• Fontenelle ( 1657 - 1757 ) - Entretiens sur la pluralité des mondes

     

    Fontenelle ( 1657 - 1757 )

    Cet essais se compose d'un dialogue avec une marquise à qui Fontenelle donne 6 leçons de vulgarisations sur l'astronomie.
    Ces connaissances vont de Descartes à Copernic.

    La poésie de Fontenelle n'est pas absente et ses descriptions des planètes, des comètes et de tous les astres qui composent notre univers est particulièrement savoureuse.

    Cet essais nous surprend par la qualité de certaines connaissances de cette époque et naturellement par la vive imagination nécessaire pour remplacer les erreurs et  l'ignorance de cette science débutante.

    Cet essais peut se lire à la fois comme un document d'époque sur les connaissances astronomique et nous pouvons aussi bien entendu y voir de la science-fiction pour l'imagination vive qui concerne les hypothétiques habitants des planètes de notre système solaire.

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    Fontenelle ( 1657 - 1757 ) - Entretiens sur la pluralité des mondes

    Entretiens sur la pluralité des mondes - Extrait 1

     

    " Il y a dans une planète, que je ne vous nommerai pas encore, des habitants très vifs, très laborieux, très adroits ; ils ne vivent que de pillage, comme quelques-uns de nos Arabes, et c’est là leur unique vice. Du reste, ils sont entre eux d’une intelligence parfaite, travaillant sans cesse de concert et avec zèle au bien de l’État, et surtout leur chasteté est incomparable ;  il est vrai qu’ils n’y ont pas beaucoup de mérite, ils sont tous stériles, point de sexe chez eux. Mais, interrompit la Marquise, n’avez-vous point soupçonné qu’on se moquait en vous faisant cette belle relation ? Comment la nation se perpétuerait-elle ? On ne s’est point moqué, repris-je d’un grand sang-froid, tout ce que je vous dis est certain, et la nation se perpétue. Ils ont une reine, qui ne les mène point à la guerre, qui ne paraît guère se mêler des affaires de l’État, et dont toute la royauté consiste en ce qu’elle est féconde, mais d’une fécondité étonnante. Elle fait des milliers d’enfants, aussi ne fait-elle autre chose. Elle a un grand palais, partagé en une infinité de chambres, qui ont toutes un berceau préparé pour un petit prince, et elle va accoucher dans chacune de ces chambres l’une après l’autre, toujours accompagnée d’une grosse cour, qui lui applaudit sur ce noble privilège, dont elle jouit à l’exclusion de tout son peuple. "

    " Je vous entends, Madame, sans que vous parliez. Vous demandez où elle a pris des amants ou, pour parler plus honnêtement, des maris. Il y a des reines en Orient et en Afrique, qui ont publiquement des sérails d’hommes, celle-ci apparemment en a un, mais elle en fait grand mystère, et si c’est marquer plus de pudeur, c’est aussi agir avec moins  de dignité. Parmi ces Arabes qui sont toujours en action, soit chez eux, soit en dehors, on reconnaît quelques étrangers en fort petit nombre, qui ressemblent beaucoup pour la figure aux naturels du pays, mais qui d’ailleurs sont fort paresseux, qui ne sortent point, qui ne font rien, et qui, selon toutes les apparences, ne seraient pas soufferts chez un peuple extrêmement actif, s’ils n’étaient destinés aux plaisirs de la reine, et à l’important ministère de la propagation. En effet, si malgré leur petit nombre ils sont les pères des dix mille enfants, plus ou moins, que la reine met au monde, ils méritent bien d’être quittes de tout autre emploi, et ce qui persuade bien que ça été leur unique fonction, c’est qu’aussitôt qu’elle est entièrement remplie, aussitôt que la reine a fait ses dix mille couches, les Arabes vous tuent, sans miséricorde, ces malheureux étrangers devenus inutiles à l’État. "

    " Est-ce tout ? dit la Marquise. Dieu soit loué. Rentrons un peu dans le sens commun, si nous pouvons. De bonne foi où avez-vous pris tout ce roman-là ? Quel est le poète qui vous l’a fourni ? Je vous répète encore, lui répondis-je, que ce n’est point un roman. Tout cela se passe ici, sur notre terre, sous nos yeux. Vous voilà bien étonnée ! Oui, sous nos yeux, mes Arabes ne sont que des abeilles, puisqu’il faut vous le dire. " 

    Fontenelle ( 1657 - 1757 ) - Entretiens sur la pluralité des mondes

    LA TERRE ET LA LUNE - EXTRAIT 2  

    "Mais, dit la Marquise, la terre est-elle aussi propre que la Lune à renvoyer la lumière du Soleil ? Je vous vois toujours, pour la Lune, repris-je, un reste d'estime dont vous ne sauriez-vous défaire. La lumière est composée de petites balles qui bondissent sur ce qui est solide, et retournent d'un autre côté, au lieu qu'elles passent au travers de ce qui leur présente des ouvertures en ligne droite, comme l'air ou le verre. Ainsi ce qui fait que la Lune nous éclaire, c'est qu'elle est un corps dur et solide, qui nous renvoie ces petites balles. Or je crois que vous ne contesterez pas à la terre cette même dureté et cette même solidité. Admirez donc ce que c'est que d'être posté avantageusement. Parce que la Lune est éloignée de nous, nous ne la voyons que comme un corps lumineux, et nous ignorons que ce soit une grosse masse semblable à la Terre. Au contraire, parce que la terre a le malheur que nous la voyons de trop près, elle ne nous paraît qu'une grosse masse, propre seulement à fournir de la pâture aux animaux, et nous ne nous apercevons pas qu'elle est lumineuse, faute de nous pouvoir mettre à quelque distance d'elle. Il en irait donc de la même manière, dit la Marquise, que lorsque nous sommes frappés de l'éclat des conditions levées au-dessus des nôtres, et que nous ne voyons pas, qu'au fond elles se ressemblent toutes extrêmement.

    C'est la même chose, répondis-je. Nous voulons juger de tout, et nous sommes toujours dans un mauvais point de vue. Nous voulons juger de nous, nous en sommes trop près ; nous voulons juger des autres, nous en sommes trop loin. Qui serait entre la Lune et la Terre, ce serait la vraie place pour les bien voir. Il faudrait être simplement spectateur du monde, et non pas habitant."

     


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