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    L'Egypte ésotérique

     

    La terre des pharaons et des pyramides a toujours exercé une grande fascination sur les imaginations. Et de nombreux adeptes des sciences occultes ont cherché à pénétrer les arcanes de la religion égyptienne. 
    Ainsi, lorsque le célèbre mage Aleister Crowley publia un ouvrage ésotérique à propos du jeu de tarots, il l'intitula Le Livre de Thot. N'est-ce pas suggérer qu'il détenait les secrets des anciens dieux ?

    Le dieu Thot tenait un rôle fort important dans le tribunal des morts. Cette assemblée présidée par Osiris et composée de quarante-deux autres divinités, régissait le passage des défunts dans l'autre monde. Thot, assisté d'Horus et d'Anubis, procédait à la pesée du cœur, rite essentiel de ce jugement : le cœur du mort était déposé sur l'un des plateaux de la balance des dieux, tandis que sur l'autre était placée une plume représentant la justice et la vérité. Le dieu à tête d'oiseau notait alors dans son registre les résultats de la pesée.

    Mais cette fonction de greffier divin n'était pas la seule attribution de Thot, qui était surtout considéré comme le dieu de l'Ecriture et de la Connaissance, et qui devint, par extension, le dieu de la Magie. Il aurait ainsi rassemblé, croyaient les anciens Égyptiens, l'essence de son savoir et les secrets fondamentaux qui président aux destinées de l'univers dans les livres sacrés " écrits de sa propre main ".

    Crowley et les nécromanciens modernes continuent à révérer Thot comme le grand initiateur et le maître des connaissances occultes, ce qui explique que les figures symboliques et les rites secrets des prêtres égyptiens aient conservé toute leur fascination.

    Dès 1781, le français Antoine Court de Gébelin prétendait, guidé, il est vrai, par sa seule imagination, que les vingt-deux atouts du jeu de tarots véhiculaient, depuis des millénaires, l'enseignement secret des anciens sages égyptiens - connaissances transmises sous une forme codée, afin d'éviter qu'elles ne fussent dévoilées aux non-initiés.  

    Vers la même époque, le comte de Cagliostro instituait le rite maçonnique égyptien : les membres de la loge se réunissaient dans une salle décorée comme un temple et ornée de statues d'Isis et d'Anubis ; et Mozart, dont l'opéra La Flûte enchantée recèle de nombreux symboles maçonniques aux mystères d'Isis. Plus tard, de nombreux occultistes comme Eliphas Levi, reprendront à leur compte cette assimilation entre les sciences ésotériques et la religion égyptienne.

    Même à notre époque, où la plupart des civilisations antiques ont livré leurs secrets, l'ancienne Egypte reste auréolée de mystère. Ne serait-ce que par le caractère gigantesque et proprement surhumain de ses réalisations. La construction des pyramides ou des grands temples des bords du Nil défie encore l'imagination, car elle implique une ampleur de moyen et de maîtrise stupéfiantes, même pour notre siècle hautement technologique.

    Nous sommes fascinés par ailleurs par le rôle prédominant joué par la mort dans la vie quotidienne des anciens Égyptiens - et notamment par les rites majeurs du passage dans l'au-delà, sorte d'accession à une seconde vie, d'où l'importance du cérémonial funéraire. Quant aux hiéroglyphes, qui ont gardé si longtemps leur mystère, nous imaginerions facilement qu'il ne s'agit pas seulement d'un simple alphabet, mais de formules magiques.

    Enfin, la religion égyptienne se révèle d'une très riche complexité, alliant harmonieusement les divinités tutélaires locales et les démiurges qui régissent les éléments. Les dieux égyptiens, de ce fait, ont souvent une personnalité multiforme et de nombreux attributs différents. S'ils gouvernent les grandes forces cosmiques, ils restent cependant étroitement mêlés aux affaires des hommes. Les rois se réclamaient des plus hautes divinités ; les pharaons étaient désignés sous le nom de " fils de Rê " : le dieu-soleil Rê régnait à la fois sur les autres dieux et sur l'humanité.

     On lui assimila par la suite des divinités locales primitives : ainsi le dieu thébain Amon devint Amon-Rê, et les prêtres de Memphis identifièrent le dieu local Ptah, patron tutélaire des artistes et des artisans, à un fils de Rê.

    Selon les mythes cosmogoniques égyptiens, Rê aurait engendré de sa propre substance Geb et Nout, divinités du Ciel et de la terre, qui, à leur tour, donnèrent naissance à Osiris, Isis, Seth et Nephtys . Osiris, dieu de la Fertilité et de la Résurrection des morts, était l'époux d'Isis, qui donna naissance à Horus, dieu à tête de
    faucon ; avec Nephthys , qui était la compagne de Seth, Osiris engendra Anubis.

    Divinité bienfaisante, Osiris enseigna aux Égyptiens l'art de la culture et institua les lois et les rituels religieux.
    Seth, puissance maléfique, en conçut de la jalousie et résolut de se défaire de son frère. Il s'empara d'Osiris et le tua, puis dépeça son corps, dispersant ses membres à travers toute la terre d'Egypte. Mais Isis parvint à rassembler les dépouilles de son frère et époux, qu'elle recousit et enveloppa de bandelettes (Osiris ainsi la première momie), après quoi elle réussit à le ramener à la vie. C'est alors que le couple divin conçut Horus, qui devait combattre victorieusement Seth. 

    L'invocation suivante, adressée par un pharaon à Osiris, montre bien la nature multiple, à la fois lumineuse et féconde, de la divinité : 

    " Ô toi Osiris, qui est d'une essence plus secrète que les autres dieux ! Toi qui symbolises l’éternelle jeunesse !
    Là où tu apparais les ténèbres se dissipent. Les autres dieux et les mages n'existent que pour glorifier ta majesté et exterminer tes ennemis. "

    Les divinités secondaires de l'ancienne Egypte étaient plus directement liées aux activités quotidiennes.
    Thouéris, l'une des plus anciennes déesses, favorisait la maternité. Toutes les femmes égyptiennes lui adressaient des offrandes ou portaient une amulette à son image : Thouéris était représentée avec un corps d’hippopotame, une tête de crocodile, des pattes de lion et des mains humaines. Son époux, le génie Bès, avait également un rôle protecteur et bienfaisant, en dépit de son apparence terrifiante.  

     Le peuple égyptien sollicitait ces divinités tutélaires pour ses affaires courantes, un peu comme, aujourd'hui, nous demanderions à une voyante de nous dire la bonne aventure ou d'interpréter nos rêves avant de prendre une décision importante. Quiconque avait besoin de conseils passaient la nuit dans l'enceinte du temple dans l'espoir que le dieu ou la déesse lui apparaîtrait en songe pour lui donner son avis. Toutes sortes de magiciens, de devins proposant l'interprétation des songes, se pressaient aux abords du temple, prêts à monnayer leurs services.

    Voici quelle était la meilleure recette préconisée pour que Bès se manifestât en songe : il fallait d'abord écrire une supplique à la divinité à l'aide d'une ancre bien particulière, dans la composition de laquelle entrait notamment le sang d'une colombe blanche ; puis il fallait " dessiner l'image du dieu sur sa main gauche, que l'on enveloppait ensuite dans une bande d'étoffe noire, consacrée auparavant à Isis, et, enfin, s'étendre et attendre le sommeil sans prononcer une seule parole, pas même pour répondre à une question ".

    L'un des aspects de la civilisation de l'ancienne Egypte qui a le plus frappé notre imagination concerne les rites funéraire : il s'agit des momies et de l'aménagement intérieur des mausolées. Les sujets du pharaons étaient convaincus que l'existence se poursuivait après la mort. C'est pourquoi chaque défunt était pourvu d'une sorte de recueil de conseils pratiques, le Livre des morts, véritable guide illustré destiné à lui faciliter ses premiers pas dans l'au-delà. Il pouvait s'agir d'une fresque peinte directement sur les murs du mausolée ou sur les parois du cercueil, ou, plus modestement, d'un simple papyrus glissé aux côtés du corps, dans la tombe.

    Le Livre des morts enseignait aux Égyptiens comment subir dans les meilleures conditions possibles le jugement des dieux ; comment, par exemple, déjouer les pièges qui leur seraient rendus ou se disculper des fautes qui leur seraient imputées, afin que le tribunal divin tranchât en leur faveur. Parmi les scènes représentées pour l'édification du défunt figurent généralement la "pesée du cœur" et les supplices réservés aux plus coupables. 

      Par ailleurs, pour parvenir sans encombre au royaume d'Osiris, le corps devait être rendu indestructible par la momification et par un embaumement plus ou moins raffiné, selon les moyens du défunt. Les momies égyptiennes ont toujours fasciné les voyageurs étrangers. Au Moyen Age, les médecins arabes considéraient la
    " poudre de momie " comme une panacée, capable de soulager de nombreux maux. Cette croyance fut par la suite transmise en Europe et, aux XVIè et XVIIè siècles, certains négociants s'enrichirent en faisant commerce de cette macabre matière première.

    Au XIXè siècle, le " déshabillage " public d'une momie constituait l'un des divertissements les plus goûtés de la bonne société. En 1827, dix ans exactement après le Frankenstein de Mary Shelley, Jane Webb 
    publie La Momie, roman fantastique dont les deux héros entreprennent de ramener à la vie la dépouille du roi Chéops au moyen d'un courant électrique galvanisant : 

    " Alors qu'un roulement de tonnerre retentissait, la momie se dressa lentement hors de son sarcophage. Elric  la vit étendre dans sa direction sa main griffue et recroquevillée, comme pour le saisir. Il sentit soudain la terrifiante étreinte, puis les ténèbres se firent... "

    Le récit de Jane Webb allait être la source d'inspiration d'une longue série d'ouvrages fantastiques sur le même thème et fournir un argument à de nombreux films, dont le plus célèbre reste La Momie de Karl Freund (1932), avec Boris Karloff. Sans oublier La Malédiction des pharaons de Terence Fisher (1959), avec Christopher Lee, ni Deux Nigauds et la momie (1955), avatar comique sur le thème, avec Abbott et Costello.

    Depuis l'Antiquité, la terre des pharaons a été considérée comme un royaume mystérieux au sujet duquel couraient les légendes les plus extravagantes. Les Grecs et les Romains, qui occupaient le pays au cours des derniers siècles précédant notre ère, évoquaient déjà ses insondables mystères. Les Arabes, qui conquirent ensuite l’Égypte, répandirent les contes les plus fabuleux au sujet des merveilles et des trésors accumulés par les anciens rois. Il était question de coffres emplis d'or, d'armes forgées dans un prodigieux métal inaltérable, d'un verre extraordinaire que l'on pouvait ployer sans le rompre, de livres sacrés, aux pages faites de feuilles d'or, renfermant les chroniques des temps anciens et les prophéties concernant les siècles à venir.

    Toutes ces rumeurs parvinrent jusqu'aux voyageurs européens qui s'aventuraient dans ces contrées, enflamment leur imagination. Au XVIIIè siècle, l'Egypte est fort à la mode. Les artistes peignent des paysages fantastiques dans lesquels ils placent des pyramides, des obélisques et des sphinx. Sir Isaac Newton réinvente une nouvelle chronologie égyptienne en s’efforçant de faire coïncider les dynasties pharaoniques et les êtres bibliques.

    De son côté, l'érudit français Jean terrasson, rassemblant toutes les références bibliographiques grecques et latines au sujet de l'Egypte, en tire un roman philosophique intitulé Séthos (1731). Savants ou amateurs éclairés se penchent sur l'énigme des hiéroglyphes proposant les interprétations les plus ingénieuses, sinon les plus pertinentes. Ainsi, le chirurgien anglais Thomas Greenhil publie en 1705 un essai sur L'Art de l'embaumement ; il y affirme notamment que le signe représentant un crocodile symbolise la malice, l’œil signifie la justice, tandis que la main droite ouverte désigne une grande quantité.    

    La campagne d'Egypte dirigée par Bonaparte allait donner une base scientifique à toutes ces spéculations plus ou moins hasardeuses, et les hiéroglyphes livrèrent enfin leur secret. En 1799, en effet, un détachement militaire effectuant des travaux de fortification dans le petit port de Rosette mit au jour un fragment de stèle de basalte noir portant une série de trois inscriptions, en caractères grecs, hiéroglyphiques et démotiques. Champollion, l'un des savants accompagnant l'expédition, observant que certains noms propres revenaient dans les trois textes, eut l'intuition qu'il s'agissait de trois versions du même texte. On disposait désormais d'une base d'étude concrète, mais il faudra encore plus de vingt ans pour que l'écriture hiéroglyphique perde tous ses mystères. 

    Dès lors, l’intérêt suscité par la civilisation égyptienne ne cesse de croître et les expéditions archéologiques se succèdent. Le pillage des sites commence. Des statues monumentales, des bas-reliefs viennent décorer les capitales européennes. L'influence égyptienne s'étend à l'ameublement (pattes de sphinx caractéristiques du style Empire). On s'inspire même des monuments égyptiens pour construire certains bâtiments industriels. Les sociétés d’égyptologie se multiplient et les sectes ésotériques s’intéressent bientôt à cette source d'information inédites. Ce nouveau domaine est également exploité par les romanciers. Dans les années 1880, Ridder Haggard utilise comme toile de fond les fastes funéraires de l'Egypte ancienne, les embaumements et les résurrections dans les ouvrages comme Cléopâtre et She.

    Pour le célèbre occultiste Aleister Crowley, la source originelle de toute sagesse et de toute connaissance était Seth, qui deviendrait plus tard Satan.

    Seth, prétendait-il lui était apparu en 1904, alors qu'il se trouvait au Caire, sous la forme d'un esprit désincarné appelé Aiwass et lui avait dicté les trois chapitres qui deviendraient Le Livre de la Loi, ouvrage exposant la doctrine de Crowley et dont les principes essentiels pourraient se résumer par la formule " Fais ce qu tu veux ".

    Crowley, qui devait par la suite désigner lui-même ses disciples féminins sous le nom de " guenons de Thot " attendaient de sa visite au musée du Caire des révélations fort importantes. Il se considérait en effet comme l'incarnation de la Bête citée dans l'Apocalypse et symbolisée par le nombre 666. Comme par hasard, la pièce n° 666 exposée au musée du Caire était une tablette commémorative d'un prêtre égyptien nommé
    Ankh-f-n-Khonsu, Crowley en déduisit qu'il avait été Ankh-f-n-Khonsu lors d'une existence antérieure. Il annonça également l'avènement du nouvel âge d'Horus et la fin de l'actuel âge d'Osiris marqué par la foi chrétienne en la résurrection.

     Les anciens Égyptiens portaient, croit-on, des amulettes protectrices, l'une des plus fréquentes étant 
    " l'oeil d'Horus ", et l'un de leurs plus anciens symboles bénéfiques l' "ankh", où la croix ansée, signe de vie, est à l'âge de la conquête spatiale, toujours utilisé comme breloque porte-bonheur !

     

     


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  • « La troisième nuit vit disparaître les dernières communications électriques : les piles donnaient des courants dérisoires, l'induction dynamique semblait abolie, aucun appareil ne produisait plus d'ondes hertziennes. Au matin, les hommes se trouvèrent privés de ce système nerveux qui les unissait innombrablement à travers la planète. Le soir, ils s'avérèrent inférieurs aux peuples des vieux âges : la vapeur les abandonnait à son tour. Les alcools, les pétroles et plus encore le bois ou le charbon étaient devenus inertes. Pour produire un peu de feu, il fallait recourir à des produits rares, qui, on en avait la certitude, ne tarderaient pas à sombrer dans la mort chimique. »

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    Un roman de science-fiction catastrophe rare dans lequel la science, le thriller et la réflexion font bon ménage.

    Deux scientifiques s'aperçoivent que le spectres lumineux se modifie, tandis que des troubles d'une grande violence éclatent un peu partout dans le monde. les deux phénomènes sont-ils liés ? On va intéresser à cette modification du spectre et à ses effets. Pourquoi cette modification et cette violence ? Les héros de cette histoire nous donnent plusieurs hypothèses mais Rosny ainé s'attarde sur les conséquence de cette modification du spectres et de la montée de l'agressivité sur l'humanité et notre monde dans une analyse jouissive.

    Un roman bien moderne quoique publié en 1913. J. H. Rosny ainé fut le premier et le plus grand auteur de science-fiction en France et " La force mystérieuse " restera un oeuvre majeure.

    J. H. Rosny ainé - La force mystérieuse

    Notons au passage une similitude entre deux textes fort connu des amateurs :
    " La force mystérieuse " de J. H. Rosny Ainé et " Le ciel empoisonné " de Sir Arthur Conan Doyle. Les deux romans datent tout deux de 1913. Toutefois celui de Rosny Ainé étant antérieur, on peut aisément se poser quelques questions quant aux fortes ressemblance qui existent entre les deux romans.

    Voici l'avertissement de Rosny Ainé en préface de " La Force mystérieuse "

    Le 11 mars 1913, un ami américain m’adressait le billet suivant :

    « Avez-vous cédé à un écrivain anglais – et des plus célèbres – le droit de refaire votre roman qui paraît actuellement dans Je sais tout ; lui avez-vous donné le droit de prendre la thèse et les détails, comme le trouble des lignes du spectre, l’excitation des populations, les discussions sur une anomalie possible de l’éther, l’empoisonnement de l’humanité – tout ?

    « Le célèbre écrivain anglais publie cela en ce moment sans vous nommer, sans aucune  référence à Rosny Aîné, en plaçant la scène en Angleterre. »

    À la suite de cette lettre, je parcourus le numéro du Strand Magazine, où mon confrère britannique, M. Conan Doyle, commençait la publication d’un roman intitulé : The Poison Belt. Effectivement, il y avait entre le thème de son récit et le thème du mien des coïncidences fâcheuses, entre autres le trouble de la lumière, les phases d’exaltation et de dépression des hommes, etc. – coïncidences qui apparaîtront clairement à tout lecteur des deux œuvres.

    J’avoue que je ne pus, vu l’extrême particularité de la thèse, refréner quelques soupçons, d’autant plus que, en Angleterre, il arrive assez fréquemment que des écrivains achètent une idée, qu’ils exploitent ensuite à leur guise : quelqu’un avait pu proposer mon sujet à M. Conan Doyle. Certes, une coïncidence est toujours possible et, pour  mon compte, je suis enclin à une large confiance. Ainsi, j’ai toujours été persuadé que Wells n’avait pas lu mes Xipéhuz, ma Légende sceptique, mon Cataclysme, qui parurent bien avant ses beaux récits. C’est qu’il y a dans Wells je ne sais quel sceau personnel, qui manque à M. Conan Doyle. N’importe, mon but n’est pas de réclamer. Je tiens pour possible une rencontre d’idées entre M. Conan Doyle et moi ; mais comme je sais, par une expérience déjà longue, qu’on est souvent accusé de suivre ceux qui vous suivent, j’estime utile de prendre date et de faire remarquer que Je saistout avait fait paraître les deux premières parties de La Force mystérieuse quand The Poison Belt commença à paraître dans le Strand Magazine.

     

    Et si vous vous fassiez votre propre idée en lisant ces deux romans ?

     


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  • " Le 27 novembre dernier, une vieille femme appelée madame Guérin, âgée de 70 ans et demeurant rue des Fossés-du-Temple, 34, au quatrième, était malade d'une maladie qui paraissait peu grave, et que le médecin avait qualifiée d'indigestion . Il était cinq heure du matin. Sa fille, veuve, nommée madame Guérard, qui logeait avec elle, s'était levée de bonne heure, avait allumé sa lampe, et travaillait, assise au coin du feu, près du lit de sa mère : - Tiens, dit-elle, madame Lanne doit être revenue de la campagne. Il faudra, ajouta madame Guérard, que j'aille la voir aujourd'hui. - C'est inutile dit la mère. - Pourquoi donc ? - C'est qu'elle est morte il y a une heure ! - Bah ! ma mère, que dites-vous là ? Rêvez-vous ? - Non, je suis bien éveillée, je n'ai pas dormi de la nuit, et comme quatre heure du matin sonnaient, j'ai vu madame Lanne qui m'a dit : " Je m'en vais ; venez-vous ? "

    " La fille crut que sa mère avait fait un mauvais rêve.

    Le jour vint, elle alla voir madame Lanne. Cette femme était morte dans la nuit, à quatre heures du matin. Le même soir, madame Guérin fut prise d'un vomissement de sang. Le médecin appelé dit : " Elle ne passera pas vingt-quatre heure. " En effet, le lendemain à midi, un second vomissement de sang la prit, et elle mourut.

    J'ai connu madame Guérin et je tiens le fait de madame Guérard, femme pieuse et honnête, qui n'a menti de sa vie. "

     

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    Flammarion cite un récit confié par la baronne de Boislève dont le fils, lieutenant de chasseur à cheval parti en expédition au Mexique, n'avait pas donné de nouvelle depuis quelques temps. 
    Le 17 mars 1863, alors qu'elle recevait quelques notables à diner dans son appartement de la rue Pasquier, à  Paris, elle passa un instant au salon pour préparer le café. Ce qu'elle y vit lui arracha un cri et la fit tombée évanouie. Ses convives se précipitèrent aussitôt pour lui porter secours.

    " Ranimée, elle leur raconta une histoire extraordinaire. En franchissant la porte du salon, son fils Honoré debout, en uniforme, mais sans arme et sans képi. Le visage de l'officier était d'une pâleur spectrale, et, de son œil gauche changé en un trou hideux, un filet de sang coulait sur sa joue et sur les broderies de son collet. Telle avait été l'épouvante de la pauvre femme qu'elle avait pensé mourir. On s'empressa de la rassurer en lui représentant qu'elle avait été le jouet d'une hallucination, qu'elle avait rêvée tout éveillée, mais comme elle se sentait inexprimablement faible, on appela d'urgence le médecin de la famille qui était l'illustre Nélaton...

    " Au bout d'un semaine, elle fut officiellement avertie que le 17 mars 1863, à deux heures et cinquante minutes de l'après-midi, l'assaut de Puebla, Honoré de Boislève avait été tué d'une balle mexicaine qui l'avait atteint à l’œil gauche et lui avait traversé la tête. La différence des méridiens étant compensée, l'heure de sa mort correspondait exactement avec l'instant de son apparition dans le salon de la rue Pasquier. "


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    Écrit dans la plus pure tradition des « romans de mondes perdus », l'auteur de La Guerre du feu invite le lecteur à explorer une terre vierge en Afrique en compagnie de Hareton Ironcastle. Hareton est intrigué par le contenu d'une lettre qu'il reçoit de son ami Samuel Darney qui affirme avoir découvert une terre unique où les plantes et les animaux n'ont rien à voir avec ce que l'on connait. En compagnie de sa fille et de quelques personnes, Ironcastle part en expédition pour rejoindre son ami, mais jamais il n'aurait pensé que ce voyage lui réserverait autant de surprises aussi merveilleuses qu'angoissantes, voire particulièrement dangereuses...

     

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    L'expédition que conduit Haréton Ironcastle s'enfonce avec précaution dans un territoire semblant tout droit surgi des rêves les plus fantasmagoriques. Et pourtant, il s'agit bien d'une terre inexplorée, peuplée de créatures étranges qui n'ont que peu de rapport avec l'espèce humaine. Cet autre monde, inquiétant et fantastique, serait-il issus d'un rameau divergent de l'évolution ?

    Présenté comme un roman d'aventure, l'Etonnant voyage de Harenton Ironcastle est le seul ouvrage qui opère une synthèse de tous les genres abordés par Rosny, des thèmes essentiels qui constituent son univers littéraire car il ressortit à la fois de la science-fiction, au récit préhistorique et, d'une certaine manière, au roman de mœurs. Ainsi pour la première fois, Rosny met en scène ensemble et sur le même plan, des hommes civilisés originaire d'Europe et d'Amérique du Nord, des créatures primitives et des êtres dont les structure biologiques n'ont que de très lointains rapports avec l'espèce humaine telle que nous la connaissons. 

    Avec Rosny Aîné il faut accepter l'idée d'hommes bleus, ou à la tête triangulaire, ou carrée, mais qu'importe, puisqu'il nous balade dans des paysages - imaginaires bien sûr - superbement décrits et qu'on se laisse porter par son verbe et son imagination.

    Un chef-d'oeuvre unique dans la littérature mi-fantasy, mi-fantastique et mi-science-fiction dont l'unique caractère flamboyant garde, soixante ans après sa publication, une saveur inimitable.

     


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    Une date : 734. Un homme : Charles Martel. Peut-être une légende, surtout une mémoire. 

    Les arabes venaient de se heurter à la résistance européenne. Ils reculaient  à tout jamais et s’effaçaient de nos mémoires. Quelques années plus tard, en 800, Charlemagne se faisait couronner empereur du Saint Empire romain germanique. L'empire auquel il venait de donner le jour allait permettre le développement d'une forme originale de civilisation. Dès lors, le monde ne serait plus tout à fait le même.

    Cette histoire, qui d'entre nous ne la connaît ? Elle pêche pourtant par une étrange lacune : en effet, ce triomphe incontestable de l'Occident ne nous est imputable qu'en partie. Sans le puissant Empire Khazar, dont le territoire immense s'étendait à l'extrémité orientale de l'Europe, pendant la période qui va du VIIè au Xè siècle, l'Europe aurait dû subir les assauts répétés des Arabes, à la fois par le Sud et par l'Est. Y aurions-nous résisté ? Tous les historiens s'accordent pour en douter.

     

    Quel était cet Empire Khazar ? Une puissante civilisation qui opta tout d'un coup pour la religion juive en devenant la treizième tribu. Sa disparition subite demeure un mystère.

    Son importance ne peut nullement être mise en doute. Le Livre des cérémonies tenu par l'empereur historien de Byzance, Constantin VII Porphyrogénète, suffit pour s'en convaincre. Ils y mentionnent qu'à sa Cour, le protocole voulait que toute lettre adressée au pape de Rome ou à l'empereur d'Occident portât un sceau de deux sous d'or, et celle adressée au roi des Khazars en portât un de trois sous d'or. Cette distinction de hiérarchie et de déférence s'explique plus facilement par l'implantation stratégique de l'empire, entre la Caspienne et la mer Noire : toute tentative de pénétration de l'Europe devait emprunter ce chemin.

    On suppose que les Khazars étaient une ethnie turque nomade qui vivait de la guerre. C'est ainsi, très certainement, qu'ils fondèrent cet empire guerrier constitué par une trentaine de tribus soumises qui leur payaient la taxe. L'empereur de Constantinople savait tout cela et faisait tout pour être agréable au " khan ", le chef des Khazars, pour qu'il contienne loin de l'Occident les Bulgares, les Magyars, les Petchenègues et autre "barbare" russes. 

         L'historien Dunlop résume parfaitement la situation : " Les guerres des Arabes et des Khazars, qui durèrent plus de cent ans, si méconnues qu'elles soient, ont ainsi une importance historique considérable. Dans la campagne de Tours, les Francs de Charles Martel mirent un terme à l'invasion arabe. Vers la même époque, les menaces qui pesaient sur l'Europe de l'Est n'étaient guère moins graves... Les musulmans victorieux furent arrêtés et contenus par les armées du royaume Khazars.

    " Il est peu douteux que, s'il n'y avait eu les Khazars dans la région du nord du Caucase, Byzance, rempart de la civilisation européenne à l'Orient, se serait trouvé débordée par les Arabes. Il est probable que l'histoire de la chrétienté et de l'islam aurait été, ensuite, bien différente de ce que nous en savons. "

    Cette domination Khazars ne fut effective qu'après un raid mené contre Arabes,  qui  mit les Khazars, à mi-chemin de Damas. La capitale du califat se serait effondré si un dernier sursaut arabe n'avait inversé le cours des événements. Ce sursaut fut tel que l'on cru un moment, les Khazars perdus. Finalement, ils triomphèrent à Ardabil. Toute l'Europe avait tremblé : ce n'est pas un hasard si Constantin V épousa une princesse Khazars et en eut un fils qui régna sur l'empire d'Orient sous le nom de Léon V le Khazar. Tous les autres royaumes firent de même, et envoyèrent de très nombreuses embrassades pour assurer les Khazars de leur soutien. Les jeux diplomatiques auraient été " normaux " - alliances au gré des victoires et ruptures au gré des défaites - si en 740, cet empire n'avait décidé de se convertir au judaïsme.

    Ce fait est d'une importance capitale, tant du point de vue historique que du point de vue idéologique. Du point de vue historique, nous avons là l'explication d'une communauté juive en Europe de l'Est, qui n'est pas le produit de la diaspora venue du Sud, mais d'une migration depuis cet empire. On peut ainsi affirmer que les juifs polonais descendaient de ces Khazars, ce qui ramènerait le génocide de la Seconde Guerre mondiale à un massacre entre personnes de même race...

    " Les khazars, nous dit le géographe Istakhri, ne ressemblent pas aux Turcs. Ils ont les cheveux noirs et sont de deux sortes : les Noirs (khara-khazars), qui ont le teint basané et très sombre comme certains Indiens, et les Blancs (Ak-khazars), qui sont d'une beauté frappante. " Ils paraient une langue qui a disparu aujourd'hui, mais qui s'apparentait aux dialectes actuels des Tchouvachs, que l'on parle toujours dans la République soviétique autonome de Tchouvachie, entre la Volga et la Soura.

    Les descriptions des voyageurs ne sont guère attrayantes : " Pour le langage et la constitution, ce sont les gens les plus repoussants. Leur langue ressemble au pépiement des étourneaux. A une journée de marche, il y a un village appelé Ardkwa, dont les habitants se nomment Kardal. Leur langue fait absolument le même bruit que le coassement des grenouilles... "

    Les rites qu'ils pratiquaient avant leur conversion n'étaient guère plus appréciés de leurs voisins, car le sacrifice humain et le meurtre rituel des rois étaient choses normales : " Quand ils observèrent un homme qui excelle par le savoir et la vivacité d'esprit, ils disent : " Pour celui-ci, il est mieux approprié à servir le seigneur. " Ils le saisissent, lui passe la corde au cou et le pendent à un arbre où on le laisse moisir.

    " Quand le nouveau chef est élu, ses officiers et serviteurs le font monter à cheval. Ils lui serrent un ruban de soie autour du cou, sans l'étrangler tout à fait, puis ils relâchent le ruban et lui demandent avec insistance
    " Pendant combien d'année peux-tu être notre khan ? " Le roi, l'esprit troublé est incapable de donner un chiffre. Ses sujets décident, d'après la force des mots qui lui ont échappés, si son règne sera de longue ou de courte durée. "

    Cette relation est toutefois controversée : on ne sait s'il s'agit d'un véritable compte rendu ou d'une histoire légendaire véhiculée par les Arabes pour discréditer leurs voisins. Toujours est-il que, s'il s'agit d'une légende, elle corrobore et explique le système politique bicéphale : d'un côté le pouvoir spirituel, et de l'autre, le pouvoir temporel. Si cette conception du pouvoir, identique à la tradition judaïque, existait avant la conversion, on comprendrait mieux le choix de cette religion.

     Les mœurs changèrent du tout au tout au moment de la conversion. Nombre de ces pratiques disparurent ou ne furent plus qu'un rituel symbolique pour la partie du peuple non converti. Le mode de vie devint moins rustre, la tenue vestimentaire moins primaire et les règles de l'hygiène s'affinèrent. Il faut pourtant remarquer que les Khazars avaient une telle réputation de justice que leur territoire s'était transformé  en une terre d'asile pour tous les rejetés et tous les juifs persécutés. Ce qui, une fois de plus, peut expliquer leur connaissance du judaïsme.

    Tous les témoignages relatant la vie dans la capitale, Itil, sont enthousiastes : " La coutume est d'avoir sept juges : deux d'entre eux sont pour les musulmans, deux pour les Khazars, et ils jugent selon la Torah, deux pour les chrétiens, et ils jugent selon l’Évangile, et un pour les Saqalibans, les Rhus et autres païens, et celui-ci juge d'après la loi païenne...

    " Dans la cité du roi des Khazars, il y a de nombreux musulmans marchands et artisans, qui sont venu dans son pays en raison de sa justice et de la sécurité qu'il procure. Ils ont une mosquée principale, dont le minaret s'élève au-dessus du château royal, et d'autres mosquées avec, en plus, des écoles où les enfants apprennent le Coran. "

     Ce libéralisme a surpris les esprits contemporains. N'appelait-on pas Itil " la capitale aux mille églises " ? Cette paix ne fut maintenue qu'au prix d'une très forte hiérarchisation de la société et d'un carcan législatif pesant. Toute personne qui enfreignait une simple règle était déchue de ses droits civils et de ses libertés. Le moindre trouble pouvait faire basculer tout le pays dans l'autoritarisme le plus pur ou dans l'anarchie la plus violente. C'est peut-être ce qui s'est passé lors de la disparition brutale de l'empire...

    Le pouvoir bicéphale était divisé en pouvoir religieux et pouvoir temporel. D'un côté, il y avait le " Khan " ou chef religieux, et de l'autre le " Khaghan-bek ", qui commandait les armées, réglait les affaires de l'Etat, paraissait en public et menait les guerres. Cependant, chaque jour, il se présentait, pieds nus et un bout de bois à la main, devant le grand Khan pour faire acte d'allégeance. Il était le seul, avec le k-nd-r khaghan et le Jawshyghr khaghan, à pouvoir approcher le roi, qui ne devait avoir aucune relation avec ses sujets ni leur parler. C'est pourquoi il n'admettait personne en sa présence et ne s'occupait que des choses de l'esprit.

    Il ne touchait à la terre que par l'intermédiaire de son vizir, le khaghan-bec. Si, pour une affaire de grande importance, on était amené à l'approcher, on se prosternait  et on se frottait le visage sur le sol jusqu'à ce qu'il donnât l'ordre d'avancer et de parler. Son autorité était si absolue qu'on affirmait qu'il lui suffisait d'ordonner à un de ses serviteurs d'aller se tuer pour que celui-ci le fasse. La succession s'effectuait toujours dans la même famille, quel que soit le degré de richesse de l'héritier.

    Le khan avait un trône et un pavillon d'or. Il était le seul à jouir de cette faveur. Son palais était le plus élevé de tous les édifices de la ville. Lorsqu'il mourait, on lui élevait un vaste édifice de vingt chambres. Dans chacune d'elles, on creusait un tombeau. Des pierres étaient écrasées et réduites en poudre pour être répandues sur le sol. On faisait ensuite passer l'eau d'une rivière par-dessus l'édifice, de façon que ni homme, nu démon, ni ver ne puisse parvenir jusqu'à la dépouille du khan. Après son enterrement, ceux qui l'avaient mis en terre étaient décapités. Ainsi, personne ne connaissait l'emplacement exact du tombeau, que l'on nommait " paradis ". Les chambres intérieures, dit-on, étaient tendues de brocarts et de soies tissées de fils d'or.

    La capitale de l'empire s'appelait, à la fin de la période d'or, Itil. Auparavant, il y en avait eu d'autres, notamment Balandjar, située dans le Caucase septentrional, et Samandar, au VIIIè siècle, sur la rive occidentale de la Caspienne.

    Itil impressionnait beaucoup tous les visiteurs. C'était une très grande cité qui s'étendait sur les deux rives de la Volga. Sur l'une d'elles habitaient les musulmans, et, sur l'autre, le roi et sa cour. La cité était essentiellement marchande, mais propre. Elle était à la fois un centre commercial brillant et une plaque tournante pour les échanges d'idées et les créations artistiques.

    Le peuple khazars n'avait en lui même rien de créateur. Il se contenta d'avoir une grande influence sur tous les peuples barbares et de faire circuler les différentes formes artistiques, qu'elles soient byzantines, musulmanes, juives ou occidentales. Toutefois, les khazars produisirent quelques objets, essentiellement guerriers ou utilitaires, en s'inspirant alors des Perses et des Sassanides. Les archéologues viennent, tout récemment encore, de découvrir quelques-uns de ces objets dans les sites de l'Europe de l'Est.

    On doit aussi aux khazars d'avoir divulgué l'écriture hébraïque dans toutes les contrées dont ils étaient les maîtres. Ceci explique probablement pourquoi nous trouvons aujourd'hui de ces lettres dans l'alphabet cyrillique.

    C'est donc un empire brillant et fort riche. Comme le dit avec beaucoup d'humour Magadassi, au Xè siècle :
    " En khazars, moutons, miel et juifs se trouvent à foison ! "

    Pourquoi les khazars se sont-ils convertis à la religion juive ? 

     


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