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La clairaudience*
Etudiée avec la plus grande attention par Camille Flammarion et les spécialistes anglais de la Society for Psychical Research au tout début de la parapsychologie scientifique, la clairaudience fut ensuite largement confondue avec la télépathie et la clairvoyance en général lors des travaux ultérieurs.
Bien plus tard, on l'a à nouveau considérée comme une faculté paranormale spécifique dont les divers aspects méritaient d'être étudiés en particulier.
Dans les années cinquante, déjà, l'un des pionnier de la recherche parapsychologique moderne, le professeur Vassiliev, écrivait :
" Il convient d'établir des distinctions nettes entre télépathie, voyance en tant que telle et clairaudience. C'est le seul moyen de dégager scientifiquement les lois de ces phénomènes dont les caractéristiques de manifestation différent assez nettement de l'un à l'autre..." Les cas d'audition paranormale, qu'ils soient ou non prémonitoires, présentent des données spécifiques par rapport à la voyance ou autres formes de manifestation psi. Cela range donc cette faculté dans un domaine à part qui risque d'avoir ses lois propres, ce dont le scientifique doit absolument tenir compte. "
Vassiliev, pour sa part, n'a cependant pas étudié un grand nombre de cas de clairaudience. Ses disciples en Union soviétique suivront en revanche ses directives et conduiront des expériences dans le but d'isoler cette faculté et d'en expliciter les particularités inédites.
Les parapsychologues des pays de l'Est ont surtout fait des expériences avec des sujets de laboratoire. Rappelons qu'ils sont les créateurs de ces fameuses " chambres de silence " utilisée en astronautique, dans de nombreuses recherches parasensorielles. Il s'agit de caissons dans lesquels on isole l'individu de telle sorte qu'aucun stimulus sensoriel ne puisse, d'une manière ou d'une autre, l'atteindre. C'est une stimulation du vide spatial dans lequel les sons, en particulier, ne se propagent pas.
On peut ainsi étudier, lorsqu'on travaille avec un clairaudient, toutes les données de réception du message sans qu'il y ait de " parasites "...Des médiums aussi célèbre que Nigel Kulagina, Varvara Ivanovna, Alla Vinogradova et Djouna Davitachvili, la fameuse " percipiente " qui a soigné Léonid Brejnev, ont été testés à plusieurs reprises dans de semblables chambres de silence.
Kulagina ou Vinogradova sont surtout des spécialistes en psychokinésie, et Davitachvili une magnétiseuse télépathe. Elles ont eu cependant, les unes et les autres, des expériences de clairaudience. Le professeur Spirkine, qui s'occupe des études en laboratoire avec Djouna Davitachvili comme sujet, a déclaré : " Lorsque la communication s'est établie entre elle et son patient, elle perçoit un léger sifflement au niveau de l'oreille gauche. Cela lui indique que l'échange extra-sensoriel est en cours de réussite. Nous ne pouvons expliquer ce signal sonore qui ressortit à ce qu'on appelle clairaudience. Il existe cependant de manière indubitable et il constitue un élément précieux dans l'étude de cette manifestation très particulière et très mal connue de la transmission des messages
psi... "Djouna Davitachvili reçoit des signaux sonores, mais aussi des informations en langage clair. Elles sont alors dictées par une voix off.
" C'est toujours la même a-t-elle déclaré à la presse qui l'a beaucoup interrogée à l'époque de la cure de Brejnev. Je n'ai jamais entendu cette voix en dehors des cas de transmissions extra-sensorielles. Ce n"est pas l voix de celui ou de celle qui émet le message. J'ai l'impression que c'est mon cerveau lui-même qui, à l'instar de certains ordinateurs, synthétise littéralement une voix pour que le message accède à ma conscience.
De la même manière, quand il s'agit d'une vision, mon cerveau " dessine " le contenu de l'information sur mon écran mental ou y projette un cliché... "Cette explication de la clairaudience par le grand médium russe est extrêmement intéressante. Elle constitue certainement la meilleure analyse que l'on puisse faire de ces voix off, inconnues dans la réalité, qui communiquent l'information au sujet. Vision ou simple intuition, le cerveau choisit ce moyen de préférence à un autre. On ne connait pas la raison de ce choix. Mais, comme l'a remarqué Djouna Davitachvili, dans les cas où cela se produit, le message est d'une clarté et d'une exactitude beaucoup plus grandes. La voix dicte mot pour mot le contenu de l'information. Il n'y a pas à interpréter, ainsi qu'il faut souvent le faire dans la voyance.
Varvara Ivanovna, un autre sujet psi soviétique très connu et actuellement dans la résidence, a eu de nombreuses expériences de ce type. Pour elle, la clairaudience semble même le mode privilégié de transmission des messages parapsychologiques :
" Je ne vois pas la plupart du temps, j'entends, a-t-elle déclaré à des journalistes occidentaux. Parfois, c'est effectivement une voix off comme vous dites. Mais ce peut être aussi, c'est assez fréquent, la voix de mon correspondant psi lui-même... "
Elle raconte à cet égard une anecdote assez intéressante.
" Je me trouvais à Tachkent, où j'avais donné une conférence sur la parapsychologie. Il était tard et j'étais très fatiguée, car les expérience auxquelles je m'étais prêtée durant cette soirée avaient été particulièrement éprouvante. Je me suis étendue sur le lit de ma chambre d'hôtel pour goûter enfin le silence et le repos. J'ai fermé les yeux. Quand vous êtes très fatigué, il y a comme une sorte de bourdonnement presque inaudible qui vous court dans la tête. C'est ce qui se passait pour moi à ce moment.
" Quelque chose m'a surprise. Le bourdonnement ressemblait maintenant à un signal en morse. Puis, ça s'est complètement arrêté. Et j'ai entendu la voix. Extraordinaire. Une voix d'homme très précise dans ma tête. Il y avait un certain âge mais ce n'était pas une voix chevrotante. Elle était marquée par les années ou peut-être par un certain abus du tabac. Ce qui ne veut pas dire rocailleuse... Le plus intéressant, c'est qu'elle bégayait, ce qui est tout de même plutôt rare en perception paranormale !
" J'ai cru d'ailleurs que c'était dû à une hallucination causée par ma fatigue... " Je vous vous at-at-attends ! Je je je vous vous
en en p-p-p-prie ! Venez v-v-vite ! S's'-il vous p-p-plait... chez v-v-vous... Question de de v-v-v-vie ou de m-m-mort... "" Tout s'est arrêté net. Plus de bourdonnement, plus de voix. Il me semble tout de même l'avoir réentendue juste avant de sombrer dans le sommeil
" Le lendemain, je suis rentrée par avion à Moscou. Pas à cause du message. Je n'imaginais pas du tout que cela puisse constituer une information psi. En passant sans le hall de mon immeuble, ma logeuse m'a appelée. Elle m'a dit à voix basse que quelqu'un m'attendait chez elle depuis deux jours et qu'elle n'avait pas réussi à le mettre dehors.
Il menaçait de dormir en travers de mon palier ! Elle avait eu pitié de lui. Il était vieux et malade. Il voulait que je le magnétise pour une tumeur qu'on lui avait dit cancéreuse à l'hôpital mutualiste. C'était le vieil homme. Il était assis sur une chaise et regardait ma photo. Il avait supplié cette photo à haute voix pendant deux jours. Hier, au moment précis où j'avais reçu le message, il s'était mis à pleurer. Il bégayait... "Étonnante et pittoresque histoire d'un cas de clairaudience et particulièrement précis. On a pu en produire d'assez semblables dans les laboratoires du professeur Sergueyev ou d'un autre grand spécialiste russe de la parapsychologie, le docteur Victor Adamenko.
Aux Etats-Unis, les disciples de Rhine ont établi des statistiques sur le caractère des messages paranormaux. Selon ces chiffres, 73 % des informations sont perçues avec des images ; 8 % donnent lieu à des impressions tactiles ou, plus rarement, à des odeurs venues de nulles part. Le reste, 19 %, est constitué de messages auditifs. En chiffrant, dans un second temps, ce dernier pourcentage, l'équipe de la Duke University s'est aperçue que le quart seulement des informations auditives était donné par la voix du correspondant lui-même. Dans la majeure partie des cas, c'est donc cette fameuse voix off qui intervient.
Cette étude statistique, comme aiment en faire les adeptes de la recherche psi travaillant avec les méthodes de Joseph Rhine, nous apporte d'autres précisions fort utiles. Ainsi, la perception paranormale liée à l'audition est plus fréquente lorsqu'il s'agit d'une information dramatique. On pourrait dire que celui ou celle qui annoncent leur mort à des parents, celui ou celle qui communiquent extra-sensoriellement pour dire qu'ils sont en grand danger... préfèrent le faire de vive voix !
C'est pour cela que la clairaudience n'est pas très fréquente en laboratoire. On demande à un sujet de transmettre un chiffre, une carte de Zenner, une photo... Il envoie un graphisme. C'est plus facile que de décrire ces supports. Toutefois, certains sujets émettent en clairaudience.
C'est le cas de la jeune fille appelée Jenny S... qui a travaillé en particulier avec les docteurs Puttoff et Targ à l'université de Californie.Tous ses messages étaient auditifs. Ceux qu'elle recevait lui parvenaient aussi à travers des sons, même si l'émetteur les avaient lancés sous une forme de graphisme. Elle entendait une voix lui donnant tout les détails du dessin, ou de la photographie, qui devait être psychiquement véhiculé...
Pour les spécialistes, aussi bien soviétiques qu'américains, il faut faire des distinctions selon les catégories établies par Rhine. Dans les exemples de communication spontanée, qui concernent des situations dramatiques, le message passe oralement. Dans les autres cas, le message est transmis sous forme de graphisme.
Il semble qu'au niveau psi la vue soit privilégiée par rapport à l'audition. D'où cela vient-il ? Peut-être, comme l'explique le docteur Sergueyev, du fait que notre éducation sensorielle est davantage axée sur l'image que sur les sons. Il remarque que, dans les populations primitives où l'ouïe joue un rôle plus important que chez nous, les manifestations paranormales d'auditions constituent au contraire, la plus forte majorité des expériences.
Notre cerveaux, dans les zones obscures où s'élabore émissions et réceptions des messages psi, a recours aux stimuli les plus habituels dans le cadre d'une mentalité donnée. C'est sans doute la raison pour laquelle la clairaudience est moins largement répandue que la claivoyance.
D'après les parapsychologes, c'est un phénomène regrettable. Les messages auditifs sont plus clairs, plus précis, plus exacts que les messages passant par les graphismes de l'écran mental.
Si nous entrons un jour, disent-ils, dans une société ou la parapsychologie sera enfin une science à part entière et où nous maîtrisons tous ces pouvoirs de l'Inexpliqué, il faudra sans doute nous réentrainer à entendre. L'Occident, en effet , parait avoir perdu la faculté de prêter l'oreille à ces voix intérieures...
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