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    Le comte de Saint-Germain

     

    Vers 1700, les habitants de la petite rue de l'Hirondelle, à Paris, s'inquiètent d'un propriétaire aux mœurs étranges. Il y a quelques années, maître Dumas est devenu brutalement riche. Depuis, il ne va plus à l'église et s'enferme des heures entières dans une sorte de laboratoire secret, où même sa femme ne va pas.

    Tous les vendredis, vers 3 heures de l'après-midi, un horrible petit bonhomme noir vient lui rendre visite. Personne ne connaît l'identité de cet homme. Le 31 décembre 1700 vers 5 heures, la femme de maître Dumas s'inquiète de ne plus entendre son mari. Quand elle force la porte du laboratoire, la pièce est vide. Maître Dumas s'est volatilisé !

     

    Le comte de Saint-Germain


    La police fait fouiller la maison et sonder tous les murs. En vain. Toute la ville comment cette inquiétante disparition. On en parle même à la Cour, où le marquis de Villeret raconte l'anecdote au jeune Louis XV, qui n'est encore qu'un enfant, mais qui sera impressionné au point d'en reparler pendant des mois.

    Cinquante-huit ans plus tard, un curieux gentilhomme capte tous les regards de la cour de France. Il se fait appeler comte de Saint-Germain , mais l'on ignore son vrai nom. En a-t-il un, d'ailleurs, lui qui prétend détenir le secret de l'immortalité et posséder quelques dons, comme celui de la voyance ?
     

    Le comte de Saint-Germain


    Pour ce qui est de l'immortalité, la vieille comtesse de Vergy raconte une étrange histoire. La première fois où le nom du comte a été annoncé, elle a tressauté : elle se souvenait fort bien d'avoir entendu ce nom-là, une cinquantaine d'années plus tôt, à Venise, où le comte de Vergy était ambassadeur.

    S'agissait-il du père du comte ? " Non, de moi-même ", lui aurait répondu le gentilhomme, qui se souvenait, à son tour, de la belle jeune femme qu'était la comtesse de Vergy. Stupéfaite, celle-ci lui lance : " Mais, vous auriez au moins cent ans ! " Et le comte de Saint-Germain  aurait répliqué : " Ce n'est pas impossible, madame, je suis peut-être plus vieux qu'il n'y paraît. "
     

    Le comte de Saint-Germain

    Beaucoup d'histoires de ce genre circulent sur le comte quand on le présente au roi, à Versailles. Louis XV a soudain l'idée de lui soumettre le cas de maître Dumas, qui est toujours dans sa mémoire. Première surprise : le comte de Saint-Germain demande au roi s'il s'agit bien du maître Dumas qui habitait rue de l'Hirondelle en 1700 !  Soit cinquante-huit ans plus tôt...

    Le roi est très étonné, mais il insiste. Le comte de Saint-Germain lui avoue sa réticence : " Sire, en dévoilant ce que je sais, je crains de vous exposer à certains dangers " Le roi imposant sa volonté, le comte demande un plan de Paris, localise l'ancien hôtel de maître Dumas et se concentre en paraissant oublier tout ce qui l'entoure.


    Enfin il murmure : " Sire, les ouvriers qui ont cherché maître Dumas étaient de très mauvais ouvriers. Dans un angle du laboratoire, près de l'entrée, il y a une trappe dans le parquet. Plusieurs lames mobiles recouvrent l'entrée qui mène à un caveau, par un escalier entre plancher et muraille. C'est là que notre homme s'est retiré. C'est là qu'il a avalé une puissante drogue et qu'il est mort. "

    Le roi l'interrompt : " Était-ce bien le diable qui venait le voir ? "
    Le comte de Saint-Germain réplique : " Je crois plutôt que c'est maître Dumas qui allait voir le diable... Mais je ne peux vous en dire plus à sa Majesté, à moins qu'elle ne se fasse rose-croix. Il y a là de terribles secrets ! "
     
    Le comte de Saint-Germain

    Dès le lendemain, poussé par Mme de Pompadour qui protégeait le comte, le roi demandait l'ouverture d'une nouvelle enquête sur cette vieille affaire. Son lieutenant de police criminelle devait effectivement découvrir la trappe dont avait parlé le comte de Saint-Germain, l'escalier secret, le caveau et, enfin, le corps de maître Dumas, une coupe près de lui, dans laquelle se trouvait encore une boulette d'opium.
    Tout ce que l'étrange personnage avait dit était vrai.

    Mais qui était-il vraiment ?
     
    Ses contemporains ne savaient quasiment rien de lui. Ni de son pays d'origine, ni son vrai nom, ni même son âge. On trouve seulement sa trace à Londres vers 1743 et à Paris vers 1758.  Et les fouilles pratiquées dans son tombeau ont révélé que celui-ci était vide. L'inscription de la pierre continue à nous défier : " Celui qui se faisait appeler comte de Saint-Germain et Welldone et dont on ne sait rien de plus repose dans cette église. "

    D'où pouvait-il venir ? Tout et n'importe quoi devaient être dites à son sujet mais une chose est sûre : le comte de Saint-Germain était à la fois très doué et très riche. Il avait un don certain pour les langues et parlait couramment le français, l'anglais, l'hollandais et le russe. Il affirmait, en outre, parler le chinois, l'hindou et le persan.
     

    Le comte de Saint-Germain


    Sur sa richesse, plusieurs témoignages nous sont parvenus. Quand il commence à faire parler de lui en 1740, le comte de Saint-Germain a l'allure d'un homme qui aurait entre trente et quarante ans. Dans les salons de Vienne, ses vêtements attirent l'attention. Alors que ses contemporains s'adonnent à la soie colorée et aux rubans voyants, il ne porte que du noir. Sans doute pour rehausser l'éclat des diamants qu'il porte à plusieurs doigts, à son gousset et à sa tabatière.  Chez lui, le diamant semble d'ailleurs être une passion : on raconte qu'il en a les poches remplies et qu'il s'en sert comme monnaie.

    Dans ses Mémoires, Mme de Pompadour affirme que le comte de Saint-Germain parvenait à fabriquer d'énormes diamants avec plusieurs petits et qu'il avait le pouvoir de faire grossir les perles. Casanova, qui l'a rencontré à plusieurs reprises, raconte que le comte de Saint-Germain lui a, un jour, demandé une pièce de cuivre de quelques sols qu'il a posée sur une sorte de graine noire ; il a soufflé dessus avec une pipette en verre et il a posé le tout sur un charbon ardent : une fois refroidie, la pièce était une pièce... d'or !

    Bien entendu, on pourrait parler d'habile manipulation.

    Le comte de Saint-Germain avait, en société, de curieuses manières : invité à un repas, il ne profitait pas des meilleurs plats et dînait d'eau minérale, ce qui lui permettait de parler du début du repas à la fin et, probablement, de mieux captiver ses auditeurs. Mais peut-être n'était-il que végétarien, une discipline de vie qui serait tout à fait compatible avec ses pouvoirs paranormaux incontestables.

     
                                                                                                                                                               Extrait de " Inexpliqué " 1981
     
      

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    Monstres des profondeurs

    Puisque 60 % de la surface de notre globe sont sous les eaux, il ne faut pas s'étonner de la constance avec laquelle, depuis l'antiquité, les hommes rapportent leurs rencontres avec des monstres marins géants.

    La Bible parle à cinq reprises du Léviathan, ce monstre mi-serpent mi-dragon, issu du folklore phénicien, qui se retrouve dans la plupart des mythologies orientales. En Europe, ce sont les navigateurs scandinaves qui nous ont donné les premières relations de telles apparitions.

    Monstres des profondeurs

     L'archevêque Olaus Magnus, exilé à Rome au XVIe siècle, a publié vers 1555 une longue histoire des pays nordiques, pleine de récits inquiétants sur les serpents de mer.
    Il y décrit notamment une créature de 60 m de long pour 6m de tour de taille, qui mangeait des veaux, des agneaux, des porcs et même des pêcheurs :
    « Un animal noir, avec une sorte de crinière, des yeux brillants, la tête dressée comme un chapiteau sur une colonne ».
    Curieusement, de nombreuses descriptions plus récentes correspondent à cette ancienne relation.

    Au XVIIIe siècle, on signale encore un serpent de mer géant au large de la Norvège. Un autre archevêque, Erik Pontoppidan, en fait un livre en 1752, dans lequel il rapporte tous les témoignages qu'il a pu recueillir sur ce sujet.

    Mais le XVIIIe siècle, c'est aussi le déferlement de la rationalité scientifique. Les apparitions de monstres en mer sont reléguées au rang de légendes pour marins et tournées en dérision. Pourtant, les fameux monstres n'en continuent pas moins à surgir sous les yeux des navigateurs terrorisés.

    Monstres des profondeurs

    S'il est de bon ton d'expliquer que les « bosses » des serpents aperçues au-dessus des vagues ne sont que des bancs de dauphins en train de jouer, quelques scientifiques acceptent l'hypothèse de serpents de mer géants. En 1893, Thomas Huxley écrit qu'il n'y a aucune raison pour qu'on ne trouve pas de reptiles de 15 m de long – ou plus – dans la mer.
    Dans la première moitié du XIXe siècle, les apparitions de monstres marins se multiplient le long des côtes nord-américaines.

    Les polémiques entre partisans et adversaires de l'existence du serpent de mer font rage. On s'insulte dans les colonnes du Times londonien. Les ennemies les plus résolus du mégophias vont jusqu'à faire publier des faux témoignages d'apparitions pour ridiculiser les défenseurs des monstres marins. Au début du Xxe siècle, beaucoup de témoins n'oseront pas affirmer publiquement ce qu'ils ont vu : « Ne dites rien, lance le capitaine du Grangense à ses hommes immédiatement après une de ces apparitions, ils diraient que nous étions saouls... »
     
    Et pourtant, tous les témoignages sont formels, il se passe parfois de drôles de choses sur la mer.

    Commentaire du lieutenant George Senford, du navire marchand Lady Combermere, après avoir aperçu, à moins de 200 m de son navire, un serpent long d'environ 20 m : « Nous n'avons pas pu nous tromper et nous sommes tous très heureux d'avoir eu la chance de voir le « véritable serpent de mer », dont on disait qu'il était le produit de l'imagination de quelques skippers yankees ! »

    Monstres des profondeurs

    En 1879, un autre militaire, le major H. W. J. Senior, du Bengal Staff Corps, voyageant à bord du City of Baltimore, aperçoit un serpent de quelques 9 m de long, en plein golfe d'Aden. Il décrit sa tête comme celle d'un bulldog. Son rapport sera contresigné par plusieurs autres passagers.
    Plus tard, c'est le capitaine John Ridgway qui, au cours de sa traversée de l'Atlantique à la rame, aperçoit, à 10 m de son embarcation, un serpent de mer long de 10 m, au corps « phosphorescent comme s'il avait été bordé de néon ». C'était le 25 juillet 1966. La bête plonge en direction du bateau, mais ne reparaît pas.

    Monstres des profondeurs

    Plus récemment encore, au large des côtes de Cornouailles, un de ces monstres – un Morgawr, comme on l'appelle dans la région – fait plusieurs apparitions en 1975 et 1976. Il est même pris en photo. Au pays de Galles, dans les eaux de la baie de Cardigan, en 1975, trois petites filles aperçoivent une créature traverser la plage pour plonger dans la mer. La bête avait 3 m de long, un long cou, une longue queue et  des yeux verts. Plusieurs pêcheurs confirmèrent leurs dires en reconnaissant, sur un croquis, le monstre qu'ils avaient vu en mer.

    Evidemment, chaque affaire de serpent de mer amène son lot de vrais et de faux témoignages. Les escroqueries au monstre marin abondent, depuis le journal qui veut remplir ses colonnes avec du sensationnel facile jusqu'au petit malin qui veut gagner beaucoup d'argent en vendant à la presse des clichés fabriqués.
    Un examen minutieux des photos, ou une étude précise des « restes » retrouvés, conclut presque toujours à une supercherie ou à un animal connu comme certaines espèces de requins ou de baleines.

    Monstres des profondeurs

    Malgré tout, à défaut de preuves concrètes, il faut bien considérer comme convaincants les récits répétés depuis des années, et même des siècles, d'apparitions de monstres marins, toujours dans la même région. Dans le détroit de Géorgie, sur la côte occidentale canadienne, on connaît le Caddy – Cadbosaurus pour les savants – depuis des générations. Avant l'arrivée des Blancs, il terrorisait déjà les Indiens. Récemment, plusieurs pêcheurs l'ont encore aperçu.
    Plus au sud, sur la côte Pacifique, dans une zone de pêche hauturière très appréciée, près de l'île de San Clemente, les témoignages à propos de serpents de mer abondent et viennent de gens « éclairés », plutôt difficiles à s'émouvoir et soucieux ordinairement de s'éviter le ridicule.
     
    Pourquoi, dans ces conditions, le serpent de mer est-il si mal connu ? Sans doute en partie à cause du progrès : on peut imaginer que les monstres marins – si monstres il y a – préfèrent s'écarter des voies maritimes fréquentées. Et comme l'homme ne s'éloigne guère de ces voies fréquentées. Autrefois, quand la navigation était beaucoup plus imprécise et silencieuse, les rencontres étaient logiquement plus nombreuses.

    Un homme, pourtant, s'est acharné à étudier ces créatures déroutantes : Bernard Heuvelmans, un zoologiste belge spécialisé dans la recherche des animaux disparus. Publié voici quelques années, son ouvrage "Dans le sillage des serpents de mer" est le plus exhaustif et le plus détaillé de ceux qui existent sur le sujet. L'auteur a dépouillé près de six cents témoignages oculaires, recueillis entre 1639 et 1964. Une soixantaine se rapportait à des animaux connus pris à tort pour des monstres. Cent vingt cas enfin ont été éliminés pour l'insuffisance des détails relatés ou un trop grand flou dans la description. Restent quelque trois cent cinquante cas. Les plus passionnants.

    Après avoir attentivement étudiés, Bernard Heuvelmans les classe en neuf types distincts de manifestations, qui vont du serpent de mer « au long cou » et au corps en forme de cigare – le plus souvent observé – jusqu'au crocodile géant long de 15 à 20 m, qui n'est que très rarement observé et toujours dans des eaux tropicales. Pour les autres types, l'auteur utilise des termes purement descriptifs comme « chevaux marins », « créatures à plusieurs bosses », « phoques géants » ou
    « ventres jaunes ». Il fait également état d'un groupe appelé « périscopes ambigus », qui pourrait se composer d'anguilles géantes ou d'animaux à long cou.

    Enfin, Bernard Heuvelmans note que, depuis le début du siècle, la plupart des apparitions concernent des monstres marins « à long cou », ce qui signifierait que leur nombre est en train d'augmenter, sans doute au détriment des autres créatures fantastiques, comme le phoque ou l'otarie géants.
                                                                                 Extrait de " Inexpliqué 1981 ''
     
     

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    Les rochers vivants de la vallée de la Mort

     

    Très haut dans les montagnes de la sierra Nevada, on s'est aperçu qu'à certains endroits les pierres se déplacent au cours de la nuit.
    Ces lieux font maintenant partie du Parc national de la où les pierres mouvantes attirent des milliers de touristes.

    Le plus célèbre de ces lacs asséchés, ou Playas est sans doute le Racetrack Playa : large d'environ 2 km et long de 5 km. L'œil du visiteur est immédiatement attiré par ces énormes cailloux et blocs de pierre qui jonchent cette plaine de boue sèche et craquelée. Ces roches aux sillons profonds qui serpentent loin derrière eux donnent l'impression d'être à la fois immobile et en mouvement. Jamais personne n'a vu ces pierres bouger, et pourtant elles bougent ! ...
    On a pu constater au cours des dernières années que ces rochers n'avaient pas roulés seuls mais avaient été poussés, laissant derrière eux un sillon de leur largeur.
    En 1955, un géologue, George M. Stanley, écrivit qu'il croyait à une conjuration des effets mécaniques de la glace et du vent. Ce qui intrigua Stanley, c'est les rochers semblaient se déplacer souvent ensemble. Il conclut que des couches de glace s'étaient formées autour de ces blocs de pierre et que le vent soulevant une couche entière propulsait le rocher vers l'avant.
    Cette thèse fut jugée plausible et resta longtemps la seule, d'autant que l'on avait pu voir des rochers pris dans des couches de glace se déplacer le long d'autres playas californiens. Cependant, les plaques de glace qui recouvrent les playas de la Vallée de la Mort sont extrêmement fines.

    Les rochers vivants de la vallée de la Mort
    Même si elles étaient capables de déplacer des roches plus petites, elles ne pourraient soulever des blocs de 155 à 170 kg laissant de tels sillons derrière eux. Stanley en convint. Le mystère du Racetrack Playa acquit une audience mondiale dans les années soixante.
     
    En 1969, il attira l'attention du docteur Robert P Sharp, appartenant au département de géologie de l'Institut californien de technologie. L'étude que ce chercheur entreprit sur le mouvement des pierres dura sept ans.
    Il choisit vingt-cinq roches de formes et poids différents (jusqu'à 455 kg), chaque rocher fut baptisé, et on planta des poteaux métalliques pour marquer leur position initiale. Le docteur Sharp ajouta plus tard cinq rochers à son étude. Chaque fois qu'il se rendait dans la Vallée de la Mort après une très difficile expédition, le docteur Sharp recherchait les rochers marqués qui avaient pu bouger, marquait d'une borne leur nouvelle position et mesurait la distance parcourue.
    Les rochers vivants de la vallée de la Mort
    Durant sept années de travail, vingt-huit des trente pierres étudiées avaient bougé. La longueur totale de tous les déplacements couvre une distance de 262 m. Le plus grand mouvement "solitaire " est celui d'un galet de 250 g, appelé Nancy, qui parcourut une distance de 201 m. La direction générale de ces mouvements est le Nord-nord-est, ce qui correspond à la direction des vents prédominant dans le playa.
    Sharp remarqua aussi que la plupart des mouvements enregistrés s'étaient déroulés en trois périodes : les hivers particulièrement rudes et orageux de 1968-1969, 1972-1973 et 1973-1974. Il faut cependant remarquer qu'une partie seulement de ces pierres s'est déplacée tout au long de ces trois périodes. Sharp en conclut donc que la pluie est un agent aussi important que le vent. 

    En 1976, Sharp écrit dans le Bulletin de la G.S.A. : " Le secret est de percevoir précisément au bon moment le jeu du vent et l'eau. Selon lui, le mouvement se produit probablement en l'espace de un à trois jours de temps humide et orageux, quand la surface est "lisse comme un sifflet ".
    Sharp maintient que les collines des environs canalisent et conduisent les vents vers le playa à des vitesses suffisamment importantes pour déplacer les rochers. Plus la surface sur laquelle repose la pierre est lisse, plus rapide sera le mouvement. Il a aussi calculé la vitesse maximale d'un déplacement : 1 m par seconde. Le phénomène de mouvement des pierres n'est pas particulier au Racetrack Playa. On a pu observer ce phénomène dans au moins dix autres playas de Californie et du Nevada. Il arrive aussi que des traités de géologie mentionnent des anomalies similaires.
     Les rochers vivants de la vallée de la Mort
    Dans un article écrit en 1879, Lord Dunraven raconte l'étrange vision d'un lac, en Nouvelle-Ecosse, qu'il a visité l'année précédente.
    " Un jour, un serviteur indien raconta que dans un lac tout proche les rochers émergeaient de plus en plus, ce qui ne fut pas sans m'étonner. Je suis donc allé voir ce spectacle, sûr que l'on verrait les rochers sortir de l'eau et se diriger vers la terre sèche.
     

    "Le lac est considérablement étendu, mais peu profond et regorge de grosses masses rocheuses. Vous pourrez en voir de toutes les tailles : des blocs de 1,8 à 2,4 m de diamètre jusqu'à des pierres qu'un homme pourrait soulever. On en trouve, de plus, à tous les stades de leur progression, certaines à 90 m ou plus de la rive et d'autres apparemment au début de leur progression, d'autres à mi-chemin et d'autres encore perchées au sec. Dans tous les cas, elles ont creusé derrière elles un sillon plus ou moins important."
    Lord Dunraven remarqua aussi un énorme spécimen à quelque distance du bord de l'eau. Il avait creusé derrière lui, d'une largeur exactement égale à la sienne, un sillon qui courait jusqu'au rivage avant de se perdre dans l'eau.

    A la fin de l'année 1879, une lettre publiée dans le Scientifique American expliquait ce phénomène tout à fait étrange et ressemblant étonnamment à celui des playas.
    L'auteur qui signait J.W.A. prétendait avoir observé des phénomènes identiques dans d'autres lacs canadiens. Selon son explication, l'effet est beaucoup plus spectaculaire dans des lacs peu profonds, en partie entourés de rives abruptes ou de collines. La glace, en se formant, s'étend et exerce une poussée dans toutes les directions.
     En eau plus profonde, la glace se répand jusqu'au fond du lac et y emprisonne les roches. Quand son volume augmente, elle emporte avec elle les rochers et tout autre débris ; Elle les dépose plus loin quand cesse sa dilatation, et à la fonte des neiges. Chaque hiver, la glace se dilate et fond : les mouvements cumulés seraient ainsi assez importants pour pousser les rochers sur la terre ferme.
     
    Les rochers vivants de la vallée de la Mort
    En 1884, dans le Scientific American, le professeur Charles A. White proposa une explication au mystère des "lacs emmurés" de l'Iowa c'est ainsi qu'on les appelle. On pensait à l'origine qu'ils étaient l'œuvre d'une race aujourd'hui disparue. Ce sont, selon le professeur, les poussées glaciaires successives qui ont déposé des blocs compacts de terre de graviers et de galets tout autour des lacs peu profonds. On peut donc donner une explication à ces mouvements.
    Mais l'aspect surréaliste de ces playas, ces rochers et les sillons qu'ils ont creusés derrière eux nous font encore une fois prendre conscience de tous les mystères et de toutes les merveilles de la nature.
    Une question reste cependant sans réponse : pourquoi encore aujourd'hui, personne n'a encore vu bouger ces pierres ?
     
     

                                                                                           Extrait de " Inexpliqué " 1981
     
     
     

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    La bête du Gévaudan 

    En juin 1764, une jeune femme est attaquée par la Bête dans la forêt de Merçoire, près de Langogne, alors qu'elle garde ses vaches. Au premier assaut de la Bête, les chiens s'enfuient. Sans les vaches qui, cornes en avant, tinrent le monstre en respect, la jeune femme aurait été dévorée. Repoussée, la Bête revenait à la charge, lançait sa gueule, tâchant d'attraper sa proie, mais elle finit par se décourager devant les cornes des bovins. La jeune femme s'en tira avec quelques coups de griffes, des vêtements déchirés et  une sainte frousse.
    Dans les mois qui suivent, l'horreur gagne la contrée : des enfants et des femmes sont dévorés, emportés par la Bête. On retrouve des membres, une tête ou un cadavre à demi rongé. Elle s'attaque aux femmes et aux enfants, proies d'autant plus faciles qu'ils opposent peu de résistance et que ce sont eux qui mènent paître le bétail en dehors des villages, à flanc de colline.

    Les caractéristiques assez monstrueuses de cet animal, qui s'apparente au loup sans en être tout à fait un, et ses massacres incessants en ont fait très rapidement une bête extraordinaire, diabolique et invulnérable.
    Dans les foyers, on commence à parler de la Bête, et la terreur se répand dans l'est du Gévaudan. La famille Denis sera douloureusement liée à son histoire, et nous la retrouverons plusieurs fois aux prises avec la tueuse. 
    Les Denis ne sont ni pauvres ni riches. Ils possèdent quelques vaches, quelques moutons et des chèvres, que les enfants ont la charge de mener au pâturage. Ils habitent à Saint-Privat-du-Fau, au pieds des monts de la Margeride, à 1 200 m d'altitude, un peu en retrait du village. A l'automne 1764, ils apprennent les ravages de la Bête dans le haut Allier, de l'autre côté des monts de la Margeride. Elle n'est pas encore chez eux, mais elle ne va pas tarder à se manifester.
    La bête du Gévaudan
    Des battues avec des centaines de paysans s'organisent. La Bête, traquée, traverse en une nuit les monts de la Margeride. Elle est maintenant tout près des terres de la famille Denis. Elle recommence ses carnages. La peur s'installe : on se barricade, on n'ose plus mener paître le bétail ni traverser seul les bois. Il faut dire que les paysans de l'époque n'avaient pas d'armes à feu.
    Quelques privilégiés, pourtant, les chasseurs attachés aux nobles de l'endroit, possèdent des armes à feu. On tire la Bête plusieurs fois, mais elle ne semble pas atteinte par les balles, ce qui conforte sa légende.
     
    Ainsi, le 8 octobre 1764, deux chasseurs voient la Bête et la tirent à dix pas. Elle tombe sur le coup, mais se relève aussitôt. Les chasseurs épaulent à nouveau. Elle tombe, se relève encore, entre dans un bois d'une course mal assurée, mais plus rapide que celle de ses poursuivants. Elle reçoit deux nouveaux coups de fusil, chute, se relève encore et s'enfuit. On croit la trouver morte le lendemain. Bien au contraire : non seulement on ne la trouvera pas, mais elle fera plusieurs victimes dans les jours qui suivront. D'où la légende selon laquelle elle "charmait" les armes à feu.
    La bête du Gévaudan
    En novembre 1764, le capitaine Duhamel et ses dragons (40 hommes à pieds et 17 à cheval) prennent les choses en main. Duhamel organise d'énormes battues avec des centaines de paysans. Sans succès. Tous les subterfuges sont inutiles. La Bête est beaucoup trop rapide et trop intelligente pour se laisser prendre au piège. Les dragons de Duhamel croiront bien des fois la tenir, sans jamais pouvoir l'abattre.
    On accorde de fortes primes pour la capture de l'animal. Des chasseurs, motivés par l'appât du gain, viennent de tous les coins de la France. Cette situation dure jusqu'en avril. La Bête massacre de plus belle au nez et à la barbe des dragons, décidément trop lourdauds. 
    Revenons à la famille Denis. En mars 1764, Jacques Denis garde des vaches, des chèvres et des moutons près de Malzieu, avec ses deux sœurs, Jeanne et Julienne. Il a allumé un feu à l'abri d'une roche. Soudain, Jeanne pousse un cri. La Bête est sur elle et lui happe la tête. Elle se débat et roule dans l'herbe dans un corps à corps avec la Bête. Jacques se précipite, fait lâcher prise à la Bête, la projette dans le feu et la maintient sur les braises. La Bête hurle et s'enfuit.
    Jeanne a deux trous sanglants derrière les oreilles, une déchirure à l'épaule. Julienne, qui s'était éloignée, accourt. Le frère et la sœur ramènent Jeanne à la maison. Celle-ci, folle de terreur, ne recouvrera jamais la raison et restera une épave gémissante, avec de soudains accès de terreur qui la feront hurler comme si les crocs de la Bête devaient indéfiniment se refermer sur elle. Julienne ne se pardonnera jamais d'avoir laissé sa jeune sœur seule. Elle dira : "Maintenant, c'est la Bête ou moi !"

    La réputation de la Bête s'étend non seulement à la cour de France mais aussi en Angleterre, en Allemagne et en Espagne. Le roi délègue Denneval, chasseur réputé pour avoir tué 1 200 loups dans le Gévaudan. Dès février 1765, Denneval est sur place avec six de ses meilleurs limiers.
    Jacques Denis, bouleversé par sa récente aventure, se joint à Denneval, qui le prend en amitié. Ce dernier change de méthode. Au lieu d'organiser, comme l'avait fait Duhamel, de grandes battues qui ne servent qu'à rendre la Bête de plus en plus méfiante, il préconise de laisser venir celle-ci, de la mettre en confiance et, dès qu'on la signale quelque part, de tenter un encerclement en la faisant pister par les chiens.
     
    Ce stratagème n'aura pas plus de succès que les méthodes de Duhamel. La Bête connaît très bien la région. La topographie accidentée lui permet de défier ses poursuivants. Elle brouille les pistes, entre dans un bois, se cache dans un ravin, traverse une rivière, réapparaît, se tapit dans une genêtière et entraîne à ses trousses, des jours durant, des meutes d'hommes et de chiens qui, épuisés par cette course folle sur un terrain impraticable, cherchent à la nuit tombante à loger chez l'habitant, alors que, de son côté, la Bête trouve encore assez d'énergie pour faire quelques kilomètres et distancer ses poursuivants. Et toujours en laissant sur son passage des enfants égorgés, des corps déchiquetés, des membres épars.

    Toutefois, un noble des environs, M. de la Chaumette, aperçoit la Bête le 29 avril, entre Rimeize et Saint-Chély, et la tire. La Bête guette un berger non loin de la maison de M. de Chaumette. Il la voit et appelle ses deux frères. Tous trois armés, sortent de la maison et vont s'embusquer au-dessous du pâturage. L'un des trois entre dans le pâturage et pousse la Bête vers ses deux frères. Elle se replie. Les deux frères aux aguets la tirent. La Bête s'abat sur le sol et roule deux ou trois fois sur elle-même. M. de Chaumette la tire à nouveau. Se relevant brusquement, elle roule contre un arbre et, cachée aux regards des assaillants, s'enfuit.
    D'énormes taches de sang maculent le sol et les buissons alentour, comme si l'on avait saigné un cheval !
    La Bête est touchée au col. On la croit morte. Mais ce n'est qu'une fausse joie. Elle ne tardera pas à recommencer ses sanglants exploits.

     La bête du Gévaudan
    Le 24 mai 1765, c'est la grande foire du printemps, à Malzieu. Bien entendu, on ne parle que de ce sanglant animal. Soudain, un cavalier arrive au grand galop. Il hurle "Marguerite a son compte ! Oui c'est la bête". Marguerite, une grande et forte fille de 20 ans, amie e Jacques Denis, gisait baignant dans son sang, la gorge ouverte. Ce jour-là, la bête fera trois victimes, qu'elle ne se donnera même pas la peine de dévorer, étant repue.
    Prit de rage et de désespoir, ils empoignent fourches et baïonnette et avec Jacques en tête ils se lancent une fois de plus à sa poursuite.
    Bientôt il se retrouve face à elle pour la deuxième fois. Il la harponne violemment e sa baïonnette : nullement impressionnée, la bête attaque, tous crocs dehors. Heureusement d'autre chasseur arrive et elle s'enfuit.

    A la Cour, le roi est furieux. Cette histoire ridiculise la France. Il charge son porte-arquebuse personnel, Antoine de Beauterne, d'aller mettre un terme à cette histoire.
    Donneval abandonne. Il a tué 19 loups mais pas la bête. Elle se rit de lui : le 16, elle se jette sur une petite fille qui sera sauvée in extremis. Le 21, elle tue et dévore une femme e 45 ans et enlève une petite fille. La mission de Donneval s’achève sur ce sanglant épisode.
    Dans leur prêche les curés font de la bête un envoyé du diable. Elle est la punition des pêchés des hommes. C'est de la sorcellerie. 
    Trois mois après son arrivée, Antoine de Beauterne reçoit 12 chiens et il organise une battue avec 40 chasseurs recrutés dans un villages voisins. Guidé par son intuition il fait encercler le ravin De Béal. Si la bête est là, elle devra passer par la clairière et se découvrir.
    Les tireurs, les nerfs tendus, s'impatientent. Soudain, les chiens lancent des aboiements furieux. La Bête est là.
    Les chiens sont lâchés. La bête n'a plus que 30 m d'avance. Elle cherche une faille dans le piège qui lui est tendu.
    L'envoyé du roi voit une masse énorme dévaler le sentier. Elle ralenti, hésite puis s'avance. Antoine de Beauterne épaule et tire. Il touche l'épaule droite de l'animal. Une autre lui traverse l’œil droit et le crâne. Elle tombe. Le tireur sonne l'hallali.
    Soudain, stupéfiant tout le monde, la bête se relève et vient sur Antoine. Un garde tire à son tour. La balle traverse la cuisse de la bête qui animée par une énergie fantastique, se détourne et repart en trottant, atteint la lisière, la dépasse et débouche dans une pâture. Elle a trouvé la faille dans le filet. Elle est sauvée.
     
    La bête s'écroule...enfin morte. D'une espèce peu ordinaire, énorme, 1,90 m de long et pesait 65 kg et des crocs de 3,3 cm.
    L'animal sera empaillé et ramené à la cour. Il sera conservé jusqu'au début du XXè siècle au Muséum d'histoire naturel de Paris. 
    "La bête est morte." Dans le village une explosion de joie. Mais beaucoup n'osent trop y croire.
    Pendant les deux mois qui suivirent la famille Denis n'entendit plus le sinistre tocsin annonçant une nouvelle tragédie.
    Mais bientôt on apprit que cette tranquillité n'était qu'apparente.
    La bête continuait à tuer. Seulement, sur ordre du roi, il était interdit d'en parler.
    Cette "résurrection" de la bête allait renforcer les superstitions. Ça ne pouvait être un loup mais un animal diabolique. Un envoyé de l'Enfer.
    Le mois de décembre fut atroce. On retrouva plusieurs victimes affreusement mutilées.
    Le jour de Noel Jacques était parti à la recherche e Julienne, que l'on n'avait pas revue depuis la veille. On ne la retrouva jamais. Dans la semaine qui suivit, on retrouva des restes méconnaissables, des lambeaux de chair, d'os et de vêtements , le long de l'étroit ravin du ruisseau.

    Tout l'hiver, le carnage va continuer. L'hiver 1766-1767 sera plus calme. Quelques personnes disparues seulement. Mais au printemps, la Tueuse recommence ses massacres. On ne sait pas exactement combien de victime elle fait. Beaucoup de familles ne déclarent plus les meurtres. On connait pourtant de mars à juin 1767, 14 victimes de la bête.
     Le 19 juin un noble des environs organise une grande battue. Trois cents chasseurs et rabatteur y participent.
    Jean Chastel père se poste dans le ravin du Béal. Il ouvre un livre de prière et lit.
    Soudain, un froissement de feuilles. Une ombre furtive. Chastel finit sa prière et lentement ferme le livre, ôte ses lunettes et les mets en poche. La bête attend immobile. Elle sait qu'elle va rencontrer son destin.
    Jean Chastel épaule, tire. La bête s’effondre. Il dit : "Bien ! Tu ne tueras plus".
    Là ou la bête tomba, on raconte que l'herbe ne repousse plus.
                                                                                                                                                                            Extrait de " Inexpliqué " 1981
     
     
    La bête du Gévaudan 
     

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    Les sirènes

     

    Depuis l’Antiquité, les hommes racontent l’étrange histoire des sirènes, ces femmes venues de la mer pour les séduire et les emporter. Tous les enfants de pêcheurs connaissent leur existence. D’où viennent ces belles créatures, qui enferment dans leurs longs cheveux blonds les rêves de tant d’aventuriers ?

    C’est Homère qui nous a laissé le premier témoignage littéraire sur les sirènes. Dans L’Odyssée, il nous raconte comment Ulysse a pu échapper aux chants merveilleux de ces créatures. Averti du danger par la magicienne Circé, il ne voulait pourtant pas manquer un aussi rare concert on sait qu’il a demandé à ses compagnons de l’attacher solidement au mât du navire, tandis qu’eux-mêmes se bouchaient les oreilles à la cire pour ne pas être victimes de ce sortilège.

    Les sirènes

    Ces Sirènes homériques sont trois sœurs. Leur aspect est bien différent des sirènes que nous « connaissons aujourd’hui elles n’ont pas d’écailles, mais des ailes et un corps d’oiseau. Rien, chez elles, n’évoque le monstre marin. Leur seul pouvoir miraculeux est dans les modulations de leurs voix.

    Pourtant, elles ont donné leur nom à toutes les créatures féminines qui hantent les mers. La confusion date du Moyen Age. Le nom latin de siren est issu du grec seiren sa racine est Ber (de Beira, la corde). Il est ainsi probable que le nom de seiren a été formé après la mésaventure d’Ulysse, en souvenir des liens qui ont empêché le héros de suivre les femmes-oiseaux. A moins qu’il ne dérive du chant « attachant » de ces trois sœurs. Peut-être faut-il envisager de faire dériver sérénade de cet épisode mythologique.

    Les sirènes

    Au Moyen Age, on confond l’affaire des Sirènes avec celle des Néréides. Mais ces Néréides étaient des jeunes filles tout à fait normales, sans écaille ni queues-de-poisson.

    Déjà, sous l’Empire romain, on avait confondu les Néréides avec les Tritons, leur équivalent mâle. Pline désigne indifféremment toutes les créatures marines insolites sous le nom de Tritons ou de Néréides.
     
    Il écrit :
    " La conformation des Néréides n'est pas non plus imaginaire. Seulement des écailles hérissent leur corps, même dans la partie où elles ont figure humaine. En effet, on en a trouvé une et, alors qu'elle agonisait, les riverains ont entendu au loin son chant lugubre...
    Des brillants personnages, chevaliers romains, m'ont certifié avoir vu dans l'océan de Cadix un homme marin absolument semblable à un humain pour tout le corps, qui montait à bord des navires où il était assis s'enfonçait et même coulait s'il restait plus longtemps. "

    Au IIe siècle de notre ère, Pausanias a décrit ces mêmes Tritons comme des êtres à chevelure de goémon, au corps couvert d’écailles dures, pourvus d’ouïes derrière les oreilles, d’une bouche largement fendue et de jambes unies en forme de queue de dauphin.

    II ne restait plus aux chroniqueurs du Moyen Age qu’à réunir les deux légendes pour donner naissance aux sirènes à buste de femme et à queue de poisson.

    Ils devaient être aidés dans cette tâche par l’importance accordée
    aux « femmes de la mer » dans l’imaginaire populaire celtique. Sur les côtes de la grande mer celtique, entre l’Irlande, la Grande-Bretagne et la Bretagne, il n’est pas un marin qui n’ait vu, au moins une fois dans sa vie, ces « déesses de la mer ».

     Les sirènes
     
    Dans son "Folklore de la Bretagne" P.Y. Sébillot décrit ces sirènes :
    « Elles sont belles comme le jour. Leur occupation favorite semble être de démêler leurs longs et épais cheveux blonds avec un peigne d’or. On vante aussi la douceur pénétrante de leurs voix, la puissance de séduction de leurs chants.  Elles connaissent de merveilleux " soniou", qui feraient oublier père, mère, femme et enfant si on s'attardait à les écouter. »

    Selon la tradition bretonne, la première sirène a été Ahès, la fille du roi Gradlon, celle qui a livré la ville d’Ys à la mer et au diable. Sa punition aurait été de se jeter dans la mer, où elle aurait donné naissance à toutes les sirènes connues. Brandan, le célèbre moine-navigateur celte, ne doutait de rien : apercevant des sirènes au large de Guernesey, il les baptise...
     

    Les sirènes


    Depuis, sur toutes les côtes de l’ancien monde celte, on signale la présence de familles de sirènes en 1870, un groupe apparaît sur le littoral trégorrois. En 1897, des marins en aperçoivent dans le chenal de l’île de Sein. On en voit dans la baie de la Fresnaye, de Noirmoutier et sur les plages de Vendée. On imagine même qu’elles ont une île, l’île des Sirènes, quelque part en mer, bâtie de châteaux d’algues et de concrétions marines.

    Ces belles dames de la mer ne sont pas à confondre avec la Morgane, la « Marie fille de la mer », qui est dépourvue d’écailles et de queue de poisson. La Morgane est une mauvaise fée de la mer elle entraîne sous les eaux les jeunes gens, en les charmant par ses maléfices ou par l’irrésistible mouvement de son peigne d’or sur ses longues mèches blondes... Les Morganes, que l'on appelle aussi Marie-Morganes, peuvent avoir des enfants avec les hommes, des filles, qui deviendront à leur tour Morganes.


     Les sirènes
     
    Elles récompensent bien leurs amants. Mais gare à celui qui ouvre trop vite son " petit cadeau " : il ne trouve que du goémon sec !
    Celui qui a la patience d'attendre son retour à la maison entre en possession d'un inaltérable trésor. Tous les Bretons connaissent quelques exemples de familles enrichies par cette agréable rencontre avec une Morgane...
     
    Il est probable que la tradition des Morganes s'enracine dans le souvenir des prêtresses druidiques, qui se retiraient volontiers dans des îlots perdus en mer. Quand la '' nouvelle religion " du Christ aura supplanté l'antique religion des Celtes, les " bonnes fées " païennes seront transformées en " mauvaises fées " des eaux...
     
    Il existe, chez tous les autres peuples marins de l'Europe, une même tradition de ces créatures de la mer. Une chronique islandaise de 1215 décrit un Masgugue :
     
    " Il était formé jusqu'à la ceinture comme le corps d'une femme. Il avait de gros seins, la chevelure éparse, de grosses mains au bout de ses tronçons de bras et de longs doigts attachés ensemble comme le sont les pieds d'une oie (palmés). On l'a vu tenant des poissons dans ses mains et les mangeant. Ce fantôme a toujours précédé quelque grande tempête. "

    En Allemagne, les humains de la mer sont les Nix-mâles et femelles. Ils ne sont méchants que par désespoir : ils sont condamnés à expier éternellement un mystérieux péché originel. Là encore, une analyse du mythe fait ressortir tout le regret de l’ancien ordre païen qui y est enfermé. Seule une conduite exemplaire pourrait délivrer les Nix. Mais, comme ils souffrent trop, ils ne peuvent pas s’empêcher de se venger sur les humains.

    Les sirènes

     En Angleterre, on parle des mermaids. En Scandinavie, des merminnes.
    Ce terme est repris par les Néerlandais, qui voient plutôt les sirènes comme les Néréides antiques ou comme les Morganes bretonnes, sans queue de poisson. Dans les îles frisonnes, on considère qu'elles sont sept, servies par des jeunes marins qui doivent faire le serment de ne jamais
    " quitter la mer " ni leur service auprès d'elles. Quand un de ces jeunes gens trahit, les merminnes sortent de la mer, l'arrachent à son foyer et l’entraînent sous les flots.
     
     
    Dans La mer magique, A. Van Hageland rapporte le cas d'une malheureuse merminne, plus connue sous le nom de " sirène de Purmermeer ". En 1403, près d'Edam, aux Pays-Bas, deux jeunes filles parties chercher du lait trouvent une sirène dans la vase d'un canal.
    Elle était " toute velue, couverte de mousse et de plantes vertes, ne disait pas un mot, mais paraissait soupirer ".
    L'auteur poursuit :
    " On la nettoya, on l'habilla. Elle mangeait et buvait comme un être humain, mais cherchait toujours à regagner l'élément liquide. On la transporta d'Edam à Haarlem. Elle apprit à coudre, mais resta muette. Quand elle mourut, au bout de 17 ans, on l'enterra dans un cimetière parce qu'elle avait manifesté quelques sentiments pieux, comme l'avait remarqué une certaine veuve chez qui elle habitait. "
     
    Pour les sceptiques, il existe une peinture de cette sirène, représentée à la cour princière des Pays-Bas. Il existe également un monument à sa mémoire, sur le Purmerpoort. On peut voir l'inscription suivante :
    " Cette statue fut érigée un jour en souvenir de ce qui fut pris dans le Purmermeer. "

    Le folklore européen n’est pas le seul à rapporter l’existence de ces dames de la mer. Sur tous les continents, à toutes les époques,elles se sont trouvées sur la piste de l’homme. A commencer par celles que Christophe Colomb aperçoit, quand il arrive aux Antilles ses trois sirènes dansent dans l’eau, mais elles sont muettes et d’une grande laideur. Le navigateur estime qu’elles ont « l’air de regretter la Grèce »...
     
    Faisons maintenant un petit tour du monde des apparitions des sirènes dans le prochain article : " Les sirènes et leurs maléfices ".
     
                                                                                                                           Extrait de " Inexpliqué " 1981  
     

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