• Planète interdite (1956) - Fred M. Wilcox

    Planète interdite

    Au XXIIe siècle, le vaisseau spatial C 57 D se pose sur la lointaine planète Altair 4. Une expédition dirigée par le commandant Adams vient enquêter sur la disparition, vingt années plus tôt, du navire spatial Bellérophon et de son équipage. Les explorateurs sont accueillis par Robby, un robot ultra perfectionné qui les conduit jusqu’à la formidable demeure de l’énigmatique Docteur Morbius. Celui-ci, avec sa fille Altaira est le seul survivant de l’expédition précédente qui a été décimée par une force inconnue...
    Le Docteur Morbius explique qu’il a découvert qu’il y a plusieurs milliers d’années, la planète était habitée par des êtres à l’intelligence exceptionnelle, les Krells, qui ont mystérieusement disparu, laissant derrière eux des traces de leur civilisation : un cube gigantesque de plusieurs kilomètres de côté capable de fournir une énergie incommensurable.

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    Très lointainement inspiré de la Tempête de Shakespeare - où un vaisseau fait naufrage sur une île habitée par le monstre Prospero - Planète interdite brasse et articule avec intelligence différents sous-thèmes du space opera : exploration galactique, civilisation disparue, monstre invulnérable tandis que le film s'appuie sur une philosophie humaniste sans oublier d'aborder le thème de l’innocence et du Paradis perdu, en la personne d'Alta, la fille de Morbius qui, dès lors qu'elle embrasse le capitaine Adams, voit se retourner contre elle son tigre familier. 

    Œuvre ambitieuse, " Planète interdite " fut le premier film de science-fiction tourné en couleurs et en Cinémascope, et le premier film tous genres confondus  à proposer une musique entièrement synthétique. Il contribuera largement à donner ses lettres de noblesse au genre et marquera à jamais son évolution.

    Planète interdite (1956) - Fred M. Wilcox

     Film à gros budget donc, Planète interdite propose ainsi à ses contemporains des images jamais vues, avec des effets spéciaux inégalés jusqu’alors. Réglés par Arnold Gillespie, ils ont bénéficié du concours technique des studios Disney. 
    On tient là une réussite artistique à tous points de vue.

    N'oublions pas les superbes matte paintings et les décors grandioses (le film fut intégralement tourné en studio), comme cette plaine de sable rose sous un ciel émeraude habité par deux lunes ou les images de la cité enterrée des Krells, où les astronautes paraissent plus minuscules que des fourmis, ni faire oublier d'intenses moments d'angoisse quand les empreintes du monstre invisible, perceptible par sa seule et lourde respiration, s'impriment sur le site d'atterrissage. Ils font aujourd’hui encore grandement le charme de Planète interdite.

     La musique synthétique à l’ambiance si particulière qui fut supervisée par John Cage (le pape de la musique expérimentale) reste toujours aussi inquiétante et singulière. Jamais une musique toute entière électronique n’avait accompagné de bout en bout un long-métrage. Très présente, elle contribue à l’atmosphère inquiétante que veut entretenir le film. Sans doute les scénaristes n’avaient-ils pas d’autre ambition.

    Planète interdite (1956) - Fred M. Wilcox

     La diversité des thèmes qu’il soulève le rend intensément riche. Le docteur Morbius, en enrichissant ses connaissances à travers les vestiges d’une civilisation brillante, cherche à s’affranchir de la bête qui est tapie dans l’homme, à faire prendre définitivement le dessus à l’esprit sur le corps, à abolir le subconscient. Sur cette planète vierge de toute société, il a bâti un monde idéal pour sa fille Alta. Celle ci, dans une image de paradis originel, parle une langue que comprennent les animaux. Elle perdra cette faculté en même temps qu’une partie de son innocence, Morbius le démiurge paiera quand à lui le prix de son blasphème.

    Planète interdite (1956) - Fred M. Wilcox

    Mais la vraie star du film est incontestablement Robby le robot qui a assurément influencé la création de C3PO dans Star Wars, de même que l’esthétique de la base.. Capable de synthétiser n’importe quelle matière, de l’émeraude au whisky, parlant 188 langues, dialectes et sous-langages, Robby marqua profondément les esprits. Il sera crédité en tant qu’acteur sur un autre film : The Invisible Boy (1957) et on ne compte plus aujourd’hui ses apparitions aussi bien à la télévision qu’au cinéma.

    On cultiva le secret concernant la présence ou non d’un acteur dans la carcasse métallique, et Robby fut même interviewé par France Roche lors de la sortie du film en France. Si le film reste toujours aussi magique pour le spectateur qui le découvrent aujourd’hui, ce n’est pas uniquement dû à l’avance qu’il avait sur son temps ni à son statut, à posteriori, de film matrice. Planète interdite émerveille toujours autant car il est l’incarnation même d’une certaine idée de la science-fiction, la vision idéale qu’on se fait du cinéma de SF classique : naïf et poétique, grandiose et délicieusement désuet. Pour le cinéphile qui découvre le film aujourd'hui, Planète interdite est un fantasme réalisé.

    Planète interdite (1956) - Fred M. Wilcox

     Le scénario multiplie les références aux mythes de l’Antiquité tout en se dotant d’une forte connotation psychanalytique Effectivement, le monstre qui sévit sur cette planète n’est autre que la manifestation du ça freudien élargi non pas à l’individu seul, mais à toute la civilisation. Ainsi, il s’agit bien d’un inconscient collectif au sens que lui donnait Jung qui intervient ici. Audacieux à plus d’un titre, le sous-texte invite donc les spectateurs à sonder leur part d’ombre.

    Grâce au savoir-faire du réalisateur et au talent des acteurs, Planète interdite se regarde donc toujours aujourd’hui avec un plaisir immense, d’autant que les effets spéciaux tiennent encore plutôt bien la route. Loin de l’ennui provoqué par bon nombre de films de SF de cette époque, ce petit classique mérite amplement sa renommée.

    Planète interdite (1956) - Fred M. Wilcox

    Le film est aussi l'ancêtre conceptuel de la série télévisée Star Trek. On retrouve d'ailleurs la même toile de fond : un vaisseau spatial militaire capable de se déplacer à une vitesse supérieure à celle de la lumière. Il y a la même curiosité de faire des découvertes, d'enquêter et, au besoin, de risquer sa vie. On y retrouve également la même complicité dans l'équipage — particulièrement dans la relation entre le capitaine et le médecin de bord. En fait, les deux capitaines et médecins de bord sont interchangeables, et ils auraient été à l'aise dans les deux vaisseaux.
    Une mention spéciale pour le très sérieux Leslie Nielsen.
     

    Planète interdite (1956) - Fred M. Wilcox

    Tourné en 1955 et sorti en 1956, Planète Interdite intriguait au plus haut point, et pas uniquement parce qu'il s'agit d'un pur joyau de l'époque, encore salué aujourd'hui par tous les cinéastes, jeunes ou moins.
    Ce film reste un chef-d'œuvre absolu de la naissance du genre.
    Un classique à déguster sans modération.

     


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