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Sylphes et Sylphides*
Symbole de beauté, de subtilité et d'aspiration spirituelle, les sylphes doivent leur nom au mot latin sylphus, " génie ".
Esprits élémentaires de l'air, dont ils composent les plus purs atomes, ils se situent à mi-chemin entre les anges et les elfes.
Selon Collin de Plancy, les sylphes sont savants, " officieux aux sages, ennemis des sots et des ignorants ", et ont pour compagnes et filles les sylphides, véritables " beautés mâles, telles qu'on dépeint les
Amazones ".D'apparence diaphane, ils ressemblent à de jeunes gens grands et minces d'une merveilleuse beauté. Doctes, subtils, dociles et bienveillants aux êtres humains, ils inspirent les artistes et les êtres versés dans la spiritualité. Pour passer le temps, ont dit qu'ils sculptent les nuages pour leur donner des formes familières. Le personnage d'Ariel dans la Tempête, de Shakespeare, est un sylphe. " je suis l'enfant de l'air, un sylphe, moins qu'un rêve ", écrit Victor Hugo.
Les sylphes, mais surtout les sylphides, prennent souvent une apparence humaine pour approcher les êtres humains et se faire aimer d'eux. Les docteurs cabalistes du XVIe siècle prétendaient en effet que ces êtres, comme la plupart des esprits élémentaires, étaient nés sans âme immortelle, mais pouvaient en acquérir une à condition d'épouser un être humain. Ce dernier, en revanche, devait faire vœu de ne plus entretenir aucun commerce amoureux avec une simple mortelle, afin de ne pas offenser son amante éthérée.
Les gracieuses sylphides ne supportent en effet ni grossièreté ni mauvaises manières. Ainsi, un seigneur de Bavière avait épousé une sylphide dont il avait eu plusieurs enfants. Hélas, son épouse surnaturelle finit par le quitter car il manquait de goût, jurait comme un charretier et sentait le tabac. Collin de Plancy narre ainsi l'histoire :
" Un jeune seigneur de Bavière était inconsolable de la mort de sa femme. Une sylphide prit la figure de la défunte, et s'alla présenter au jeune homme désolé, disant que Dieu l'avait ressuscitée pour le consoler de son extrême affliction. Ils vécurent ensemble plusieurs années, mais le jeune seigneur n'était pas assez homme de bien pour retenir la sage sylphide ; elle disparut un jour, et ne lui laissa que ses jupes et le repentir de n'avoir pas voulu suivre ses bon conseil. "Sylphes et extraterrestre au Moyen-Age ?
Au Moyen Âge, on disait que les sylphes se déplaçaient parfois à bord de navires aériens, et étaient responsables d'enlèvements d'êtres humains, anticipant les enlèvements extraterrestres d'aujourd'hui. Ceci se passa notamment au temps des Carolingiens, ainsi que le rapporte l'abbé Montfaucon de Vilars :
" Le fameux cabaliste Zédechias se mit dans l'esprit, sous le règne de Pépin le Bref, de convaincre le monde que les éléments sont habités par des peuples d'une nature différente de la nôtre. L'expédient dont il s'avisa fut de conseiller aux sylphes de se montrer en l'air à tout le monde ; ils le firent avec magnificence. On voyait dans les airs ces créatures admirables, en forme humaine, tantôt rangées en bataille, marchant en bon ordre, ou se tenant sous les armes, ou campées sous des pavillons superbes ; tantôt sur des navires aériens, d'une structure merveilleuse, dont la flotte volante voguait au gré des zéphyrs.
" Qu'arriva-t-il ? Le peuple crut d'abord que c'était des sorciers qui s'était emparer de l'air pour y exciter des orages, et pour faire grêler sur les moissons. Les savants, les théologiens et les jurisconsultes furent bientôt de l'avis du peuple. Les empereurs le crurent aussi ; et cette ridicule chimère alla si avant que le sage Charlemagne, et après lui Louis le Débonnaire, imposèrent de graves peines à tous ces prétendus tyrans de l'air. On trouve cela dans le premier chapitre des capitulaires de ces deux empereurs...
" Les sylphes, voyant le peuple, les pédagogues et même les têtes couronnées se gendarmer ainsi contre eux, résolurent, pour faire perdre cette mauvaise opinion qu'on avait de leur flotte innocente, d'enlever des hommes de toutes parts, de leur faire voir leurs belles femmes, leur république et leur gouvernement, puis de les remettre à terre en divers endroits du monde.
" Il arriva qu'un jour, entre autres, on vit à Lyon descendre de ces navires aériens trois hommes et une femme. Toute la ville s'assemble alentour, crie qu'ils sont magiciens, et que Grimoald, duc de Bénévent, ennemi de Charlemagne, les envoie pour perdre les moissons des Français.
Les quatre innocents ont beau dire pour leur justification qu'ils sont du pays même, qu'ils ont été enlevés depuis peu par des hommes miraculeux qui leur ont fait voir des merveilles inouïes et les ont priés d'en faire le récit, le peuple entêté n'écoute point leur défense : il allait les jeter au feu, quand Agobard, évêque de Lyon, accourut au bruit. Il prouva au peuple qu'il se trompait, que des hommes ne pouvaient pas descendre de l'air, et que la prévention les avait abusés à l'égard des quatre inconnus ; il fit si bien que le peuple le crut et rendit la liberté aux ambassadeurs des sylphes.Cependant, comme ils échappèrent au supplice, ils furent libres de raconter ce qu'ils avaient vu : ce qui ne fut pas tout à fait sans bruit ; car, s'ils vous en souvient bien, le siècle de Charlemagne fut fécond en hommes héroïques ; ce qui marque que la femme, qui avait été chez les sylphes, trouva créance parmi les dames de ce temps-là, et que par la grâce de Dieu beaucoup de sylphes s'immortalisèrent.
Plusieurs sylphides aussi devinrent immortelles par le récit que ces trois hommes firent de leur beauté ; ce qui obligea les gens de ce temps-là de s'appliquer un peu à la philosophie : et de là sont venues toutes ces histoires de fées, que vous trouvez dans les légendes amoureuses du siècle de Charlemagne et des suivants. Toutes ces fées prétendues n'étaient que sylphes et nymphes. "
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