• L'enfant de la montagne de Plomb*

     

    L'enfant de la montagne de plomb

    Le 1er février 1954, deux mineurs gravissent la pente escarpée d'une montagne aux reflets gris-bleu. Ce pic de 5 400 m d'altitude s'appelle
    El Plomo ( la montagne de plomb ). Il est situé dans la province de Santiago du Chili. Les deux hommes ont presque atteint le sommet lorsqu'ils découvrent un curieux enclos de forme elliptique de 6 m de long sur 3 m de large, entouré d'un mur d'à peine 1 m de haut et comblé de pierres et de terre. La bizarre construction ne retient qu'un instant leur attention et ils reprennent leur escalade.

    Deux cents mètres plus haut, ce sont trois bâtiments fort délabrés, de forme rectangulaire, qui s'offrent à leurs yeux : cette fois, piqués par la curiosité, ils décident d'examiner les lieux et, ne trouvant rien de particulier, se retourner à l'enclos elliptique en contrebas, qu'ils se mettent aussitôt à découvrirent, au centre de l'enclos, une grande pierre plate, qu'après bien des efforts ils font pivoter sur son axe.

    Là, se révèle un bien étrange spectacle : dans une tombe de 1 m de profondeur, un jeune enfant semble dormir, les yeux clos, les jambes ramenée sous lui, les bras enserrant les genoux, la tête inclinée posée sur son bras. L'enfant de la montagne de plomb rêve-t-il des lamas blancs des Andes, des troupeaux du dieu Soleil gardés par deux étoiles ?

    L'enfant de la montagne de Plomb

    Autour de lui, deux statuettes en argent et en coquillage, deux petites figurines dont la forme rappelle celle des lamas et une série de petits sacs de peau contenant des cheveux, des morceaux d'ongles et des feuilles de cola, veillent sur son dernier sommeil.

    Les deux mineurs, stupéfaits par leur découverte, enveloppent avec une crainte superstitieuse l'enfant et son mobilier funéraire dans un grand sac de toile, et, chargés de leur précieux fardeau, dévalent à grande vitesse la roche abrupte de la montagne. El Plomo.

    Le 16 février, Grete Mostny, du Musée national d'histoire naturelle de Santiago, reçoit dans son bureau les deux mineurs qui lui content leur singulière aventure. Ce qu'ils avaient pris pour la momie d'une petite fille était en fait le corps gelé d'un jeune garçon de huit ou neuf ans habillé à la mode inca : l'enfant de la montagne de plomb n'avait pas moins de cinq siècles !

    L'enfant de la montagne de Plomb

    Or le corps était absolument intact. Lorsque les mineurs le découvrirent, il était tendre et flexible comme si la mort venait de le toucher ! Après cinq semaines, il avait très peu perdu de son élasticité. Bien sûr, le froid sec des hauts plateaux andins n'est pas pour rien dans cette extraordinaire conservation, mais elle n'en reste pas moins tout à fait exceptionnelle. Comme si, pendant cinq siècles, la montagne El Plomo avait protégé des stigmates de la mort le corps du petit enfant qu'elle gardait en son sein.

    Première énigme, mais qui n'est pas la seule : qui était le petit Inca, et quelles furent les circonstances de sa mort ?

    L'analyse du corps révéla que plusieurs phalanges de la main gauche gelèrent 24 à 48 heure avant la mort. Des bribes de vêtements sur les avant-bras et les mains témoignent aussi des efforts de l'enfant pour recouvrir ces parties du corps restées nues. Le petit garçon de la montagne de Plomb fut enterré vivant. Probablement en offrande aux dieux incas !

    L'enfant de la montagne de Plomb

    Ici, nous devons nous pencher sur l'histoire de ce peuple étrange que Pïzarre découvrit en 1526, avec un mélange de fascination et d'effroi.

    L'origine des Incas est liée à la mystérieuse civilisation perdue de Tiahuanaco, au Pérou, située près du lac Titicaca. D'après la légende, cette cité fut l'oeuvre de Viracocha, le dieu créateur de toutes choses. Mais les hommes ayant violé la loi divine, Viracocha les changea en pierre et détruisit la ville par un cataclysme. Il envoya ses enfants - les fils du Soleil - pour fonder une nouvelle civilisation.

    L'enfant de la montagne de Plomb

    Le premier Inca, Manco Càpac, était né, et avec lui, le culte du Soleil, Inti, qui se confondra progressivement avec Viracocha.
    L'Inca ( mot qui, au départ, désignait uniquement le chef suprême, fils du Soleil ) était un despote régnant par la terreur. Pachacùtec Yupanqui, qui étendit, au XICè siècle, son empire de la Colombie au Chili ( 4 000 km de long ), utilisait à l'égard des tribus vaincues cette devise impitoyable :
    " Qu'ils ma haïssent, pourvu qu'ils me craignent ! "

    L'enfant de la montagne de Plomb faisait probablement partie d'une de ces tribus qu'asservit l'Empire inca : le peuple de l'Altiplano. En effet, sa coiffure, en multiples petites tresses tombant sur les épaules, n'appartenait pas aux caste incas dominantes. Le llantu ( tunique ) noir qu'il portait était un privilège accordé par les incas aux nations conquises.
    Sa parure en plume de condor, par contre, rappelle le pararina ( emblème ) du condor du peuple de l'Altiplano, bien que cet oiseau fût, dans tout l'Empire inca, lié au culte du Soleil.

    L'enfant de la montagne de Plomb

    L'enfant était donc, sans doute, un membre des tribus de l'Altiplano soumises par les Incas et, probablement, vu la richesse de ses vêtements, ses bijoux en or et en argent et la peinture rouge de son visage, le fils d'un noble provincial de haut rang.

    Sachant qui était le petit garçon de la montagne de Plomb, une question essentielle subsiste : pourquoi l'a-t-on enterré vivant ?
    Et aussi, il faut retourner à ce que nous savons de l'empire inca. Une chose est sûre : le sacrifice rituel d'hommes, de femmes et d'enfants était monnaie courante sous le règne des fils du Soleil. La mort d'un chef, la victoire, le vœu de bonnes récoltes, etc..., étaient autant d'occasion d'offrir des sacrifices humains aux divinités. Mais il y en avait d'autres, clairement institutionnalisées ; notamment le Capac-Raimi, fête de l'Inca et de l'initiation, où l'on égorgeait de jeunes enfants.

    L'enfant de la montagne de Plomb

    Betanzos, chroniqueur espagnol, écrit, à propos d'un sacrifice offert par Yupanqui : " Là-dessus, l'Inca donna dix jours aux seigneurs de Cuzco pour réunir de grandes quantités de maïs et de moutons, de jeune lamas et de fin vêtements, et un certain nombre de garçons et de petites filles pour offrir un sacrifice au Soleil. Le dixième jour, l'Inca Yupanqui fit allumer un grand feu et brûler les cadavres des bêtes égorgées, les habits et le maïs.
    Quant aux garçons et aux filles, qui avaient, pour circonstance, revêtu de splendides vêtements et s'étaient ornés de bijoux, on les emmura vivants dans une maisons. "

    Le sacrifice d'enfants était chose habituelle : le sacrificateur étranglait, égorgeait, emmurait ses victimes ou leur arrachait le cœur.
    On peut juger aberrante et désaxée une civilisation qui se complaît dans ce genre de pratiques. Cette cruauté s'explique pourtant par l'univers magique des Incas et leur rapport à la mort. Une multitude de créatures mythiques peuplaient l'univers céleste de l'Amérindien. Pour lui, même les choses étaient animées, et la mort n'était pas une fin. Les suicides collectifs, les sacrifices humains et le culte rendu aux cadavres momifiés des Incas témoignent de cet état d'esprit particulier à l'égard de la vie et de la mort.

    L'enfant de la montagne de Plomb

    La description que nous donne Camacho d'une Capacocha est, en ce sens, très significative : " Les enfants destinés à être immolés étaient amenés par leurs mères ; elles étaient fière de faire une telle offrande à la divinité.
    Pour que les enfants pussent se présenter devant Viracocha, on les avait préalablement habillés de vêtements magnifiques et couronnés de fleurs.
    Ensuite, on leur faisait boire un breuvage enivrant, ou, s'il s'agissait de nourrissons, la mère leur donnait le sein avant l'immolation. Les prêtres les prenaient avec force cérémonies, leur faisaient faire le tour de l'autel, puis ils les couchaient sur la pierre sacrificatoire, le visage tourné vers le Soleil. L'instant d'après, ils les exécutaient, selon les prescriptions de leur rituel barbare, en les étouffant, en les égorgeant ou en leur ouvrant la poitrine avec un couteau d'obsidienne et en leur arrachant le cœur.

    " Avec le sang, ils accomplissent alors la cérémonie de la Vitacha, nommée également Pirano : le sacrificateur dessinait avec le sang une traînée qui allait d'une oreille à l'autre sur son visage, puis sur celui des assistants qu'il voulait honorer. Il en induisait les vases utilisés pour le sacrifice. Enfin, les cadavres des victimes et les récipients étaient enfouis dans une même fosse. A ces macabres cérémonies succédaient de grandes beuveries au cours desquelles les Indiens buvaient l'Azua, breuvage sacré. "

    L'enfant de la montagne de Plomb

    C'est vraisemblablement lors d'un lugubre rituel de ce type que le petit garçon de la montagne de Plomb fut enterré vivant. Fut-il sacrifié à Viracocha, le dieu du Soleil, à la compagne Mamaquilla, la Lune, ou à quelque autre divinité du panthéon inca ? Ou bien était-il destiné à quelque dieu local, dont le culte était resté vivace malgré l'entreprise de la religion officielle du dieu Soleil ?

    L'enfant de la montagne de Plomb

    Et pourquoi le petit Inca trouvé par les mineurs n'aurait-il pas été une offrande à la montagne de Plomb ? Les Incas et autres peuples andins attribuaient des pouvoirs surnaturels aux montagnes, et ils avaient un respect particulier pour celles que recouvraient les neiges éternelles. El Plomo était de celles-là.

    Mais un autre fait peut aussi retenir l'attention : l'enclos où reposait le petit Inca et les autres bâtiments en surplomb sont orientés 22° vers le nord-est.
    Cette disposition particulière porte peut-être en elle la réponse à notre question. " De l'Est, viendra celui qui vaincra la période d'obscurité " , affirme la légende inca.

    En 1526, Pizzare débarquait sur la côte américaine et découvrait le
    " pays de l'or " des Incas. Il venait du nord-est.

     


  • Commentaires

    1
    Lulu
    Mardi 18 Novembre 2014 à 17:53

    Tout à fait normal pour des populations non scientifiques de sacrifier des enfants, des femmes et des hommes pour honorer l'astre qui donne la vie et la lumière à tous. 


    Les musulmans croient qu'en se faisant sauter avec des bombes, ils bénéficieront de 36 vierges, etc....tout de suite après. 


    Quand tout est basé sur la croyance, et non sur le savoir, on peut toujours imaginer n'importe quoi et devenir un acteur de ces délires, aube de l'humanité. 

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