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    Les anciens Celtes de l'Antiquité partageaient l'année en période sombre de début de novembre à la fin d'avril, puis en période claire, de mai à octobre. A la limite entre ces deux périodes, les disparus pouvaient se manifester. C'est le sens de la fête d'origine celtique devenue Halloween, où les morts partent à la rencontre des vivants. C'est pourquoi, beaucoup plus tard, le catholicisme a conservé le 2 novembre comme " jour des trépassés ", où les morts doivent être honorés par des cultes et des offrandes afin de les apaiser.

    Nous voilà entré dans un mystère : peut-il arriver que dans des lieux pourtant consacrés par l'Eglise, des ministres du culte et représentant de la religion officielle deviennent des esprits nocturnes errants, des spectres , des fantômes, et se permettent d'intervenir parmi les vivants ? 

    Des exemple en France de prêtre revenants ne manque pas :

    En Haute-Bretagne, à Saint-Cast, un ancien vicaire décédé se promenait la nuit en chantant. Un ouvrier de Lamballe s'endort dans l'église, après y avoir été faire sa prière du soir. Au milieu de la nuit, il est réveillé par un spectre d'un prêtre en habits sacerdotaux qui s'avance livide, les joue décharnées, le regard éteint. 

    En Normandie, dans la Manche, Hyppolyte Sauvage raconte ainsi La Messe d'une heure : " La pieuse cérémonie s'accomplit encore au milieu d'un calme absolu. Comme la veille, rien ne vient la troubler ; personne n'entre dans l'édifice silencieux. Mais à l'instant où s'achève pour la troisième fois le dernier évangile, les ornements sacerdotaux qui couvraient les épaules du prêtre tombent à ses pieds ; à la place qu'il occupait, une forme incertaine apparaît vaporeuse, puis elle se dissipe au-dessus de l'autel en montant vers les cieux, comme voilée, aux spirales bleuâtres de l'encens. "

    En Corse, Julie Filipi évoque la légende du prêtre qui revient dire la messe à minuit : " On raconte qu'une nuit, entre minuit et une heure du matin, une vieille femme entendit sonner la première messe, qui d'habitude sonne à cinq heures. Elle se leva et alla à l'église ; la porte était ouverte, elle entra et s'agenouilla ; quelques minutes après, de la sacristie sortit un curé, prêt à dire la messe ; il demanda s'il n'y avait personne pour servir la messe ; la bonne femme était seule dans l'église, le curé rentra dans a sacristie, sans officier. La nuit suivante, la même scène se représenta, et la vieille, qui était accourue, s'en retourna comme la veille sans entendre la messe. La troisième nuit, cette brave femme réveilla son petit-fils, garçon de 13 à 14 ans, et le mena avec elle à l'église. Quand le curé demanda si quelqu'un pouvait servir la messe, le petit garçon monta à l'autel, et servit le curé, qui se retira lorsque l'office fut terminé. La grand-maman avec son petit-fils s'en allèrent, mais l'enfant, tout bouleversé dit : " Grand-maman, on dirait que le curé est un mort, il n'a pas d'yeux, ni de nez, il n'a que des trous à la place ".   

    A Aurillac, dans le Cantal, des prêtres dansent dans le cimetière et " nombre d'habitants avaient vu, la nuit, des prêtres au crâne blanchi, les orbites creuses, en chape noire, chantant des mots étranges... "  

    La plus célèbre abbaye hantée reste certainement celle de Mortemer, dans l'Eure : " Mathilde fut emmurée par son père qui lui reprochait sa conduite lgère. Elle errerait dans les ruines de l'abbaye surtout les nuits de pleine lune. De même, Pierre de Castel y rencontra une ravissante demoiselle blonde légère et transparente avec laquelle il dansa avant de comprendre qu'il s'agissait du fantôme d'une jeune fille morte quarante ans plus tôt. Les fantômes de quatre moines assassinés pendant la révolution hantent les lieux , faisant interminablement le trajet du cellier au pigeonnier. Plusieurs personnes affirment les avoir rencontrés à diverses époques. L'abbaye fut exorcisée en 1921, mais personne encore aujourd'hui ne passerait une nuit à l'abbaye de Mortemer, habitée par tant de revenants... On dit aussi qu'un chat-gobelin y garde encore un trésor.

    Le prêtre est un intermédiaire entre le monde divin et le mode terrestre. Les religieux représentèrent longtemps l'autorité morale indiscutable, et les paysans d'autrefois constataient que les curés et les moines ne vivaient pas comme des gens ordinaires, qu'ils ne travaillaient pas aux champs ni dans l'artisanat, n'avaient pas de famille, ne s'habillaient pas comme eux, bref qu'ils n'étaient pas des hommes ordinaires. De plus, les prêtres avaient des livres, détenaient le savoir quasi "magique". Ils menaçaient les ouailles de l'enfer ou du purgatoire si ceux-ci ne se conduisaient pas en bons chrétiens, s'ils ne respectaient pas les commandements. Ils se devaient d'être exemplaires, exempts de tout péché. Par conséquent, les religieux étaient plus menacés que tout autre d'une sanction divine en cas de péché.

    Dans les exemples précités, les prêtres, les prêtres maudits ne parviennent pas à trouver le repos après la mort parce qu'ils ont commis une faute morale. Parfois, ils se sont livrés à la débauche. D'autre fois, ils ont laissé mourir quelqu'un sans les derniers sacrements, par paresse de se déplacer. Ils n'ont pas fait dire la messe qui avait été payée, ou bien ont abrégé l'office. Le péché d'orgueil entraîne aussi la condamnation, comme chacun des sept péchés capitaux. Autre possibilité, ces religieux ont été tués dans des circonstances tragiques, donc sont morts sans confession ni onction. Il leur devient alors impossible d'aller au bout de leur voyage dans l'autre monde.

    L'étude des mythes est une science sociale qui démontre cette seule certitude : des gens ont cru depuis les temps les plus reculés, ou croient encore en ce XXIè siècle, aux manifestations surnaturelles que nous appelons spectres, fantômes, apparitions ou revenants. Ils ont transmis des récits, véhiculé des traditions. En ce sens de mythes, les prêtres-fantômes existeront certainement aussi longtemps que les croyances. 

           

     

     


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  • Les romans de chevalerie lui ayant tourné la tête, Alonso Quixano, gentilhomme de la Manche, eut la fantaisie de s'armer chevalier. Ainsi naquit don Quichotte qui, avec sa maigre jument baptisée Rossinante, part à la conquête du monde pour la dame de ses pensées, Dulcinée. Mais, plus ingénieux que valeureux combattant, il reçoit d'emblée quelques mauvais coups qui l'e,voie au lit. Son entourage se demande comment faire passer ces extravagances.

    Don Quichotte, à peine rétabli, entraîne son voisin Sancho Pança à la poursuite de ses chimères. Le brave Sancho, qui personnifie le bon sens, s'étonne parfois de voir le chevalier charger quelques moulins à vent pris pour des géants, mais il le suit, rêvant de posséder l'île que don Quichotte lui a promise comme salaire....

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    La silhouette longue et maigre du vieil homme, fièrement campé sur sa jument décharnée, accompagné d'un paysan courtaud monté sur un âne, est devenue familière. Car ce n'est pas la moindre qualité de don Quichotte que d'éveiller chez autrui la compassion et bientôt le respect. Chevalier revêtu d'une misérable armure, perdu dans son époque où la chevalerie n'a plus cours, don Quichotte conquiert toujours son entourage, et sa folie paraît parfois préférable à la platitude commune.

    Il y a donc, dans le Don Quichotte, comme une philosophie du cœur humain qui fait de ce roman le patrimoine de tous les peuples civilisés. Mais c'est aussi une oeuvre nationale, qui marque dans la littérature espagnole, une date importante, un pamphlet de haute critique, écrit à l'heure où l'Espagne, tardivement sortie du Moyen Age, se livrait enfin à la Renaissance.   

    Jorge Luis Borges nous dit : " Pour se moquer doucement de lui même, il inventa un homme crédule, troublé par la lecture de merveilles, à qui passe par la tête de chercher des prouesses et des enchantements dans des lieu prosaïques qui s'appellent Et Toboso ou Montiel. Vaincu par la réalité, par l'Espagne, don Quichotte mourut dans son village natal aux environs de 1614. Miguel de Cervantès lui survécut peu de temps.
    Pour l'un et pour l'autre, pour le rêveur et pour le rêve, cette trame entière consista dans l'opposition de deux mondes : le monde irréel des romans de chevalerie, le monde quotidien et banal du XVIIè siècle "    

     


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  • L'action se passe dans une ville californienne Lambda, Mill Valley. Miles Bennell, le narrateur, est un jeune médecin. Un jour, une de ses patientes, Wilma, vient lui parler d'un fait étrange lui arrivant : elle a le sentiment profond que son oncle, mais quelqu'un d'autre l'ayant remplacé insidieusement. Il est pareil que son oncle, mais selon elle, ce n'est plus lui ! Très vite, d'autres témoignages de personnes inquiètes affluent, et Miles va peu à peu se rendre compte qu'il s'agit apparemment d'extra-terrestres prenant l'apparence d'êtres humains, les remplaçant afin de prendre peu à peu le contrôle sur la Terre...

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    Paru en 1955, ce roman raconte une invasion originale avec des entités bien différente de ce qu'on voyait à l’époque. Il aborde son invasion extra-terrestre via la question de l'identité. Qu'est-ce qui définit un être humain ? En quoi ces copies sont-elles différentes de nous puisqu'elles nous ressemblent traits pour traits et possèdent nos souvenirs ? Ici l'émotion et la capacité créatrice de l'homme qui font la différence. On retrouve là un thème de prédilection de la science-fiction plus souvent abordée à travers les robots et l'intelligence artificielle que ce soit chez Asimov ou Philip K Dick avec Blade Runner.

    L'écriture est simple et efficace. Le ton est plutôt axé sur la paranoïa comme celle d'un enfant qui raconte que ses parents ne sont pas des vrais parents. Jack Finney fait intervenir un psychanalyste qui rappelle un cas étonnant d'hystérie collective qui avait effrayé la chronique en 1944. La seule issue dont dispose le héros du roman pour échapper aux pièges tendus par son inconscient, c'est de trouver des preuves tangibles de la réalités objective de l'invasion extraterrestre. Le combat contre l'invasion passe dès lors par une lutte acharnée contre soi et contre ses propres doutes, ses convictions et ses préjugés.

    Un récit originale rudement bien mené mais qui fait froid dans le dos... imaginez si vos proches n'étaient pas vos proches...    


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  • De retour d'un voyage d'affaires extraplanétaire, Simon Kress découvre avec amusement que ses piranhas se sont entre-dévorés et que des deux créatures exotiques qui vivaient sur sa propriété, seule une subsiste. En quête de nouveau familiers pour alimenter ses jeux cruels, Simon va mettre la main sur une colonie de rois des sables, d'étranges insectes intelligents capables de bien des surprises...  

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    Six nouvelles qui nous rappelle que l'auteur du Trône de fer est aussi à l'aise avec les textes court de la science-fiction qu'avec l'immense saga de fantasy.

    " Par la croix et le dragon ", qui ouvre le recueil, en est tout simplement le chef d'oeuvre. Martin n'écrit que rarement des textes à forte problématique. Ici, Martin s'intéresse à la " raison " de la religion. Un inquisiteur se voit confronté à un hérétique qui a inventé une nouvelle religion réhabilitant Judas, mêlant allègrement des dragons aux Écritures. Les menteurs créent des religions et des croyances car elles sont un rempart contre le nihilisme vérité, les mensonges de la foi sont un précieux réconfort...

    "La dame des étoiles", récit de la descente aux enfers d'une femme contrainte à la prostitution dans un étrange astroport est également une belle réussite, ainsi que "La cité de pierre", relatant la vaine quête d'un équipage livré à lui-même sur une planète abandonnée. La nouvelle qui donne son nom au recueil est une des plus réussie.

    Ces nouvelles sont toutes des années 70, et ont une remarquable homogénéité de thèmes : les souterrains qu'on explore, les constructions mystérieuses, les manipulations génétiques et les mutations, les fêtes décadentes, les religions stupides et délirantes, la monstruosité cachée sous des airs avenants...

    Plusieurs de ces textes sont de vrais petits bijoux, ils sont à découvrir sans hésitation !   

     


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  • Calcutta, 1916. Un soldat anglais fuit dans les ombres nocturnes de la Cité des palais. Au creux de ses bras, il abrite des jumeaux de quelques jours qu'il vient d'arracher à un mystérieux criminel.Dès leur naissance, les jumeaux Ben et Sheere sont séparés par un terrible drame. Sherre est confiée à sa grand-mère tandis que Ben est mis à l'abri dans un orphelinat.Le jour de leur seize ans, Sheere et Ben sont réunis. Une ombre maléfique se déchaîne alors. Quelle est cette force qui s'attache aux jumeaux ? Quel secret cache cette haine féroce ? C'est au cour de l'ancienne gare de Calcutta qu'ils doivent découvrir la vérité. Dans ce lieu maudit, ravagé le jour même de son inauguration par un incendie qui a fait plus de cent morts, Ben et Sheere vont affronter les vérités de leur passé. 

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    Une histoire de fraternité de gamins qui ont grandi ensemble dans un orphelinat qui combattent une sombre créature surgie du passé de l'un d'entre eux. Une histoire d'épouvante dont le fantastique et la montée de l'angoisse bien distillée est par moment flippante et qui alterne avec des moments de franche camaraderie. Un livre fantastique, onirique, poétique et mélancolique qui ne laissera personne de marbre.

    La quête de vérité sera pleine d'embûches, de courses poursuites, de souffrance et de déceptions. Carlos Ruiz Zafon nous emmène au plus profond de l'étrange où le diable ou même les démons peuvent revêtir plusieurs facette et ira même jusqu'à pousser jusqu'au bout de l'angoisse nos jeunes héros pour sauver leur vie et celle de leurs amis !

    Nous retrouvons avec plaisir cette touche surnaturelle, le bien contre le mal, les maléfices et les serments secrets propres à toutes les histoires de Ruiz Zafôn.

     Les héros sont plein d'énergie, ont un sens profond de l'amitié et certains tombent amoureux pour la première fois. Devant le danger qui les menaces, ils font face avec courage. L'empathie fonctionne à merveille du côté du lecteur, et Zafon nous renvoie, avec malice, à nos rêves de gosses quand nous voulions partir à l’aventure. Mais c'est sans oublier que Zafon est un écrivain de tradition gothique et qu'il va nous happer dans un déluge d'aventures et de romantisme, auquel on ne peut résister. 


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