• Hans Christian Andersen

    Les contes commencent toujours par " Il était une fois ". Chacun de nous le sait bien. A cet instant là,  le temps s'efface. La réalité s'évanouit. Un monde s'ouvre à nous : les arbres y parlent aux fleurs, les hommes s'y entretiennent avec les animaux. Sans nous choquer, ni même nous faire sourire.

    " Il était une fois " et nous entrons dans un autre univers, où chaque espèce animale et végétale s'anime d'une vie qui lui est propre. On imagine - à tord - que les contes ne sourient qu'aux enfants. Grossière erreur ! Ils font, bien sûr, rêver les parents...

    Le conte nous fait renouer avec une ancienne tradition des peuples d'Europe, dont le souvenir renaît parfois dans nos mémoires. Les soirs d'hivers, les anciens du village rassemblaient autour d'eux les enfants et les parents. Devant le feu qui crépitait, ils racontaient un temps disparu, un temps différent de celui des hommes, un temps où la nature dialoguait avec les dieux. C'est au cours de ces veillées que s'est édifiés ce qui structure notre inconscient collectif : le trésor de nos mythes et de nos légendes.

    On imagine volontiers le jeune Hans Christian Andersen attentif au moindre mot de ces conteurs, anxieux du moment où il faudrait se séparer, avide de connaître toujours plus d'histoires. Ces soirées étaient sa seule distraction.

    Il naît au sein d'une famille pauvre, en avril 1805, à Odense, dans l'île danoise de Fionie. Odense, c'est la " cité d'Odin", le grand dieu du panthéon nordique. Son père modeste cordonnier et libre penseur, meurt en 1816, emporté loin de sa famille par le grand tourbillon des campagnes napoléoniennes. Sa mère se remarie et le jeune Andersen en profite pour gagner la capitale, Copenhague, où il arrive pauvre, mais ambitieux.

    Il chante, il danse, il se produit dans quelques théâtres. La fortune ne vient pas. En 1822, fort de l'appui d'un directeur de théâtre, il obtient une bourse pour entreprendre des études. C'est alors qu'il découvre la littérature, dans laquelle il se lance avec frénésie. Le succès se fera encore attendre et n'arrivera qu'en 1835, avec la publication de ses premiers contes.

    En même temps, Andersen voyage. A Paris, il se lie avec Victor Hugo et Cherubini. L’écriture d'Agnès et le Triton l'occupe. En Allemagne, il noue des amitiés avec les chefs de file du mouvement romantique. L'un deux, Chamisso, deviendra son traducteur. En Angleterre, il fait la connaissance de Dickens.

    Le voilà célèbre, loué, bientôt pensionné par son gouvernement. On le reçoit dans toutes les cours d'Europe. pourtant cette gloire ne le grise pas et il continue à édifier une oeuvre qui s'enrichit d'année en année d'un nouveau recueil de contes.

    Les titres de ceux-ci passent de bouche en bouche : La Bergère et le Ramoneur, Le Vilain Petit Canard, La Reine des Neiges, La Petite Sirène, Le Coffre Volant, La Petite Poucette, L'Intrépide Soldat de plomb...

    Tout naturellement, Andersen trouve sa source de son merveilleux dans les récits populaires de son enfance. C'est notamment le cas du Grand Claus ou des Cygnes sauvages. Parfois, il s'inspire de saga nordiques : Ole ferme-l'oeil et La Butte aux elfes en témoignent. 

    Il lui arrive aussi de se laisser porter par un fait qui a retenu son imagination. Jamais cependant, il ne tente de plaquer une quelconque rationalité sur le fantastique populaire. Au contraire ! Dans un style étonnant, souvent parlé qu'écrit et qui donne une illusion d'improvisation à la façon médiévale, il extrapole en toute liberté à partir d'un rien.

    A ses côtés, nous pénétrons de plain-pied et sans transition dans un monde où les héros oient les génies et les fées, les animaux et les plantes, les orages et les vagues leur donner la réplique. Les objet de la vie courante s'animent soudain. Les soldats de plomb et les faux cols dansent ensemble.

    Dans ce monde, l'homme cesse de questionner. Il accepte les choses comme elles sont. Il écoute. Elles répondent. Les trolls, les elfes, les cygnes blancs comme neige et toute la nature participent d'un même élan, d'un même univers particulier : celui d'avant le " péché originel ".

    De nombreux contes d'Andersen trouvent leurs racines profondes dans l'humus mythologique de l'Europe ancienne : dans l'Abécédaire, Andersen parle ainsi d'Yggdrasil, l' " arbre du monde " des légendes nordiques. Ailleurs, il reprend des éléments de certains mythes scandinaves.

    Andersen ne tire aucune morale particulière de ces références antiques. pour lui, le créateur est désespérément seul : le monde crée dans une oeuvre littéraire n'appartient qu'à son auteur. Il est le reflet de son paysage intérieur. Contre cette solitude, Andersen n'a trouvé qu'une arme : l'humour. C'est l'affaire du bonhomme de neige qui tombe amoureux d'un poêle...

     Soucieux de rester en communion avec la " cathédrale de la nature et de la poésie ". Hans Christian Andersen connaît la relativité du temps. Un vieux chêne meurt après une vie de 365 ans. Après " un matin de printemps, un midi d'été, un soir d'automne et une nuit d'hivers "... Pendant toute sa vie, le chêne n'a été animé que d'un " ineffable désir d'atteindre toujours plus haut vers le brillant et chaud soleil ". Son ambition réalisée, un orage survient et le déracine. Un jour. Une vie. Un siècle. C'est une même durée.

    Mieux vaut un jour vécu avec ardeur qu'un siècle sans chaleur.

    A la fin de sa vie, Andersen écrira : " Ma vie fut un beau conte. " C'était le 4 août 1875. L'orage était là, qui le déracinait pour toujours. Il nous reste le souvenir de ses fruits, celui de ses contes. Ils font revivre la vie et le cycle recommence.


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