• L'étrange concert*

     

    L'étrange concert

     

    Nous sommes le 2 juin 1925, au jardin du Luxembourg, à Paris. C'est le matin et il fait chaud. A l'ombre d'un marronnier, un étudiant en médecine de 24 ans, Jean Romier, repasse un de ses cours, assis sur un banc.

    Il est là depuis quelques temps lorsqu'un vieillard vêtu d'une étrange redingote vient s'assoir près de lui, et presque aussitôt engage la conversation. Au bout d'un moment, ils en viennent à s'entretenir de musique. Le vieillard se révèle un passionné de Mozart :

    - Connaissez-vous les quatuors avec flûte ? demanda t-il ?
    - Non... Les place de concert coûtent cher, explique l'étudiant.
    - Ecoutez, vous m'êtes sympathique, dit le vieillard. Avec quelques amis et quelques membres de ma famille, nous avons constitué un petit orchestre de musique de chambre. Et vendredi prochain nous jouerons justement un de ces quatuors. Je vous y invite. Mon nom est Alphonse Berruyer et mon adresse rue de Vaugirard au 3è étage.

    L'étrange concert

    Le vendredi, le vieillard vient lui même ouvrir la porte à l'étudiant et lui présente toute sa famille : sa femme, son frère, sa belle-sœur ses deux petits fils André et Marcel et son neveu, qui va entrer dans les ordres...

    Tout le monde se montre souriant et chaleureux. Pourtant, l'appartement vieillot, l'éclairage au gaz, des bibelots et la façon étrangement démodée dont la famille Berruyer est habillée met l'étudiant un peu mal à m'aise.

    Les musiciens accordent leur instruments et le concert eut lieu. Tous ces amateurs jouent admirablement et Jean Romier se délecte en écoutant le fameux quatuor de Mozart. Après le concert, le jeune homme entame la conversation avec le futur séminariste et parlent avec tant de passion qu'ils ne voient pas le temps passé. Il minuit passé, il prend congé et se retire.

    Il est à peine dans la rue qu'il veut allumer une cigarette et s'aperçoit qu'il a oublié son briquet chez le Berruyer. Aussitôt il grimpe les trois étages et sonne.

    Pas de réponse. Il sonne une deuxième fois et une troisième fois sans plus de résultat et s'étonne. Un voisin de palier surgit en pyjama et crie :

    - Alors, c'est bientôt fini ce boucan ? D'abord, qu'est-ce que vous faites là ? Qui demandez-vous ? Monsieur Berruyer ? Mais monsieur, il est mort il y a au moins 20 ans ! Et cet appartement est vide !

    - Mais c'est impossible, j'y ai passé la soirée, monsieur Berruyer a organiser un concert !

    - Chez Berruyer ? Vous vous ficher de moi ! Je vous répète qu'il n'y a vraiment personne dans cet appartement ! Un concert ! Vous pensez bien que si quelqu'un avait organisé un concert dans cet appartement, je l'aurait entendu ! Vous 'êtes qu'un petit voyou ! ... Un cambrioleur ! ... Au voleur ... Au voleur !

    Le concierge se réveille, demande des explications et tout le monde se rend au commissariat. Là, Jean Romier donne son identité. On appelle son père qui confirme qu'il devait effectivement se rendre dans un concert d'amateurs rue Vaugirard et ne comprend rien de cette histoire d'appartement vide.

    Jean Romier ne comprend rien, il donne des détails sur les personnes présentes à la soirée et décrit l'appartement, mais cela n'est pas une preuve car tout les apparentements de l'immeuble se ressemblent.

    En fait, l'appartement appartient à l'arrière petit-fils de Berruyer, M Mauger. Au petit matin on arrive à le joindre et on lui donne rendez vous à l'appartement pour l'enquête.

    L'étrange concert

    On monte au 3ème étage et, sur le palier, Jean Romier dit :

    - Derrière cette porte il y a, dans l'entrée, une stèle avec une petite reproduction de la Victoire de Somothrace, un grand tableau représentant une marine et une console de marbre.

    M. Mauger ouvre la porte qui grince, et l'étudiant en médecine est saisi : cet appartement si vivant, si chaud la veille au soir, est, ce matin, glacial, couvert de poussière et sent le moisi.

     

    L'étrange concert

     

    Pourtant, là, dans l'entrée, il y a bien, comme il l'a dit, une stèle avec la Victoire de Samothrace, une marine et une console de marbre.

    - Ici, dit Jean Romier, derrière cette porte se trouve le salon où a lieu le concert. A droite se trouve le salon où a lieu le concert. A droite se trouve le piano à queue noir, à gauche une harpe...

    On ouvre la porte. Dans le salon, dont les fauteuils sont recouverts de housses, il y a un piano à queue noir et une harpe à gauche.

    Le commissaire, le propriétaire, le concierge commencent cette fois à être perplexes. Soudains, l'étudiant aperçoit un portrait au mur :

    - Mais voici M. Berruyer
    - C'est en effet Alphonse Berruyer, mon arrière-arrière-grand-père, dit M. Mauger
    - Et là, dit Jean Romier, dans ce médaillon, voici la photo du futur élève à l'école navale.

    M. Mauger confirme, troublé, tandis que Jean Romier continue le tour du salon :

    - Et là, c'est le portrait de Marcel Berruyer qui faisait son droit !

    Le commissaire regarde M. Mauger. Celui-ci a pâli :

    - C'est mon grand-père, dit-il. Il était avocat.

    L'étudiant désigne maintenant un petit cadre de cuivre dans lequel se trouve une photo jaunie.

    - Et voici le futur séminariste avec qui j'ai parlé jusqu'à minuit !

    Cette fois, M. Mauger considère le jeune homme avec stupeur :

    - C'est mon autre grand-oncle dit-il. Il est mort en Afrique. Il était missionnaire... Mais comment savez-vous tout cela ?

    Soudain, ses mains tremblent :

    - Attendez, dit-il... Je me souviens maintenant que mon grand-père m'a parlé quelquefois de concerts qui étaient organisés ici par son grand-père... Mais, ce n'est pas possible...

    L'étrange concert

    Une émotion oppressante a gagné tout le groupe qui quitte le salon et se dirige silencieusement vers le petit salon-bibliothèque. M. Mauger ouvre la porte et demeure figé : là, sur un guéridon couvert de poussière, il y a le briquet de Jean Romier...

    Extrait de " Histoires magiques de l'histoire de France " de Louis Pauwels et Guy Breton

     


  • Commentaires

    1
    Mercredi 16 Juillet 2014 à 18:21

    Je me disais bien que je connaissais cette histoire, et je me souviens, j'ai le livre de Pauwels à la maison. Je viens de tomber sur votre blog par hasard. Je le place dans mes favoris.

    2
    Campos
    Dimanche 31 Août 2014 à 15:21

    Un gran merci pour l'histoire que nous montre qu'il y a des manifestations dans nos vies qui nous montrent l'amour après la mort.

    3
    Annie
    Jeudi 4 Août 2016 à 17:52

    En fait, il est à présent certain que cette histoire a été totalement inventée. Il n'y a rien dans les archives de la Police (voir l'émission de M Jacques Pradel sur RTL) relative à la contre-enquête

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