet le seul adversaire réellement efficace du rat. Et l'on peut observer d'ailleurs que toutes les périodes de prolifération de cette espèce
    nuisible - avec, comme conséquence pour l'homme, la disette, la famine et les épidémies de peste - correspondent aux époques qui suivent les persécutions et les massacres de chats.

     Le rat brun devient un fléau en Europe aux V et VIe siècle, c'est-à-dire au lendemain de l'interdiction par Théodose des cultes païens, en particulier celui d'Isis, ce qui entraîne les premières exterminations massives de son animal-emblème, le chat. Protégé et vénéré par les Barbares germaniques, celui-ci parvint cependant à juguler le pullulement du rat, porteur de misère et de mort.

    De la mer du Nord à l'Adriatique se développa à prix d'or un commerce de Félidés, qui permit à l'Occident d'échapper en partie aux terribles mortalités de peste ravageant le monde méditerranéen.

    Les Chats - La réhabilitation

    L'arrivée du rat noir suit de près le siècle de la démonisation du chat.
    Décimés sous la bénédiction papale, les félins domestiques ne peuvent empêcher l'irruption massive et la prolifération généralisée
    de la " mort noir ", la peste en 1348, que le rat véhiculait avec lui et qui coûta à l'Europe en six mois, plus du tiers de sa population !
    Limités en nombre, parce qu'assimilés au Satan des sorcières, les chats ne purent juguler le fléau, et la peste sévit à intervalle réguliers jusqu'au début du XVIIIe siècle, date à laquelle se produisit l'invasion de l'Europe par les rats gris, ou surmulots, qui allaient exterminer leurs frères d'espèces, mais être contaminés aussi auprès d'eux par la peste.

    Les Chats - La réhabilitation

    Profitant des guerres, des révolutions et surtout de l'absence en quantité suffisante d'un véritable prédateur - on estime le total des Rats européens, à la fin du XVIIIe siècle, à quelques centaines de milliers ! - ils occupèrent les égouts, les caves, les fondations et les murs des maisons, cachettes inexpugnables qu'ils occupent de nos jours encore, innombrables, malgré les campagnes de dératisation.

    Un milieu social, la marine, a échappé aux effets néfastes de la décimation des chats. Superstitieux, les matelots étaient convaincus qu'ils protégeaient le vaisseaux des tempêtes, qu'ils avaient le pouvoir de faire lever le vent lorsque le navire était en panne, qu'ils étaient des talisman et des porte-bonheur. Plus prosaïquement, l'équipage savait aussi qu'eux seuls pouvaient protéger la cargaison et les provisions du bord des ravages des rongeurs. Un décret du Code maritime de Colbert obligeait d'ailleurs, le capitaine de tout bateau de guerre d'en posséder deux en permanence à bord. Toute négligence était considérée comme une faute grave et, jusqu'à la fin du XIXe siècle, les compagnies d'assurances refusaient d'indemniser les armateurs des dommages apportés par les rats à la cargaison si la preuve ne pouvait être faite de la présence effective de chats à bord !

    Les Chats - La réhabilitation

    Avec les travaux de Pasteur sur l'hygiène, la réhabilitation du félin familier devient désormais complète. Sa propreté naturelle rassure, puis séduit. Il redevient l'animal de compagnie que l'on accepte dans la maison ou dans l'appartement. Sous son masque d'impassibilité et de fière réserve, on redécouvre qu'il est capable de manifester de l'attachement à ceux qui l'aiment. Un fait divers curieux, l'aventure du vieux curé de Jéaumes et de son matou, contribue à le populariser sous cet aspect.

    Un matin, le prêtre en question avait été en effet découvert gisant, inerte, les bras en croix, sur le sol de sa chambre, veillé par son fidèle compagnon qui ronronnait sur son ventre, ne manifestant aucune inquiétude apparente. Ayant diagnostiqué une embolie, le médecin signa l'acte de décès. Mais au moment de la mise en bière, le chat fut pris de fureur et, se jetant toutes griffes dehors sur les employés des pompes funèbres, tentait vainement de les empêcher d'accomplir leur tâche. Furieux devant ce comportement insolite et profitant de l'absence de témoins, ceux-ci eurent l'idée alors d'enfermer la bête dans le cercueil de son maître. Le chat laissa clouer la caisse mortuaire, comme indifférent à ce geste horrible, ne s’intéressant qu'à la personne du bon curé.

    Au moment de la descente du corps dans la fosse, au cimetière, les fidèles, horrifiés, entendirent des miaulement et des coups sourd que l'on frappait de l'intérieur. On ouvrit aussitôt le cercueil et le " cadavre " se dressa de sa tombe, tandis que bondissait, comme une fusée, le chat.
    Grâce à son acuité sensorielle, le chat avait perçu ce qui avait échappé à l'homme de science : que son maître n'était pas mort, mais plongé dans un sommeil cataleptique, lui évitant ainsi d'être enterré vivant.

    Les Chats - La réhabilitation

    En même temps que croissait considérablement sa population dans les foyers domestiques, par un renversement curieux et subit des valeurs, le chat noir devint même le symbole de la chance, et fut pris notamment pour emblème publicitaire par la Loterie nationale. De plus en plus, les artistes s’intéressèrent à lui, peintres, sculpteurs et écrivains. Mais il demeure, de nos jours encore, bien des préventions à son égard.
    Comme jadis - mais sous une forme pacifique -, l'humanité se partage en deux clans, mus l'un et l'autre d'ailleurs par des sentiments aussi excessifs.
    Fait étranges, la distinction entre ceux qui aiment ou adulent les chats et ceux qui, au contraire, n'éprouvent à leur égard qu'une profonde répulsion ou une peur inexplicable passe au-delà du niveau de culture et de l'intelligence. On rencontre autant de grand hommes - d'imbéciles ou de médiocres également ! - qui l'apprécient ou qui le détestent.

    Les raisons n'ont jamais pu être clairement établies. Peut-être ceux qui adorent les chats sont-ils plus sensibles à la poésie indécise qui s'attache à la nuit. Ils trouvent, en tout cas, dans ce félin, l'image de la beauté qui naît du mouvement, précis, rapide et longiligne, qui n'est pas, il est vrai, sans analogie avec le serpent.

    Les Chats - La réhabilitation

                                                                                                Extrait de " Inexpliqué " 1981

     

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    Les Chats suppôts de Satan

    La démonisation du chat, particulièrement du chat noir, a des origines essentiellement chrétiennes, comme le démontre incontestablement le vocabulaire dont elle use et les notions théologiques auxquelles elle renvoie, notamment l'équation fondamentale chat = Satan.

    Elle apparaît, d'autre part, au moment où le christianisme semble solidement implanté et raffermi dans les population d'Europe.
    Fait très significatif, par ailleurs, la diabolisation du chat et la persécution atroce à laquelle elle donna lieu sont l'oeuvre, non des populations frustres, mais des classes dirigeantes, essentiellement ecclésiastiques, lesquelles élaborèrent et affirmèrent la doctrine officielle du chat démoniaque, le compagnon maudit des sorcières et de leurs sabbats, qui fut la règle jusqu'au siècle des Lumières.

    Les Chats suppôts de Satan

    Et ce, pour deux raison : la volonté d'exterminer les vestiges païens demeurés encore vivaces dans la culture populaire ; d'autre part, la détermination farouche d'éliminer, en les satanisant, les divers courants marginaux, sectes hérétiques ou dualiste, ressentis comme une Contre-Eglise.

    Les Chats suppôts de Satan

    Assimilé à la fois à la figure de la Diane gallo-romaine ou de la Freya germanique, déesse de la fécondité mais encore très honorées à l'époque dans les campagnes, et aux avatars de l'Isis égyptienne, qu'étaient soupçonner de continuer à adorer les adeptes des cultes gnostique, le chat devint logiquement la victime toute désignée des peurs de l’intolérance et du fanatisme de l'orthodoxie religieuse en place.

    Le processus de démonisation se fit de façon progressive, et non sans un scénario rituel passablement ambigu. Fondé en 961 par le comte de Flandre Baudoin III, la cérémonie du " Kattestoet " est le meilleur exemple de ces tentatives préliminaires, dont l'imperfection saute manifestement aux yeux. C'était un sacrifice annuel de deux chats, institué pour proclamer publiquement le renonciation de tout un peuple à ces anciennes pratiques païennes.

    Les Chats suppôts de Satan

    Tous les 28 février, au son des cloches de la ville d'Ypres, carillonnant toutes ensemble, deux malheureuses bêtes étaient jetées vivantes du haut des tours du manoir de Korte-Mers et s'écrasaient sur le sol au milieu des vivats du peuple, présidé par ses autorités civiles et religieuses.

    La fête se poursuivit sans interruption jusqu'en 1578, date à laquelle les calvinistes, s'étant rendu maîtres pour un temps de la cité, l'abolirent, y voyant une cruauté inutile, mais aussi, derrière le masque d'une adhésion aux dogmes chrétiens.

    Effectivement, ils étaient dans le vrai. Car, si, au premier degré, la mise à mort des chats pouvait être interprétée comme une mise à mort symbolique du diable, ainsi que l'avait voulu le fondateur de la cérémonie, une analyse plus poussée permet de voir tout à fait autre chose dans le " kattestoes ". Deux choses doivent retenir l'attention : d'abord, il s'agit, non d'une extermination générale des chats de la ville, mais d'une exécution limitée à deux animaux ; ensuite, ce qui en constitue l'élément central et essentiel, c'est qu'il y ait du sang répandu.

    Les Chats suppôts de Satan

    Or, tout ceci est la caractéristique même de tous les rites sacrificiels propres aux cultes agraires de la fécondité. Certes, il faut que les victimes soient ressenties comme innocentes et par conséquent revêtues de sacralité. Si bien que les deux chats étaient censés périr pour revivre, laver les vivants de leurs souillures et régénérer le monde usé et vieilli !

    Le " Kattestoet " n'était pas sans présenter une certaine analogie ou entretenir une confusion avec le rite chrétien de la messe, répétition symbolique du sacrifice sanglant du Christ sur la croix. Ce qui donne du crédit à l'hypothèse, c'est qu'il se soit perpétué malgré les aléas historiques qu'il subsiste, de nos jours encore, sous la forme bien moins cruelles, il est vrai, d'un lancer de chats postiches.

    Avec l'entrée en scène des théologiens disparaît, en revanche, la signification équivoque de la répression du chat diabolisé. Bien sûr, sa figure n'apparaît pas immédiatement comme l'incarnation privilégiée de Satan.

    Les Chats suppôts de Satan

    Mais un siècle plus tard, le fantasme est définitivement établi et fixé. Le prélat anglais Walter Map, présente le chat comme l'incarnation même de Lucifer dans les cérémonies qu'ils attribuent aux Vaudois, c'est-à-dire, selon lui, a des sectateurs du démon qui se cachent sous l'appellation d'hérétiques.

    Selon les dires, l'apparition du diable s'effectuait de la façon suivante. Dans une salle, hermétiquement close, appelée par lui " synagogue ", surgissait soudainement un chat noir de taille monstrueuse et dont le regard avait pour effet de chasser immédiatement de la pièce toutes les lumières. Il faisait, alors, reconnaître sa véritable identité par ses adeptes en exigent qu'ils lui rendent hommage en le baisant sous la queue, puis donnait le branle à une orgie criminelle, dans laquelle tous les excès étaient permis.

    Les Chats suppôts de Satan

    Le plus grand théologiens de l'époque, le Français Alain de Lille, suivi de bien d'autres, donna sa caution morale à ces élucubrations. Il ouvrit même la voie à l'amalgame généralisé, soutenant que le chat était la figure centrale de tous les cultes dissidents sans restriction.

    Dans son traité Contre les hérétiques du temps, il va même jusqu’à récuser l'étymologie traditionnelle - et véritable - du terme " cathare "
    (signifiant " pur " ), affirmant qu'en réalité il dérive du bas-latin cattus, c'est-à-dire " chat " ! Par conséquent, concluait-il, les cathares sont bel et bien des adorateurs du diable !

    Les Chats suppôts de Satan

    A force d'être répétées, ces idées extravagantes finirent par être admises comme des vérités établies par l'ensemble de la population. Lucifer, prince des démons, s'incarne aux yeux de ses fidèles sous la forme d'un chat noir énorme, qui jaillit à minuit d'une statue placée au milieux du cercle magique formé par ses fidèles.

    La base mythique de ces billevesées semble être la légende créée autour de la personne de Saint Clément de Metz. Selon le récit hagiographique, la ville était jadis le théâtre de scènes d'hystérie collective. Dès que survenait juin, le peuple était pris d'envie irrésistibles et frénétiques de danses échevelées, que rien ne pouvait arrêter et qui se terminaient par un bacchanale générale et crapuleuse.

    Les Chats suppôts de Satan

    Un jour qu'il était de passage dans la cité, stupéfait de ce qu'il venait de voir, un pieux chevalier, saint Clément, décida de s'arrêter dans une auberge pour tenter de tirer au clair les raisons de cette folie étrange. Le soir venu, il aperçut soudain, dressé dans la cheminée de sa chambre, un gros chat noir qui le fixait de son regard flamboyant et lourd de menaces. Faisant front, saint Clément saisit son épée en faisant le signe de croix.

    Comme terrifiée, l'apparition disparut immédiatement, crachant des flammes et des blasphèmes. La ville reprit son apparence paisible et naturelle. Mais, poursuivit la légende, le Mal revenait immanquablement, dès que les mauvais chrétiens apparaissaient à Metz. Pour décourager le démon de persister dans ses maléfices fut institué le rite d'un autodafé félin.

    Chaque année, en juin, en grande pompe, devant le peuple et les autorités civiles et religieuses, treize chats ( le chiffre 13 étant considéré alors comme le nombre du diable ) étaient jetés vifs dans un gigantesque brasier allumé sur la place de l'esplanade.

    Les Chats suppôts de Satan

    La tradition attribuait l'origine de cette cérémonie de désenvoûtement collectif aux premiers siècles de notre ère. Son institution remonte en réalité au XIIIè siècle, à l'époque où sévissait en tant que grand inquisiteur du Saint Empire le sinistre et fanatique Conrad de Marbourg, célèbre par ses innombrables bûchers qu'il alluma dans la région rhénane entre 1231 et 1233.

    Le jet du chat dans le feu pourrait faire penser au rite gaulois, rapporté par César, de sacrifices d'animaux et de criminels enfermés dans des mannequins d'osier. Plusieurs raisons entraînent à rejeter cette origine de l'autodafé de chats. D'abord, il s'agissait chez les Celtes d'une cérémonie effectuée en l'honneur de Taramis, divinité céleste et solaire. Or ce culte a disparu dès l'époque gallo-romaine. 

    Les Chats suppôts de Satan

    D'autre part, au Moyen-Age, le chat et le satanisme relèvent de vestiges de cultes de la fécondité, donc agraires et telluriques, comme l'attestent les éléments orgiaques qui leur sont toujours associés. Enfin, les supplices en question se déroulent presque uniquement en terre de peuplement germanique, où l'existence de sacrifice par le feu n'a jamais été rapportée.

    La destruction par le feu est issue incontestablement de la tradition judéo-chrétienne, marquée profondément par le mythe apocalyptique qui voit dans le feu la punition infligée par le Ciel aux forces du Mal ( thème cosmique de la lutte des fils de la Lumière et des fils des ténèbres). Le fait qu'elle se généralise en tant que moyen de vaincre le démon, de préférence aux sacrifices sanglants, traduits, d'ailleurs, les progrès de la christianisation de la société médiévale.

    Contrairement à une idée qui a été trop longtemps répandue, l'existence d'un culte parallèle au christianisme et se manifestant sous la forme d'une sorcellerie organisée n'appartient qu'au domaine de la pure fiction. Dans sa structure, la démonisation du chat est demeurée un fantasme qui ne s'est jamais dissocié du schéma défini par la théologie des XIIe et XIIIe siècle.

    Les Chats suppôts de Satan

    Les aveux des sorcières, arrachés par les tortures de l'Inquisition, démontrent, en effet, même chez celles qui étaient persuadées servir réellement Satan, la nature chrétienne de leurs convictions, inversées bien sûr, puisque pour elles, le sauveur c'est le Diable et non le Christ. Il n'en reste pas moins que ces convictions étaient parfaitement authentiques.

    En revanche, il est vrai, il en est résulté une représentation démonologique de plus en plus diffuse. Progressivement, l'idée du pacte avec le diable a cessé d'être attribuée aux groupements spécifiquement hérétiques, donc constitués d'individus connus ou facilement identifiables. Elle disparaît totalement au XVI siècle, avec l'apparition de la Réforme et de la Contre-Réforme.

    Les Chats suppôts de Satan

    Confinée dans le domaine du surnaturel, la croyance dans la réalité de la sorcellerie n'en a pourtant pas été moins vive. La chasse aux sorcières et la démononisation du chat ont atteint leur maximum d'intensité aux XVIè et XVIIè siècles. Mais, parallèlement, cette démonologie complètement occultée, c'est-à-dire rejetée dans la fantasmagorie à l'état pur, resurgit sous l'aspect de croyance très anciennes, encore que très dégénérées par le syncrétisme et le cadre merveilleux dans lequel elles s'expriment.

    C'est la raison pour laquelle les récits les plus insolites, étranges et saugrenus sur les sorcières et les chats datent de cette époque. Le baptême du chat avait le pouvoir, disait-on, de provoquer le déchaînement des éléments.
    Jeté dans la mer, l'animal provoquait des tempêtes d'une violence inouïe. Enterré dans un champ, il rendait celui-ci stériles et pouvait même entraîner la mort de l'imprudent qui, innocemment, en foulant le sol de ses pieds. Mis dans les flammes, il envoûtait à distance ceux dont la sorcière prononçait les noms.

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    C'était lui, enfin, qui donnait à cette dernière le pouvoir magique de s'élever avec une grande rapidité dans les airs, grâce au fameux balai sur lequel souvent il montait en croupe.

    On racontait aussi qu'elles pouvaient se métamorphoser en chats - mais neuf fois seulement, c'est-à-dire le nombre triple de la Trinité ! - et ainsi exercer leurs méfaits impunément, ou fuir de façon inopinée un danger. L'idée que le chat était une sorcière, et inversement que celle-ci était un animal, s'est répandue dans toute l'Europe, avec une crédulité inimaginable, au moment même où régnait Louis XIV.

    Attaqué de nuit par trois chats, un habitant de Strasbourg eut la surprise, dit-on, de constater que les blessures qu'il avait faite pour se défendre aux trois animaux étaient identiques à celles dont souffrait , le lendemain, trois des plus respectables bourgeoises de la ville.

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    En Ecosse, un gentilhomme qui avait constaté des vols de vin dans sa cave décida de s'y cacher nuitamment ; il eut à faire face à une meute de matous déchaîné, et ne put s'échapper qu'en en blessant un grièvement ; le jour suivant, il apprit qu'une femme du voisinage agonisait, la jambe à demi amputée, c'est-à-dire, d'une blessure identique à celle du chat qu'il avait frappé.

    Au Pays basque, on était persuadé que des sorcières venaient, la nuit, voler le lait des vaches en empruntant la forme du chat.

    Le délire irrationnel fini par faire craquer le cadre rigide de la démonisation chrétienne du chat. Retrouvant le principe d'ambivalence que prête l'animisme aux puissances magiques, les gens crurent que l'animal pouvait à la fois servir à procurer des remèdes ou des maléfices. Orgelets et panaris frottés avec une queue de chat noir étaient censés guérir comme miraculeusement et, si l'on prenait soin d'en enterrer une devant le seuil de la porte, on était assuré que jamais la maladie ne pénétrerait dans la maison.

    Les Chats suppôts de Satan

    En Bretagne, au XIXe siècle, le recteur passait pour avoir le pouvoir de se métamorphoser en ombre de chat, et ainsi empêcher ses paroissiens de se livrer au péché !

    En revanche, un objet appartenant à quelqu'un et frotté sous le ventre du chat provoquait immédiatement une maladie incurable à son propriétaire. Quant à la graisse d'un chat tué, elle servait à fabriquer le sortilège le plus terrible, celui auquel même un saint ne pouvait échapper : la chandelle de l'Homme mort. Fondue et coulée autour d'une mèche de cheveu retirée à un cadavre - de préférence un pendu ! - , sa lueur foudroyait l'imprudent qui la regardait !

    Placé dans les murs, sous le plancher ou dans la solivure d'un édifice ou d'une demeure, le cadavre d'un chat fraîchement tué avait, enfin, la vertu d'en assurer une protection contre tous les mauvais coups du sort.

    La pratique semble être née en Angleterre, au XVII siècle, comme en témoignent les squelettes retrouvés dans la Tour de Londres, la cathédrale de Dublin, de nombreux château du Yorkshire et même dans l'un des murs de la citadelle de Gibraltar. Elle ne s'est éteinte, d'ailleurs, tout à fait, que dans les dernières années du XIXè siècle, ainsi que l'atteste une anecdote authentique, survenue en Cornouailles en 1890.

    Les Chats suppôts de Satan

    Lors de la construction d'une maison, une grève éclata parmi les ouvriers, et les maçons prévinrent qu'ils ne reprendraient le travail que si le maître d'oeuvre respectait la tradition d'emmurer vivant un chat dans les fondations.  Ami des bêtes et hostile à des usages aussi cruels que stupides, mais néanmoins habiles négociateur, celui-ci parvint à trouver un biais satisfaisant pour tout le monde. On substitua au chat un lièvre mort, et le travail reprit.

    Dieu merci, ce n'était pas le premier geste du processus de réhabilitation du paisible animal domestique...

                                                                                          Extrait de " Inexpliqué " 1981

     

    5 commentaires
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    Le Chat - La Légende

    Ni animal sauvage ni animal domestique, s'étant seulement laissé apprivoiser, le chat possède des rapports avec l'homme unique en son genre. Son instinct farouche d'indépendance, une dignité sereine et hiérarchique, une élégance et une grâce naturelle le distinguent des espèces depuis longtemps domestiquées.

    On est à peu près certain que, comme l'homme, il est né en Afrique, durant la période protohistorique, du croisement de deux sous-espèces félines par la taille et par l'aspect : le chat fauve - ou chat ganté - et le Chaus ressemblant un peu au lynx.

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    C'est en Egypte semble-t-il, que l'apprivoisement fut réussi pour la première fois. De quelle manière ? Sans doute progressivement. Attiré peut-être par la chaleur des feux, l'animal s'habitua à la présence de l'homme et accepta sa compagnie. Dès le IIIè millénaire avant J-C, il figure en tout cas sur les fresques et peintures funéraires, il est représenté  par des statues de bronze datant de l'époque des premières dynasties pharaoniques.

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    Des restes momifiés découverts dans de vastes nécropoles félines attestent l'existence de deux variétés apprivoisées par les habitants de la vallée du Nil : un chat ganté comme animal de compagnie et gardien des provisions du foyer contre les petits rongeurs, un type Chaus en tant qu’auxiliaire de chasse pour traquer le gibier pullulant dans les marais. Avantage certain sur les autres civilisations, son exportation était interdite.

    Elle eut lieu néanmoins, malgré les peines sévères édictées à l'encontre des contrevenants, et cette contrebande permit l'extension du chat apprivoisé progressivement à l'ensemble de la planète.

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    Grâce à des croisements avec de petits félins indigènes restés à l'état sauvage, de nombreuses races pures ainsi apparaître et se multiplier, d'autant plus aisément que le chat possède une capacité de mutation générique très grande. Apparié, en Asie occidentale, aux chats sauvages des steppes, le chat d'Egypte serait à l'origine des variétés à poils longs, angoras ou persans.

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    L'espèce siamoise résulterait de l'accouplement de chats du Bengale et d'ocelots de chine. Au Ier millénaire avant J-C, le chat est répandu dans ces divers pays. En Occident, en revanche, son introduction fut plus tardive. Elle est le fait des légions romaines. Et les différentes races actuelles proviennent de croisements complexes avec des chats sylvestre locaux.

    Entre-temps, dans son pays d'origine, l'Egypte, le chat faisait l'objet d'une promotion exceptionnelle qui le plaçait à l'intérieur du panthéon divin. Il ne s'agissait pas, comme on l'a cru longtemps, d'une zoolâtrie vulgaire. Impressionnés par les variations de la pupille qui donne à l'animal son regard énigmatique et expressif, capable, lorsque l’œil se dilate et s'arrondit, de capter toute la lumière, apte également, à l'instar du serpent, à soutenir avec une intensité fascinante le regard humain, les Égyptiens virent dans le chat une manifestation, accessible à l'homme, du principe divin suprême, l’œil solaire.

    Le Chat - La Légende

    De façon très significative, ils avaient d'ailleurs donné au chat le nom de " Mau ", terme signifiant également œil dans leur langage. Un mythe expliquait l'apparition de cet avatar divin.
    Déçu par la vilenie des hommes, l'antique dieu du ciel, Horus-Râ, décide un jour de les punir et, incarnant sa colère sous la forme de la lionne Sekhmet, il s'emploie à en détruire la race.

    Mais, accessible à la pitié et accordant son pardon, il décide d'arrêter sa fureur vengeresse et transforme Sekhmet par la puissance de son verbe en Bastet, la chatte, et, dégoutté de tout, se retire au ciel, laissant aux divinités émanées de lui, plus neuves et plus compréhensives des imperfections humaines, la charge de conduire désormais le monde.

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    Incarnant la bienveillance divine, Bastet devint très populaire.
    D'abord divinité céleste et garantes de l'ordre du monde, elle évolue, lors du déclin de la religion solaire et du triomphe du culte osirien, en avatar d'Iris, la déesse magicienne qui, par la momification, permet la survie après la mort dans l'au-delà.

    Ses dévots avaient à cœur d'embaumer à leur frais tous les chats, qui étaient sa manifestation visible. Une seule métropole, celle de Beni Hassan, a révélé la présence de plus de 3 000 momies félines - une bonne partie ayant été d'ailleurs perdues, les Anglais, qui ne savaient pas de quoi il s'agissait, ayant expédié par bateaux entiers ces restes dans leurs pays natal pour être utilisés en tant qu'engrais !

    Selon le témoignage d'Hérodote, les fêtes annuelles de Bastet se déroulaient en mai dans le grand temple de Bubastis, dans le delta. Elles comptaient parmi les plus importantes des cérémonies religieuses de l'Egypte et attiraient des dizaines de milliers de fidèles, venus en barque des provinces les plus lointaines. Sur tout le trajet, et notamment à chaque halte, se formait une gigantesque sarabande, la foule s'adonnant à la danse rythmée au son de la flûte, s'enivrant de musique et de vin et se livrant aux débordements sexuels.

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    Le sens de la fête est clair : il s'agit d'un rite de rénovation périodique du monde, la victoire des forces de la vie sur la mort, du printemps sur l'assouplissement de l'hivers. D'élément ordonnateur du monde, le chat devient donc une représentation exclusivement agraire de type orgiaque, qui caractérise le culte déclinant de Bastek. C'est ce qui explique peut-être l'hostilité qu'allait éprouver par la suite le christianisme à l'égard du paisible félin.

    Cette évolution réductrice n'a pas existé parmi les autres civilisations anciennes. En Extrême-Orient, en Indonésie ou au Cambodge, l'attribution de pouvoirs magiques au chat est nette, mais ne lui a valu nulle démonisation, par conséquent nulle mise à mort rituelle. Plongé dans une mare, aspergé d'eau ou obligé à traverser une rivière dans laquelle il avait été jeté, il était censé contraindre les génies de l'atmosphère à donner aux hommes la pluie qui se faisait attendre pour les récoltes.

    En Chine, en revanche, ont coexisté deux rites, l'un sacrificiel ( le chat tué et enseveli dans un champs étant censé garantir une bonne récolte pour l'année suivante ), l'autre de pure vénération. Très pragmatiques, les Chinois semblent d'ailleurs s'être montrés plus sensibles à son rôle de prédateur : le chat éliminait en effet les rongeurs nuisibles aux récoltes et dévoreurs des élevages de vers à soie.

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    Considéré le plus souvent comme porte-bonheur, on lui attribuait le pouvoir d'attirer, selon sa couleur, l'or ou l'argent dans la maison où il avait élu domicile, et son départ signifiait l'irruption du malheur sur le foyer ( c'est la raison pour laquelle on l'attachait généralement à une laisse ). Capable d'augurer les catastrophes naturelles par son agitation ou le simple clignement d'un de ses yeux, il était à la Cour impériale l'objet des observations attentives des devins et des mages attachés à sa personne.

    Dans le monde indien, il symbolisait la béatitude de l'ascète, et son indifférence apparente à l'aspect immédiat des choses n'était que le signe d'une sagesse supérieure, d'où son rôle ambivalent de force tour à tour bénéfique et maléfique, lorsqu'il apparaît sous figure de monture de la Yogoni Vidâli, la destructrice et la régénératrice du monde usé.

    Le Chat - La Légende

    Outre son rôle utilitaire d'exterminateur des rats et des souris, il fut en Occident antique particulièrement attaché à la fonction guerrière. Certaines cohortes de légionnaires romains allaient au combat sous les couleurs rouge ou verte. Les peuples germaniques, notamment les Suèves, les Vandales ou les Burgondes, brandissaient, en revanche, des étendards portant un chat noir sur fond d'argent qui symbolisait la Liberté.

    Le Chat - La Légende

    Mis à part le Talmud, qui prête au placenta de chatte noire le pouvoir de faire voir les démons à celui dont on frotte les yeux, peu de tradition anciennes ont diabolisé le félin familier à l'homme. Les Celtes estimaient qu'au travers l’œil du chat, les fées observaient le monde terrestre. L'Islam a pour lui un préjugé favorable en souvenir de l'amour que le Prophète éprouvait pour cet animal.

    Il courait d'ailleurs au début du siècle, en Turquie, une légende, naïve mais ravissante, illustrant les sentiments de Mahomet à l'égard du chat, auquel il a donné la préférence sur les femmes en le mettant dans le paradis, d'où il les a exclues.

    " Le minet du Prophète était un jour, couché sur une manche de la veste de son maître, et il méditait si profondément sur un passage de la Loi de Mahomet, que l'heure appelait à la prière, n'osant le tirer de son extase, coupa sa manche pour ne pas le déranger. A son retour, il trouva son chat qui revenait de son assoupissement extatique et qui, voyant sous lui la manche que Mahomet avait coupée, reconnut l'intention de son maître pour lui. Il se leva pour faire la révérence, dressa la queue et plia son dos en arc pour lui témoigner plus de respect.

    Le Chat - La Légende

    " Mahomet, qui comprit à merveille ce que cela signifiait, assura au saint homme de chat une place au paradis. Ensuite, lui passant trois fois la main sur le dos, il lui imprima par cet attouchement la vertu de ne jamais tomber sur cette partie : de là vient que les chats retombent toujours sur leurs pattes. "

    Explication de leur agilité proverbiale dont l'ingénuité fait évidemment sourire ! Grâce divine ou simple héritage génétique, la gent féline allait toutefois avoir un sérieux besoin de cette faculté pour survivre aux malheurs qui fondirent sur elle, lors de sa démonisation après l'an mil.

                                                                                    Extrait de " Inexpliqué " 1981

     

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