• Les survivants de l'ère secondaire*

     

    Les survivants de l'ère secondaire

    Hiver 1856, près de Saint-Dizier, un groupe d'ouvriers travaille à la prolongation de la nouvelle voie ferrée. Ils percent un tunnel en cassant de gros rochers et accèdent à une cavité qui en occupait le centre.
    Une forme monstrueuse émerge en pleine lumière. Au cœur de la couche calcaire jurassique, un animal gros comme une oie, avec une tête hideuse et des dents pointues, surgit devant les ouvriers affolés. Ses quatre pattes sont réunies par une membrane et se terminent par des griffes recourbées. La peau du monstre est noire et huileuse. L'animal fait quelques pas, tente de s'envoler et pousse un cri rauque avant d'expirer.
      
    Transporté à la ville voisine, un naturaliste identifie le cadavre. Il s'agit d'un....ptérodactyle, un reptile volant de l'ère secondaire et qui a disparu depuis des millions d'années. La nature de l'animal correspond d'ailleurs à l'âge des roches où il parait s'être abrité en y laissant une empreinte en creux caractéristique. Il ne reste malheureusement de cette histoire que quelques coupures de journaux de l'époque.
     
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    La découverte de ce ptérodactyle n'est qu'un des nombreux cas de créatures vivantes retrouvées emprisonnées dans de la pierre, de la boue ou même du bois. Cette survie était-elle possible ? Les scientifiques ont longtemps polémiqué à ce sujet. Sans jamais trouver de réponse satisfaisante.
      
    Le premier témoignage direct que nous connaissons est celui d'Ambroise Paré en 1761 :
    "J'étais dans mon château, près de Meudon, et j'avais demandé à un cantonnier de me casser quelques pierres. Au milieu de l'une d'elles, il trouva un énorme crapaud plein de vie, et sans que la moindre ouverture capable de lui laisser le passage soit visible. L'ouvrier me dit que ce n'était pas la première fois qu'il découvrait un crapaud, ou de telles bestioles, à l'intérieur d'énormes blocs de pierre".
     
    Les " autres bestioles " étaient, pour le registre annuel, des grenouilles, des serpents, des crabes et des homards, animaux emmurés attestés par des écrits de Francis Bacon, de Gianbattista Fregoso ou d'Agricola.
    Le registre annuel cite également le cas d'ouvriers de Toulon qui, en cassant des pierres qui étaient destinées au pavage du port, auraient trouvé, à l'intérieur, des " coquillages d'un goût délicieux ".
     
     

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    Dans sa Natural History of Straffordshire, publiée en 1686, le docteur Richard Plot évoque la découverte de crapauds dans des arbres.
    En 1719, dans les Mémoires de l'Académie française des sciences, on mentionne l'anecdote suivante :
     
     
    " Au pied d'un orme de la taille d'un homme, à un mètre des racines et exactement au milieu, on a trouvé un crapaud vivant, de taille moyenne, mais maigre et remplissant tout l'espace vide. "
     
    A l'époque, le rapport ne fait guère sensation et ne provoque pas de polémique.
     
    Quelques années plus tard, en 1731, dans les mêmes mémoires, on rapporte que " M. de Seigne a déposé, devant l'académie, un fait de même nature que celui que celui de 1719, sauf que, au lieu d'un orme, il s'agissait d'un chêne, et plus gros que l'orme, ce qui augmente encore le prodige ". A l'époque, l'explication usuelle est qu'un œuf de crapaud a pu, pour une raison indéterminée, se loger dans le tronc et que le crapaud a dû grandir à l'intérieur, alimenté par la sève.
      
      Pourtant, ce sont bien les cas de crapauds emprisonnés dans la pierre qui sont les plus nombreux. On peut tenir les récits de certains scientifiques pour irréfutables. En 1818, le géologue E.D. Clarck communique ainsi une nouvelle stupéfiante à ses collègues du Caïus Collège, à Cambridge.
     
    Il dirigeait des fouilles dans une strate calcaire, dans l'espoir de retrouver des fossiles, quand, à plus de 80 m de profondeur, ces ouvriers ont retrouvé un banc d'oursins et de tritons. Trois de ces tritons paraissaient dans un état de conservation parfait.
     
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    Quelle n'a pas été la surprise du géologue quand il a vu ces trois tritons, placé au soleil sur une feuille de papier, s'ébrouer, frétiller et s'animer.
    Deux devaient mourir peu après. Le troisième, placé dans l'eau, devait sautiller avec tant de force qu'il ne tardait pas à s'échapper !
     
    Dernière surprise du docteur Clarke : en collectionnant toutes les espèces de tritons recensées dans la région, il allait s'apercevoir qu'aucune d'entre elles ne correspondait exactement à l'espèce des tritons découverts sous le calcaire... " Ils appartenaient, expliquait le docteur Clarke, à une des espèce totalement disparue et inconnue jusqu'à présent. "
     
    A l'époque, c'est lui qui fera la découverte la plus sensationnelle.
    Le 31 octobre 1862, en Angleterre, dans le Lincolnshire, des ouvriers creusent une cave quand ils mettent à jour un crapaud géant, haut de... 2 m. Selon un journaliste local, " aucun fait ne peut être établi avec plus de précision. Que les sceptiques en pensent ce qu'ils  voudront ! "
     
    Trois ans plus tard, en avril 1865, près d'une Leeds, toujours en Grande-Bretagne, une équipe de terrassiers trouve un crapaud à l'intérieur d'un bloc magnésien, loin de tout point d'eau et à 8 m de profondeur. Dans sa gangue minérale, l'animal est bien vivant. Ses yeux sont brillants et expressifs. Il respire normalement, mais il ne peut coasser facilement : sa bouche est complètement obturée...
     

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    Selon les témoins, " ce crapaud était complètement décoloré et aussi pâle que la craie qui l'entourait. Cependant, il prit rapidement une teinte olivâtre ". D'après le géologue Robert Taylor, le bloc de calcaire qui renfermait l'amphibien datait d'au moins 200 millions d'années.
     
    Aux Etats-Unis, de nombreuses revues scientifiques ont rapporté des faits de ce genre. Le Scientific American a rendu compte de la découverte d'un mineur nommé Moses Gaines :
    " Le crapaud était à l'intérieur d'un bloc de minerai d'argent, exactement imbriqué dans la pierre. L'animal mesurait environ 8 cm. Il était gras et dodu, et ses yeux étaient beaucoup plus larges que ne le sont les yeux des crapauds de cette taille. "
     
    Le journal américain poursuit : " L'amphibien était vivant, mais plutôt léthargique. Les ouvriers essayèrent de le faire sauter en le chatouillant avec une baguette, mais il ne parut s'apercevoir de rien. "
    Après des millions d'années de solitude, ce crapaud américain avait probablement besoin d'un certain temps pour se réhabituer au monde...
     
     

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    Bien entendu, ce phénomène des crapauds emprisonnés n'a pas été facilement admis par le monde scientifique.
    Bizarrement, les attaquent les plus virulentes ne viendront pas des scientifiques qui se contentent de se retrancher dans un silence révélateur mais d'un certain capitaine Buckland qui considérait ces crapauds multimillénaires comme une gigantesque imposture.
      
     Son père, ancien doyen de la Westminster avait tenté une expérience :
      
    Dans deux blocs de pierre, un de calcaire et un de grès, on avait creusé six alvéoles, dans lesquelles on avait déposé six crapauds vivants. On avait scellé chaque trou avec une plaque de verre, du mastic et une ardoise, avant d'enterrer le tout dans son jardin à 1 mètre de profondeur.
      
    Un an après, les six crapauds étaient.... morts ! Certains d’entre eux semblaient avoir survécu quelque temps et même grossi, mais il s'est avéré que ces crapauds avait pu se nourrir d'insectes parvenu jusqu'à eux par une fissure dans une plaque de verre..
     
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    Cette expérience n'a pourtant pas convaincu tout le monde. Pour de nombreux naturalistes, si les crapauds  et les grenouilles peuvent s'enfouir dans la vase, au fond des mares, et y passer l'hiver, il n'y a pas de raison pour qu'ils ne puissent pas y rester un an voire un siècle ou un millénaire ! On peut simplement imaginer que, avec le temps, la boue pourrait devenir pierre.
      
    Les exemples de crapauds ou de grenouilles  " envasées " sont abondants.
    Dans son Histoire du surnaturel, publiée en 1863, William Howitt a raconté que, en creusant un fossé, il avait trouvé un " véritable banc de grenouilles ", sous 30 cm d'une boue " aussi épaisse que du beurre ".
    Surprises dans leur sommeil hivernal, ces grenouilles n'en devaient pas moins s'enfuir, en bondissant dans toutes les directions.
      
    Une question se pose alors : comment ces grenouilles et ces crapauds "emmurés" auraient-ils pu résister aux énormes pressions subies par les couches sédimentaires, au cours des grands bouleversements géologiques de l'histoire ? Comment auraient-ils pu résister à la chaleur et à la pression nécessaires pour produire des couches de charbon épaisses de plus de 100 m ? Sans parler du manque total de nourriture et d'air...
     
    Une explication est avancée par ceux qui croient à ce phénomène : fragile mais souple, l'organisme des amphibiens pourrait se plier à de telles pressions, surtout si le corps de l'animal est parfaitement enveloppé de pierre, s'il n'y a pas le moindre espace vide. On l'a vu : dans de nombreux cas, cet effet de " moule " rocheux  est attesté.
     
    Un français, Alexandre Seguin, a tenté l'expérience en 1862 : il a emprisonné une vingtaine de crapauds dans du plâtre et les a enterrés après solidification. Douze ans plus tard, quatre d'entre eux restaient en vie.
     
     

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    Seulement, les crapauds retrouvés vivants étaient dans du roc, pas du plâtre. Un naturaliste anglais, A. H. Worthen, pense pouvoir expliquer ce qui a pu se passer, dans certains cas uniquement. Certains bancs de calcaire sont recouverts d'une couche de carbonate de calcium.
    Imaginons qu'un crapaud se réfugie, pour hiverner, dans une crevasse de ce banc. Les eaux de ruissellement vont alors dissoudre le carbonate de calcium et en imbiber la crevasse ainsi que le crapaud qui s'y trouve. En séchant et en se solidifiant, ce carbonate emprisonnera définitivement le crapaud.
      
     Ce qui n'explique pas comment celui-ci survivrait pendant des millénaires ... Ni pourquoi on a retrouvé de tel crapauds dans du charbon. Authentifié par les scientifiques ces affaires de crapauds emprisonner sont une des plus formidables énigmes du monde vivant.

                                                                                   Extrait de " Inexpliqué " 1981
     
     

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