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La fille sauvage de Songy*
En 1717, on découvre la première " fille sauvage ", dans la province hollandaise d'Overssel. Elle avait été enlevée à seize mois à ses parents et avait 19 ans lorsqu'on la captura. On ignorait cependant le temps qu'elle avait passé dans les forêts. Sa peau était basanée et couverte de poils, et ses cheveux, très long, flottaient sur ses épaules. Elle ne parlait et se nourrissait d'herbes et de feuillages. On ne parle pas d'animaux à son propos. Elle ne sut jamais parler, mais communiquait par signes. On lui apprit à filer la laine, et elle exerça cette occupation jusqu'à sa mort.
Deux ans plus tard, deux enfants trouvés dans les Pyrénées, courant et sautant dans les montagnes à la manière des isards, firent beaucoup parler d'eux, et Jean-Jacques Rousseau les mentionna ; mais on sait finalement bien peu de choses sur leur compte.
Un enfants sauvage mieux connu fut celui de Hameln, dans le Hanovre. Le jeune Peter avait abandonné dans la forêt par ses parents et ne fut retrouvé qu'en 1724, à l'âge de 13 ans. Il préférait les fruits et l'écorce des jeunes arbres au pain qu'on lui présentait. Il était fort sale, et son corps était marqué de plusieurs cicatrices. Son caractère était farouche et agressif au début, mais il devint plus tard beaucoup plus traitable. Ce jeune garçon marchait sur ses deux pieds, il courait très vite et ne grimpait pas aux arbres.
Très vorace, il ne put jamais que prononcer quelques mots pour demander de la nourriture. Le roi d'Angleterre, Georges 1er, s’intéressa à lui et l'emmena en Grande-Bretagne ou il essaya de le faire éduquer. L'enfant de Hameln appris peu à peu à supporter les vêtements et manifestait un grand plaisir en écoutant de la musique.
Un autre de ces enfants, Jean de Liège, perdu par ses parents à l'âge de cinq ans et retrouvé seize ans après, retint l'attention du naturaliste Linné, qui en parle dans ses ouvrages. Il se nourrissait surtout des légumes qu'il trouvait dans la terre.
La fille sauvage de Karpfen, capturée en 1767 en Basse Hongrie, était nue. Son corps était robuste, et il fallut la tirer de force de la tanière où elle s'était réfugiée. Conduite à l'hôpital de Karpfen, elle refusa de manger des aliments cuits, mais faisait ses délices de la viande crue et des écorces d'arbres. On ne sut jamais comment elle avait pu survivre dans ces forêts inaccessibles, où pullulaient des animaux féroces, ours et loups.
En 1831 on fit mention d'une fille-truie découverte dans la région de Salzbourg en Autriche, qui, ayant été élevée dans une porcherie, imitait le grognement des cochons.
L'enfant-porc d'Overdyke, lui, avait une prédilection pour les salades, et un autre enfant sauvage de cette région, élevé parmi les loups, grimpait aux arbres, criait comme un oiseau et dénichait les œufs dont il se montrait très friand.
Avec l'enfant-loup de Kronstadt, en Russie, décrit par l'Allemand August Rauber dans un ouvrage paru en 1885, et qui était fort sensible aux sons du piano, s'achève la liste des enfants sauvages de l'Europe. Aux XIXe et XXè siècles, la plupart des cas semblables signalés concernent des individus nés en Asie méridionale ou en Afrique, régions aux modes de vie misérables et où les rapports entre le milieu humain et le milieu animal étaient encore plus étroits qu'en Europe.Tous les cas que nous avons relevés sont, il faut le reconnaître, entourés de beaucoup d’obscurité, et l'on peut se poser nombre de questions à leur égard. Il existe pourtant deux enfants européens dont l'histoire est bien connue et sur lesquels il faut revenir. Il s'agit de la fille sauvage de Songy, en Champagne, et l'enfant-loup de l'Aveyron, le petit Victor, qu'un film a, de nos jours, rendu célèbre.
Un soir du mois de septembre de l'année 1731, alors que Louis XV régnait sur la France, les habitants du petit village de Songy, éprouvèrent une grande frayeur. Ils virent une étrange créature, pieds nus, couverte de haillons, cheveux emmêlés, le visage et les mains noirs comme de la suie et tenant un bâton. " Voilà le diable ! " s'écrièrent-ils à cette apparition, et ils s'enfuirent au plus vite dans leurs maisons, s'y barricadèrent et lâchèrent leurs chiens contre elle. La sauvage les attendit de pied ferme et tua d'un coup de son gourdin le premier qui approcha, un terrible molosse armé d'un collier à pointes de fer. Elle s'éloigna ensuite dans la campagne, grimpa dans un arbre er s'y endormit.
Un noble du voisinage, le vicomte d'Epinoy, alerté par ses paysans, décida de s'en emparer. Il employa une ruse très simple : on mit un seau d'eau au pied d'un arbre en espérant la capturer lorsqu'elle descendrait se désaltérer. Mais cette créature remontait aussitôt qu'elle avait bu.
On imagina alors de la prendre par la faim. Une femme se tint près de son refuge avec des poissons à la main. La fille finit par descendre, et la femme s'éloigna tout doucement, l’entraînant sur ses pas juste pour laisser aux hommes postés près de là le temps d'accourir et de la capturer. Conduite aux cuisines du château, elle se jeta sur les aliments qu'on lui présenta et, en présence du vicomte, écorcha un lapin qu'on lui présentait et le mangea tout cru.
On tenta alors de la soumettre à un régime alimentaire normal, mais elle si mit à dépérir. On lui permit donc de consommer de la viande crue ; on lui apportait un poulet ou un lapin vivant dont elle suçait le sang tout chaud, ce qui s'insinuait partout et lui redonnait des forces.
Le vicomte d'Epinoy la fit élever ensuite chez des religieuses. Après la mort du vicomte, ce fut l’évêque de Châlon, Choiseul, qui en prit soins. En 1747, placée dans un autre couvent, elle reçut la visite du savant La Condamine, qui l'interrogea sur son passé.
Elle était alors la protégée du duc Louis d'Orléans qui payait sa pension. Elle avait perdu son comportement sauvage et était devenue Mlle Leblanc.
Le duc la fit entrer dans une autre maison de religieuse à Paris où elle fit sa première communion. Elle se disposait à devenir religieuse lorsqu'elle tomba gravement malade et perdit son protecteur. Les hospitalières qui l'hébergeaient la traitèrent durement, la croyant désormais sans ressources. Heureusement, alerté par Louis Racine et La Condamine, le nouveau duc d'Orléans continua à son égard les charité de son père. Elle put entrer au couvent de la Visitation e Chaillon, où elle mourut en 1788 à la veille de la révolution.Quelles pouvaient donc être les origines de la mystérieuse
" fille de Songy " ? La Condamine, qui l'interrogea a essayer d'élucider cette énigme en croyant pouvoir affirmer qu'elle était née chez les Esquimaux du nord de l'Amérique. Il s'appuyait sur certaines de ses confidences." Je suppose, écrit La Condamine, qu'un capitaine de navire partit en hollande, de l''Ecosse ou de quelque port de Norvège ait enlevé des esclaves dans les terre arctiques, ou dans la terre du Labrador, et qu'il les ait transportés pour les vendre dans quelqu'une des colonies européennes des îles Antilles. Elle y aura vu et manger des cannes à sucre et du manioc. Le même capitaine peut avoir ramené quelques-unes de ces esclaves en Europe, soit qu'il n'eût pas trouvé à s'en défaire avantageusement, soit par caprice ou curiosité, et la jeunesse de notre petite sauvage peut fort naturellement lui avoir valu cette préférence ; dans ce cas, il est probable qu'il l'aura vendue ou donnée en présent à son arrivée en Europe.
" Il est encore assez vraisemblables que, par plaisanterie ou par fraude, on se soit avisé de la peindre en noir, c'était le moyen de la faire passer pour une esclave de Guinée et de n'avoir point de comptes à rendre. Il y a en Amérique une plante dont on tire un eau, qui appliquée sur la peau, la noircit parfaitement. "
Le savant croyait-il ce récit ? L'aventure de Mlle Leblanc comporte en effet bien des détail invraisemblablement et qui relèvent plus de la fable que de l'analyse scientifique. Il faut d'ailleurs remarquer que La Condamine, qui revenait, à cette époque, du Pérou, ou le gouvernement français l'avait chargé de mesurer le méridien terrestre, se garde bien de signer de son nom son Histoire d'une jeune fille sauvage, mais qu'il choisi comme pseudonyme, celui d'une certaine Mme Hecquet !
En fait, le mystère n'a jamais été éclairci ; à défaut de documents sûrs, on serait plutôt tenté d'admettre que sa naissance en France a été clandestine et que, reculant devant un crime, on a préféré la faire mourir dans quelques retraite isolée avant de lui donner la liberté, lorsqu'on a supposé qu'elle pouvait subvenir seule à ses besoins, jusqu'au moment où elle serait recueillie. Peut-être s'est-elle enfuie d'elle-même de l'endroit où o la tenait cachée.
Quoi qu'il en soit, le mystère qui entoure les origines de cette malheureuses créatures ne fut jamais parfaitement élucidé.
Extrait de " Inexpliqué " 1981
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