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    Roy Complain est un chasseur de la tribu des Greene, bénéficiant du fait de sa profession d'un statut privilégié. En tant que tel, il dispose d'une épouse et d'une cabine individuel et fait partie des seuls membres à se confronter régulièrement à la jungle qui occupe les parties du Vaisseau non occupées. 
    Il apparaît ainsi rapidement que les membres de la tribu sont les occupants d'un vaisseau générationnel, ancien équipage ayant décliné et perdu au fil des générations toute connaissance technologique ainsi que la nature de leur environnement. Les religions ont disparues remplacées par un amalgame de concepts psychologiques dévoyés.

    Tout bascule pour Roy quand sa femme est enlevée par des membres d'une autre tribu.

     

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    Ce texte soigné est paru en 1956 et non seulement il n'a pas pris une ride, mais encore, c'est tout simplement un classique du genre. Ce livre de 40 ans mérite de figurer parmi les classiques de la SF. Aldiss a brillamment exploité une idée très présente dans la SF des années 40 à 60 - celle du vaisseau stellaire lancé dans un voyage long de plusieurs générations, et dont les occupants perdent et le souvenir de leur mission et les connaissances nécessaires à maîtriser leur environnement.

    Une réflexion sur le passé, sur la mémoire d'une communauté qui a tout oublié de son histoire  et s'est recréée un ensemble de rites et une mythologie pour pouvoir simplement donner un but et une raison à son existence.

     

    Le savoir s'est perdu, il s'est envolé et les descendants de l'équipage en sont au point ou les habitants de ce vaisseaux monde ne savent plus que leur univers est un vaisseau spatial. Pour eux, les coursives et les différents niveaux de ce vaisseau, sont devenus des jungles ou bien des corridors dangereux, un véritable milieu naturel. 

    Là ou certains écrivains de science-fiction mettent un point d'honneur à ne pas réponde à toutes les interrogations du lecteur (peut-être n'ont-ils pas la réponse eux-même), Brian Aldiss répond à toutes les questions importantes que pose l'histoire.

    Un classique incontestable de la science-fiction qui nous révèle petit à petit un mystère terrible. Le lecteur découvre en même temps que Complain le pourquoi de ce monde, ce qu'il est réellement, ce qui se cache derrière les apparences.  

     


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  • Les contes commencent toujours par " Il était une fois ". Chacun de nous le sait bien. A cet instant là,  le temps s'efface. La réalité s'évanouit. Un monde s'ouvre à nous : les arbres y parlent aux fleurs, les hommes s'y entretiennent avec les animaux. Sans nous choquer, ni même nous faire sourire.

    " Il était une fois " et nous entrons dans un autre univers, où chaque espèce animale et végétale s'anime d'une vie qui lui est propre. On imagine - à tord - que les contes ne sourient qu'aux enfants. Grossière erreur ! Ils font, bien sûr, rêver les parents...

    Le conte nous fait renouer avec une ancienne tradition des peuples d'Europe, dont le souvenir renaît parfois dans nos mémoires. Les soirs d'hivers, les anciens du village rassemblaient autour d'eux les enfants et les parents. Devant le feu qui crépitait, ils racontaient un temps disparu, un temps différent de celui des hommes, un temps où la nature dialoguait avec les dieux. C'est au cours de ces veillées que s'est édifiés ce qui structure notre inconscient collectif : le trésor de nos mythes et de nos légendes.

    On imagine volontiers le jeune Hans Christian Andersen attentif au moindre mot de ces conteurs, anxieux du moment où il faudrait se séparer, avide de connaître toujours plus d'histoires. Ces soirées étaient sa seule distraction.

    Il naît au sein d'une famille pauvre, en avril 1805, à Odense, dans l'île danoise de Fionie. Odense, c'est la " cité d'Odin", le grand dieu du panthéon nordique. Son père modeste cordonnier et libre penseur, meurt en 1816, emporté loin de sa famille par le grand tourbillon des campagnes napoléoniennes. Sa mère se remarie et le jeune Andersen en profite pour gagner la capitale, Copenhague, où il arrive pauvre, mais ambitieux.

    Il chante, il danse, il se produit dans quelques théâtres. La fortune ne vient pas. En 1822, fort de l'appui d'un directeur de théâtre, il obtient une bourse pour entreprendre des études. C'est alors qu'il découvre la littérature, dans laquelle il se lance avec frénésie. Le succès se fera encore attendre et n'arrivera qu'en 1835, avec la publication de ses premiers contes.

    En même temps, Andersen voyage. A Paris, il se lie avec Victor Hugo et Cherubini. L’écriture d'Agnès et le Triton l'occupe. En Allemagne, il noue des amitiés avec les chefs de file du mouvement romantique. L'un deux, Chamisso, deviendra son traducteur. En Angleterre, il fait la connaissance de Dickens.

    Le voilà célèbre, loué, bientôt pensionné par son gouvernement. On le reçoit dans toutes les cours d'Europe. pourtant cette gloire ne le grise pas et il continue à édifier une oeuvre qui s'enrichit d'année en année d'un nouveau recueil de contes.

    Les titres de ceux-ci passent de bouche en bouche : La Bergère et le Ramoneur, Le Vilain Petit Canard, La Reine des Neiges, La Petite Sirène, Le Coffre Volant, La Petite Poucette, L'Intrépide Soldat de plomb...

    Tout naturellement, Andersen trouve sa source de son merveilleux dans les récits populaires de son enfance. C'est notamment le cas du Grand Claus ou des Cygnes sauvages. Parfois, il s'inspire de saga nordiques : Ole ferme-l'oeil et La Butte aux elfes en témoignent. 

    Il lui arrive aussi de se laisser porter par un fait qui a retenu son imagination. Jamais cependant, il ne tente de plaquer une quelconque rationalité sur le fantastique populaire. Au contraire ! Dans un style étonnant, souvent parlé qu'écrit et qui donne une illusion d'improvisation à la façon médiévale, il extrapole en toute liberté à partir d'un rien.

    A ses côtés, nous pénétrons de plain-pied et sans transition dans un monde où les héros oient les génies et les fées, les animaux et les plantes, les orages et les vagues leur donner la réplique. Les objet de la vie courante s'animent soudain. Les soldats de plomb et les faux cols dansent ensemble.

    Dans ce monde, l'homme cesse de questionner. Il accepte les choses comme elles sont. Il écoute. Elles répondent. Les trolls, les elfes, les cygnes blancs comme neige et toute la nature participent d'un même élan, d'un même univers particulier : celui d'avant le " péché originel ".

    De nombreux contes d'Andersen trouvent leurs racines profondes dans l'humus mythologique de l'Europe ancienne : dans l'Abécédaire, Andersen parle ainsi d'Yggdrasil, l' " arbre du monde " des légendes nordiques. Ailleurs, il reprend des éléments de certains mythes scandinaves.

    Andersen ne tire aucune morale particulière de ces références antiques. pour lui, le créateur est désespérément seul : le monde crée dans une oeuvre littéraire n'appartient qu'à son auteur. Il est le reflet de son paysage intérieur. Contre cette solitude, Andersen n'a trouvé qu'une arme : l'humour. C'est l'affaire du bonhomme de neige qui tombe amoureux d'un poêle...

     Soucieux de rester en communion avec la " cathédrale de la nature et de la poésie ". Hans Christian Andersen connaît la relativité du temps. Un vieux chêne meurt après une vie de 365 ans. Après " un matin de printemps, un midi d'été, un soir d'automne et une nuit d'hivers "... Pendant toute sa vie, le chêne n'a été animé que d'un " ineffable désir d'atteindre toujours plus haut vers le brillant et chaud soleil ". Son ambition réalisée, un orage survient et le déracine. Un jour. Une vie. Un siècle. C'est une même durée.

    Mieux vaut un jour vécu avec ardeur qu'un siècle sans chaleur.

    A la fin de sa vie, Andersen écrira : " Ma vie fut un beau conte. " C'était le 4 août 1875. L'orage était là, qui le déracinait pour toujours. Il nous reste le souvenir de ses fruits, celui de ses contes. Ils font revivre la vie et le cycle recommence.


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    Brian Aldiss

    Imaginons un instant, selon les plus noires conjectures, ce que sera le monde au début du XXè siècle. 

    Pour une suprématie dérisoire, les forces du tiers monde, de l'Occident et de l'Amérique du Sud ont entraîné l'humanité entière dans la crise la plus grave de son existence. Usant de matériels ultra perfectionnés, elles ont provoqué une cassure dans le déroulement normal du temps qui, selon les experts, semble irrémédiable. C'est ainsi qu'à l'aube du 25 août 2020 va débuter, pour un ancien haut responsable de l'Administration occidentale, l'un des voyages les plus étonnants que l'être humain ait jamais connus. En effet, emporté par un nouveau glissement de temps, ce héros, malgré lui, va se retrouver 104 ans dans le passé à Genève, où une jeune romancière du nom de Mary Shelley reçoit le personnage le plus démentiel de la littérature fantastique : la créature du baron Frankenstein. C'est cette histoire pour le moins originale, où l’exercice de style sert à merveille l'aventure, que Brian Aldiss nous propose de suivre dans son roman Frankenstein délivré.

    Né en 1925 à East Dereham en Angleterre, Brian Aldiss goûte très tôt au charme douillet de la bourgeoisie anglaise. Le magasin familial, tenu d'une main de fer par son grand-père H.H. Aldiss, puis par son père Stanley, le met à l'abri de tout souci matériel. Mais l'ambiance trop rigide de cette vie provinciale, alliée au cadre trop restreint du monde du commerce, va susciter chez le jeune Aldiss, un goût de l'évasion puissant qu'il ne parviendra à satisfaire que par la lecture des premières revues de science-fiction américaines, Marvel et Amazing Storles. 

    Cette fuite vers de nouveaux horizons s'avère encore plus nécessaire lorsqu'il est confronté aux lois inflexibles du pensionnat britannique. L'exaltation de la puissance physique, le règlement scolaire rigoureux poussent cet adolescent "exilé" à écrire ses premières nouvelles, fantastiques ou teintées d'érotisme, et à rédiger un journal intime dont il saura, même plus tard, perpétuer la tradition.

    Brian Aldiss

    En 1943, alors que la guerre fait rage sur tous les points du globes, Aldiss, enrôlé dans l'armée, combat en Birmanie et en Malaisie. L'angoisse permanente d'un univers hostile, le climat asphyxiant de l'Extrême-Orient sont deux expériences qui influeront plus tard sur son oeuvre littéraire.

    Devenu libraire à Oxford au sortir de la guerre, Aldiss publie plusieurs textes dans le bulletin anglais de la librairie et de l'édition The Bookseller, d'une qualité littéraire certaine, qui lui ouvrent les portes de Faber and Faber, la maisons d'édition de T.S. Eliot. A la fin de l'année 1955, il publie son premier roman, The Brightfound Diaries, ouvrage autobiographique sur la vie quotidienne dans une librairie.

    Mais profondément attiré par l'essor sans précédent de la science-fiction anglaise à la fin des années cinquante, Aldiss se tourne résolument vers ce genre propre à satisfaire son inspiration démesurée. Reprenant les thèmes immortalisés par les auteurs de l'âge d'or, mais ajoutant toutefois sa philosophie teintée d'ironie, Aldiss esquisse ce que sera dix ans plus tard l'idée dominante de la nouvelle vague américaine.

    Brian Aldiss

    L'Espace, le temps et Nathanaël, recueil de nouvelles sort en 1957, suivi un an plus tard de Croisière sans escale. Dans cet ouvrage au suspense savoureux, Aldiss retrace l'épopée d'un vaisseau perdu dans l'espace. Plusieurs générations s'y sont succédé et ont définitivement oublié le but même de leur entreprise. Mais dans cette société en total autarcie, en proie à l'anarchie, retombée à l'âge de pierre, une tribu plus évoluée tente de s'en sortir.

    Si l'ouvrage suivant, Equateur, honnête roman d'espionnage, n'a pas l'effet escompté sur les critiques, Le Monde vert consacre enfin le talent de Aldiss. dans ce roman, qui remporte le prix Hugo en 1962, l'auteur décrit notre planète à la fin de son évolution. Des araignées géantes ont tissé des toiles jusqu'à la Lune, et  l'homme, retourné à son stade le plus primitif, devient un mutant au teint verdâtre, vivant de la cueillette et dormant dans les arbres. Cet ouvrage, dont l'action se déroule sous un climat que l'auteur a connu en Asie du Sud-Est, à d'ailleurs inspiré Francis Ford Coppola dans son film Apocalypse Now.

    Ses autres ouvrages, Barbe grise, roman picaresque par excellence, Cryptozoïque, très apprécié dans les milieux underground du Swinging London, et Barefoot in the Head, vaste fresque influencée par James Joyce, permettent à Aldiss de dépasser les barrières traditionnelles de la science-fiction. Maxim Jakubowski, critique renommé, décrit ainsi ce dernier ouvrage :
    " Le livre retrace les pérégrinations insensées de Collin Charteris, un automobiliste dément, à travers les autoroutes interminables d'une Europe terrassée par une offensive psychédélique. Les visions d'apocalypse s'y mêlent à de sombres histoires d'espionnage et d'amour, sur une toile de fond dominée par l'arrivée improbable d'un nouveau messie. " 

    The Shape of Further Things, essais autobiographique publié en 1970, Billion Year Spree, étude critique sur la science-fiction, puis Ennemies of the System, roman violemment antisocialiste, qu'il juge nécessaire d'écrire après son voyage en U.R.S.S. contribuent à donner à l'auteur une stature internationale.

     


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  • « La troisième nuit vit disparaître les dernières communications électriques : les piles donnaient des courants dérisoires, l'induction dynamique semblait abolie, aucun appareil ne produisait plus d'ondes hertziennes. Au matin, les hommes se trouvèrent privés de ce système nerveux qui les unissait innombrablement à travers la planète. Le soir, ils s'avérèrent inférieurs aux peuples des vieux âges : la vapeur les abandonnait à son tour. Les alcools, les pétroles et plus encore le bois ou le charbon étaient devenus inertes. Pour produire un peu de feu, il fallait recourir à des produits rares, qui, on en avait la certitude, ne tarderaient pas à sombrer dans la mort chimique. »

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    Un roman de science-fiction catastrophe rare dans lequel la science, le thriller et la réflexion font bon ménage.

    Deux scientifiques s'aperçoivent que le spectres lumineux se modifie, tandis que des troubles d'une grande violence éclatent un peu partout dans le monde. les deux phénomènes sont-ils liés ? On va intéresser à cette modification du spectre et à ses effets. Pourquoi cette modification et cette violence ? Les héros de cette histoire nous donnent plusieurs hypothèses mais Rosny ainé s'attarde sur les conséquence de cette modification du spectres et de la montée de l'agressivité sur l'humanité et notre monde dans une analyse jouissive.

    Un roman bien moderne quoique publié en 1913. J. H. Rosny ainé fut le premier et le plus grand auteur de science-fiction en France et " La force mystérieuse " restera un oeuvre majeure.

    J. H. Rosny ainé - La force mystérieuse

    Notons au passage une similitude entre deux textes fort connu des amateurs :
    " La force mystérieuse " de J. H. Rosny Ainé et " Le ciel empoisonné " de Sir Arthur Conan Doyle. Les deux romans datent tout deux de 1913. Toutefois celui de Rosny Ainé étant antérieur, on peut aisément se poser quelques questions quant aux fortes ressemblance qui existent entre les deux romans.

    Voici l'avertissement de Rosny Ainé en préface de " La Force mystérieuse "

    Le 11 mars 1913, un ami américain m’adressait le billet suivant :

    « Avez-vous cédé à un écrivain anglais – et des plus célèbres – le droit de refaire votre roman qui paraît actuellement dans Je sais tout ; lui avez-vous donné le droit de prendre la thèse et les détails, comme le trouble des lignes du spectre, l’excitation des populations, les discussions sur une anomalie possible de l’éther, l’empoisonnement de l’humanité – tout ?

    « Le célèbre écrivain anglais publie cela en ce moment sans vous nommer, sans aucune  référence à Rosny Aîné, en plaçant la scène en Angleterre. »

    À la suite de cette lettre, je parcourus le numéro du Strand Magazine, où mon confrère britannique, M. Conan Doyle, commençait la publication d’un roman intitulé : The Poison Belt. Effectivement, il y avait entre le thème de son récit et le thème du mien des coïncidences fâcheuses, entre autres le trouble de la lumière, les phases d’exaltation et de dépression des hommes, etc. – coïncidences qui apparaîtront clairement à tout lecteur des deux œuvres.

    J’avoue que je ne pus, vu l’extrême particularité de la thèse, refréner quelques soupçons, d’autant plus que, en Angleterre, il arrive assez fréquemment que des écrivains achètent une idée, qu’ils exploitent ensuite à leur guise : quelqu’un avait pu proposer mon sujet à M. Conan Doyle. Certes, une coïncidence est toujours possible et, pour  mon compte, je suis enclin à une large confiance. Ainsi, j’ai toujours été persuadé que Wells n’avait pas lu mes Xipéhuz, ma Légende sceptique, mon Cataclysme, qui parurent bien avant ses beaux récits. C’est qu’il y a dans Wells je ne sais quel sceau personnel, qui manque à M. Conan Doyle. N’importe, mon but n’est pas de réclamer. Je tiens pour possible une rencontre d’idées entre M. Conan Doyle et moi ; mais comme je sais, par une expérience déjà longue, qu’on est souvent accusé de suivre ceux qui vous suivent, j’estime utile de prendre date et de faire remarquer que Je saistout avait fait paraître les deux premières parties de La Force mystérieuse quand The Poison Belt commença à paraître dans le Strand Magazine.

     

    Et si vous vous fassiez votre propre idée en lisant ces deux romans ?

     


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