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    Croquemitaines

    Le mot croquemitaine date de 1820 ; il est forgé sur le verbe " croquer " et le substantif  " mitaine ", qui dérive de l'ancien français mite, qui veut dire " chat ". Cette catégorie d'ogres " mange-chat " semble avoir pour fonction unique d'épouvanter les enfants. Fort différents les uns les autres selon les régions, ils vont même jusqu'à enlever, voire dévorer leurs petites victimes, mais la plupart du temps ils leur font plus de peur que de mal. De même, les croquemitaines n'en ont qu'après les enfants jeunes ; les adultes n'ont en principe rien à craindre.

    Croquemitaines.

    Au commencement du premier livre de sa République, Platon parle d'une croquemitaine redoutée des Grecs, nommée Mormo.
    A Lesbos, son rôle était tenu par Gello , la voleuse d'enfants.
    A Rome, le brigand Cacus, tué par Hercule, fut considéré comme un croquemitaine avec lequel on effrayait les enfants.
    En Flandre, on craint Per Jan Claes.

    Croquemitaines
    En Alsace, il s'agit de Hans Trapp, qui terrorise les enfants depuis bien des générations. Cet ogre effroyable s'inspire d'un personnage historique, un certain Jean de Trapp, seigneur du XVè siècle qui s'était retiré dans son repaire au sommet du Geisberg, où il se nourrissait de chair humaine, jusqu'à ce qu'il finisse lui-même coupé en menu morceau sous les coups d'épée d'un jeune et courageux pâtre âgé d'à peine dix ans.
    En Wallonie, on redoute l'Homme au Crochet et la Grand-Mé aux Rouges Dés ( la grand-mère aux rouges dents )
    En Irlande, le croquemitaine se nomme Alploochra.
    En Angleterre, c'est le Bogeyman, en Allemagne le Boggelman et en Espagne El Coco. En Provence, le croquemitaine a pour nom Babau.
    Collin de Plancy précise que cet ogre n'avait pas pour seule fonction de fouetter les enfants méchants, mais également de les manger en salade.

    Croquemitaines

    Pour mieux effrayer les enfants, les croquemitaines se déguise souvent en soldats, armés d'un grand sabre destiné à trancher la langue des menteurs ou la tête des fainéants. Ils brandissent un fouet, des verges ou un martinet, et dissimulent derrière leur dos un grand sac de jute dans lequel ils emportent les enfants désobéissants pour les conduire en enfer.
    C'est le cas notamment de Pierre le Noir, du Père Fouettard, du Père Lustucru ou du valet Ruprecht. D'autres fois, pour mieux endormir la vigilance de leurs jeunes victimes, les coquins s'affublent de houppelandes rouges dont ils remplissent les poches de bonbon, chocolats, caramels, bâtons de réglisse et roudoudous. Certains vont même jusqu'à se déguiser en Père Noël...

    Croquemitaines

    L'homme aux dents rouges est un croquemitaine qui sévit au bord de la Meuse. Il est parfois remplacé par sa commère, la " Grand-Mère aux dents rouges. Aux alentours de Mâcon, on redoute la Mère-en-Gueule, croquemitaine femelle qui hante les bords de l'eau et les endroits dangereux. Ailleurs, c'est l'Ome pelut, ou l'homme velu, croquemitaine poilu des bords de l'eau qui enlève les petits enfants pour les vendre comme esclaves, la mère Lapiarde, tapie au fond d'un puits, sans compter Nanon Grandes-Jambes dans la régions de Metz, le bonhomme, Misère en Anjou , le craqueuhle et le peu'homme en Lorraine, la vieille Chabine en Berry, la Chabinelle en Poitou ou bien encore, uniquement en Dauphiné, l'Homme Noir, l'Homme du Bois, l'Homme de la Barbe, Grand Papa Janvier, le Père Babaloum, la Mère de l'Eau, la Mère de la Nuit et la Mère Foutarde.

    Croquemitaines

    Si les croquemitaines font peut aux enfants, ils veillent paradoxalement sur eux en les décourageant de s'approcher des lieux dangereux où résident ces monstres, puits et rivières profonds, plaines enneigées et autres endroits périlleux. Ils exercent également une fonction morale en menaçant les enfants désobéissants des pires sévices.

     

      


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    La croisade des enfants - A la conquête de Jérusalem

    Partis avec un fol enthousiasme, beaucoup d'enfants de la croisade, pressés par la faim, revinrent petit à petit chez eux, les uns à Paris, d'autres en route, certains même quittant le gros de la troupe à Marseille. Quant à ceux qui parvinrent à s'embarquer, leur sort ne fut pas plus heureux.

    Le chroniqueur Albéric des Trois-Fontaines nous a laissé un récit complet de leur terrible odyssée :

    " Cette année-là (1212), les enfants, se rassemblant de toutes parts, firent une expédition fort périlleuse ; les uns ayant péri en mer, les autres ayant été vendus, fort peu sur une telle multitude revinrent chez eux. Quant à ceux qui échappèrent, le pape ordonna qu'ils se croiseraient et passeraient la mer lorsqu'ils seraient en âge.

    La croisade des enfants - A la conquête de Jérusalem

    " Les traîtres qui livrèrent ces enfants étaient Hugues Ferri et Guillaume Porc, marchands de Marseille, qui possédaient des navires. Ils devaient, suivant leur promesse, les conduire au-delà de la mer, sans rétribution, pour l'amour de Dieu. "

    Ils en remplirent sept grands navires. Ils étaient en mer depuis deux jours lorsqu'une tempête s'éleva. Deux des navires firent naufrage sur la roche du Reclus, à l'Île Saint-Pierre, au sud de la Sardaigne, et tous les enfants étaient sur ces navires furent engloutis. Plus tard, le pape Grégoire IX bâtit dans cette île une église des Saints-Innocents qu'il fit desservir par douze chanoines : les corps des enfants rejetés par la mer furent placés dans cette église, et on les offrit longtemps à la vénération des pèlerins.

    La croisade des enfants - A la conquête de Jérusalem

    Quant aux cinq autres vaisseaux, les " traîtres " les menèrent jusqu'à Bougie, puis à Alexandrie. Là, ils vendirent tous les enfants aux chefs sarrasins et à des marchands d'esclaves. Le calife en acheta pour son compte personnel. Ils furent traités très honnêtement par cet homme, qui, disait-on, tenait en grande estime le clergé de France. Il était venu jadis étudier à Paris sous un déguisement, s'y était instruit et, depuis lors, avait cessé de faire des sacrifices de chair de chameau.

    Tous ne furent pas aussi heureux, et 18 d'entre-eux moururent dans les supplices pour n'avoir pas voulu abjurer leur foi. Aucun d'eux, aux dire d'un des clercs élevés par le calife, et qui recouvra par la suite sa liberté, n'embrassa le culte de Mahomet.

    La croisade des enfants - A la conquête de Jérusalem

    Les deux " traîtres " devaient être punis de leur forfait. Ayant ensuite comploté contre l'empereur Frédéric II avec les Sarrasins de Sicile et formé le projet de l'assassiner, ils furent découverts et pendus au même gibet que leurs complices. De nombreux enfants, leurs victimes, vécurent longtemps dans la servitude. Dix-sept ans plus tard, lorsque Frédéric II conclut un traité avec le sultan, il fit mettre en liberté un certain nombre de ces malheureux, mais l'un d'eux raconta que ses compagnons d'infortune n'avaient pas tous été délivrés et qu'il en restait encore 700 au service du gouverneur d'Alexandrie.

     Quel fut le sort du saint enfant Etienne ? Sans doute ne le saura-t-on jamais. Rien ne nous autorise pourtant à supposer qu'il abandonna la croisade. Il a dû la suivre jusqu'au bout, et périr soit englouti par la mer, soit retenu en captivité jusqu'à la fin de ses jours, victime de sa foi et de son fol enthousiasme.

    La croisade des enfants - A la conquête de Jérusalem

    Simultanément à ces événements dans le royaume de France, une troupe identique, par une sorte de mimétisme, se constituait en Allemagne, à l'image de celle d'Etienne de Cloyes. Là, un enfant de Cologne, nommé Nicolas, souleva les mêmes passions, forma une troupe nombreuse qui, par Mayence, Spire, Colmar, la vallée du Rhin et les Alpes, arriva au mois d'août 1212 à Plaisance et, enfin à Gênes. Des voleurs se mêlèrent à eux et disparurent après les avoir dépouillés de leurs bagages et des dons que les fidèles leur distribuaient. S'y ajoutèrent toute espèce de mésaventures consécutives à l'imprévoyance des croisés et aux difficultés des routes de montagne.

     Ils arrivèrent cependant au nombre de 7 000 sur les bords de l'Adriatique. Les Génois leur permirent d'abord de séjourner dans leur ville, puis, craignant que cette multitude suscite des troubles, ils les chassèrent.

    La croisade des enfants - A la conquête de Jérusalem

    Repoussées de Gênes, les enfants se dispersèrent. Quelques-uns se dirigèrent sur Venise, s'embarquèrent, furent transportés par des pirates et vendus, comme les disciples d'Etienne aux Sarrasins.
    Le pape Innocent III, qui, d'abord, avait approuvé leur mouvement -
    " Ces enfants nous font un reproche de nous endormir alors qu'ils volent vers la Terre Sainte " avait-il déclaré -, chercha à son tour, à les renvoyer d'Italie. Chassés de partout, ils durent revenir dans leur pays. Le retour fut terrible.

    La croisade des enfants - A la conquête de Jérusalem

    " Eux qui avaient auparavant traversé les contrées en troupes et en chantant, ils revinrent affamés et pieds nus, en marchant en silence.
    Ils étaient pour tous un objet de moquerie, parce qu'un grand nombre de jeune fille qui étaient parmi eux s'étaient laissé séduire et avaient perdu le fleur de leur virginité. "

    La croisade des enfants - A la conquête de Jérusalem

    La traversée des Alpes fut un véritable martyre. On était alors au mois de novembre, et le froid intense, la famine en firent périr un grand nombre.
    Le chroniqueur de Trèves rapporte qu'ils arrivèrent à un extrême dénuement, personne ne voulant plus leur donner l'hospitalité.
    Une grande partie d'entre eux gisaient morts de faim dans les villages et sur les places publiques, et nul ne les ensevelissait... Sur les nombreux milliers qui constituaient la troupe, à peine quelques-uns revinrent chez eux. Un certain nombre échappèrent à ces souffrances. Les plus âgés restèrent dans les montagnes d'Italie, où ils se réunirent soit pour travailler, soit pour servir les habitants de la terre où ils se trouvaient.
    Quant à Nicolas de Cologne, il semble s'être embarqué à Venise, puis on perd sa trace, comme pour Etienne de Cloyes.

    A quelle pulsion mystérieuses obéissaient ces enfants et ces jeunes gens ?
    Les historiens ont essayé de les expliquer tant bien que mal. Mais, déjà, un contemporain, qui vivait 50 ans seulement après l’événement de 1212, le chroniqueur de Saint-Médar de Soissons, proposait une explication moderne, zoologique, en quelques sorte, et assez étonnante :
    " Certains disent et affirment que, de dix ans en dix ans, avant cet évènement merveilleux ne se fût produit, les poissons, les grenouilles, les papillons et les oiseaux, chacun, à son époque et selon son espèce, était parti de semblable manière. Dans ces temps, une multitude de poissons si immense fut prise que tous en furent étrangement surpris.

    La croisade des enfants - A la conquête de Jérusalem

     " Enfin, les anciens affirment qu'une multitude de chiens venant de diverses parties de la France se réunit dans un château de Champagne qu'on appelle Sainte-Menehould. Ces chiens s'étant divisés en deux bandes, combattirent avec autant de courage et d'acharnement les uns contre les autres. Presque tous se tuèrent entre eux et fort peu en revinrent. "

    Cette assimilation aux migrations animales intègre les croisades d'enfants dans un rythme de vie cosmique. Devant l'étrangeté de l’événement, les chroniqueurs ont ainsi cherché, dans ler besoin de comprendre, des analogies ou des correspondances tirées du règne animal. Déjà, pour la première croisade, on avait parlé de migration de mouches d'une espèce particulière ou de papillons. Plus tard, à propos de Jeanne d'Arc, ses contemporains remarquèrent que sa chevauchée fut précédée d'une migration de papillons blancs.

    La croisade des enfants - A la conquête de Jérusalem

    Les spécialistes de cette époque ont aussi cherché des explications à ce mystérieux phénomènes de 1212 et se sont demandé pourquoi l'élément jeune y dominait. La plupart leur attribuèrent pour origine les processions générales ordonnées par Innocent III pour le 23 mai. En effet, la marche des jeunes croisés présente un caractère nettement processionnel.

    " En ce temps-là, dit un moine de Mortemer, les enfants et les jeunes filles, un certain nombre de garçons portant des bannières, des cierges, des croix, des encensoirs faisaient des processions, allant par les villes, les bourgs, les châteaux. " Ils psalmodiaient également des cantiques types chantés dans les processions, avec imploration litanique.

    La croisade des enfants - A la conquête de Jérusalem

     Tout ceci, cependant, n'explique pas pourquoi ces processions étaient composées presque exclusivement d'enfants. Il semble que l'appel du pape ne fit que cristalliser une très ancienne dévotion enfantine apparue vers le milieu du XIIè siècle dans la France du Nord, en Normandie et en Bourgogne. A Cette époque, on voit apparaître en effet une sorte de
    " croisade monumentale " formée de pénitents bâtisseurs qui, bannières déployées, traînant avec eux des chariots chargés d'outils et de pierres, se dirigeaient en chantant des cantiques vers les chantiers des cathédrales.
    Ils traversaient les rivières à gué, si bien que les foules croyantes de ce temps voyaient en eux de nouveau Hébreux en marche vers la Terre promise.

     Or, certaines de ces processions n'étaient composées que de tout jeunes enfants et ressemblaient fort aux croisades : notons, dans celle-ci, la présence d'un chariot monté par Etienne de Cloyes, entouré d'une particulière dévotion, et également la marche des jeunes croisés qui se dirigent d'abord vers les vastes chantiers de Saint-Denis et Paris...

    La croisade des enfants - A la conquête de Jérusalem

    La similitude entre enfants bâtisseurs et enfants croisés ne fait donc guère de doute, mais il reste à s'interroger sur les raisons de cette élection de l'enfance au début du XIIIè siècle.

    L'abbé Haymon, qui a vu restaurer son abbaye de Saint-Pierre-sur-Dive, près de Caen, nous éclaire sur le mobile profond qui animait ces troupes d'enfants pèlerins, et nous décrit ces colonnes de pénitents de dix à douze ans qui cheminaient le long des routes de France, du Nord et du Midi, en se flagellant et en invoquant la Vierge.

    " Pourquoi, disaient-ils, n'avez-vous pas d'égard à la dévotion des petits innocents et à leur humilité ? Puis, se traînant sous une grêle de coups vers l'autel des Saint-Innocents, ils leur répétaient, en criant, les mêmes paroles, comme s'ils eussent été présents, ajoutant qu'ils les suppliaient de ne pas détourner leurs yeux de dessus eux, de ne pas mépriser les enfants du même âge qu'eux. "

    La croisade des enfants - A la conquête de Jérusalem

    Cette dévotion aux saints Innocent ( les enfants massacrés par les soldats d'Hérode au moment de la naissance de Jésus ) était l'une des plus répandues et des plus ancienne de l'Eglise. Mais, en France, elle avait pris depuis le XIè siècle une signification bien particulière. Célébrée le 28 décembre, elle était devenue la fête des enfants de chœur, des petits chantres des psallettes des églises médiévales.

    La veille de la fête, les enfants de chœur élisaient un évêque qu'ils revêtaient des habits pontificaux de l'école et de la mitre, et le promenaient en procession dans la ville. Le lendemain, c'est lui qui officiait dans le chœur, et les enfants occupaient les stalles du clergé. Cette coutume subsista longtemps en France, et parfois, en certaines régions, jusqu'à la fin du XVIIè siècle.

    La croisade des enfants - A la conquête de Jérusalem

    Or, le pape Grégoire IX fit élever une chapelle aux saints Innocents dans l’île Saint-Pierre, lieu du naufrage des jeunes croisés de 1212. En outre, le chant de route des enfants allemands proclamait :
    " Avec ses Innocents, Nicolas entrera à Jérusalem. "

    Il est donc probable que ces croisades du début du XIIIè siècle trouvent leur origine dans ces enfants de chœur du Moyen-Age guidé par des clerc, et la présence de prêtres parmi eux conforte cette interprétation.
    Peut-être aussi faut-il voir dans Etienne de Cloyes un moniteur d'une psallette ou bien un " évêque des enfants " de la Noël 1211.
    Les populations françaises d'alors ont fait bon accueil à ces troupes d'enfants, car elles reconnaissaient en elles les enfants bâtisseurs de cathédrales et les cortèges d'enfants de chœur fêtant les saints Innocents.

    La croisade des enfants - A la conquête de Jérusalem

    C'est aussi l'époque où, sous l'influence de divers mystiques comme saint Bernard ou saint François d'Assise, la dévotion médiévale évolue vers le culte de Jésus enfant et de Jésus pauvre. Les croisés de 1212 étaient une illustration parfaite de cette dévotion nouvelle et répondaient à l'attente de la piété populaire. Les hommes de cette époque savaient d'expérience que la délivrance de la Terre sainte n'avait pu être obtenue par les puissants de la terre : empereurs, rois, grands féodaux, armées fortes et puissantes n'avaient pas réussi dans leur dessein. Aussi, la chrétienté n'attendait plus que par un miracle la reconquête des lieux saints, et ce miracle, les gens pieux de l'époque ne l'espéraient plus que des plus
    " innocents ", des enfants et des pauvres.

    La croisade des enfants - A la conquête de Jérusalem

    Quelques années seulement avant la croisade des enfants, le chevalier de Cantorbéry, Pierre de Blois, avait écrit dans son livre sur la délivrance de Jérusalem : " Les pauvres, les plus faibles auront le royaume de Dieu et la Terre sainte, la double Jérusalem, terrestre et céleste. Déjà, pour secourir son héritage, Dieu s'est servi d'enfants, et même de femme. "

      


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    Claude Seignolle - Marie la Louve

    Sologne, fin du XIXe siècle.
    Belle, aimée des siens, Marie est un de ces êtres qui ensoleillent l'existence. Elle a, dit-on, le "pouvoir" de guérir les morsures de loup...

    L'avenir lui sourit. Elle va célébrer la Saint-Jean avec celui qu'elle aime. Mais lors de cette longue nuit de liesse où les passions et les rancœurs s'exacerbent, l'existence de la jeune fille bascule...
    Nourrie de mensonges malveillants, la rumeur, que les vents d'hiver semblaient avoir enfoui dans les eaux dormantes des marécages, se réveille, s'embrase et colporte que Marie est l'incarnation du Mal...


    Claude Seignolle - Marie la Louve
    Ce drame poétique narré avec talent séduit et effraie, la bassesse humaine s'y révélant plus redoutable que les forces occultes.

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    Le personnage de Marie la Louve est une de ces victimes qui subit un pouvoir les empêchant d'être comme les autres et n'ont pas choisi d'être ce qu'elles sont.  C'est une victime du regard des autres, mais qui doit souffrir leur vindicte dès l'instant où elles paraissent représenter une menace. Dès le berceau, elle est devenue victime de la symbolique négative du loup, liée à un vieux fond mythique et aux croyances païennes qui touchent les êtres de la nuit, rattachés depuis peu au monde de Satan. Dans les campagnes, le meneur de loups est un sorcier qui possède la puissance de fasciner les loups et de s'en faire suivre. On pense qu'il a pactisé avec le diable, qu'il a le pouvoir de se changer en loup-garou, et la faculté de guérir les morsures des loups.

     Claude Seignolle - Marie la Louve

    Signe de reconnaissance du meneur envers sa famille qui l'avait nourri l'hiver avec ses loups, ce don a été donné à Marie peu après sa naissance, au cours d'un rituel singulier avec un louveteau qu'il porte dans sa besace.
    Un don et une malédiction.

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    Meneurs de loups

    Les meneurs de loups, souvent appelés " menneux de loups ",
    " serreux de loups ", car ils serrent les loups dans leurs greniers lorsqu'il y a des battues ou " charmeurs de loups ", sont des sorciers ou d'anciens loups-garous qui ont l'étrange pouvoir d'être suivis et obéis par ces bêtes, qui les ont acceptés comme chefs de meute.
    Leur présence est attestée notamment en Auvergne et dans le Berry.

    Dans les Visions de la nuit dans les campagnes ( 1852 ), George Sand explique que les meneurs de loups sont des chefs de bandes de loups-garous. Dans ses Légendes rustiques (1858 ) elle nuance son propos en rapportant les témoignages suivants au sujets des meneurs de loups :

     Meneurs de loups

    " Une nuit, dans la forêt de Châteauroux, deux hommes, qui me l'on raconté, virent passer sous-bois une grande bande de loups. Ils en furent très effrayés et montèrent sur un arbre, d'où ils virent ces animaux s'arrêter à la porte de la hutte d'un bûcheron. Il sortit, leur parla dans une langue inconnue, se promena au milieu d'eux, puis ils se dispersèrent sans lui faire aucun mal. Ceci est une histoire de paysan. Mais deux personnes riches, ayant reçu de l'éducation, vivant dans le voisinage d'une forêt où elles chassaient souvent, m'ont juré, sur l'honneur, avoir vu, étant ensemble, un vieux garde forestier de leur connaissance, s’arrêter à un carrefour écarté et faire des gestes bizarres. Les deux personnes se cachèrent pour l'observer et virent accourir treize loups, dont un, énorme, alla droit au chasseur et lui fit des caresses ; celui-ci siffla les autres comme on siffle des chiens, et s'enfonça avec eux dans l'épaisseur des bois. Les deux témoins de cette scène étrange n'osèrent l'y suivre et se retirèrent, aussi surpris qu'effrayé. "

    Les meneurs de loups sont généralement des marginaux, des sortes d'ermites sauvages qui vivent seuls dans la forêt et possèdent un secret pour apprivoiser les loups, soit en prononçant des formules magiques, soit en jouant de la musique. La nuit ils se promènent dans la forêt, suivis d'au moins trente loups qui les accompagnent en silence.


    Meneurs de loups


    Dans le Morvan, les meneurs de loups sont des ménestriers.
    Dans le Berry, ce sont de vieux bûcherons qui accueillent dans leur cabanes en bois des loups, lesquels leurs mangent dans la main comme des chien. En Brenne, le meneur de loups a une blouse bleue et un chapeau de feutre à large bord. Au son de la cornemuse il fait danser les loups autour d'un vieux châtaignier. Quels que soient leur nom ou leur apparence, il ne faut jamais se mettre mal avec eux, ou leur manquer de respect, car ils peuvent se venger en lançant leurs fauves contre les troupeaux de leurs ennemis.

    Lorsqu'ils viennent frapper à la porte d'une maison, accompagnés de leurs bêtes, il faut leur donner l'hospitalité sans hésiter, sinon ils se vengeront en les lançant contre le bétail du propriétaire. Ils ne réclament de la nourriture que pour leurs loups, avec qui ils mangent dans la même gamelle.

    Meneurs de loups

     

    Dans Marie la louve, l'écrivain et folkloriste Claude Seignolle décrit la façon dont un meneur de loup transmet son don à une petite fille :
    " Lorsqu'il l'a sur lui, le meneur parle à l'enfant sans la moindre méchanceté.

    " - ... ch'titen,'coute... J'vas t'faire un don...
    " Il continue à voix basse, si bien que personne ne comprend ce qu'il dit. Il a des mots gutturaux suivis de gestes mystérieux. Marie le regarde, sérieuse, la bouche ouverte. En parlant, l'homme défait son sac et apparaît la tête d'un louveteau de deux ou trois mois.... Il marque  d'un nouveau silence le silence, et, prenant la petite main de l'enfant, la met dans la gueule du louveteau...
    " - T'as le don, Marie... tu comprendras les loups, tes mains pourront barrer et guérir les morsures faites par eux... Tu mâcheras du pain pour faire la bouillie qui guérira... tu la poseras su'l'mal... ça s'ra eune sorte
    d' médicament... Seulement, souviens toi... tu perdras l'don à ma mort..."

     


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    Les fantômes de la Royal Navy

    Mrs Dorothy Norton et Miss Agnès Norton ( pseudonyme ) séjournent à Puys, un village proche de Dieppe. Bien qu'elle se connaissent depuis longtemps ( elles sont belles-sœurs ), c'est la première fois qu'elles passent leur vacances ensemble. Elles partagent une chambre au second et avant dernier étage d'une maison située en bordure de mer.

    A l'aube du 4 août 1951, à 4 h 20, Agnès sort de son lit et se dirige à tâtons à travers la pièce obscure, cherchant à identifier les bruits étranges qui l'on éveillée voici quelques instants. Sa compagne ne dort plus, elle non plus, puisqu'elle lui demande d'allumer la lampe. " Entends-tu tout ce tapage ? " demande Agnès. Dorothy entend elle aussi.

    " En fait, déclara t-elle plus tard, elle écoutait cet étrange tintamarre depuis une vingtaine de minute. " Agnès pour sa part affirmera également que le même laps de temps s'était écoulé depuis qu'elle avait été réveillée.

    Immobiles, les deux belles-sœurs observent donc, médusées, l'incroyable vacarme qui semble provenir de la plage toute proche. Par la suite, Dorothy tentera de décrire les sons qu'elles entendaient alors :
    " C'était comme un rugissement continu, tantôt assourdi, tantôt plus intense. "

    Les fantômes de la Royal Navy

    De plus en plus intrigués, les deux femmes sortent sur leur balcon afin de découvrir l'origine de ces bruits insolites : mais elles ont beau scruter les alentours de la maison en direction de la plage, il leur est impossible d'apercevoir le rivage ni de découvrir ce qui les a tirées du sommeil...

    Et, pourtant, les bruits proviennent indubitablement de la grève, et ils s'intensifient même de seconde en seconde. Les deux Anglaises distinguent maintenant plusieurs types de sons. Dorothy identifie pour sa part " des cris, des rafales d'armes à feu, des bruits d'avions et, par moments, des explosions d'obus ".

    Les fantômes de la Royal Navy

    D'après Agnès, elles entendaient une cacophonie où se mêlait " des coups de feu, des sifflements d'obus, des cris, des explosions, ainsi que des bruits d'accostage ". Cette dernière ajoute encore que " tous ces  sons semblaient venir d'une très grande distance, comme s'il s'était agi d'une lointaine émission radiophonique qui ne leur serait parvenue que par intermittence ".

    Abasourdies, Agnès et Dorothy, incapables de s'expliquer ce qu'elles entendent vont peu à peu conclure à l'origine à l'origine paranormale de ce phénomène. C'est là, en effet, un domaine qui est familier à Dorothy, qui a déjà vécu elle-même plusieurs expériences parapsychologiques.
    Mais une seule de ces manifestations a été de nature purement auditive, comme c'est le cas à présent : quelques jours auparavant, elle a été réveillée par des bruits assez semblables à ceux qu'elles entendent aujourd'hui, mais beaucoup plus faibles et assourdis.

    Les fantômes de la Royal Navy

    " Tout à la fin, dit-elle, il m'a semblé entendre des hommes qui chantaient. Tout a cessé à l"aube, au chant du coq, et je me suis alors endormie. "  Toutefois, en cette circonstance, sa belle-sœur n'a rien entendu et ne s'est même pas réveillée.

    L'aventure d’Agnès et Dorothy Norton suscita beaucoup de scepticisme lorsqu'elles le rendirent publique. Ceux qui refusaient de croire à une manifestation paranormale firent remarquer que les deux Anglaises étaient en possession d'un guide touristique de la région, dans lequel on pouvait lire une brève description du raid sur Dieppe entrepris par les forces militaires britanniques et canadiennes le 19 août 1942.

    Les fantômes de la Royal Navy

    Lors de l'enquête menée par G.W. Lambert et Kathleen Gay, les deux femmes admirent le fait et reconnurent qu'elles avaient pris connaissance de ce passage, mais nièrent l'avoir lu avant la nuit en question.

    Les incrédules ajoutèrent que les deux Anglaises séjournaient déjà à Puy depuis une semaine lorsque ces événements eurent lieu : n'était-il donc pas surprenant qu'elles aient montré si peu de curiosité pour ce célèbre épisode de la Seconde Guerre mondiale, qui s'était justement déroulé sur les lieux mêmes de leur villégiature ? Il n'était cependant pas invraisemblable qu’Agnès et Dorothy aient ignoré ce chapitre de l'histoire militaire.

    Les fantômes de la Royal Navy

    Dans une lettre publiée dans le Journal de juin 1952, G.W. Lambert déclare que
    " ni l'une ni l'autre ne montraient guère d’intérêt pour les événements de cette période et qu'elles n'avaient probablement jamais rien lu au sujet de cette tentative de débarquement ".
    Rien ne permettait donc d'affirmer que leur attention avait été attirée sur ce point dans les jours précédant le 19 août.

    Il est en tout cas hors de doute que les faits rapportés par les deux femmes évoquent le raid de 1942. Pendants qu'elles se tenaient sur le balcon, écoutant trois heures durant cet ahurissant vacarme, Agnès et Dorothy ont soigneusement noté l'heure exacte à laquelle elles ont entendu les différentes catégorie de bruits. Le lendemain, elles ont rédigé chacune, séparément, une relation détaillée. Il est d'ailleurs à noter que leurs  deux récits présentent de légères divergences. Par exemple, et alors que toute deux s'accordent pour situer à 4 h50 la fin de la première
    " vague " sonore, Agnès note que le fracas reprend à 5 h 07, tandis que, selon Dorothy, il est à ce moment 5 h 05. Les deux belles sœurs possèdent chacune une montre, mais elles s'accordent pour estimer que celle d’Agnès est généralement plus exacte, celle de Dorothy tendant à retarder légèrement.

    Les fantômes de la Royal Navy

    Il est vrai que si l'on admet ce décalage, cela remet en question les temps précédents qui correspondent au début et à la fin de la première série de bruits et sur lesquels les témoignages des deux femmes concordent : si la montre de Dorothy a pu prendre deux minutes de retard
    entre 4 h 50 et 5 h 07, c'est qu'elle fait plus que retarder légèrement ! Signalons enfin que les légères différences des deux récits peuvent peut-être s'expliquer par le fait qu'Agnès, durant la Seconde Guerre mondiale, était membre du Women's Royal Naval Service, et que, de ce fait, elle devait certainement être plus exercée que sa belle-sœur à établir un rapport détaillé et précis.

      Les deux enquêteurs, G.W. Lambert et K. Gay, établirent un tableau comparatif des bruits entendus par Agnès et Dorothy, avec les heures correspondantes qu'elles avaient noté un minutage réel du raid sur Dieppe du 19 août 1942. Ce jour-là, les opérations avaient débuté exactement à 3 h 47, lorsque les navires de guerre alliés qui se dirigeaient sur Puy étaient tombés sur un convoi allemand et avaient dû engager le combat. De ce fait, les forces allemandes cantonnées à Puys furent alertées, si bien qu'en débarquant, les Anglo-Canadiens furent accueillis par un feu meurtrier et subirent de lourdes pertes.

    Les fantômes de la Royal Navy

    Lambert et Gay émirent l'hypothèse que les " cris " entendus par Agnès et Dorothy auraient pu être poussés, neuf années plus tôt, par les hommes de la garnison allemande en état d'alerte et gagnant leurs positions de combat.

    Le débarquement, tant à Puys qu'à Bernarval, avait été initialement prévu pour 4 h 50, mais fut finalement légèrement retardé : la première vague de péniches de débarquement toucha le rivage de Puys à 5 h 07 précises ; à 5 h 12, les destroyers de la Royal Navy commençaient à bombarder Dieppe, où le gros des troupes débarqua à 5 h 20, tandis que l'attaque aérienne des fortifications du bord de mer par les Hurricane de la R.F.A. avait débuté à 5 h 15. A 5 h 40, le bombardement naval cessa complètement : dix minutes plus tard, 48 autres appareils de la R.F.A. arrivés en renfort, s'engageaient également dans la bataille.

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     G.W. Lambert et K. Gay avaient relevé ces précisions dans un ouvrage de Christopher Buckley, Norway, the commandos, où un chapitre entier était consacré au raid sur Dieppe. Et ils s'étaient assurés que ni Agnès ni Dorothy n'en avait eu connaissance avant le 4 août 1951 - en fait, il est même probable qu'elles n'en avaient jamais entendu parler. Plus tard, Agnès ajoutera que, bien qu'elle eût été membre du W.R.N.S. durant la guerre, elle n'eut jamais accès aux rapports de la Royal Navy concernant les opérations militaires.

    D'une manière générale, le chronométrage effectué par Agnès et Dorothy lors de la nuit du 4 août correspond donc plus ou moins aux différentes phases du raid, encore que certains aient mis l'accent sur le léger décalage horaire et les divergences de détail présentées par leurs récits respectifs. Mais la contestation portera surtout sur le
    " conditionnement psychologique " des deux femmes, conditionnement qui les a peut-être amenées à interpréter abusivement ce qu'elles entendaient.

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    N'auraient-elles pas été induites en erreur en identifiant les bruits qui leur parvenaient ? A cet égard, un argument de poids fut avancé par un autre " correspondant " de la Société de recherches psychiques, qui attribua une cause naturelle à cet étrange vacarme.

    Au mois de septembre 1968, M R.A. Eades révéla en effet qu'en août 1951, il passait ses vacances en France avec sa famille. A la fin de ce mois, ils avaient campé une nuit au bord de la mer, à l'est de Dieppe. Cette nuit-là, ils furent tous réveillés par " un bruit absolument indescriptible qui dura plusieurs heures ". Les membres de la famille Eades, fort perplexes, cherchaient vainement à identifier et à localiser ce tintamarre qui évoquait, se disaient-ils, un champs de foire, une cour d'école à l'heure de la récréation ou un zoo en folie... Ce n'est que le lendemain, lorsqu'ils se rendirent en ville, qu'ils apprirent qu'une drague avait été en action dans le port pendant une partie de la nuit. Ils purent même voir l'engin, alors inerte.

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    La même mésaventure ne serait-elle pas arrivée aux deux belles-sœurs ?

    En se basant sur ces nouvelles données, G.W. Lambert enquêta auprès des autorités du port de Dieppe, afin de vérifier si une drague avait ou non fonctionné au court de la nuit du 3 au 4 août 1951. Il s'avéra que l'un de ces engins avait bien été en marche de minuit et quart jusqu'à 8 h 15 le lendemain matin. L'explication était séduisante. Toutefois, il faut remarquer que la drague avait été mise en action plus de trois heures avant que les deux femmes aient été réveillées et qu'elle fonctionna encore plus d'une heure après qu'elles eurent cessé d'entendre des bruits : il est donc difficile d'attribuer leur insomnie à l'engin seul...

    Le débat fut à nouveau ouvert dans les colonnes du Journal de la Société de recherches psychiques et suscita un courrier particulièrement abondant. M Eades, à qui l'on devait déjà cette ingénieuse hypothèse, suggéra notamment qu'une nouvelle enquête soit menée, afin d'examiner toute l'affaire avec des yeux neufs. C'est ainsi qu'en 1969 M. Robert Hastin entreprit d'étudier à nouveau, en reprenant tous les témoignages à la source, l'étrange expérience vécue par Agnès et Dorothy Norton. S'il ne parvint pas à des conclusions déterminantes, il put néanmoins attirer l'attention sur un certain nombre de point intéressants, mal élucidés jusqu'alors.

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    Bien que les deux femmes aient mentionné le décalage de deux minutes qu'elles avaient enregistré en ce qui concerne le début de la seconde vague de bruits, curieusement, personne jusque-là ne s'était préoccupé de vérifier laquelle des deux montres était la plus exacte.

    Après vérification, il apparut également qu’Agnès et Dorothy avaient en fait déjà entendu parler du raid sur Dieppe, mais qu'elles ne possédaient à ce sujet que des informations vagues et très générales. Les deux belles-sœurs avaient bien reconnu être en possession du guide touristique, renfermant une description assez précise du raid. Elles reconnurent qu'elles en avaient pris connaissance cette nuit-là, sur leur balcon,
    entre 5 h 07 et 5 h 40, tandis qu'elles écoutaient les bruits singuliers. Mais elles nièrent une fois de plus énergiquement avoir lu ce passage auparavant. Fait troublant, alors qu'elles auraient fort bien pu ne pas révéler qu'elles disposaient du guide en question, elles avaient d'elles-mêmes signalé ce fait aux enquêteurs.

    D'autres faits sont encore plus troublants...

     

     


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