• Ted Serios - L'homme qui a photographié ses pensées*

     

    En ce mois d'avril 1964, Ted Serios, assis dans la chambre d'un hôtel de Chicago, braque un polaroïd sur son propre visage Le flash crépite. Immédiatement, le docteur Jule Eisenbud s'empare de l'appareil et en retire l'épreuve. Sur celle-ci, au lieu des traits de Sérios, apparaît... un immeuble.

    Serios n'est pas spécialement étonné. Ce n'est pas la première fois qu'il obtient de ces étranges photographies psychiques, qu'il appelle des 
    " projections mentales ". Mais le docteur Eisenbud, professeur de psychiatrie à la faculté de médecine de l'Etat du Colorado, fort impressionné par cette démonstration des facultés paranormales de son hôte, décide de poursuivre les expériences. Pendant plusieurs années, il va étudier les singuliers pouvoirs de cet habitant de Chicago. 

    Pourtant, avant de rencontrer pour la première fois ce photographe très spécial, il était pratiquement persuadé qu'il allait assister à quelques mystification d'un goût douteux. Eisendud se passionnait pour tout ce qui touche aux phénomènes paranormaux, mais il savait aussi que c'est là un champ d'action privilégié pour les escrocs et les charlatans de tout acabit : beaucoup de prétendus photographes psychiques avaient déjà été convaincus de supercherie.

    Toutefois, l'apparition des appareils de type Polarïde rendait évidemment la falsification moins aisée : on ne perdait pas l'épreuve de vue un seul instant, et le développement quasi instantané ne facilitait pas les manipulations compliquées.

    Ted Serios - L'homme qui a photographié ses pensées

    Pour plus de précaution, la plupart de ceux qui ont enquêté sur
    le " cas Serios " ont apporté avec eux leur propre appareil et des rouleaux de pellicule neufs. Ils ont même parfois actionné eux-mêmes l'appareil. Avec des résultats souvent déconcertants.

    Tout d'abord, un certain nombre de photographies ne révèlent aucune image : prises pourtant dans les mêmes conditions - notamment avec le même éclairage -, elles apparaissent tantôt complètement blanches, tantôt inexplicablement noires. En d'autres circonstances, les images obtenues apparaissent en premier plan, couvrant toute la surface de la pellicule ; quelquefois par contre, elles n'occupaient qu'un espace restreint, masquant seulement une partie du visage de Serios ou l'un des éléments du décor ambiant. 

    Serios pouvait-il réellement impressionner la pellicule en y projetant ses propres images mentales ? L'hypothèse paraissait tellement invraisemblable au départ qu'on a naturellement soupçonné quelque ruse habile. Serios lui-même a d'ailleurs fourni des arguments aux sceptiques. En effet, si, initialement, il se contentait simplement de fixer l’objectif, il employa bientôt un accessoire facilitant la concentration des ondes mentales (le gismo).  Il s'agissait au début, d'un, cylindre de matière plastique ; mais, plus récemment il se servit dans ce but du papier spécial de couleur noire collé au dos des pellicules Polaroïd, l'enroulant pour former une sorte de tube.

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    Le gismo, affirmait Serios, empêchait surtout ses propres doigts de masquer l'objectif. Mais on lui prêta évidemment des intentions plus machiavéliques : il aurait pu facilement y dissimuler un artifice quelconque, une diapositive réduite sur un microfilm, par exemple. Si bien que cet objet, apparemment anodin, paraissait aussi suspect aux esprits critiques que le chapeau d'un prestidigitateur !

    Deux journalistes, Charles Reynolds et David Eisendrath, entreprirent de démonter la supercherie. Ils conçurent un petit dispositif susceptible d'être dissimulé à l'intérieur du gismo, et obtinrent de la sorte des clichés tout à fait identiques à ceux de Serios. Ils publièrent les résultats de leur enquête dans le numéro de novembre 1967 de Popular photography, apportant par là aux lecteurs épris de rationnel
    la " preuve " qu'ils attendaient.

    Cependant, Einsenbud comme les autres " enquêteurs " se sont pourtant assurés à chaque expérience que le gismo ne recelait aucun stratagème. Ils ont même surveillé Serios, vérifiant qu'il n'y glissait aucun objet au dernier moment. Aucun d'eux, évidemment, ne perdait de vue l'hypothèse d'un possible microfilm, aussi chaque photographie s'accompagnait-elle d'un certain nombre de précautions propres à en garantir l'authenticité. On ne tendait le gismo à Serios que lorsqu'il se sentait prêt à projeter sa pensée sur la pellicule, et on le lui reprenait aussitôt, en l'examinant soigneusement : il ne l'avait donc entre les mains que pendant quinze secondes environ, durant lesquelles il était observé avec vigilance.

    Ted Serios - L'homme qui a photographié ses pensées

    Par ailleurs, Serios portait toujours des manches courtes, ou même restait torse nu pendant la durée de l'opération. Il lui était donc pratiquement impossible de dissimuler quoi que ce fut sur lui. En outre, les témoins se tenant très près de son visage au moment où il leur demandait de déclencher l'appareil, pouvaient, affirment-ils, voir l'intérieur du gismo. Ils auraient donc pu remarquer un objet qui y aurait été caché. D'ailleurs, les mêmes résultats ont été fréquemment obtenus alors qu'une tierce personne manipulait à la fois le gismo et l'appareil, après les avoir soigneusement examinés.

    Deux éminents parapsychologues américains, les docteurs J. G. Pratt et Ian Stevenson, après avoir effectué de nombreux tests avec Serios, ont publié leurs conclusions : " Nous avons nous-même vu opérer Ted à près de 800 reprises. En aucun cas nous ne l'avons vu pratiquer quelque manœuvre suspecte ou tenter de dissimuler quelques chose dans le gismo, que ce soit avant ou après la prise de la
    photographie. "

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    Serios invitait ses visiteurs à se munir de photographies témoins cachées dans des enveloppes cachetées pendant qu'il tenterait, en concentrant sa pensée, de les faire apparaître sur la pellicule grâce à ses pouvoirs paranormaux. La première fois que Eisenbud rencontra Serios dans la chambre d'hôtel de Chicago, le psychiatre avait sur lui deux vues du Kremlin, enfermées dans deux épaisses enveloppes de papier kraft doublées de carton. Au cours de cette séances, l'un des clichés pris par Serios montrait un bâtiment haut et étroit que les témoins identifièrent immédiatement comme la Water Tower de Chicago.

    Il n'y avait donc aucun rapport, en apparence, avec la photographie témoin apportée par Eisendbud. Ce dernier fut néanmoins très vivement impressionné par divers autres éléments symboliques décelables sur le cliché, qui correspondaient précisément à certaines pensées qui avaient traversé son esprit à cet instant précis.

    Deux ans plus tard, Eisenbud renouvela l'expérience, amenant à nouveau avec lui des images du Kremlin. Cette fois, le clocher de Saint-Ivan apparut sur les clichés de Serios. Ce fut seulement alors que Eisenbud prit conscience de la ressemblance certaine existant entre l'église du Kremlin et la tour qui se dresse entre l’église du Kremlin et la tour qui se dresse au cœur de Chicago...

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    Un phénomène non moins curieux fut observé avec une photographie montrant un bâtiment à deux étages que l'on reconnut comme l'un des hangars de la division aérienne de la police montée canadienne. Une inscription passablement floue, mais cependant lisible, apparaissait sur l'image. On remarquait également une bizarre erreur dans l'ordre des lettres : " Air Division Cainadain... au lieu de " Air Division canadian... ".

    En supposant que Serios ait falsifié ses photographies par le truchement d'une diapositive bien dissimilée, il aurait aussi fallu admettre dans ce cas qu'il ait pu truquer la photo originale, à la condition d'être un expert !

    Une autre image montre très nettement la façade de " William's Livery Stable ", juste en face de l'Opera, toujours à Central City. Avec, toutefois une anomalie : ma photographie de Serios montre un bâtiment construit en pierre de taille alors qu'il s'agit en réalité de briques. Les fenêtres, en outre, apparaissent murées sur le cliché. 

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    Il sembla donc que les photographies parapsychiques de Serios, ayant fait subir d'étrange distorsions à la réalité quotidienne, pouvaient être capables d'explorer le passé. Dans cette perspective, Einsenbud décida d'organiser, en 1967, avec le concours d'autres parapsychologues, une séance expérimentale au Muséum d'histoire naturelle de Denver, espérant que Serios, ainsi imprégné par l'atmosphère dégagée par tous ces objets datant du Néolithique et du Paléolithique, pourrait capter quelques spectacle remontant à plusieurs dizaines de milliers d'années...
    Toute l'opération devait être filmée par une équipe de télévision allemande.

    Serios, confiant dans les résultats de l'expérience, déclara recevoir les impressions mentales d'un homme cherchant à allumer un feu...

    Les photographies prises au cours de cette séance révélèrent un certain nombre d'image interessantes. La plus impressionnante fut celle d'un homme de Néanderthal en position accroupie. Mais il se trouva que l'appareil ne put être braqué en temps voulu sur Serios pour enregistrer cette image ! Par ailleurs, l'un des membres de l'assistance, le professeur H. Marie Wormington, du Département d'anthropologie du Colorado College, remarqua immédiatement une ressemblance troublante entre cette image et une reconstitution bien connue d'un groupe d'homme de Néanderthal se trouvant au Field Museum de Chicago et dont les cartes postales étaient en vente libre.

    Serios avait-il truqué toute ces photographies ? Celle-ci furent naturellement soumises à des examens minutieux. Les experts consultés déclarèrent que, étant donné les différents angles sous lesquels apparaissaient les silhouettes des hommes préhistoriques, Serios aurait dû disposer non pas d'une, mais au moins de sept ou huit diapositives miniaturisées, et celle-ci n'auraient pas pu être obtenues à partir de la carte postale vendue au public. Il était également exclu, compte tenu des angles de prise de vue, que Serios ait pu photographier lui-même le groupe tel qu'il est représenté au Field Museum.

    Ted Serios - L'homme qui a photographié ses pensées

    Quoi qu'il en soit, peu de temps après l'épisode du museum de Denver, les pouvoirs paranormaux de Ted Serios semblèrent disparaître... 
    Il continua pourtant les séances de photographies, mais n'obtint alors que des épreuves blanches ou totalement noires. Et les parapsychologues se demandent toujours quelle est l'origine mystérieuse de son pouvoir paranormal.

    Serios avait déjà vu à plusieurs reprises ses dons très particuliers l'abandonner, pendant près de deux ans dans l'un des cas, et à chaque fois sans aucun signe annonciateur. Il avait déclaré : " C'est comme si un rideau descendait soudain, et puis, plus rien ! "

    Mais peut-être était-ce là, malgré tout, un présage. La dernière projection mentale qu'il ait pu capter sur la pellicule date de juin 1967. Et elle représente...  un rideau !

     


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