• L'Hystérie à travers les âges*

     

    L'ystérie à travers les âges

    Face aux cas d'hystérie collective, l'Eglise catholique adopta deux attitudes différentes. Après s'être servie de ses manifestations pour affermir sa puissance sur les esprits et pour exalter, elle a considéré ces phénomènes comme autant de ferments de troubles susceptibles de compromettre l'ordre établi, et ils sont devenus suspects. Ils pouvaient contenir le germe de dangereuses hérésies. Aussi, comme souvent dans de tels cas, on commença à invoquer le démon...

    Le Malin, on le savait, pouvait accomplir des miracles pour son propre compte, tout comme il pouvait duper les pauvres égarés en prenant le masque des émissaires de Dieu. Ainsi, Jeanne d'Arc ne fut pas épargnée par le fait que sa mission sacrée lui ait été dictée par les ange et les saints : elle n'en fut pas moins condamnée comme sorcière.

    L'Hystérie à travers les âges

    Pendant des siècles, les accès d'hystérie collective allaient être considérés comme les signes de la possession démoniaque. Citons le cas célèbre
    des " agités " possédés par la danse de Saint-Guy, affection nerveuse qui fit d'immenses ravages au Moyen Age, dans les régions dévastées par la guerre et la famine.

    Possédées du démon : c'est également le verdict qui allait frapper les nonnes de Loudun deux siècle plus tard. Le scandale qui éclate en 1633 est tel que la justice royale est saisie de l'affaire : les religieuses du couvent des Ursulines et leur supérieure se tordent dans des convulsions hystériques, hurlant des obscénités. Elles accusent le chanoine Urbain Grandier de les avoir ensorcelées. Celui-ci sera brûlé comme sorcier l'année suivante.

    Avec le siècle des Lumières, les mentalités évoluent, les recherches scientifiques sont à la mode et la peur du démon s'estompe. Les convulsionnaires de Saint-Médard suscitent plus de curiosité que de terreur.

    L'Hystérie à travers les âges

    Il faut dire que le cimetière Saint-Médard, où est inhumé un célèbre diacre janséniste, est le théâtre de faits fort étranges. Les visiteurs, saisis de spasmes convulsifs, prétendent qu'ils sont capables de prédire l'avenir.
    Certains se trouvent mystérieusement guéris de leurs maladies.

    Plus extraordinaire encore, les participants se révèlent insensibles à la douleur : on les frappe à coups de marteau, on les pique à l'aide d'objets pointus ou on les suspend au dessus de brasiers, et ils restent apparemment insensible à tous ces mauvais traitements. Les plus incrédules sont troublés. Le philosophe écossais David Hume - un sceptique entre tous - se voit contraint, à son corps défendant, d'admettre
    " une évidence attestée par des témoins sensés et dignes de foi "

    L'Hystérie à travers les âges

    Certains hommes d'Eglise commencent à penser que l'hystérie et l'état second qu'elle entraîne ne sont pas nécessairement d'origine diabolique, mais peuvent au contraire permettre d'exorciser les démons. Un prêtre suisse, Johann Gassner, réunit des foules, plongeant des centaines de personnes dans des transes hystériques pour pratiquer guérisons ou exorcismes collectifs. Les premiers quakers et les shakers employaient des méthodes analogues ( tremblements ou danses rituelles ), se réclamant de la première Pentecôte.

    Franz Mesmer tente d'apporter une explication scientifique aux forces mystérieuses mises en oeuvre en de telles occasions, et il élabore sa théorie du " magnétisme animal " : une forme de magnétisme capable de produire de l'énergie biologique. Contrairement à ce qui a souvent été affirmé, Mesmer n'employait pas l'hypnotisme pour conditionner ses sujets : il les plongeait en transes hystérique, puis dans un coma artificiel. Bien que la commission royale nommée en 1784 ait officiellement rejeté la théorie du magnétisme animal, ses membres ont néanmoins dû admettre que beaucoup de patients avaient pu constater une réelle amélioration de leur état.

    L'Hystérie à travers les âges

    Dès cette époque, les médecins vont s'efforcer de trouver des explications rationnelles à ces phénomènes. Il leur est difficile d'admettre que de telles crises soient bénéfiques aux malades. On commence à considérer les manifestations d'hystérie collective comme le signe de désordres nerveux ou de délire religieux - ce qui peut effectivement être le cas, les rassemblements de fidèles organisés par certaines sectes en sont un exemple caractéristique.

    La corporation médicale récuse également le fait que les individus magnétisés soient insensibles à la douleur, bien que cette immunité ait été prouvée à diverses occasions, Et pourtant, quelles immenses possibilités cette perspective n'ouvrait-elle pas dans un siècle où l'on ignorait tous des anesthésiques ! Mais les représentants de la médecine officielle affirment que les sujets testés sont des imposteurs, et qu'ils prétendent seulement ne pas sentir la douleur.

    L'Hystérie à travers les âges

    Au début du XXe siècle, on ne parle plus des aspects positifs de l'hystérie.
    Prise individuellement, on considère celle-ci comme un trouble nerveux, tandis que les manifestations collectives sont vues comme une sorte d'excitation contagieuse, telle qu'on peut en voir chez des collégiennes ou chez les adeptes de quelques sectes religieuses. Les psychiatre commencent même à émettre des doutes sérieux à propos de la réalité clinique de l'hystérie : beaucoup de comportements hystériques n'ont-ils pas, en réalité, une origine médicales bien précise ? C'est notamment le cas des troubles moteurs liés à l'épilepsie, ou de certaines psychoses schizophréniques. N'y entre-t-il pas, enfin, une bonne part de comédie ?

    Pourtant, les cas d'hystérie collective à l'intérieur des collèges allaient se multiplier et attirer l'attention de la presse. Au point qu'en 1964 on pouvait lire, dans la chronique médicale du très sérieux Times :
    " Quelquefois, un seul diagnostic d'hystérie collective semble pouvoir expliquer les faits, quelque outrageante que semble cette hypothèse en notre époque de matérialisme scientifique ".
    Il faisait probablement allusion à des incidents qui s'étaient produits dans quelques hôpitaux, et dont l'interprétation embarrassait fort les autorités médicales. Ces curieuses épidémies n'avaient pas frappé les malades, mais les infirmières, les aides-soignantes, les étudiants en médecine, les internes et même les chefs de service.

    C'est ainsi qu'en 1955, au Royal Free Hospital de Londres, près de 300 personnes avaient été victimes d'une maladie mystérieuse dont les symptômes rappelaient fort les signes classiques de l'hystérie collective : sensations émoussées, spasmes musculaires et tremblements, douleurs diffuses, gorge contractée, vertiges... Encore que le rétablissement ait été rapide dans la plupart des cas, les médecins consultés se trouvèrent assez déconcertés, étant incapables de déterminer aucune cause physiologique précise à ces manifestations pour le moins troublantes.

    Il fallut bien prononcer le mot d'hystérie...

    Les dirigeants de l'hôpital ne voulaient pas en entendre parler ! Prêts à se raccrocher à n'importe quelle explication pour éviter l'accusation infamante, ils acceptèrent avec empressement l'hypothèse avancée par un journal médical : il se serait agi d'une encéphalomyélite myalgique bénigne. Le personnel des autres hôpitaux londoniens ne fut pas dupe.
    Non sans malice, il baptisa cette curieuse affection :
    " le mal de Royal Free " . Cet épisode suscita longtemps des sourires sarcastiques, jusqu'à ce que, le temps aidant, l'incident fut oublié.

    Quelle que soit la version officielle, il est clair que ces troubles sont de même nature que ceux observés dans les écoles, les couvents ou les usines. Si les symptômes varient d'une fois à l'autre, les points communs sont toutefois évidents. Il apparaît alors dérisoire de prétendre que les troubles soient organiques, donc bien réels, dans les hôpitaux, tandis qu'on affirme qu'ils relèvent de l'hystérie quand ils se produisent au sein des écoles et des collèges.

    Les réticences des autorités médicales ne permettent certainement pas de bien évaluer l'ampleur du phénomène : dans bien des cas, l'hystérie n'est pas reconnue, mais on invoque quelque virus mystérieux, même si l'on en a isolé aucun ; il est bien évident que les administrateurs des hôpitaux, des collèges ou les directeurs d'usines préfèrent donner une explication scientifique plus rassurante pour l'opinion public que d'envisager l'hystérie. Les publications médicales spécialisées commencent cependant à admettre que ce phénomène est plus répandu qu'on pourrait le penser.

    Si l'hystérie reste encore, à notre époque, une affection aussi mal connue, c'est que, bien souvent, on n'invoque cette hypothèse qu'après avoir éliminé toutes les autres. Lorsque tous les tests bactériologiques ou autres, se sont révélés négatifs, alors seulement on suggère que ce peut être là une manifestation d'hystérie collective, avec un haussement d'épaule apitoyé, comme si l'on voulait dire ainsi qu'il n'est vraiment pas nécessaire de chercher plus longtemps !

    Il est pourtant indispensable de poursuivre les recherches. Les références historiques en notre possession nous indiquent en effet deux voies à explorer qui devraient se révéler particulièrement intéressantes.
    L'une est le fait que les hystériques ne ressentent apparemment aucune douleur. On peut facilement imaginer quel parti on pourrait tirer de cette caractéristique. L'autre domaine d'investigation concerne la manière dont l'hystérie se propage à l'intérieur d'un groupe. Dans l'état actuel de nos connaissances, tout ce que l'on peut dire est qu'il semble s'agir d'une sorte de contagion psychique, conception, il est vrai, rejetée par la science matérialiste.

    Mais la science matérialiste a déjà montré ses lacunes à de nombreuses reprises. Quels que soient les résultats de ces recherches, celle-ci ne pourrait qu'enrichir nos connaissances, non seulement à propos de l'hystérie, mais également pour tout ce qui a trait aux épidémies, qu'elles soient de nature physiologique ou affective.

     


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