• Honoré de Balzac et le fantastique

    Honoré de Balzac

    Honoré de Balzac, qui a écrit des dizaines d'ouvrages, n'est finalement l'homme que d'un seul livre. Son ambition littéraire était folle. Elle a fini par dévorer sa vie. Il nous reste aujourd'hui sa Comédie humaine, livre unique et monumental en plusieurs tableaux, qui est comme un gigantesque palais dont certaines pièces seraient entièrement décorées, d'autres à peine repeintes et quelques-unes encore sur plans. 

    Dans ce palais de mots et d'images, quelques jardins pleins de mystères communiquent avec des souterrains aux secrets inquiétants. Des passages dérobés relient les salles d'apparat, tandis que, derrière la maçonnerie apparente, d'obscurs escaliers tissent le réseau frissonnant d'une architecture parallèle.

    Véritable miroir du monde, La Comédie humaine reflète aussi bien les lumières de la raison que les ténèbres du fantastique, ces deux faces de notre éternel quotidien. Et Balzac, qui est un des plus grand écrivains français, est, par le même jeu de miroir, une de nos plus grandes plumes fantastiques.

    Balzac est né en 1799. Le siècle des Lumières s'achève : il aura vu l'intelligence française se libérer des superstitions religieuses. Il aura également vu un prodigieux réveil des courants ésotériques : de la franc-maçonnerie aux baquets de Mesmer, de Cagliostro à Saint-Martin, le "philosophe inconnu", et à Swedenborg, l'occulte aura été la grande passion de l'Ancien Régime. Comme la plupart des grands écrivains du XIXe siècle, Balzac se montrera toujours fasciné par les forces cachées qui sont la vraie énergie. 

    Les détails de sa vie sont connus. Ceux de son oeuvre également : en moins de cinquante ans de vie, ce fou d'écriture fera vivre plus de 2 000 personnages, qui se retrouveront dans l'un ou l'autre des 90 romans de la Comédie humaine... Arrêtons-nous plutôt aux œuvres qui donnent leur véritables sens à cette colossale fresque : comme par hasard, ce sont les œuvres fantastiques...

    Honoré de Balzac

    C'est par le roman noir que Balzac fait ses premières armes littéraire en 1822. La mode est alors aux fantômes et au surnaturel : l'apprenti romancier s'y complaît avec frénésie, usant des pseudonymes les plus divers. Plusieurs de ses romans ultérieurs, intégrés à la Comédie humaine, garderont l'empreinte de cette vague "noire" : son Melmoth réconcilié est démarqué du Melmoth de Maturin, tandis que son Vicaire des Ardennes rappelle le Moine de C.S. Lewis et que sa Dernière Fée imite adroitement les romans d'Anne Radcliffe.

    Le "vrai " Balzac accède à la gloire autour de 1830. Cette année-là, il écrit La Peau de chagrin et songe à ses futurs chefs-d’œuvres, à la dominante fantastique : Louis Lambert  - La Recherche de l'absolu - Séraphita ou Melmoth réconcilié. Au cours des deux décennies suivantes, Balzac n'écrira plus que des romans "sociologiques".

    L'argument de La Peau de chagrin est classique : un antiquaire vend à un jeune homme désespéré une peau de chagrin qui exauce tous ses désirs, mais en rétrécissant à chaque expression d'un souhait. Un instant grisé, le jeune homme se voit vite condamné à une vie végétative, avant de mourir tout aussi désespéré. Nul n'échappe à son destin, qu'il soit lié aux forces de la lumière ou à celle de l'ombre.

    Honoré de Balzac

    Dans Louis Lambert, Balzac se penche sur un autre destin, celui d'un homme aveuglé par une trop brutale illumination, celle que procure l'intelligence de l'Univers. L'écrivain profitera de la fiction pour exposer ses idées sur les phénomènes paranormaux. 

    Si Séraphita reprend le vieux thème de l'androgyne, avec un rare bonheur d'écriture, La Recherche de l'absolu revient sur celui d'un destin incendié par la quête de la lumière. Balthazar Claës y liquide l'immense fortune léguée par ses ancêtres en s'épuisant à trouver l'absolu, le principe d'unité de la matière. On ne badine pas avec les secrets de l'Univers.   

    Parmi les autres chefs-d'oeuvre fantastiques de Balzac, il faut également mentionné Élixir de longue vie, influencé par Hoffman, Le Chef-d'oeuvre inconnu, une étrange méditation sur l'art (deux artistes s'interrogent sur une toile qui ne représente... rien, l'auteur du tableau ayant poussé trop loin la soif de l'absolue beauté), La Comédie du diable, Les Deux Rêves, dans lequel le fantôme de Catherine de Médicis vient "conseiller" Robespierre, où Falthurne, un roman demeuré inachevé et publié après la mort de l'écrivain.

    Honoré de Balzac

    La plupart de ces romans et de ces contes ont été classés par Balzac lui-même dans les Etudes philosophiques, où il regroupait tous ses textes touchants de près ou de loin aux phénomènes étranges, susceptibles de "conduire le lecteur à une quelconque rêverie philosophique"

    Il ne faut pas en effet, se méprendre sur le Balzac fantastique : il s'agissait avant tout de donner  à penser et à réfléchir, non de jouer avec les nerfs du lecteur. Le fantastique balzacien est avant tout une mise en question de l'Univers par l'homme. C'est la peur de cet homme face à l'insondable, à l'inexplicable et à l'infini.

    L'absolu existe-il ? Balzac ne nous a montré que des êtres détruits dans sa recherche. Il ne nous a pas découragés. C'est sans doute pourquoi, contrairement aux autres romans "noirs" de son temps, aujourd’hui bien démodés, ses œuvres demeurent aussi fortes. Et aussi présentes.   

     


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