• Loup-Garou ou Lycanthrope ?*

     

    Loup-Garou ou Lycanthrope ?

    Blessés, les loups-garous transmettent leur plaies à l'homme qui est en eux. L'un des exemples les plus frappants de " transmission de blessure " date du début du XVIIIè siècle. Au cours de l'été 1721, un fermier allemand des environs de Caasburg faisait les foins avec sa femme lorsque celle-ci se trouva en proie à une agitation : elle ne pouvait, disait-elle, rester plus longtemps. Elle s'éclipsa non sans avoir recommander à son époux, s'il apercevait une fille sauvage, de lui jeter simplement son chapeau et de s'enfuir.

    Elle n'était pas partie depuis plus d'une minute que les faneurs aperçurent un loup nageant dans la rivière proche et se dirigeant vers eux. Le fermier lui lança son chapeau et l'animal le mit en pièces. Mais, avant qu'il ait pu battre en retraite, un homme accourut, armé d'une fourche et cloua le loup au sol. Alors que la bête agonisait, elle changea subitement de forme et l'on vit apparaître... la femme du fermier.

    Loup-Garou ou Lycanthrope ?

    L'histoire est-elle réelle ou imaginaire ? Nous l'ignorons, toutefois la tradition veut que l'un des plus sûrs moyen de contraindre un loup-garou à reprendre son apparence  humaine est de le blesser grièvement. Doit-on voir là une indication de la véritable nature des loups-garous ? Sont-ils des fantômes projetés par les hommes ?

    Les récits et les légendes des Grecs et des Romains - et dans une moindre mesure des Arabes - mentionnent des créatures que l'on peut assimiler aux loups-garous. Toutefois le phénomène allait prendre une ampleur incomparable au moyen-âge. A cette époque, en effet, la métamorphose en animal était considérée comme fort naturelle ( c'est encore le cas, d'ailleurs dans certaines régions isolée de Scandinavie et d'Europe centrale, où les superstitions populaires sont restées singulièrement vivaces ).

    Loup-Garou ou Lycanthrope ?

    La superstition entre certainement pour une grande part dans la légende des loups-garous. Purement imaginaire sans doute à l'origine, le mythe du loup-garou s'est enrichi au cours des siècles de nombreux éléments folkloriques historiques, démonologiques et constitue une manifestation passionnante de la psychologie collective. La science moderne ne peut expliquer que certains éléments de cette superstition, dont bien des aspects nous demeurent obscurs, ne serait-ce qu'en raison de l'éloignement dans le temps. Sur bien des points, nous ne pouvons guère que formuler des hypothèses.

    Depuis des siècles - voire des millénaires - , les civilisations humaines ont mis l'accent sur ce qui nous distingue précisément des espèces animales. Nos instincts les plus primitifs sont par conséquent mis en sommeil ou sévèrement réprimés sous le poids des institutions sociales. Mais ce processus évolutif conduisant des sauvages primitifs aux civilisations les plus raffinées est en réalité fort lent. Et il se produit de temps à autre ce que les psychologues appellent l'atavisme, ou réapparition d'un type ancestral.

    Loup-Garou ou Lycanthrope ?

    C'est ainsi que l'on voit naître, au sein de civilisation évoluées, des êtres aux appétits bestiaux, que leur instinct pousse à commettre des crimes ou à se repaître de chair humaine. Nous considérons aujourd'hui ces individus comme des cas pathologiques mais il était normal que le Moyen-Age mystique et avide de merveilleux ait vu là un signe de possession diabolique : le loup-garou ne pouvait donc être qu'une créature de Satan.

    A une époque où l'on admettait comme possible la métamorphose d'un homme en animal, quoi de plus logique que d'attribuer à des êtres cruels et sanguinaire la faculté de se transformer en loup-garou ?

    Loup-Garou ou Lycanthrope ?

    Nous savons que les mythes liés aux animaux se transforment ou disparaissent progressivement à mesure que s'éteignent les espèces auxquelles ils se rapportent. Autrefois, les Sioux du Dakota du Nord croyaient en l'existence de monstres gigantesques capables de dévorer plusieurs hommes. S'ils n'ont pas oublié leurs anciennes légendes, ces indiens savent aujourd'hui que cette superstition était liée à la découverte d'ossements de mastodontes préhistoriques, assez abondants dans les plaines du Dakota du Nord.

    A l'origine du mythe du loup-garou, peut-être faut-il voir certaines coutumes des clans primitifs : les chasseurs, lorsqu'ils s'aventuraient loin de leurs feux, se camouflaient sous la dépouille d'un animal pour mieux surprendre leurs proies. Et ils erraient ainsi comme des loups tenaillés par la faim. Ruse de chasse, mais aussi fétichisme et pratique magique. En revêtant ce déguisement, le guerrier espérait acquérir toutes les vertus de la bête. De là à imaginer que l'homme pouvait se transformer réellement en animal, au moins partiellement, il n'y avait qu'un pas.

    Loup-Garou ou Lycanthrope ?

     Ainsi, si les loups-garous qui apparaissent dans les légendes de certaines tribus indiennes d'Amérique du Nord gardent en partie leur silhouette humaine ( seuls leur tête, leurs mains et leurs pieds sont ceux d'un animal), n'est-ce pas le reflet de quelque tradition ancestrale ? De même la tunique ou la ceinture magiques, faites d'une peau de loup, qui permettent aux sorciers de se transformer en loups-garous et que l'on retrouve dans de nombreux folklores européens, ne représente-elle pas une réminiscence d'un passé lointain ? Au tout début du XVIIè siècle lorsque Jean Grenier, âgé, nous l'avons dit, de 13 ans, fut accusé d'être un loup-garou et jugé pour le meurtre de plusieurs enfants, les magistrats se montrèrent plus humains qu'il était de coutume à cette époque : était-ce dû à son très jeune âge, ou à l'opinion des docteurs, qui le croyaient victime d'une hallucination nommée lycanthropie ? Toujours est-il que le garçon échappa au supplice et fut condamné à la réclusion à vie au couvent des Cordeliers à Bordeaux.

    Le fait de considérer les loups-garous comme des déments n'était toutefois pas entièrement nouveau. Depuis quelques années déjà, quatorze personnes jugées comme sorciers ou comme loups-garous avaient été acquittées. Néanmoins, le cas Grenier est significatif : les juges ne pouvaient plus ignorer les travaux de la médecine et étaient eux-mêmes de plus en plus convaincus que beaucoup de soi-disant loups-garous étaient en fait des malades mentaux souffrant de délires hallucinatoires  - et que les drogues ou les incantations magiques n'y étaient pour rien.

    Loup-Garou ou Lycanthrope ?

    De cette époque date également la distinction fondamentale entre loup-garou et lycanthrope, le loup-garou étant la créature mythique et le lycanthrope, le malade mental.  Cette étrange maladie passionne alors le monde savant, Robert Burton, dans son fameux traité médical
    Anatomie de la mélancolie, parle de la " folie du loup ", qui caractérise " les hommes qui hurlent la nuit en errant dans les cimetières et les campagnes et qui sont réellement convaincu qu'ils sont des loups ".
    Quant à Alfonso Ponce de Santa Cruz, Physicien espagnol de l'époque de Philippe II, il attribue ce dérèglement à une humeur morbide, issues de la bile, qui envahit le cerveau.

    Aujourd'hui, pour les médecins, il ne fait pas de doute que la lycanthropie est une affection psychiatrique. Pour certains, elle peut dériver de l'hypocondrie. Une Histoire mondiale de la psychiatrie, publiée en 1975, cite à cet égard en exemple typique :
    " Le patient, âgé de 30 ans, tomba d'abord dans une prostration mélancolique, qui tourna bientôt à la monomanie : il se croyait transformé en loup. Il fuyait le voisinage des hommes et se réfugiait dans les montagnes où il hurlait à la lune, et visitait les cimetières en adressant des invocations aux morts " .

    Loup-Garou ou Lycanthrope ?

    Le docteur Thomas Freeman, psychiatre en Irlande du Nord, a une grande expérience de la lycanthropie et des diverses hallucinations qu'elle peut provoquer. Dans son ouvrage désormais classique sur la
    Psychopathologie des psychoses, il cite le cas de ce patient qui lui demandait s'il était un homme ou une femmes et qui confia plus tard à une infirmière qui était entouré de paranoïaques, à moitié hommes et à moitié femmes et se nourrissant de chair humaine.
    Il était persuadé qu'une doctoresse était un vampire depuis qu'il l'avait vue effectuer des prises de sang.

    On peut facilement imaginer comment ces âmes troublées, à une époque plus reculée avoueraient aussi aisément être des loups-garous et s'accuseraient de forfaits sanglants. Que la superstition ait été responsable du supplice de centaines de malheureux accusés d'être des loups-garous, c'est un fait avéré. Mais on peut aussi se demander si cette frénésie inquisitoriale ne masquait pas des appétits morbides au moins malsains. Les accusateurs les plus fanatiques devaient eux aussi souffrir d'obsessions et de trouble mentaux.

    Loup-Garou ou Lycanthrope ?

    Pour en revenir à des exemples plus récents, l’anthropologiste anglais Robert Eisler, dans son célèbre ouvrage traitant du sadisme, du masochisme et de la lycanthropie, Man into wolf ( 1951 ), insinue que Hitler était peut-être un lycanthrope. Il se réfère aux fameuses colères du führer, rapportées par différents témoins, au cours desquelles il écumait de rage, allant même jusqu'à mordre le tapis. " Si ce que l'on dit de ces accès de rage est exacte, dit Eisler, il semble plutôt qu'il se soit agi de furie lycanthropique et non de crise hystériques de repentir ". Et le docteur Eisler compare Hitler à Nabuchodonosor. Le grand roi-guerrier babylonien, si l'on en croit les prophètes, aurait également été atteint d'une sorte d'étrange accès de lycanthropie après avoir encouru la colère divine : " Il fut chassé du milieu des hommes, mangea de l'herbe comme les bœufs, son corps fut trempé de la rosée du ciel ; jusqu'à ce que ces cheveux crussent comme des plumes des aigles, et ses ongles comme ceux des oiseaux. " ( Daniel, IV, 33 )

    Pour le psychanalyste américain Nador Fodor, la lycanthropie n'est pas tant un état psychologique qu'un révélateur des mécanismes psychiques. Le docteur Fodor attache une grande importance aux rêves, surtout s'ils font intervenir les métamorphoses, les effusions de sang et les meurtres. Les interprétations qu'il a données de semblables rêves lui ont fourni la matière de plusieurs ouvrages et d'un important article publié dans le Journal of American folklore en 1945. Voici l'un des exemple qu'il cite :

    " Une femme londonienne s'éveillant au matin aperçoit dans la cheminée un animal dont la silhouette rappelle celle d'un loup et qui la fixe de ses yeux flamboyants. Terrorisée, elle allume la lumière et l'apparition s'évanouit. Elle croit qu'il s'agissait d'un loup-garou. Comme son analyste lui demande d'effectuer des associations d'images, elle identifie le loup à un homme qu'elle a connu autrefois en France. Un soir, il avait fait irruption dans sa chambre, menaçant de l'étrangler si elle ne quittait pas son mari pour le suivre. Ce sont ses yeux, tout particulièrement
    - bruns, grands et cruels - qui ont suscité cette assimilation avec le loup-garou. Ce rapprochement spontané nous livre la clé de l'hallucination de cette femme : le regard flamboyant du loup est le reflet de ses désirs sexuels refoulés et la cheminée, où il est apparu, symbolise les passions inavouées qui attisent sa chair. "

    Loup-Garou ou Lycanthrope ?

    Nous voyons donc que la lycanthropie et les loups-garous constituent un sujet d'étude fort complexe, à propos duquel, il faut se garder de porter des jugement prématuré. Il est pour le moins souhaitable, avant d'aborder ce domaine, d'avoir quelques connaissances à propos du cannibalisme, de la magie noire, de l'aliénation, du sadisme, de l'arriération mentale, de la mentalité collective, des projections astrales... Sans oublier la rage.

    Il est fort possible  en effet que les Anciens aient confondu les symptômes  de la lycanthropie avec ceux de la rage, qui peut-être ensuite transmise à l'homme : les sujets atteints sont irrésistiblement poussé à mordre tous ceux qu'ils rencontrent, répandant ainsi ce fléau.

    Pendant des millénaires, la gueule écumante a été considérée comme l'un des signes distinctifs des loups-garous, mais Ovide, décrivant la métamorphose de Lycaon, ne s'est-il pas souvenu du spectacle d'hommes ou de chiens atteints par la terrible maladie ?

    Loup-Garou ou Lycanthrope ?

    De même que la rage se contacte à la suite d'une morsure, la tradition voulait que quiconque soit mordu par un loup-garou devienne loup-garou à son tour . Et l'on peut imaginer les angoisses cruelles des malheureux paysans, pour qui un loup enragé n'était autre qu'un loup-garou, lorsqu'ils  voyaient se développer chez eux les symptômes de la rage, qui allaient les mettre au ban de la société.

    Cette hypothèse s'accorde trop bien avec les faits pour qu'on puisse la rejeter entièrement. Mais elle ne suffit sans doute pas à expliquer la force de la superstition populaire ni son aspect onirique. On peut aussi penser que les drogues, plus répandues que nous ne l'imaginons généralement, jouaient un rôle important. Il est bien évident qu'une forte dose de belladone peut aider n'importe qui à voir des choses qui n'existent pas.

    Loup-Garou ou Lycanthrope ?

    Mais certains savants, aujourd'hui encore, sont convaincu que les loups-garous ont réellement existé. Comment expliquer autrement, prétendent-ils, la permanence du mythe et de la fascination qu'a de tout temps exercé sur les hommes la métamorphose animale.
    Ce que nous pouvons dire, c'est que le mythe du loup-garou a des racines suffisamment profondes pour qu'il soit à peine nécessaire de se demander s'il repose ou non sur des faits.

                                                                                 Extrait de " Inexpliqué " 1981


  • Commentaires

    1
    Mercredi 11 Juin 2014 à 14:47

    est ceque les loup garou existe t-il ou non,


     

    2
    ricandre
    Lundi 2 Janvier 2017 à 09:37

    Documents exceptionnels ! Merci pour votre acceptation de m'accueillir comme abonné

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :