• Ys, la Légende de Dahud, la bonne sorcière d'Ys*

     

    Ys, la Légende

    Ahès, la fille du roi Gradlon, est restée très près de son peuple et de ses croyances païennes. L'emprise grandissante du clergé chrétien sur son père et sur les affaires du royaume de Cornouailles la met mal à l'aise : elle décide de fuir Quimper, la capitale du roi Gradlon.

    Avant de partir, elle supplie son père :
    " Naguère, on trouvait à Quimper aise et liberté. Chacun portait habits et joyaux à sa guise et il m'advenait d'y rencontrer figures riantes, coiffures de fête et bandes joyeuses. Aujourd'hui, ce ne sont que robe de bure, crânes ras et grise mines. Les jeunes gens ressemblent aux vieillards. Gaïté n'a plus d'asile et vos moines, Seigneur, la mèneront en terre avant longtemps, au chant funèbre des litanies. Seigneur, je languis et je meurs. Bâtissez pour moi, au bord de la mer, une cité neuve, loin de vos forêts pleine d'ermites et de vos villes pleines de monastères. "

    Ys, la Légende de Dahud, la bonne sorcière d'Ys

    Le roi Gradlon cède aux désirs de sa fille unique. Il lui construit " une grande ville située sur le bord de la mer, entre le cap de Fontenoy et la pointe de Croazon, où est, de présent, le golfe ou baie de Douarnenez et cette ville s'appelait Ys "

    La cité est magnifique : " Ys, protégée par une immense digue fermée de portes de bronze, ne vit pas précisément à l'heure chrétienne ni selon les mœurs préconisées par Corentin. Le roi lui-même aime y venir pour retrouver le visage de Malgwen, sa femme morte, la mère d'Ahès, et l'écho perdu de sa jeunesse.

    Ys, la Légende de Dahud, la bonne sorcière d'Ys

    Gwénolé, le conseiller chrétien du roi Gradlon, tente bien de ramener la population dans le droit chemin de l'Eglise. Il lance de terrifiantes prédictions :
    " Vous avez bâti contre la mer, mais la mer est plus forte que vous. Elle vous envahira et elle submergera vos demeures. De même que vous avez bâti contre Dieu dans vos âmes, Dieu vous laissera"

    Les habitants d'Ys ne se soucient pas de ces paroles. Ils préfèrent suivre leur liberté retrouvée et leur belle princesse, qu'ils nomment Dahud, la "bonne sorcière". Malgré tout, celle-ci commence à être envahie d'un certain ennui : un seul objet lui est refusé, et c'est celui qui la tente le plus. Elle veut le pouvoir sur les écluses. Elle veut la clé d'or que détient le roi Gradlon.

    Ys, la Légende de Dahud, la bonne sorcière d'Ys

    Elle sent aussi, insidieusement, le pouvoir des prêtres resserrer sa sombre emprise autour d'elle. Alors, par une nuit d'orage et de tempête, elle subtilise les clés du roi et déchaîne les vagues immenses de l'océan furieux. Car elle préfère " la mort subite à l'abjection de la mort lente " !

    Les eaux se ruent dans les plus bas quartiers de la ville. Les habitants hurlent. Gwénolé, averti par un songe se précipite au secours du roi et l'adjure de fuir dans l'instant. Au milieu de ses sujets pris de panique, Gradlon tente de retrouver sa fille, pour l'arracher aux eaux grondantes. A peine la trouve-t-il qu'il l'emporte sur la croupe de Morvac'h, son fameux coursier...

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    Malgré toute sa force, Morvac'h ne peut rien contre la puissance des flots. Les lames rivalisent de vitesse avec lui. Par trois fois, Gwénolé enjoint au roi de rejeter à la mer le "démon" qu'il porte en croupe et dont les "péchés" alourdissent l'animal fabuleux.

    Gradlon ne peut s'y résoudre. Ahès est sa fille unique, née d'un amour parmi les plus grands que les hommes aient connus. C'est finalement le prêtre, qui, de sa crosse épiscopale, repoussera la fille du roi dans la mer. A l'instant même, la violence des flots déchaînés s'apaise. Le sacrifice est consommé !

    Ys, la Légende de Dahud, la bonne sorcière d'Ys

    Née de la mer, Ahès est retournée à la mer. Là où s'étendait une cité merveilleuse roule une houle tranquille.

    Voici donc la forme pure de la légende de la ville d'Ys, telle que l'a retranscrite Albert le Grand, religieux de Morlaix, dans ses Vies des Saints de la Bretagne Armorique, qui datent du XVIIè siècle.

    Ys, la Légende de Dahud, la bonne sorcière d'Ys

    Au XIXè siècle, cette riche matière ne pouvait que tenter les écrivains et les poètes. Pas toujours avec bonheur, mais on peut mettre à part la
    Submersion de la ville d'Ys, du Barzas Breiz. Même si elle est apocryphe, cette ballade a profondément marqué les esprits par sa beauté et son charme évocateur.

    Autour d'Ys, les légendes populaires ont continué à fleurir dont quelques unes font intervenir le célèbre enchanteur Merlin : celui qui est assez courageux pour tenter l'aventure peut trouver, au fond du palais royal d'Ys, qui reparaît à minuit lors de la Grande Troménie de Locronan, un anneau de coudrier. Cet anneau est porteur de tous les pouvoirs dont l'Enchanteur l'avait chargé avant de l'offrir au roi Gradlon. Mais attention ! Il ne faudra pas se laisser détourner par les richesses exposées, ni par les somptueuses et lascives créatures qui hantent les lieux :  aussitôt sonné le douzième coup de minuit, les eaux ne manqueraient pas alors d'engloutir leur proie...

    Ys, la Légende de Dahud, la bonne sorcière d'Ys

    Une fois refermé le grand livre des légendes, il convient de s'interroger sur la réalité que peut cacher le conte. Où la tradition localise-t-elle la ville d'Ys ?

    Le site le plus probable se trouve dans le quart sud-ouest de la côte du Finistère.  Au large de Penmarc'h, les basses eaux découvrent ainsi des restes mégalithiques. Au siècle dernier, une messe était encore célébrée en pleine mer, au dessus de ces pierres sacrées des anciens Celtes !

    Une ancienne croyance affirme également qu'une allée d'arbres reliait Loctudy aux îles Glénan, à 12 km au large : on a retrouvé des troncs d'arbres en voie de fossilisation sur une grève, près de Loctudy... Ils étaient plantés en direction des Glénan.

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    Dans la relation de son voyage au Finistère qui date de 1794, Gamby note : " C'est à la pointe de la Chèvre qu'on trouve les ruines anciennes dont j'ai parlé dans mon catalogue. C'est là qu'était, suivant la tradition, la superbe ville d'Ys, gouvernée par le roi Gradlon. "

    En 1836, dans la réédition de cette relation, le chevalier de Fréminville, grand amateur d' " antiquité " bretonnes, porte une note au sujet de la pointe du Raz :
    " Aujourd'hui, on en voit (des ruines) aucune trace, mais elle consistaient en une vaste enceinte carrée, construite en cailloutage noyé dans un ciment très dur. On trouvait fréquemment autour de cette muraille de pierre des pierres tumulaires, des cercueils en forme d'auge, des urnes, etc.., avec des inscriptions en caractères illisibles. On remarquait encore les traces de deux ou trois chemins ferrés, qui venaient de différentes directions et qui aboutissaient à ces ruines. Au surplus, si on ne peut affirmer avec certitude qu'elles eussent été celle de la fameuse ville d'Ys, on peut du moins reconnaître qu'elle se réunissent aux traditions les plus vraisemblables pour fixer la position de cette cité sur la pointe du Raz. "

    Constatons aussi que, Plouger, près du Raz, un reste de muraille porte le nom de Moguer a Is ( ou Ahès ), ce qui signifie " le mur d'Is ". On sait que les noms de lieux sont souvent ceux qui défient le plus l'érosion du temps et de la mémoire.

    Ys, la Légende de Dahud, la bonne sorcière d'Ys

    Pourtant plus qu'ailleurs, c'est à Douarnenez que l'on rencontre le plus d'indices troublants. Une des étymologie du nom de la ville ne
    la donne-t- elle pas pour la " nouvelle terre " (douar nevez ), ce qui laisserait entendre que l' "ancienne" est ailleurs, au fond des eaux ?
    De même, on a pu penser que Douarnenez pouvait être douar an enez,
    la " terre de l'île " ; on peut supposer que cette île aurait été engloutie au cours de la catastrophe.

    La submersion d'une cité dans les parages de Douarnenez n'a rien d'improbable. Au contraire ! Le littoral breton était constellé de petites cités, établissements côtiers gallo-romains dont les ports servaient de relais entre les pays du Nord, la Bretagne insulaire et les territoires de la Gaule romaine.

    Ys, la Légende de Dahud, la bonne sorcière d'Ys

    On est encore plus frappé par l'observation des voies romaines
    du sud-ouest de l'Armorique. Au siècle dernier, on pouvait encore voir les vestiges d'une de ces voies se diriger de l'arrière-pays de Tresmallaouen droit vers le large ! Intrigué par ces marques et par celles d'une autre chaussée du même type, retrouvée près de Carhaix et surnommée dans la région Hent Ys ou Hent Ahès ( chemin d'Ys, ou chemin d'Ahès ), un érudit scrupuleux, M. de la Pasardière, a entrepris de relier les établissements romains identifiés et les tronçons de voies qui subsistaient en Armorique.

    On sait que les voies romaines étaient rectilignes, pour autant que le terrain le permettait. En Bretagne, le relief n'est guère accidenté. Or, curieusement, le réseau obtenu était des plus surprenants : les routes convergeraient nettement à 5 km en mer, au large de Douarnenez.

    Les Romains n'avaient pas l'habitude de joindre par leurs voies des points abstraits, mais des villes et des garnisons. Il faut donc conclure qu'il existait, dans ce secteur précis de la baie de Douarnenez, une cité.
    Mais s'agissait-il bien d'Ys, la ville rebelle au christianisme ? Une série d'éléments peuvent le laisser penser...

     Ys, la Légende de Dahud, la bonne sorcière d'Ys

                                                                                                                                                            Extrait de " Inexpliqué " 1981


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  • Commentaires

    1
    Laurent44
    Vendredi 24 Août 2012 à 19:20

    Bonjour

    J'adore les légendre  et ma question 

    la ville d'Ys à t'elle réellement existé, il me semble de des recherches

    devaient commencé, existe t'il des traces?

     

       

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    2
    giova35 Profil de giova35
    Samedi 25 Août 2012 à 09:58

    Il est très difficile de faire la part des choses. N'oublions pas que toute légende part d'un fait réel qui a été déformé tout au long des générations par les craintes et les superstitions populaires. Pompéï a cessé d'être une légende et Troie est devenue réalité. Comme dit plus haut, il y a des indices qui pourraient mener à s'interroger sur la réalité de cette ville. Les seuls indices archéologique du moment sont les voies romaines. Nul doute que si cette légende à un fond de vérité, on trouvera quelques chose tôt ou tard lors de travaux d'aménagement ou de fouilles archéologiques menées par un un homme qui a encore le rêve en lui.

    3
    Vendredi 18 Février 2022 à 03:26
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