• Un jour, Nils, quatorze ans, fils d'humbles fermiers de Scanie, se moque d'un "tomte", sorte de lutin haut comme un revers de main et génie familier qui hante les foyers scandinaves. Pour se venger, celui-ci ensorcelle le gamin et le transforme en tomte. Désolé, Nils contemple dans le miroir sa minuscule silhouette. Il s'aperçoit avec stupeur qu'il comprend désormais le langage des animaux. Oubliant sa petitesse, il saute sur le dos du jars Martin, qui s’apprête à s'envoler pour suivre l’irrésistible appel des oies sauvages survolant la ferme. Voici Nils juchz sur sa monture en partance vers la Laponie, où les oies se rendent chaque printemps. La vieille Akka, chef des oies, l'acceuille avec humeur mais, peu à peu, la bande adopte cet étrange compagnon qui, tout au cours de la randonnée, déjoue par son astuce et sa ténacité les pièges tendus par les chasseurs ou les renards. Enlevé par des corneilles, capturé par un ours, Nils connait mille aventures dont il se tirera toujours grâce à sa bonne entente avec les animaux et à son courage. Nils retrouvera sa forme humaine en regagnant la maison familière sur le dos du jars Martin.    

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    Sur un thème pourtant imposé, Selma a donné naissance à un chef-d'oeuvre qui enchante au sens propre, les petits et grand. 
    Le lecteur, quel que soit son âge, s'identifie au héros, symbole de liberté. Nils, par son appartenance provisoire à un monde magique, échappe à la condition humaine. La richesse d'imagination de l'auteur, sa puissance d'évocation de la nature, son interprétation poétique des signes, l'observation pleine de finesse des relations de Nils avec les animaux, le moralisme sous-jacent teinté d'humour, tout concourt à faire du Merveilleux Voyage une épopée pleine d'enseignement. Selma Lagerlöf alterne, très habilement, le récit de légendes anciennes ou de fantaisie, les leçons de sciences naturelles, les descriptions des provinces qui défilent sous les yeux éblouis de Nils. 

    Deux chefs-d'oeuvre replongent l'enfant humain dans la vie primitive : Le Livre de la jungle et Le Merveilleux voyage de Nils Holgersson sont nés à peu près en même temps, à l'orée du siècle qui a le plus sauvagement saccagé et désacralisé la nature et, ce faisant, l'homme. Selma Laferlöf admettait avoir été influencée par Kipling mais ces deux livres issus de deux tempérament différents se ressemblant aussi peu que la jungle hindoue et la lande lapone. Le Livre de la jungle et le Merveilleux voyage ont le même sort qui est d'être considérés comme des livres d'enfant alors que leur sagesse et leur poésie s'adressent à tous. Selma Lagerlöf, il est vrai, avait sciemment écrit pour les écoliers suédois mais, par delà eux, elle nous parle.  


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  • Nous sommes dans l'ère du pléistocène et nous suivons l'histoire d'une horde familiale de pithécanthropes. Il y a le père Edouard, sorte d'Archimède qui porte l'innovation et le progrès à une nature de l'homme ; la mère Mathilde qui invente la cuisine après la découverte du feu par son mari ; Ernest qui est le narrateur et ses frères et sœurs. Plus tard, des femmes de hordes étrangères apparaissent. On suit pas à pas les progrès que font cette horde sous la houlette du père : le feu, la cuisine, la taille du silex, le début de la religion, la domestication... Le tout sous le regard réprobateur de l'Oncle Vania qui ne voit ces progrès sous un bon œil...

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    Ernest, le narrateur, nous raconte sa vie : le boulot, la famille, les amours. Ce qui marque à la lecture de ce roman, c'est la langue utilisée, dans la narration comme dans les dialogues. Ces pithécanthropes pas encore sortis de leurs cavernes, s'expriment avec un vocabulaire extrêmement riche et dans une syntaxe parfaitement maîtrisée. 

    Tout cela nous est raconté avec un humour qui fait mouche à chaque page. Ne vous arrêtez pas à l'illustration de la couverture, ce livre vous fera hurler de rire ! Mais ce rire est salutaire, nous interroge sur les débat de la société moderne comme la technique, le progrès, l'éducation, la place des femmes au sein du foyer l'art, l’intérêt des échanges avec d'autres clans... Grace à l'humour, Roy Lewis propose une approche ludique de débats actuels. Il nous met en garde contre le progrès pas maîtrise : exemple, le feu source de confort qui précède le désastre d'un grand incendie peut être perçut comme une analogie avec l'énergie nucléaire et... la bombe nucléaire.     

    Extrait

    " Que cela vous serve d'exemple, grand cornichons que vous êtes. Faites marcher vos cervelles ! Il nous reste beaucoup à réfléchir, dit-il sentencieusement, encore plus à apprendre, et un très long, très long chemin à parcourir. Mais pour allez où ? murmura-t-il d'un ton soudain songeur. That is the question. "


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  • Aventurier errant et vagabond sur la Terre, Solomon Kane traque et tue impitoyablement ses ennemis dans un monde pris de folie. Instrument de Dieu ou puritain fou habité par des forces qui le dépassent, qui est Solomon Kane ?

    Bras vengeur de Dieu armé d'une épée et de ses deux pistolets, le personnage est un véritable fanatique à l'obstination proche de la folie quand il s’agit de traquer le Mal sous toutes ses formes. Il n'est pas rare de voir Solomon se jeter dans la bataille avec une confiance aveugle (voire suicidaire), l’œil étincelant d’excitation. Prêt à mourir pour son Dieu, certain de jouir du bonheur éternel pour sa bravoure, obéissant à un dessein dépassant – du moins le croit-il – sa propre volonté. Son combat est juste, il ne peut donc échouer. Et quand il s’agit d'administrer son juste châtiment à l’assassin, il considère que Dieu l’autorise à tuer. 

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    Avec Solomon Kane, Howard démontre encore qu'il sait créer des personnages complexes et intéressants. Kane est un justicier, certes, mais il a un côté sombre, il est presque aussi inquiétant que les démons qu'il combat. Un héros sans identité , sans passé, qui arrive d'on ne sait où pour repartir on ne sait où, qui agit comme la vengeance de Dieu faite homme, une véritable incarnation de la justice immanente venant châtier les malfaisants.

    Parmi les personnages crées par Howard, Solomon Kane est peut-être le plus maléfique mais également le plus pur.

    Il n'a compagnie que lui seul, mais il n'est pas indifférent aux autres. Même s'il est froid dans ses mots il peut se montrer d'une douceur insoupçonnée. Il sait ce qui est bien et mal. Il lui manque des mots pour expliquer tout cela, son vécu et son ressenti. Mais qui le comprendrait ?

    Au fil des nouvelles qui composent ce recueil, Kane prend de l'ampleur, mais en même temps, l'aura fantastique et surtout de surnaturel qui planent dans ces histoires s'estompent. La fantasmagorie maléfique laisse place à l'aventure pure, puisée aux sources des grands mythes.

    C'est ainsi que Robert Howard développe une version personnalisée de l'Atlantide et de son prolongement, et qu'il nous fait côtoyer la piraterie sans vraiment mettre la mer à contribution.
    Un intégral indispensable à seulement 10 euros pour quiconque veut connaitre les aventures de ce personnage extraordinaire. 

     


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  • Les villes mayas sont conquises mais ne disparaissent pas. Parfois la végétation reprend ses droits, dispute au hommes les prérogatives d'un asservissement définitif. Au loin, le volcan se couvre et se découvre, annonçant l'imminence de combats sanglants entre les forces métalliques des conquistadores et des guerriers aux plumes multicolores du Pays-Fleuri. Plus loin encore, Cuculcan, l'un des plus anciens dieux suprêmes, se laisse envoûter par l'anis sauvage. Neuf contes et légendes restituent la marqueterie d'une culture dont le métissage effectué au XVIè siècle nourrit l'identité présente du Guatemala.

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    D'aucun ont employé les termes de " réalisme magique " et de " réalisme halluciné " pour qualifier le style de Miguel Angel Asturias. Son verbe se développe harmonieusement, sans jamais rompre le fil ténu qui unit la réalité et le songe. De ce lien en suspension naît la poésie. Evoquant les croyances ancestrales, les superstitions, le panthéon des dieux mayas ou l'irruption de l'Espagne conquérante, Asturias nous confie à un festin onirique où l'histoire guatémaltèque se fait chair. 

    Un Guatemala irréductible sort des limbes de notre ignorance, nous invite à un voyage imaginaire à travers les siècles passés et les éléments indomptés.

    Quel mélange que ce mélange de nature torride, de botanique aberrante, de magie indigène, de théologie de Salamanque, où le volcan, les moines, l'Homme-Pavot, le Marchand de bijoux sans prix, les " bandes d'ivrognesses dominicales ", les " maîtres mages qui vont dans les villes enseigner la fabrication des tissus et la valeur du Zéro ", composent les plus délirants des songes.

    Un récit fantastique, voire surréaliste qui nous plonge dans un univers onirique mêlant nature et divinités.

    Légendes du Guatemala n'est cependant pas une lecture facile et s'adresse à un public averti. Le style d'Angel Asturiad peut surprendre au début mais le charme opère et c'est l'essentiel.

     


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  • A Madrid, il est un homme que tous admirent : le moine. Avant d'être nommé supérieur de sa communauté, il n'est jamais sorti de son couvent, où il fut recueilli dès sa naissance, abandonné par ses parents. Il ne sort de sa retraite et de son recueillement que pour faire des sermons à la cathédrale, dans laquelle une foule impressionnante vient l'écouter pieusement. " C'est un saint ", disent de lui les habitants de Madrid. Mais personne ne le connait véritablement, si ce n'est Rosario, jeune novice qui lui voue une admiration toute particulière, et Dieu le Père en personne ! Le moine est trop sensible à l'image - certes inoffensive - de la Vierge Marie devant laquelle il prie chaque jour, et trop prompt à réveiller ses sens si longtemps endormis, pour rester saint toute sa vie. Derrière la rose se cache un dangereux serpent et, derrière le moine, c'est le diable lui-même qui veille...

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    L'un des thèmes de la littérature gothique du XVIIIè et du XIXè siècle est le moine vaniteux et libidineux. Apparu dans les fabliaux du Moyen-Âge, il s'est enraciné dans l'imaginaire collectif. Cependant, l'originalité apportée par le roman gothique à ce cliché de la littérature, est de lui conférer une psychologie et une aura démoniaque et irrésistible ascension vers le Mal. En un mot, faire du moine paillard traditionnel, un personnage complexe, sombre et tourmenté, à l'image de la trame du roman gothique. Cet ouvrage au succès retentissant servira de modèle aux roman gothiques qui suivront.

    Le Moine est probablement le plus célèbre roman "terrifiant" anglais du XVIIIè siècle, mais aussi l'un de plus transgressifs. En effet, il est le premier récit à mettre en scène un moine dans le rôle du héros maléfique. Sa publication fit scandale et Lewis fut obligé d'en expurger certains passage dans la deuxième éditions.  

    L'édition originale du Moine a été publiée en 1796 avec beaucoup de succès, bien plus, d'ailleurs, que n'en connurent les ouvrages suivants de Lewis. La seule véritable traduction à laquelle il est fait traditionnellement référence est celle de Léon de Wailly en 1840. Lorsque Antonin Artaud entreprend de réécrire Le Moine, ce travail est réaliser sur commande et dans la perspective de l'adapter au théâtre ou au cinéma. Artaud n'a jamais prétendu traduire littéralement le texte, mais a plutôt voulu en faire ressortir l'aspect fantastique.  

    Le texte original a été écourté, pour un résultat toutefois long, où les rebondissements de situations nous font découvrir des liens tout d'abord insoupçonnés entre les différents protagonistes. " La Nonne sanglantes " et " Le Juif errant " sont des passages pleins de suspense qui donnent des sueurs froides. On retrouve dans ce choix d'Artaud, son gout pour les mondes parallèles où les repères n'existent pas. Le Moine est un récit vraiment diabolique, où le suspense et l'horreur sont entretenus jusqu'au bout.

    Ecrit vers l'âge de vingt ans, Le Moine fut à la fois le premier et le meilleur roman de Matthew Gregory Lewis. Le personnage d'Ambrosio, moine orgueilleux et libidineux fait désormais patie du cercle très fermé des "génies du mal", tels que Melmoth de Mathurin ou le Faust de Goethe 


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