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Glozel - La Découverte*
La matinée du 1er mars 1924 , la famille Fradin décide de défricher le champ Duranthon pour mettre en pacage.
Situé à quelques centaine de mètre de leur ferme, ce champ s'étend à flanc de coteau, sur les bords du Vareille. Pour l'instant, il est envahi par les ronces, les genêts et des buissons d'épineux.Les trois Fradin, le grand-père, le père et le fils, Emile, se sont mis au travail de bonne heure. Ils commencent à labourer la partie du champ qu'ils ont débroussaillée. Emile Fradin n'a que 16 ans, mais il tient les mancherons de la charrue avec toute la force et l'habilité d'un vieux paysan.
Soudain vers 11 h, alors qu'il s'attaque à une partie du champ où l'herbe ne pousse pas comme ailleurs, une des deux vaches de son attelage s’effondre, la patte prise dans une excavation qui vient brusquement de s'ouvrir.
Les trois hommes se précipitent pour libérer l'animal. En dégageant les pierres qui retiennent la patte de la vache. Emile met au jour quelques fragments de poterie. Il interroge son grand père sur leur
origine : " Probablement une ancienne maison qui a été détruite..."Poussé par la curiosité, le jeune fils Fradin se repenche sur le trou et en extrait encore plusieurs morceaux de poterie et ce qui lui paraît être des brique de terre rouge. Mais le travail presse, et les trois hommes reprennent leur labour dans le champ Duranthon. Un peu plus tard, à table, la conversation ne porte que sur cette mystérieuse " maison détruite ". Le grand-père Fradin se souvient : " autrefois, il y a bien des années, les métayers qui possédaient avant nous le champ Duranthon avaient trouvé des vases. C'était un jour où le père Guillonnet avait creusé un trou dans le champ pour y enterrer une vache morte. J'ai moi-même vu le vase sur sa cheminée, mais ils l'ont brisé au moment de leur déménagement. "
Il n'en faut pas plus pour exciter l'imagination d'une famille de paysans. Les légendes campagnardes fourmillent d'histoires de trésors enfouis. Chacun rêve de trouver le magot qui lui permettra de couler des jours heureux sans travailler. Autour de la table des Fradin, même si personne n'ose l'avouer, chacun rêve, ce jour-là, du vase de terre empli de pièces d'or...
Le déjeuner à peine terminé, les Fradin se précipitent au champ Duranthon, cette fois avec des pelles et des pioches. A l'endroit où la vache était tombée, ils mettent au jour une sorte de fosse ovale, de près de 3 m de long sur un peu moins de 1 m de large. C'est une tombe : les trois hommes y retrouvent des éléments de squelette et un crâne.
Dans son livre de souvenir ( Glozel et ma vie ), Emile Fradin raconte : Nous avons eu peur, une peur irraisonnée, devant ce crâne, ces morceaux de fémur. Et je n'étais pas le moins effrayé : c'était la première fois que je voyais la mort comme ça. "
En France, qui dit tombe antique dit trésors : à côté du crâne, il y a deux vases intacts, qui sont aussitôt brisés. Au lieu des pièces d'or que les trois paysans s'attendent à y trouver, ils ne contiennent que de la terre !
Le lendemain de leur découverte, Emile Fradin retourne au champ Duranthon avec son grand-père. Tous deux achèvent de déblayer la tombe, dégageant peu à peu des parois de briques régulières et un fond constitué de seize dalles d'argile. A proximité de cette tombe, les deux hommes retrouvent d'autres petits vases, un morceau de terre cuite portant l'empreinte d'une main et d'une brique de petite taille, recouverte de signes en zigzag qu'Emile Fradin fera sécher au soleil pour mieux en " lire " les caractères. Tout ce qui intéresse alors les deux hommes, c'est le fameux trésor que ne doit pas manquer de receler la tombe.
On peut difficilement leur en vouloir ( ils n'ont aucune notion des fouilles archéologiques ) de briser systématiquement les vases intacts qu'ils retrouvent. Plus tard, Emile Fradin comprendra son erreur... et passera sa vie à défendre Glozel !
Ces premières fouilles vont durer une bonne semaine. Emile se passionne pour la recherche de ces étrange trésor. Il ne sait pas qu'il vient de faire une découverte qui va bouleverser le monde de la Préhistoire et déclencher une des plus vives polémiques scientifiques de toute l'histoire de l'archéologie.
Les vestiges retrouvés dans le champs Duranthon sont si gênants pour les théories officielles qu'ils sont le plus souvent rejetés dans l'ombre ou tout simplement oubliés...Pourtant à Glozel se cache peut-être une des clés de l'histoire de notre civilisation ! Bien entendu, les fouilles menée par les Fradin ne sont pas restées ignorées de leurs voisins. Alors qu'Emile commence à installer ses premières découvertes sur une planche grossière, les habitant de Glozel viennent voir, puis, sur les conseils de grand-père Fradin, se mettent à creuser à leur tour. Chacun emporte ce qu'il veut et des vestiges archéologiques de premier plan disparaissent ainsi à jamais.
Un beau jour, le crâne retrouvé par Emile disparaîtra lui aussi. Il aurait été décisif pour prouver l'authenticité du site et, par la suite, mieux connaitre les habitants di Glozel préhistorique.
Après les voisins, ce sont les autorités qui s’intéressent aux fouilles : d'abord les gendarmes, puis l'institutrice publique qui demandait à tous les enseignants de lui signaler les découvertes d’intérêt historique faites dans leur commune. Un peu plus tard, les sociétés historiques locales, apprenant la nouvelle, délèguent quelques érudits pour étudier de plus près les vestiges mis au jour.
Quelques-uns d'entre-eux se montreront soucieux d'enrichir leurs propres collections que d'apporter leur contribution au patrimoine régional et à la science préhistorique. On en verra même proposer aux Fradin de racheter toutes leurs trouvailles ( à l'époque, la totalité des pièces archéologiques découvertes allait au propriétaire du lieu ) : devant le refus des paysans, ces " érudits " s'empresseront de crier à l'imposture et seront les plus zélés propagandistes de thèses anitigloziènnes...
Avec l'arrivée sur les lieu du docteur Morlet, tout change. Antonin Morlet, en effet, a très vite compris l’intérêt du site de Glozel : se liant d'amitié avec les Fradin, il les persuade de lui louer le champ Duranthon.
Le contrat de location précise que tous les objets trouvés dans le champs resteront la propriété des Fradin. En contrepartie, plus rien ne pourra se faire à Glozel sans l'avis du docteur Morlet.Les fouilles commencent sous la conduite du docteur Morlet, le 24 mai 1925.
Généraliste très connu et thermaliste de renom à Vichy, ce médecin est un quadragénaire très actif. Passionné de préhistoire, il a plusieurs trouvaille notables à son actif. Il est également spécialiste de l'époque gallo-romaine à laquelle il a consacré plusieurs ouvrages d’intérêt régional.Comme le dira Salomon Reinach, un des plus grand scientifique de son temps, qui était aussi conservateur du musée de Saint-Gerlain-en-Laye :
" Il se trouve que les chercheurs qui ont constitué, puis enrichi la science des origines de l'humanité, Boucher de Perthe, Larthet, Santuola, Piette,, n'étaient pas des archéologues de profession. Le docteur Morlet rejoint cette phalange d'heureux amateurs et conservera parmi eux un très haut rang, car il ne s'est pas contenté de découvrir, il a vu clair du premier coup et n'a pas eu besoin de gens de métier pour le mettre sur la bonne voie. "Il fallait voir ce notable se rendre, tous les après-midi, sur le chantier de Glozel. Confiant à des ouvriers le soin d'enlever les couches de terre mortes, il fignolait lui-même le dégagement du gisement au couteau à disséquer ou avec les doigts pour plus de sûreté. Chaque objet mis au jour était aussitôt nettoyé et répertorié.
Dans le cas des tablettes d'argile, ramollies après plusieurs millénaires de séjour dans la glaise, il fallait faire vite : si elles avaient séché telles qu'elles sortaient des tranchées, la terre qui recouvrait leur surface aurait empêché de relever les signes dont elles étaient couvertes. Les galets gravés étaient évidemment plus faciles à nettoyer.
Des objets, le docteur Morlet était loin d'en trouver tous les jours. Les vestiges apparaissaient plutôt regroupés en " nid ", difficilement localisables à l'avance. Néanmoins, les choses avançaient, et le 23 septembre 1925 paraissaient, sous les signatures du docteur et du jeune Emile Fradin, le premier fascicule d'un ouvrage sur la Nouvelle Station néolithique de Glozel.
C'en était trop pour les mandarins régionaux de la Préhistoire : le docteur Morlet passe encore, mais Emile Fradin, vraiment, quelle audace ! Ces mandarins avaient de bonnes raisons de ne pas accepter la publication des deux hommes. Jaloux de n'avoir pas été associés à la découverte, qui s'avérait de taille à bouleverser un certain nombre de thèses sur la préhistoire, ils avaient tout intérêt à essayer d'en minimiser la portée : personne n'aime admettre s'être trompé : personne n'accepte de se voir remis en cause, surtout à un âge où l'on commence à être sensible aux honneur !
A l'époque on professait officiellement que l'âge de pierre se divisait en deux périodes : le Paléolithique, ou Magdalénien, marqué par les grandes chasses au renne et les peintures dans les grottes, et le Néolithique, qui connaissait le tissage, la domestication des animaux et les premières cultures, la science ne trouvait qu'un grand vide. On en concluait que l'Europe avait été désertée.
Glozel pulvérisait cette thèse en mettant au jour des vestiges qui tenaient à la fois des deux périodes. Mieux encore : à Glozel, on trouvait des tablettes écrites et des représentation d'animaux, comme le renne, incompatible avec le degré d'évolution de centre de la France à cette époque.
Autour de ce renne et de la mystérieuse écriture de Glozel allait se nouer la plus grande énigme préhistorique des annales françaises... Les premiers habitants de l'Allier savaient donc écrire des milliers d'années avant les inventeurs officiels de l'écriture, les Phéniciens ?
Extrait de '' Inexpliqué " 1981
2ème partie : La grande aventure de l'écriture
3ème partie : Les preuves de l'authenticité
4ème parie : La querelle des archéologues
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