Le Bestiaire de Guillaume le Clerc de Normandie, qui remonte à 1210, montre le dragon combattant l'éléphant - le symbole d'Adam - en le frappant de sa queue et en s'enroulant autour de ses pattes ....
La lutte entre l'éléphant et le dragon est attestée chez le romain Pline l'Ancien, qui écrit :
" Aux Indes vivent les plus gros éléphants, et aussi les dragons, qui sont leurs ennemis et qui les attaquent sans cesse. Les plus grands d'entre-eux s'enroulent autour des éléphants en formant un nœud."
Pour le naturaliste antique, les dragons étaient des animaux réels, qui avaient leur place dans toute bonne classification zoologique.
En 1658, Edward Topsell écrit une "Histoire des serpents", qui contient des descriptions précises et détaillées de différentes sorte de dragons souvent accompagnées de gravures réalistes.
Le " serpent-dragon " vient ainsi s'ébattre près de son proche parent, le serpent. Le " dragon-reptile " voisine de même avec le caméléon Les "dragons de l'Inde", décidément à l'honneur, retrouvent leurs cousins d'Ethiopie et de Phrygie :
" Ils ont, affirme l'auteur, d'énormes bouches qui leur permettent d'avaler tout entières de nombreuses créatures, homme ou animaux. "
L'auteur est enfin remarquablement précis pour signaler les propriétés médicinales du corps du dragon : leur graisse est ainsi destinée à soigner les ulcères. Leur tête sert à prévenir le strabisme, et leur langue, conservée dans du vin, protège des " incubes ", succubes et autre démons cauchemardesques.
Pour les anciens cartographes, le dragon était un animal familier :
" Cette contrée est déserte et toute pleine de dragons et de serpents géants ", écrivaient-ils quand ils avaient à dessiner une contrée inexplorée. Pour eux, les dragons étaient des symboles de l'inconnu et ils en parsemaient leurs cartes exotiques en les plaçant parmi des girafes et des éléphants.
Cette présence sur les cartes anciennes, d'animaux mythiques mêlés à des animaux réels est probablement due à une interprétation hâtive et erronée des récits des grands voyageurs. On a ainsi vu que l'alligator de Chine décrit par Marco Polo s'est mué en un genre de dragon sous le crayon et le pinceau d'un dessinateur d'époque.
Le corps gigantesque de quelques grands serpents, comme le python ou le boa constrictor, a également pu frapper les imaginations. Bien que ces serpents soient dépourvus des attributs classiques des dragons, il est fréquent qu'ils soient ainsi baptisés par ceux qui subissent leur présence.
Ainsi en 1878, en Inde, après une chasse au python mangeur d'hommes, les habitants d'un petit village ne parlait plus que du dragon.
Le varan de Komodo est, lui aussi, souvent appelé " dragon de Komodo", sans doute à cause de sa taille impressionnante, qui peut dépasser les 3 m de son long corps couvert d'écailles, de ses courtes pattes et de sa tête véritablement hideuse. Par contre il ne vole pas et il est en voie de disparition dans son habitat des îles indonésiennes.
Même si serpents, crocodiles et grands lézards possèdent quelques traits qui pourraient être ceux des dragons de nos légendes, on ne peut raisonnablement les assimiler à ces créatures fabuleuses, ni même considérer qu'ils sont à l'origine de ces légendes.
Si les dragons n'ont aucune réalité animale, ne peut-on considérer, dans ce cas, qu'ils ne sont que des symboles d'éléments cosmique ? C'est le sens que leur donnent les chinois, qui considèrent les dragons comme entités bénéfiques.
Surprenant retournement de situation qui nous ouvre un monde d'étranges interprétations...
Extrait de " Inexpliqué " 1981