• Jeanne d'Arc - 3. Une machination politique*

     

    Jeanne d'Arc - Une machination politique

     

    Les voix entendues par Jeanne d'Arc et qui lui confièrent sa mission constituent le cœur de l'énigme johannique. Un fait est certain : ce fut pour obéir à des voix qu'elle quitta Domrémy et qu'elle accomplit sa mission.

    Si les historiens les plus opposés s'accordent, à quelques divergences près, sur ses objectifs, ils s'affrontent dès que l'on s'interroge sur la nature de ces voix. On peut distinguer trois types de réponses entre lesquelles se répartissent les historiens.

    Jeanne d'Arc - 3. Une machination politique

    La première réponse repose sur la Providence et l'intervention miraculeuse. Dieu a choisi une petite bergère pieuse et illettrée pour en faire l'instrument de ses desseins. Cette version n'est celle de l'Eglise que depuis la fin du XIXè siècle. Elle est inacceptable pour un agnostique, et l'on peut se demander combien de chrétiens y souscrivent.

    Une seconde version exclut l’intervention divine, mais considère les prédispositions au mysticisme de la " petite paysanne ".
    La reconnaissance des phénomènes parapsychologiques et extatiques en fait une version traditionnellement admise, réconciliant libres penseurs et chrétiens, mais elle soulève une objection de taille formulée par Gabriel Hanotaux dans sa Sainte Jeanne d'Arc : " Qui a donné à cette jeune fille cette intelligence et ce discernement ? Qui l'a mise en état de saisir, même pour obéir ? ".

    Il est bien évident que des visions, des hallucinations, des extases n'auraient pu inculquer à une bergère des connaissances que ne possédaient pas les paysans de son entourage, qu'il s'agisse de connaissances militaires ou à fortiori de secrets d'Etat, comme cette allusion, lors du procès, au traité de Perth et aux fiançailles secrètes du futur Louis XI, alors âgé de cinq ans, avec Marguerite d'Ecosse.

    Jeanne d'Arc - 3. Une machination politique

    La troisième réponse a le mérite de la simplicité et de l'évidence, même si elle pose des problèmes historiques complexes et obscurs : il s'agit de voix humaines. Elle n'implique pas forcément l'origine royale de la Pucelle, mais, pour la plupart des auteurs qui la défendent, elle ne peut qu'en être le corollaire.

    C'est naturellement cette version qui retient l'attention, quoiqu'il faille être assez circonspect sur l'identité des véritables maîtres de Jeanne, et sur leurs objectifs, qui pouvaient fort bien dépasser la mission impartie à leur " ambassadrice " , cette mission étant à court terme et pouvant s'intégrer dans un ensemble plus vaste, sans réels effets immédiats.

    Cette version considère que Jeanne a été confiée à Jacques Darc et à Isabelle de Vouthon en raison des liens nombreux existant entre cette famille et la cour de France, plusieurs de ses membres exerçant de très hautes fonctions dans l'administration du royaume. A ce moment, la petite princesse d'Orléans semblait être destinée à entrer au cloître, mais la conjoncture politique allait bouleverser une vie toute tracée, et faire d'elle un " étendard vivant ".

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    Les partisans de cette thèse s'accordèrent à considérer Yolande d'Anjou, épouse de Charles VII, comme l'instigatrice d'une décision qui allait, comme l'écrit Jean Bancal, " se révéler comme une des plus lourdes de conséquences qui n'eussent jamais été prises, non seulement pour l'histoire de France, mais sans doute même pour celle de toute l'Europe occidentale ". Sous sa direction, Jeanne allait surgir de sa campagne reculée, travestie en bergère inspirée par Dieu, et susciter l'enthousiasme populaire en jouant du merveilleux créé autour de sa personne selon un plan préparé depuis 1423.

    Pour jouer sur la sensibilité du peuple, il fallait que Jeanne fût présentée comme la plus humble des pastourelles. Il convenait aussi de dissimuler aux foules son origine royale pour accréditer l'image miraculeuse de la bergère devenue guerrière et pour éviter, également, que sa propre bâtardise ne rejaillisse sur la légitimité, déjà bien contestée, du roi.

    Jeanne d'Arc - 3. Une machination politique

    Nous avons vu précédemment l'utilisation des prophéties pour la préparation de cette opération. Il faut préciser que cette campagne psychologique, créant un climat propice à l'intervention de Jeanne, n'a été possible que par l'active intervention du tiers ordre franciscain, et principalement par celle de cent mille clarisses que dirigeait sainte Colette de Corbie. A côté de sainte Colette, Jehan Charlier dit Gerson et les autres chefs franciscains et autres récollets.

    Bossuet ne manque pas de confirmer cette intervention religieuse :
    " Dans l'affaire de la Pucelle, il y a la fraternité franciscaine, qui la prépara, la solidarité de la cause catholique et de la cause française, qui détermina l'entreprise, et la puissance internationale des fils de saint François, nombreux dans l'armée des Lancastre, qui la fit réussir. "

    Jeanne fut formée à sa mission par sainte Colette et par celles que l'on désigne habituellement par l'expression " les dames de Bourlemont ", qui n'étaient autres que deux châtelaines du voisinage dont le rôle fut de lui apprendre les usages et le protocole de la cour. Sur le plan militaire, tout porte à penser que ce fut Bertrand de Poulengy qui entretenait des relations extrêmement cordiales avec René d'Anjou, qui s'en chargea.

    Jeanne d'Arc - 3. Une machination politique

    Un événement apparemment anodin va nous permettre d'identifier d'autres " collaborateurs " occultes de la Pucelle. Au moment où commence la mission dont Jeanne est mandataire, Isabelle de Vouthon et Colette de Corbie sont en chapitre secret au Puy, cet antique sanctuaire celtique, où l'on peut encore voir de nos jours, au n° 16 de la rue Chamarlenc, la maison des Cornards, ainsi nommé parce que la façade est décorée de deux mascarons, surmontés d'une double inscription :
     Voies le cornar rian et Ah ! que les cornes vont bien sur un front comme le mien ! Ces deux faces grimaçantes, agrémentées de Cornes, ont perpétué jusqu'à nos jours le souvenir d'une fort ancienne confrérie, celle des Cornars de Saint-Marcel de Langre, qui avait des ramifications dans toute la France et dont les membres, comme ceux des autres confréries, se recrutaient parmi les couches populaires.

    Et c'est ce peuple qui va fournir à la Pucelle ses meilleurs partisans en la soutenant par les milices populaires, tout comme l'appui, de son argent, la bourgeoisie des communs.

    Que représentait donc cette étrange confrérie des Cornars ?

      


  • Commentaires

    1
    Jeudi 18 Septembre 2014 à 20:28

     Bravo pour vos éclaircissements sur les véritables acteurs de la saga johannique...


    Pouvez-vous nous contacter par mail, merci.

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