• Vapeur de soufre dans les chaumières*

     

    Vapeur de soufre dans les chaumières

    C'était la coutume jadis d'orner le fond de l'âtre d'une plaque de fonte gravée d'armoiries ou de scène allégorique, visible dans les collections du Musée Gaumais, à Virton. La facture est naïve, mais le message, destiné à lettre quotidiennement en garde une ménagère susceptible d'être tentée par quelques pratiques magique, conserve tout son impacte.
    Vapeur de soufre

    L'une d'elle qui date de 1589, représente quatre sorcières et deux démons qui s'activent à la préparation d'un infâme brouet dont les vapeurs malodorantes se tordent comme avant de serpents sous le manteau de la cheminée. L'une des femme touille la mixture, une autre en teste la saveur, à même la louche, tandis qu'une troisième, coiffée d'un bonnet, un mystérieux conciliabule occupe la dernière sorcière et un diable aux jambes de bouc et aux ailes de chauve-souris. Quant au second démon, curieux paradoxe pour un envoyé de l'Enfer, il se réchauffe les mains au-dessus du chaudron.

    Vapeur de soufre

    Les artistes du Moyen-Age finissant et de la Renaissance eurent une prédilection pour la représentation des scènes de sorcellerie, si bien que Grillot de Givry dans son " Musée des Sorcières " put abondamment illustrer les chapitres qu'il consacra au Sabbat et à sa préparation. Le détail et la diversité de ces scènes ne laissent pas de nous frapper quant au contenu et à la richesse de l'imaginaire luciférien des hommes d'autrefois. Le Diable était partout, comme ses servants les sorciers et les sorcières, affirmait Michelet et, pourrait-on ajouter, pour une sorcière véritable, combien de femmes innocentes ? Produit de siècles inquiets, travaillés par les guerres, les pestes et les famines, la sorcellerie constitue sans doute le reliquat du paganisme tenace dans le monde rural, mais surtout la réponse des humbles à l'intolérance du clergé et à la rudesse des temps. La répression, avec son horrible panoplie de tourments par l'eau, le fer et le feu, débuta avec la chasse aux hérétiques, au XIIIe siècle.
    Vapeur de soufre
    Dans nos régions, l'amalgame entre sorcellerie et hérésie se fit sous Philippe II, en pleine Contre-Réforme. En 1592, une ordonnance royale définissait la sorcellerie comme un crime de lèse-majesté divine et humaine et préconisait l'union étroite des pouvoirs civils et religieux pour en extirper le chancre. l'idéologie, de même que le cadre et la procédure de la répression étaient désormais clairement définis.
    La délation étant encouragée, chaque village eut ses espions et ses dénonciateurs et dans chaque chef-lieu, hélas, des bûchers s'allumèrent.
    Au feu, la fille trop jolie, accusée d'avoir fait tourner le lait des vaches ; au feu, la veille qui cultivait des simples dans le secret de son potager ; au feu, vagabond à la peau trop brune et au sourire de loup.

    Vapeur de soufre

    La taque du Musée Gaumais fut fondue au plus fort de la lutte contre le Malin et ses suppôts, quand toute cuisine était apte à se muer en un antre à sorcières, quand la plus banale des marmites était soupçonnée d'avoir mitonné bouillon de crapauds et daubes de fœtus. Pourtant, à bien les détailler, on ne les trouve pas bien méchantes, ces sorcières de Virton. Préparent-elles un philtre d'amour, un onguent pour nouer l'aiguillette ou tout simplement une potion contre les fièvres ?
    La présence des deux diables, bien sûr, ne les innocentent guère, mais à y regarder de près, eux non plus ne paraissent pas très effrayants. Il leur manque la flûte de Pan et une couronne de pampre pour se transformer en faunes antiques et emmener nos filles de Satan danser dans les clairières.

      


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