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    La description de la création du monde compte autant de récits que le Double Pays recèle de grandes cités... Chacune d'elles, d'Héliopolis à Hermopolis en passant par Thèbes et Memphis, fait en effet de son dieu tutélaire son démiurge, soit l'acteur principal de la création. 

    Ce foisonnement est à l'image d'une religion polythéiste et d'une civilisation née de tribus indépendantes avec, chacune, ses propres dieux et croyances.

    Les cosmogonies les plus importantes sont issues des quatre principaux centres religieux du pays, qui ont imposé leurs dieux et leurs mythes. La plus ancienne et populaire est celle d'Héliopolis se retrouve déjà dans les textes des pyramides et ceux des sarcophages, rédigés entre 2400 et 1800 av. J-C ou encore le Livre des morts (1500 av. J-C). Tous ces mythes reprennent le thème d'un monde créé par une divinité à partir d'un océan primordial inerte, ensevelissant tout et recouvert lui-même par l'obscurité. Pour les Égyptiens, cet élément liquide est le "Noun", qui contient les germes de tout ce qui va être créé. L'eau, source de vie, est une transposition d'une réalité égyptienne : les crues du Nil noient la vallée et rythment les saisons. D'ailleurs, dans ces cosmogonies, la vie émerge sur une butte de terre primordiale ou un tertre, à l'image de ces langues de terre qui surgissent lors de la décrue du fleuve, qui les laisse couvertes de limon, propice aux cultures...

     

     

     

    Fait étonnant et assez rare, dans la cosmogonie  d'Héliopolis, le dieu n'est pas éternel. Chaque soir, Atoum-Ré disparaît à l'ouest et doit lutter toute la nuit contre Apophis (le serpent) pour pouvoir se lever chaque matin à l'est. Pour les Égyptiens, cette lutte décrit la fragilité de la vie et l'omniprésence des forces du mal prêtes à rompre l'ordre et l'équilibre précaires du monde. En tant qu'héritier du dieu Osiris, c'est donc au pharaon qu'incombe la charge de leur préservation.
    Une manière pour les Égyptiens de légitimer la royauté, clé de voûte de leur civilisation multimillénaire. Et d'entretenir les cultes et offrandes faites aux dieux pour préserver cet équilibre. Car dieux et hommes le savent : ne pas obéir à Maât, fille de Rê, déesse de la justice, de la vérité et symbole de l'ordre universel, c'est mettre en danger cette fragile harmonie, au risque de voir le monde retourner dans le chaos... 

     Le Livre des Morts

    "Je (Atoum, le Seigneur au nom mystérieux) suis celui qui vais détruire tout ce que j'ai créé. Ce monde retournera dans l'océan primordial, dans le flot originel, comme à ses débuts. 
    Je suis celui qui subsistera avec Osiris après m'être transformé de nouveau en d'autres serpents que les hommes ne connaissent pas et que les dieux ne voient pas."

    De Noun, masse inerte et obscure, émerge une butte sur laquelle prend forme le démiurge Atoum, à l'état de germe dans cet océan primordial. Prenant conscience de son existence, Atoum apparait sous la forme du Soleil Rê et se hisse hors de l'eau pour créer son oeuvre. Par sa lumière, il repousse les ténèbres et engendre un couple de jumeaux : Chou (ou Shou), le dieu masculin représentant la lumière et le souffle de vie, et sa soeur Tefnout, incarnation de la chaleur et de l'équité. L'union incestueuse de ce couple donne naissance à Nout (le Ciel) et Geb (la Terre) qui enfantent à leur tour Isis, Osiris (le premier roi d'Egypte), Seth et Nephtys. L'ennéade d'Héliopolis est ainsi constituée... Quant aux hommes, ils naîtront plus tard des larmes d'Atoum-Rê.

    Hymne rituel à Ptah

    "Salut à toi, en présence de ton collègue de dieux primordiaux, que tu as faits après t'être manifesté comme dieu,
    ô corps qui a modelé son propre corps, 
    quand le Ciel n'était pas, 
    quand la Terre n'était pas,
    quand le flot en crue ne montait pas encore.
    Tu as noué la Terre,
    tu as rassemblé ta chair,
    Tu as fait le compte de tes membres,
    Et tu t'es trouvé être Unique, qui a créé son lieu de séjour,
    Dieu qui a formé les Deux Terres..."

     


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    Mythologie babylonienne - L'Enuma Elish

    L'Enuma Elish, le poème de la création de l'Univers, a été probablement rédigé dans la ville de Babylone vers le XIIè siècle avant J-C, sous le règne de Nabuchodonosor 1er (1126 - 1105 av. J-C). Comportant quelques 1 100 vers, il a été retrouvé sous la forme de 7 tablettes  quasi intactes de 100 à 200 lignes de caractères cunéiformes chacune dans la bibliothèque de Ninive. Très cohérent, il pourrait être l'oeuvre d'un seul et même scribe.

    Cette grande épopée relate comment les dieux, le monde et les hommes sont apparus. Elle met notamment en avant le rôle de Marduk par rapport à d'autres divinités mésopotamiennes tel Apsù (sources souterraines d'eau douce, mâle) ou Tiamat (eaux salées, femelle).
    Une mise en exergue de Marduk, dont le culte siège à Babylone, qui a du sens. 

    Donner à une ville des origines mythiques et la présenter comme une sorte de chef-d'oeuvre créé par les dieux est une manière d'affirmer sa prédominance. Babylone est alors la capitale politique, culturelle et religieuse d'un empire fondé six siècles plus tôt en Basse-Mésopotamie, principalement autour des rives du Tigre et de l'Euphrate, et qui est en pleine expansion. De plus, " Le portrait que l'épopée fait de Marduk, courageux, intelligent, grand guerrier, est celui du roi idéal... et probablement un peu celui que voulait transmettre
    Nabuchodonosor 1er " 

    Mythologie babylonienne - L'Enuma Elish

    L'Enuma Elish ponctue la vie des Babylonniens. A Babylone, au 1er millénaire av J-C  les fêtes du Nouvel An et de l'Akitu coïncidaient dans le calendrier et c'est notamment à cette occasion que l'on récitait l'Enuma Elish. Au cours de ces célébrations que présidait Marduk, en tant que fondateur du monde, les dieux procèdent à une sorte de bilan et déterminent les destins de l'humanité. C'était probablement un moyen de rassurer et de se rassurer sur son sort au moment clé du renouvellement du cosmos.

    Babylone chute en 539 av J-C, mais l'épopée lui survit... On connait ainsi des copies très fidèles de l'Enuma Elish qui subsistent plusieurs siècles plus tard, mais aussi des versions alternatives du mythe dont un texte assyrien dans lequel Marduk est remplacé par Ashur, divinité assyrienne. Des résumés existent chez l'historien Bérose transmis par Eusèbe de Césarée ou encore chez Damascius, philosophe néoplatonicien du Vè siècle après J-C. Bien connu, ce texte a pu acquérir une certaine importance dans l'histoire de la pensée occidentale ; il a en effet influencé la mythologie grecque, où l'on retrouve notamment la querelle entre anciennes et jeunes divinités.

    Mythologie babylonienne - L'Enuma Elish

    L'Enuma Elish

    " Lorsqu'en haut le ciel n'était pas encore nommé
    Qu'en bas la Terre n'avait pas de nom
    Seul l'Apsû (océan d'eau douce) primordial qui engendra les 
    dieux,
    Et Tiamat (le mer) qui les enfanta tous,
    Mêlaient leurs eaux en un tout.
    Nul buisson de roseaux n'était assemblé,
    Nulle cannaie n'était visible (la végétation n'existait pas),
    Alors qu'aucun des dieux n'étais apparu, 
    N'étant appelé d'un nom, ni pourvu d'un destin,
    En leur sein, les dieux furent créés "

    L'épopée commence alors que l'Univers n'est qu'un tout indifférencié, où se distingue toutefois deux divinités primordiales, Apsû, qui représente l'eau douce, et Tiamat , l'eau salée. Ils s'unissent, et engendrent plusieurs générations de dieux... Mais la troisième, trop agitée, attire la colère d'Apsû qui décide de les détruire sur les conseils de son vizir Mummu. 
    L'un d'entre eux, Ea, apprend le complot et décide de le déjouer. Grace à sa magie, il plonge Apsû dans un profond sommeil et le tue, puis s'empare des profondeurs liquides où il s'installe avec son épouse Damkina. Ils ont bientôt un fils, Marduk, supérieur aux autres dieux dès sa naissance. Mais celui-ci, également turbulent, arrise la colère de certaines divinités des eaux qui persuadent Tiamat de le détruire.
    Cette dernière rassemble onze monstres et serpents conduits par son fils et nouvel époux, Kingu. Alors que la guerre se profile, Marduk accepte de combattre Tiamat contre la place la plus élevée dans la hiérarchie des dieux.

    Mythologie babylonienne - L'Enuma Elish

    Au terme d'un combat spectaculaire, il tue Tiamat, et avec sa dépouille "fendue en deux comme un poisson séché", il forme la voûte céleste et la Terre ; avec ses organes, il crée la nature, les montagnes, les rivières et les vallées ; Avec ses yeux, le Tigre et l'Euphrate.
    Marduk noue enfin la queue de Tiamat et s'en sert comme d'un bouchon afin que l'Apsû Océan ne déborde pas sur Terre. Il crée ainsi un lien entre les deux parties du corps démembré de Tiamat : le voûte céleste est reliée au disque terrestre. Et pour le remercier, les dieux érigent un sanctuaire en son honneur auquel ils donnent le nom de Babylone...

     


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    Bram Stoker - Dracula

    Le comte de Dracula, retiré en son château de Transylvanie et désireux de s'installer à Londres, fait venir dans les Carpates Jonathan Harker, jeune expert chargé des transactions. Dans ce château inquiétant, Jonathan est retenu prisonnier. Il parvient à s'échapper et, de retour à Londres, il ne sait plus très bien s'il a rêvé. Mais la mort étrange de Lucy Westenra, amie de Mina Murray, la fiancée de Jonathan, ressemble dans ses manifestations aux récits de vampire que Jonathan a entendu durant son voyage et auxquels il refusait de porter crédit. Lucy est morte de morsure au cou qui l'on, nuit après nuit, vidée de son sang. Arthur Hilmwood, qui devait épouser Lucy, le docteur John Steward, directeur d'un asile d'aliéné, le docteur Van Helsing, savant éminent, un jeune américain, Quincey P. Morris, Mina et Jonathan vont conjurer leurs efforts afin de réduire à néant les pouvoir maléfique du comte...

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    Bram Stoker - Dracula

    Appartenant à une société secrète, pénétré d'ésotérisme et rompu aux pratiques magiques, Bram Stoker entreprit de nombreuses recherches sur les traditions populaires avant de donner naissance à Dracula, archétype de la littérature fantastique. Le personnage qui lui a été inspiré par un prince valaque du XVè siècle réputé pour sa cruauté, Dracula fait figure de symbole, il est la projection du drame des protagonistes, qui au terme d'un combat périlleux contre les forces du mal, affirment leur identité. Le roman, qui a pour cadre la société victorienne de la fin du siècle dernier, fourmille de détails sur la société. Il se construit au gré des notes consignées par les protagonistes, qui narrent les difficultés d'un quotidien perturbé par l'intrusion de forces surnaturelles.

    Dracula... Ce mot incarne aujourd'hui pour nous l'idée même du vampirisme, et non plus seulement, hélas son aspect occulte, car il se charge de résonances effectives dont les aspect morbides sont loin d'être absents. 

    Quand paru Dracula, le genre fantastique n'était plus en littérature de date récente... Et ce livre qui en est un des sommets présente aussi l'originalité d'être un roman, pas seulement un conte.

    Ici, le surnaturel fait violemment irruption dans la vie quotidienne, tout merveilleux est exclu au profit de l'opposition entre deux mondes : l'un réaliste à l'extreme, l'autre incroyable, terrifiant et baigné de surnaturel, le "passage" qu'il est difficile de rendre admissible au lecteur.

    Parce que Stoker, comme tout Anglo-Saxon de culture, a un sens aigu des valeurs humaines traditionnelles, parce qu'il a un sens affirmé de la faute et du péché, une leçon se dégage, celle de l'épreuve qui donne la paix de l'âme et la sanctifie.

    Une histoire longue et douce, envahissante et prenante à la gorge  écrite sans coup férir , une plongée d'horreur raconté et commenté par un jeune notaire. Mais surtout un début froid, atrocement tranquille, qui respire l'effusion de tension ,on s'attend à n'importe quoi !  

    Bram Stoker - Dracula

     N'oublions pas Van Helsing, ses propos sont toujours fidèlement rapportés par les autres protagonistes. À l'instar de Dracula, c'est parce qu'il produit peu de contenu écrit qu'il semble vraiment puissant. Van Helsing et Dracula ne s'incarnent pas dans l'écriture, mais dans l'action. le professeur flamand est le seul réel adversaire du comte : les autres ne sont que des sous-fifres, certes dévoués et courageux, mais constamment sceptiques et sujets à des accès d'émotion. Van Helsing est « un philosophe, métaphysicien, un des hommes de science les plus avancés de cette époque, un de ces rares hommes qui, en dépit de son monstrueux savoir, ait gardé un esprit ouvert. Ajoutez à cela des nerfs d'acier, un tempérament que rien ne vient briser, une résolution indomptable, une maîtrise de soi, une tolérance sans pareille et, enfin, un cœur d'or. » 

    Oscar Wilde disait de cette oeuvre qu'elle était, peut-être, le plus beau roman de tous les temps. 


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  • Une mission d'exploration atterrit sur Mars où elle découvre une race extra-terrestre, les tripèdes, dotés de trois jambes, six yeux et irradiant une surnaturelle beauté. Ces Martiens sont les derniers représentants d'une espèce très ancienne et très évoluée qui disparaît peu à peu, cédant la place à une nouvelle forme de vie, les Zoomorphes. Ces créatures minérales, moins intelligentes que les tripèdes, sont toutefois plus jeunes et plus dynamiques...

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    Ce titre est considéré comme un des plus importants de la carrière du grand-père de la science-fiction française. 
    Il s’agit de la première oeuvre du genre à utiliser le terme astronautique. Également, à mettre en scène un rapprochement sentimental entre un mâle humain et une femelle extra-terrestre. 

    Le style du roman est concis et une ode poétique dédiée aux puissances de l'amour et de la science, un plaidoyer pour la compréhension entre les races et soutien l'idée que tout les êtres vivants, les hommes aussi bien que les étrangers sont en quelques sorte relié au grand schéma des choses. 
    Une approche différente de celle, xénophobe de Wells avec "La guerre des monde"

    Compte tenu de l'état des connaissance scientifiques de l'époque, la qualité des descriptions et des techniques, les navigateurs de l'infini n'a rien à envier à son contemporain Jules Verne.

    Les navigateurs de l'infini est un récit paisible. A travers la bouche du narrateur Jacques, échanges avec ses compagnons et les Tripèdes, Rosny émet un certain nombre de réflexions sur la place des Hommes dans l’univers, confrontant la vision d’une espèce perdue dans l’immensité du monde à l’importance de la mémoire et du souvenir de ce qui aura marqué l’histoire d’une planète.

    Une oeuvre qui a séduit touts les générations et qui a su concilier à merveille science et littérature.

     


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  • J.H. Rosny Aîné

     

    Quoi de plus agaçant, pour un professeur, qu'un élève qui comprend tout avant les autres et qui est capable de résoudre des problèmes mathématiques ou scientifiques d'un niveau très largement supérieur à celui de son âge ?

    Quoi de plus agaçant, pour un père, qu'un enfant qui écrit en secret des contes où il est question d'une "association des enfants libres", qui se seraient retirés du monde pour fuir la "persécution" de leur parents ?

    Cet enfant, c'était J.H. Rosny Aîné à l'âge de onze ans. Toute sa vie, il allait rester fidèle à cette double image de "précurseur" scientifique et de passionné d'écriture. Né à Bruxelles en 1856, il s'appelle en réalité Joseph-Henri Boex et il s'enracine dans une lignée d'honnêtes bourgeois belges francophones. Plus tard, pour se distinguer d'un frère prénommé Séraphin-Justin, avec lequel il avait signé ses premiers ouvrages, il prendra le pseudonyme de J.H. Rosny Aîné.

    J.H. Rosny Aîné

    "Précurseur" Rosny Aîné l'est incontestablement, même si le grand public persiste à le méconnaître. De l'avis quasi unanime des spécialistes, il est l'un des plus grands auteurs de science-fiction et de fantastique de notre temps. Pour certains, il surclasserait même Jules Verne. Pour d'autres, il serait tout simplement... le fondateur de la science-fiction moderne !

    Une chose est certaine : c'est à J.H. Rosny Aîné que la langue française doit le mot "astronautique", inventé en 1928 au cour d'une réunion avec des homes de sciences qui considéraient cet écrivain comme un des leurs beaucoup plus que comme un banal romancier.

    Un autre signe qui ne trompe pas : on ne pille jamais que les trésors, et il existe de troublantes coïncidences entre certains sujets de J.H. Rosny Aîné et certains romans du britannique H.G. Wells...

    Enfin, et c'est incontestable, la science-fiction lui doit la première oeuvre où des intelligences extérieures à l'humanité sont pensées et pensent d'une manière non humaine. Jusqu'à la parution des Xipéhuz (1887), la littérature d'anticipation n'avait guère imaginé les extraterrestres que sous une forme plus ou moins humaine. Après les Xipéhuz, il faudra attendre les années trente pour qu'un écrivain de science-fiction rompe avec cet anthropomorphe tenace !

    J.H. Rosny Aîné

    Curieusement, ce n'est pas pour cette partie-là de son oeuvre que Rosny Aîné est le plus connu, mais pour ses "romans préhistorique" : La Guerre du feu (1909), constamment réédité depuis, mais aussi Le Félin géant (1918), ou Helgvor du fleuve Bleu (1930).

    Servis par un style tour à tour rude, presque brutal, et flamboyant, un peu à la manière de Victor Hugo, ces romans expriment parfaitement une des idées majeures de l'auteur : l'homme d'aujourd'hui, qui se croit le maître du monde, n'est qu'une des nombreuses formes de vie jaillies du grand bouillonnement de l'Univers. Son règne n'est qu'une fugace parenthèse dans le grand flot de l'immensité.

    De même qu'il y a eu des premiers hommes, très différent de nous, il y aura le dernier homme, celui qui clora notre cycle. La description de sa fin reste un des plus beaux fleurons de l'oeuvre de J.H. Rosny Aîné : "Un frisson secoua sa douleur, écrit-il dans La Mort de la Terre (1910). Il songea que ce qui subsistait encore de sa chair s'était transmis, sans arrêt, depuis les origines. Quelque chose qui avait vécu dans la mer primitive, sur les limons naissants, dans les marécages, dans les forets, au sein des savanes et parmi les cités innombrables de l'homme ne s'était jamais interrompu jusqu'à lui... Et voilà ! Il était le seul homme qui palpitât sur la face, redevenue immense, de la Terre. "

    Les dernières lignes de l'ouvrage sont admirables de grandeur et de concision : " Il eut un dernier sanglot. La mort entra dans son cœur et, se refusant l'euthanasie, il sortit des ruines, il alla s'étendre dans l'oasis. Ensuite, humblement, quelques parcelles de la dernière vie humaine entrèrent dans la Vie Nouvelle... "

    J.H. Rosny Aîné

    D'autres "vies" sont donc possible. Dans les Xipéhuz, Rosny Ainé a décrit le combat entre des hommes et des créatures électriques. Dans La Mort de la Terre, ce sont des "ferromagnétaux" qui ont eu raison de l'humanité. Dans Les Navigateurs de l'infini (1925), des Terriens rencontrent des Martiens, qui ont trois pieds et six yeux, mais qui sont d'une beauté enchanteresse. Dans Les Astronautes, un Terrien s'éprend d'une Martienne qu'il aide contre ses ennemis Zoomorphes.

    Dans le domaine du fantastique, J.H. Rosny Aîné mettra en scène une vampire (La Jeune Vampire (1920), qui n'est pas sans annoncer le Rosemary's baby d'Iran Levin. Il campera également des doubles et des clairvoyants, et avec le même bonheur.

    J.H. Rosny Aîné

    Avec un vocabulaire concret, accrocheur, où des mots comme "terrible", "gigantesque", "sauvage" reviennent à la manière du refrain d'un hymne, avec son sens du rythme et du récit, J.H. Rosny Aîné aura été bien plus qu'un touche à tout de génie : rarement, l'esprit rationnel des scientifiques aura autant servi l'imagination propre aux bond romanciers. Rarement on aura chanté avec tant de force et de conviction le devenir du monde et de la vie. 

    Cette oeuvre, qui, du conte bref au roman-fleuve, comprend une cinquantaine d'ouvrages, pourrait paraître vieillie. En fit, comme toutes les grandes créations, elle s'est bonifiée en prenant de l'âge : si elle paraissent désuètes, certaines scènes ne font que renforcer l'aspect visionnaire de l'ensemble.

    J.H. Rosny Aîné , l'homme qui a réinventé l'histoire des hommes, de la préhistoire aux astronautes, est mort en 1940 : il n'avait jamais vu un médecin de sa vie... A la réflexion, son oeuvre lui ressemble : elle se suffit à elle-même. Elle n'a besoin ni de purges, ni de béquille !


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