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L'arbre à clous*
En 1922, la tempête abattit un arbre à Gilly, au Pays Noir.
L'évènement serait sans doute passé inaperçu s'il ne s'était agi du plus célèbre arbre à clous de Belgique, dont le tronc fut ensuite transféré au musée de la Vie Wallonne, à Liège. Le Tilleul de gilly tendait ses branches noueuses en direction de l'entrée de l'ancien monastère de Soleilmont et, de mémoire d'homme, on ne lui connaissait pas de prédécesseur. Les croyants du passé l'avaient voué à saint Cloud et, comme par osmose, les bonnes soeurs du couvent voisin en étaient venues à confectionner et à vendre une pommade réputée souveraine contre la furonculose.La tradition de ces arbres thaumaturges remonte à la nuit des temps et, de nos jours encore, certaines populations primitives du globe leur vouent un culte.
Au début du siècle, il existait bon nombre d'arbres à clous disséminés aux quatre coins du pays. Un morceau de tissus ou plus fréquemment le clou qui avait été frotté sur la partie atteinte était fixé à l'arbre par le malade, lequel transférait ainsi ses souffrances au bois sain.
Vos qui êtes migraineux, ulcéreux ou hépatique, empruntez donc la route qui mène de Mons à Ath et faites une halte à Erbaut.
A la sortie du village, en direction de Herchies, s'ouvre la rue des Chats.
Parcourez -là sur 300 mètres environ et tournez à droite dans le sens étroite qui débouche dans un bouquet d'arbres.L'endroit est tout de calme et de sérénité ; il appartient à la brise, aux odeurs de foin et aux oiseaux. Arbres parmi les arbres, se dresse le chêne à clous de Jurbise. Si vous découvrez quelques centimètres d'écorce vierge, fichez-y le clou de vos douleurs ou le pansement de vos peines et patiemment attendez la rémission. Rien ne coûte d'essayer : la Nature à quelquefois de ces mystères ! ... Arbre païen aux origines ( un menhir se dressait là jadis) qui fut ensuite sanctifié par le voisinage d'une chapelle, le chêne de Jurbise appartient à un très ancien passé.
La ferveur populaire n'a jamais boudé ses frondaisons ombreuses, et la croyance en son efficacité thérapeutique a traversé les siècles.La Belgique d'aujourd'hui compte encore quelques arbres guérisseurs, mais leur nombre ne cesse de décroître car on ne remplace plus par de jeunes baliveaux les vieux géants abattus. La commune de Gistel, près d'Ostende, s’enorgueillit du sien et, à Hasnon, à deux pas de la frontière belge, en France, des papillotes multicolores signalent au passant deux arbustes supposés miraculeux. A Han-sur-Lesse, juste à côté de l'église, un panneau vente les vertus curatives d'un arbre, mais les clous s'y font rares. Sans doute celui-là ne jouit-il pas de la réputation flatteuse des arbres de Thimister, censés guérir les maux de gorge.
Pour les gens d'autrefois, les plantes parasites comme le lierre et le gui conjuguaient leurs propriétés bienfaisantes à celles de l'arbre qu'elles étouffaient. Ainsi de la terre, réservoir de minéraux, à la cime de l'arbre s'élaborait une pharmacopée naturelle dont l'homéopathie et la phytothérapie se sont amplement inspirées.
Dans une admirable nouvelle intitulée " La mémoire du bois ", Claude Seignolle suggère que les peurs et les passions humaines viennent imprégner la matière ligneuse, l'impressionner comme une plaque photographique. Imagination d'écrivain ou, qui sait, portrait d'un arbre aux qualités particulière ?
Même dans la vitrine d'un musée, le tilleul de Soleilmont reste impressionnant. Il mesurait 3,50 m de circonférence à 1,50 m du sol.
Il y avait des clous plantés jusqu'à plus de 2 m de hauteur.
Leur nombre a été estimé à 70 000 .
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