•  

    Une autre influence s'exerça particulièrement sur le catharisme occitan : celle des Celtes et du vieux fond druidique. Le culte de Belen, l'équivalent de l’Apollon romain, a toujours été très populaire dans la région pyrénéenne ; cette divinité celtique, devenue, par transformation, Abelio. On retrouve cette trace lumineuse dans la ville d'Albi, qui a donné son nom aux cathares méridionaux devenus les albigeois.

    Près de Montségur, dans les montagnes ariégeoises, se trouve le lac des Druides, qui, par déformation, est devenu " lac des truites ". Or la tradition veut que les Tolosates, tribu celte qui pilla le trésor de Delphes, aient jeté cet or dans le lac pyrénéen.

    A Carcassone, citadelle de l'hérésie cathare, s'élevait, jadis sur la colline rocheuse, un bosquet de chênes, qui n'était autre que le nom de la ville.

    Sur le château de Foix, autre bastion du catharisme, la tribu celte des Sotiates avait construit un oppidum. Les vassaux du comte de Foix, au Moyen Age, n'avaient pas oublié leurs lointains origines, puisqu'ils se faisaient appeler " fils de la Lune " ou '' fils de Belissena ". Ils prétendaient descendre de Belissena, déesse de la Lune, l'Astarté celtique. Dans leur armoiries figuraient le Poisson, la Lune, et la Tour, emblèmes de la déesse lunaire, du dieu du Soleil et de la puissance chevaleresque.

    Nous retrouvons ainsi la Lune et le Soleil, les deux polarités complémentaires, féminin-masculin, qui permettent de concevoir la créature parfaite : l'androgyne spirituel.

    Mais revenons un instant sur le symbole d'Apollon-Abellio, le dieu Hélios. Dans l'Antiquité, le dieu de la Pure Lumière solaire délivre au printemps la Terre de la prison hivernale, c'est pourquoi on l'appelle aussi le Sauveur (Sôter), comme, plus tard, le Christ. Comme le Christ également, il purifie le pécheur, le même à la Rédemption, à l'entrée du pays lumineux des âmes. Chaque années, nous dit la légende, sur un char attelé de cygnes, il gagnait le pays des Hyperboréens. L'arbre d'Apollon est le laurier, ce même laurier évoqué par les troubadours cathares, qui chantaient :

    Au bout de sept cents ans
    le laurier reverdira.

    Les Hyperboréens étaient le peuples élu d'apollon. Les auteurs grecs précisent que c'est dans un calice d'or que le " Rayonnant " venait à eux, " semblable à une étoile, en sorte que son éclat montait jusqu'au ciel ". Cette coupe nous ramène au Graal pyrénéen dont Montségur fut l'écrin : le Graal, coupe lunaire qui contient la lumière du Soleil spirituel. C'est là que les légendes laissées par les cathares pour transmettre leur messages prennent le relais de la mythologie.

    Une légende dans la région ariégeoise précise qu'à la chute de Montségur, en 1244, tous les cathares périrent par le feu, sauf Esclamonde de Foix, la princesse cathare. Quand elle sut le Graal en lieu sûr, elle monta au sommet du Thabor, se mua en colombe blanche et s'envola vers les montagnes de l'Asie.

    Le Graal symbolise ici la connaissance, la Lumière spirituelle retournant vers ses sources orientales ; mais un autre mythe éclaire le premier. D'après celui-ci, le Graal est l'émeraude taillée sur 144 faces tombées du front de Lucifer, l'archange déchu, lors de sa chute. La pierre tomba sur la montagne sacrée de Montségur qui se fendit en deux pour servir d'écrin au joyau. L'allégorie est ici transparente : l'émeraude tombée du front de Lucifer est le troisième œil, ou l’œil "tout voyant", qui permet de voir le passé, le présent l'avenir. Sur un plan littéral, le mythe est également vrai puisque la couronne solaire, analysée au spectrographe, se révèle comme un halo vert. Il faut songer aux aurores boréales, à l'arc-en-ciel, à l'écharpe d'Iris, ce qui nous ramène à Hyperborée. Comme quoi tout se tient...

    On retrouve dans d'autres contes et légendes, mis en place par les cathares ou véhiculés par eux, un échos de cette tradition solaire qui se manifeste dans le Veda, le zoroastrisme, la gnose manichéenne et, enfin, le catharisme. 

    Voici le conte du pélican tel qu'il est parvenu jusqu'à notre époque :

    " Le pélican était un oiseau aussi clair que le Soleil et qui suivait le Soleil dans sa course. Il laissait donc souvent ses petits seuls dans le nid. C'est pendant son absence qu'intervenait la bête diabolique. Lorsque le pélican revenait, il trouvait ses enfants tout déchiquetés. Il les soignait aussitôt et les ressuscitait. Mais comme les pélicans avaient été déjà mis à mort et ressuscités plusieurs fois, leur père décida un jour d'occulter sa lumière et de demeurer dans les ténèbres à côté d'eux. Quand la bête survint, il la vainquit, et la mit hors d'état de nuire. "

    Le sens dualiste de ce conte symbolique est évident et nos rapproche de cet oiseau lié aux rose-croix. Dans la franc-maçonnerie, le pélican est associé au 18è degré du rite écossais, celui de " Sublime Prince Rose-Croix ". Cet animal symbolise Jésus-Christ. Certains ont pu voir à Utelle une hampe de bannière utilisée depuis la Renaissance par les pénitents et surmontés d'un pélican en bois sculpté. Jadis, il y avait là deux congrégations : les pénitents noirs et les pénitents blancs. Lorsqu'on sait qu'Utelle abritait au Moyen Age une maison de l'ordre du Temple, on comprendra que le noir et le blanc figurent le binaire présent dans le beauceant des templiers, de même que le pélican est le gage d'une haute initiation.

    Cette parenthèse fermée, revenons au catharisme, si toutefois nous l'avons quitté vraiment. Il est question, dans un autre conte populaire occitan, le Roi des Corbeaux, d'un homme vert, un géant, qui a un œil au milieu du front. Le Peuple des Corbeaux est présenté comme une humanité obligée de s'incarner dans le corps de ces animaux. Enchaînés à la matière, ils ne peuvent parler. La rédemption féminine permet au roi des Corbeaux de retrouver la lumière et l'apparence humaine. 

    Le roman de Barlaam et Josaphat n'est pas proprement cathare, bien qu'il ait été traduit en vieil occitan dès le Xè siècle, mais un récit d'origine nettement bouddhique venu de l'Inde à travers l'Iran et Byzance, où il prit sa forme définitive. C'est un conte manichéen, c'est pourquoi il eut tant de succès chez les cathares, qui le traduisirent du grec. C'est un roman très riche en symboles, on y retrouve notamment la licorne alchimique. René Nelli, le grand spécialiste du catharisme occitan, a découvert à Raguse un plat cathare (bogomile) dont la gravure s'inspire d'une légende de cet ouvrage ; on y voit l'homme et la licorne.

    Cet animal légendaire est le symbole de la pureté recherchée par les Parfait cathares. Par sa corne unique au milieu du front, il symbolise aussi la " flèche spirituelle ", le " rayon solaire ", " l'épée de Dieu ". 
    La licorne est hermaphrodite, mais transcende la sexualité, ce qui l'a fait adopter par les albigeois, qui préconisaient la chasteté.

    En définitive, c'est à Simone Hannedouche que nous laisserons la parole, car elle répond aux objections de ceux qui dénient aux cathares une forme de croyance originale ou qui contestent le symbolisme solaire des albigeois, comme si toute les grande religions n'était pas un avatar du mythe solaire ; cet article, paru dans les Cahiers d'études cathares,
    s'intitule  : Montségur, temple solaire. Nous en donnerons seulement la conclusion :

    " Au cours de l'évolution décadente de la pensée religieuse, l'Eglise a nié l'Esprit humain en 869 au Concile de Constantinople, les cathares avaient maintenu depuis Manès la connaissance de l'Esprit créateur, le Verbe, dont parle l’Évangile de Jean... Aujourd'hui, faute d'attribuer les phénomènes de la vie à un créateur divin, on dit couramment :
    " La nature... nous a faits tels que nous sommes... " en recréant ainsi une personnalisation à la manière des peuples primitifs. A vrai dire, on pense aux Lois de la nature, dont on est fort en peine de préciser l'intelligence qui les a inventées : ce n'est pas l'homme puisqu'il les cherche !
    Les cathares, sans en étudier les manifestations chimiques, comme les alchimistes à leur époque, attribuaient la vie à l'action solaire de la lumière et de la chaleur, sans lesquelles il n'y aurait pas de vie sur terre, ce que nous reconnaissons aujourd'hui. Mais derrière les énergies solaires, auxquelles la sciences a dû ajouter celle de la Lune et même des rayons cosmiques, qui sont soumises à des rythmes et à des lois, ils ont placé l'Etre spirituel qui les dirigeait, le "Créateur" du monde terrestre, le Verbe en qui était la Vie, qui devint la lumière du monde et que les ténèbres ne comprennent pas. "

    Mais il serait vraiment borné de penser que des hommes intelligents, même au Moyen Age, aient pu adorer la boule de feu que la science actuelle appelle : le soleil physique. Les " sauvages '' eux-mêmes voyaient en lui une apparence prise par une divinité. Tant qu'on se refuse à admettre qu'à l'origine de la matière se trouve l'Esprit des entités spirituelles, c'est-à-dire, des forces spirituelles actives dans la nature, on ne peut concevoir qu'un Soleil physiques. Mais l'action de ces forces physiques à travers l'immense espace qui le sépare de la Terre reste difficilement compréhensible ''physiquement". Pourquoi la lumière et la chaleur ne diminuent-elles pas en traversant cette distance ? Pourquoi cette source de feu ne se consume-t-elles pas au cours des temps ? Qui l'alimente ?

    L'Esprit divin, qui, pour les cathares, se manifeste dans le Christ et qui rayonne des astres, du Soleil, des étoiles et des constellations zodiacales, agit extérieurement indépendamment de l'espace et du temps. La Lumière et la chaleur sont sa manifestation physique et bienfaisante. S'il est venu s'incorporer en l'homme, c'est pour que celui-ci puisse disposer librement de ses forces, personnellement et intérieurement, où elles se transforment en intelligence et en amour.

    La conception solaire du Christ est pour le moins plus cohérente que celle de la science, qui fait notre Univers et de la vie qui l'anime le résultat du hasard dans le jeu de forces telluriques et qui se contente de cette hypothèse, en attendant de tout démolir en cherchant à démonter un mécanisme qu'elle n'arrive pas à comprendre.

    Le Christ dispensant les forces solaires avec une richesse qui se nuance selon les douze aspects du zodiaque était au centre du christianisme de Manès et des cathares, et il n'est nullement impossible ni "bouffon" que le château de Montségur, et sans doute d'autres, ait été, en même temps qu'une forteresse défensive contre les armées des croisés, un temple solaire.

     


    votre commentaire
  • L'interprétation d'un horoscope repose sur certaines règles établies depuis fort longtemps. Le Soleil représente l'apparence physique extérieure et la Lune, la nature profonde et le subconscient. Dans l'horoscope que nous avons pris pour exemple, le Soleil est en plein dans le Capricorne où il restera encore quatre semaines ; la Lune est encore pour deux jours dans le Cancer avant d'entrer dans le Lion. Le signe ascendant est la Balance, mais, quelques minutes plus tôt seulement, elle aurait été dans la Vierge.

    Dans la rubrique astrologique des magazines populaires, seule la position du Soleil est prise en considération. De ceux qui sont nés à la fin du mois de décembre ou dans les trois premières semaines de janvier, on dit qu'ils sont Capricorne, tout simplement.

    Les Capricornes, selon la tradition astrologique, sont volontaires et quelques peu narcissiques : ils sont méfiants, persuasifs, mais sujet à l'irresponsabilité. Pourtant, la Lune dans le Cancer dénote aussi un sens profond de la stabilité, un goût de la sécurité et une bonne aptitude au mariage. La Balance comme signe ascendant suggère une taille élevée, une tournure agréable, des cheveux blonds, des yeux bleus et une bonne santé.

    Ce sont là seulement les points essentiels de l'interprétation astrologique. Par ailleurs, Vénus dans le Sagittaire indique un caractère franc et ouvert en même temps qu'un certain conformisme social. Mercure et Neptune peuvent suggérer des dons prophétiques. Mars dans le Capricorne augure une certaine réussite matérielle et sociale. Si Jupiter et Saturne sont en conjonction dans la Balance, cela indique un tempérament pratique, apte à résoudre les problèmes les plus divers, ainsi qu'une constitution robuste.

    De toutes ces indications différentes, nous commençons à voir se dégager une certaine image d'une personne née aux environs de minuit le 22 décembre 1980.

    Mais l'astrologie va encore plus loin. Nous allons voir que c'est précisément dans ces explorations les plus poussées que la recherche scientifique moderne rejoint curieusement les croyances les plus traditionnelles.

    Dans les analyses astrologiques les plus détaillées, la "configuration" c'est-à-dire la position des planètes les unes par rapport aux autres, prend une importance particulière. Nous savons tous, par exemple, que lorsque le Soleil et la Lune sont en conjonction leurs deux forces de gravitations conjuguées donnent lieu au phénomène que nous appelons 
    " grande marées " ou " vive eau ". Lorsque, au contraire, le Soleil et la Lune sont à angle droit, la hauteur des marées atteint son niveau minimal : c'est la " morte eau ".

    On peut envisager un effet analogue qui serait dû à d'autres planètes plus petites ou plus éloignées : le fait que deux de ces planètes soient en conjonction ou opposées renforcerait cet effet, qui serait au contraire réduit lorsqu'elles se trouvent en quadrature. S'il se rencontre
    une " trinité " de planètes, c'est-à-dire si trois d'entre elles forment les sommets d'un triangle équilatéral et qu'elles sont séparées par un angle de 120° ou par quatre signes du zodiaque, leur effet s'équilibrerait ; il se renforcerait, en revanche, si deux planètes seulement occupaient deux sommets du triangle.

    Il y a un autre élément de l'interprétation astrologique qui doit être considéré, si l'on veut bien comprendre la signification de l'horoscope. Les anciens Babyloniens, qui voyaient les planètes errer dans l'immensité céleste, imaginaient que chacune d'entre elles y avait sa "maison" particulière, où elle retournait régulièrement et qu'elle régissait. Le Soleil , c'est bien évident, est au sommet dès sa puissance au cœur de l'été. Lorsque les planètes se trouvaient dans leur propre maison, on estimait que leur influence en était notablement renforcée.

    Une autre conception de ces maisons s'est développée plus tardivement : certains astrologues considéraient que la ligne de partage entre deux maisons différentes passait par le zénith. Ainsi, si l'on divise l'horoscope en douze maisons égales, la maison située juste à l'est du zénith comprendra 29 degrés du signe ascendant et 1 degré du signe suivant à l'ouest. Et ainsi de suite, tout le long du cercle du zodiaque. Il semble que le célèbre astronome et mathématicien Ptolémée, qui vivait à Alexandrie au IIè siècle avant notre ère, ait utilisé cette méthode, dite "maison égale".

    Plus tard, les Arabes, qui avaient en leur possession la plupart des ouvrages de la bibliothèque d'Alexandrie et qui étaient particulièrement versés dans les mathématiques imaginèrent toutes sortes de méthodes compliquées pour calculer la répartition des maisons. Le système ptolémaïque des maisons égales divisait l'écliptique en douze maison égales. Selon le système du mathématicien arabe Ibn Ezra, c'est l'équateur céleste qui est divisé en douze maison égales.

     Si ce système ne présente pas d'inconvénients pour les astrologues effectuant leurs observations près de l'équateur terrestre, il n'en va pas de même pour des latitudes plus élevées, où il contraint à des transformations considérables : ainsi, certains signes occupant 50 degrés du zodiaque doivent alors être compris dans 30 degrés de l'horoscope et inversement. D'autres systèmes ont encore été élaborés, dont le plus ridicule est sans doute celui de Placidus. Celui-ci se basait sur le temps mis par chaque degré du zodiaque pour passer de la partie inférieure du cercle de l'horoscope au plus haut du ciel. Comme, aux environs du cercle arctique polaire, de nombreuses régions du zodiaque restent toujours au-dessous de l'horizon, celle-ci n'apparaissent pas du tout dans l'horoscope de Placidus !

    Si ce système extravagant est toujours utilisé, c'est que l'éphéméride le plus courant, celui de Raphaël, publié quotidiennement depuis près de deux cents ans, se réfère toujours aux tables de Placidus en ce qui concerne les maisons... 

    Chacune des maisons de l'horoscope exerce, dit-on, une influence particulière sur la vie des individus : personnel domestique, emploi, maladie et recouvrement de fonds (maison 6) ; secrets, facultés psychiques et sens des cachettes (maison 12)... Mais les différents astrologues ne se sont jamais accordés sur la question de savoir si chaque division du ciel e douze maisons égales se faisait à partir de l'ascendant ou si les ascendants se trouvaient au milieu de leurs maisons respectives.

    Tels sont les principaux éléments impliqués dans l'interprétation d'un horoscope. Il est nécessaire de les connaitre si l'on veut apprécier les importantes découvertes faites depuis quelques décennies, découvertes qui sembleraient indiquer que ces croyances des âges anciens ne sont pas dénuées de fondement.

     


    votre commentaire
  •  

     

    Lorsque les anciens commencèrent à réfléchir "scientifiquement" à ce que pouvait être la forme de la Terre, ils jugèrent réaliste de penser qu'elle avait celle d'un disque. Pour Homère, il était entouré d'un océan et recouvert par la calotte céleste. Pour Thalès, il s'agirait d'un disque plat et quant à Anaximandre, notre planète avait une forme cylindrique tandis qu'Anaximène parlait d'une surface plane, encerclée par l'Océan, qui flottait sur une sorte de coussin d'air comprimé.

    Seul Parménide semble avoir deviné la sphéricité de la Terre. De son côté, Pythagore l'imaginait sphérique pour des raisons à la fois mystiques et mathématiques.

    Des doutes persistèrent jusque Démocrite et Épicure, et Lucrèce niait l'existence des antipodes, mais de manière générale, pendant tout le reste de l'Antiquité, on ne remit plus en question la sphéricité de la Terre.
    Bien entendu, Ptolémée savait qu'elle était ronde, sans quoi il n'aurait pas pu la diviser en 360° de méridien. Ératosthène le savait aussi, lui qui, au IIIè siècle avant J-C, avait obtenu par calcul une bonne approximation de la longueur du méridien terrestre.

    Malgré de nombreuses légendes qui circulent sur Internet, tous les érudit du Moyen-Age savaient que la Terre était sphérique.

    Au VIIIè siècle, Isidore de Sicile avait calculé que la longueur de l'équateur était de quatre-vingt mille stades. Or si l'on se pose le problème de la longueur de l'équateur, on sait et on est convaincu, cela va de soi que la Terre est sphérique. D'ailleurs, malgré son caractère approximatif, le résultat obtenu par Isidore n'est pas très éloigné des mesures actuelles.

    Pourquoi donc a-t-on longtemps cru, et continue-t-on aujourd'hui souvent à croire que le monde chrétien s'était éloigné de l'astronomie grecque et qu'il était revenu à l'idée d'une Terre plate ?

    La pensée laïque du XIXè siècle, irritée par l'opposition de plusieurs confessions religieuses à l'évolutionnisme, a attribué à toute la pensée chrétienne l'idée selon que la Terre serait plate. Il s'agissait de démontrer que, de même qu'elles s'étaient trompées sur la sphéricité de la planète, les Eglises pouvaient se tromper sur l'origine des espèces. On a donc exploité le fait qu'un auteur chrétien du IVè siècle comme Lactance tirait argument de la description biblique de l'univers, modelée sur le Tabernacle et par conséquent quadrangulaire, pour s'opposer aux théories païennes sur la rotondité de la Terre, notamment parce qu'il ne pouvait accepter l'existence des antipodes, où les homme auraient dû marcher la tête en bas.

     Enfin, on avait découvert qu'un géographe byzantin du VIè siècle, Cosma Indicopleustès , avait soutenu, toujours en ayant à l'esprit le Tabernacle biblique, que le cosmos était rectangulaire et qu'un arc surplombait le sol plat de la Terre.

    Comme l'a montré Jeffrey Burton Russell en 1991, de nombreux livres d'histoire de l'astronomie faisant autorité, encore étudiés dans les écoles, affirment que les ouvrages de Ptolémée restèrent ignorés pendant tout le Moyen Age, ce qui est historiquement faux, et que la théorie de Cosmas devint l'opinion dominante jusqu'à la découverte de l’Amérique.

    Comment a-t-on pu soutenir que le Moyen-Age imaginait la Terre sous
    forme d'un disque plat ? Les manuscrits d'Isidore de Séville contiennent, de qu'il est convenu d'appeler la " carte en T " : sa partie supérieure représente l'Asie, car c'est là que se situait, selon la légende, le Paradis terrestre, les deux côtés de la barre horizontale correspondent à la mer Noire et au Nil, et la barre verticale à la Méditerranée  ; en conséquence, les quarts de cercles situés à gauche et à droite décrivent respectivement l'Europe et l'Afrique. L'ensemble est entouré par un grand cercle d'Océan.

    Comment des gens qui considéraient que la Terre était sphérique pouvaient-ils tracer des cartes où elle apparaissaient plates ? La première explication, c'est que nous le faisons aussi. Critiquer la planéité de ces cartes équivaut en effet à critiquer celle de nos atlas contemporains.

    Mais nous devons prendre en compte d'autres éléments. Le premier nous est suggéré par Saint Augustin qui connaissait les opinions des Anciens sur la sphéricité du Globe. Il en arrive à cette conclusion : Il ne faut pas se laisser impressionner par la description du Tabernacle biblique, car, on le sait, les Saintes Écritures recourent souvent à un langage métaphorique ; le Terre est donc peut-être sphérique ; mais dans la mesure où il est indifférent au salut de l'âme de savoir si elle l'est ou non, on peut ignorer la question.

    Le Moyen Age fut toutefois une période de grands voyages ; mais avec des routes en très mauvais état, des forêts à traverser et des bras de mer à franchir. Il n'était pas possible de tracer des cartes convenables. Elles étaient purement indicatives.

    Pour le reste, les voyages médiévaux étaient imaginaires. Le Moyen Age produisit des encyclopédies, des Imagines Mundi (images du monde) qui cherchaient surtout à satisfaire le goût des lecteurs pour le merveilleux, en leur décrivant des pays lointains et inaccessibles ; ces livres furent tous écrit par des gens qui n'avaient jamais vu les lieux dont ils parlaient, car la force de la tradition comptait alors davantage que l'expérience. Une carte n'avait pas pour objectif de reproduire la forme de la Terre, mais de dresser la liste des villes et des peuples que l'on pouvait rencontrer.

    Enfin, les cartes médiévales n'avaient pas de fonction scientifique ; elles répondaient à une demande de fabuleux de la part du public, de la même manière qu'aujourd'hui avec des revues imprimées papier glacé qui nous démontrent l'existence des soucoupes volantes, et la télévision qui nous racontent que les pyramides ont été construites par une civilisation extra-terrestre. Sur la carte de la Chronique de Nuremberg, qui date pourtant de 1493, une représentation acceptable d'un point de vue cartographique s’accompagne d'images des monstres mystérieux censés habiter les contrées reproduites.

    Les pythagoriciens avaient élaboré un système planétaire complexe, où la Terre ne se situait même pas au centre de l'univers. Le soleil y occupait lui aussi une position périphérique, et toutes les sphères des planètes tournaient autour d'un feu central. Par ailleurs, la rotation de chacune des sphères produisait un son de la gamme musicale, et pour établir une correspondance exacte entre phénomènes sonores et phénomènes astronomiques, on avait même introduit une planète inexistante, l'Anti-Terre : invisible depuis notre hémisphère, elle ne pouvait être observée que depuis les Antipodes.

    Dans le Phédon, Platon suggère que la Terre est très grande et que nous en occupons seulement une toute petite partie ; des peuples inconnus pourraient donc en habiter d'autres régions. Cette idée fut reprise au IIè siècle avant Jésus-Christ par Cratès de mallos, selon qui il existait deux territoires habités dans l'hémisphère nord et deux dans l'hémisphère sud, séparer par des sortes de canaux océaniques disposés en forme de croix.
    Cratès supposait que les continents méridionaux étaient habités, mais inaccessibles pour nous. Au 1er siècle après Jésus-Christ, Pomponius Mela hasarda l'hypothèse selon laquelle l'île de Taprobane constituait une sorte de promontoire du territoire inconnu. Des allusions a l'existence des Antipodes apparaissaient aussi dans les Géorgiques de Virgil, dans la Pharsale de Lucain, dans les Astronomiques de Manilius et dans l'Histoire naturelle de Pline.

    Mais lorsqu'on parlait de cet hémisphère, on se trouvait inévitablement confronté au problème de la façon dont les habitants pouvaient vivre la tête en bas et les pieds en haut sans tomber dans le vide. Luctèce s'était d'ailleurs déjà opposé à cette hypothèse.

    Bien entendu, les adversaires les plus acharnés des Antipodes étaient ceux qui niaient la sphéricité du globe. Cependant même un auteur aussi plein de bon sens que Saint Augustin ne parvenait pas à supporter l'idée d'hommes ayant la tête en bas, entre autres parce que, si l'on présumait l'existence d'êtres humains aux Antipodes, il aurait fallu penser à des créatures ne descendant pas d'Adam et n'ayant donc pas été touchées par la rédemption.

    Toutefois, dès le Ve siècle après Jésus-Christ, Macrobe avait avancé des arguments raisonnables pour démontrer qu'il n'y avait rien d'illégitime dans la croyance en des êtres tout à fait susceptibles de vivre de l'autre côté du globe. 

    La méfiance envers les Antipodes, précisément parce qu'ils rendaient impossible toute explication de l'universalité de la rédemption, continua pourtant  se manifester même après l'époque de Macrobe dont sa position fut jugée hérétique par le pape Zacharie qui, en 748 après Jésus-Christ la qualifia de "doctrine perverse et inique". Mais d'une manière générale au Moyen Age on accepta l'idée de l’existence des Antipodes.

    Dès l'époque romaine, les Antipodes avaient d'ailleurs servi à justifier l'expansion de l'Empire vers des territoires inconnus, et cette idée réapparut à l'occasion des explorations géographiques de la périodes moderne. Au moins à partir de Colomb, on ne remit plus leur existences en question, car on commençait à connaitre des régions de l'hémisphère sud auparavant jugées inaccessibles.

    Toutefois, même lorsque l'on sut que l'on pouvait rejoindre les Antipodes, un autre aspect de leur légende, aux origines très anciennes, continua de survivre ; on en trouve un témoignage, parmi tant d'autres, chez Isidore de Seville : si les Antipodes n'abritaient pas d'être humains, ils sont en tout cas le territoire des monstres. Et même après le Moyen Age, les explorateurs se montrèrent toujours enclin à découvrir, au cours de leur voyages, les êtres effrayants et difformes, ou bienveillant mais bizarre, dont parlait la légende. De nos jours, puisqu'on doit les exclure d'une Terre désormais connue dans ses moindres détails, les récits de sciences fiction situent ces être sur d'autres planètes.

     


    votre commentaire
  •  

    Le Soleil invaincu des cathares

    On connait l'essentiel de la doctrine cathare : le dualisme, c'est-à-dire l'opposition de deux principes antagonistes et égaux dans la matière, le Bien et le Mal. Ce dernier ne sera vaincu que lorsque le monde mauvais aura été anéanti par Dieu. Sur cette proposition de base qui est celle du manichéisme, le catharisme a ajouté la croyance dans la réincarnation des âmes et leur purification au cours de vies successives. Il s'agit de l'opposition du monde hylique, chaotique ou ténébreux, au monde psychique, organisé et lumineux. Une autre croyance particulière aux cathares était que le Christ ne s'était pas réellement incarné mais s'était seulement adombré dans la Vierge.

    " Alors, dit une prière cathare, Dieu descendit du ciel avec les douze apôtres et s'adombra en la Vierge Marie. "

    Pour les cathares, le Christ cosmique résidait dans la lumière intelligible, dans le soleil spirituel ; et s'il occulte sa lumière, c'est pour triompher de Satan, le prince des Ténèbres.

    Une pratique commune aux albigeois et, de façon impérative, aux Bonhommes ou Parfaits était le végétarisme. Or le rejet de l'alimentation carnée, au-delà de raisons théologiques, a des motifs ésotériques. C'est pourquoi les pythagoriciens, qui avaient une religion " astrale ", étaient végétariens.

    La valeur nutritive des plantes provient de l'énergie solaire transformée par un processus chimique. Il s'agit là d'une transformation directe puisque les animaux se nourrissent de végétaux et absorbent ainsi une énergie solaire qui leur apporte les calories nécessaires. Lorsque nous mangeons de la viande, nous absorbons cette énergie au deuxième degré. Sans connaitre les détails de cette combinaison chimique, les albigeois, ou plutôt les initiés cathares pensaient comme tous les ascètes que la nourriture végétarienne facilitait la méditation en purifiant la corps, qui pouvait être ainsi pénétré par les ondes solaires et cosmiques.

    De même, le sacrement du consolamentum délivré aux Parfaits et aux mourants était administré en imposant les mains sur la tête du consolé. Ce geste, qui ne pouvait être accompli que par les Purs, les membres du sacerdoce, mettait en oeuvre l'énergie cosmique, selon des techniques liées à l'Eveil des Chakras par des procédés aujourd’hui perdus en Occident.

    Si l'on se penche maintenant sur les symboles utilisés par les cathares, bien que l'Inquisition se soit acharnée à en détruire les traces, on trouve le Pentagone et la Colombe. On a retrouvé une colombe en terre cuite dans les grottes d'Ornolac qui servirent de refuge aux albigeois persécutés et une autre, sous forme de moule creusé dans une plaque de plomb, datant aussi du Moyen Age.

    La colombe symbolise le troisième règne, celui du Saint-Esprit, ou Paraclet, et donc le triomphe de la Lumière sur les ténèbres, de l'Esprit sur la Matière après l'Apocalypse.

    Cet anéantissement de la matière, oeuvre du Démiurge, était attendu par les cathares avec ferveur, c'est pourquoi ils vénéraient particulièrement l'esprit de Dieu sous la forme d'une colombe blanche qui représentait en même temps les migrations de l'âme.

    Il faut aussi mentionner ce que l'on appelle les croix cathares, mais qui sont en réalité beaucoup plus anciennes. Les albigeois ont continué à utiliser ce symbole solaire, la croix circonscrite dans un cercle ou la croix à virgules, parce qu'il leur rappelait les cultes gallo-romains d'Abellion-Apollon, dont témoignent les nombreuses stèles retrouvées dans la région pyrénéenne. Parfois cette croix se termine à chacun de ses bras par une triple fourche, utilisée aujourd'hui encore par les coptes d'Egypte.

    La rosace et la rouelle étaient encore utilisées au XVIIe siècle comme signes prophylactiques ou porte-bonheur et gravée sur les portes des maisons pyrénéennes du Pays basque jusqu'à l'Ariège.

    Ces roues du char d'Hélios (le Soleil)  sont présentes aussi bien chez les hittites que chez les zoroastriens, les hindous, les bogomiles et les cathares, ce qui prouve l'unité transcendante des religions et l'origine solaire de la tradition primordiale à laquelle se rattache le catharisme, avatar médiéval d'un culte aussi ancien que l'humanité adamique.

    Savez-vous par exemple, que la croix de Toulouse (entourée de douze perles ) est en réalité une croix nestorienne que l'on retrouve au Tibet sur les stèles du VIe siècle ?

    Or les nestoriens étaient des hérétiques gnostiques, proches parents des manichéens. Ils essaimèrent depuis l'Euphrate jusqu'à l'Iran, l'Afghanistan, et jusqu'au Tibet et en Chine.

    Voilà qui élargit singulièrement l'horizon religieux du catharisme, que certains voudraient limiter à une hérésie chrétienne pure et simple. 

    Quand au symbolisme solaire, il se manifeste aussi chez les cathares dans l'architecture de leurs châteaux qui, tel Montségur, étaient aussi des temples.

    Lorsqu'on évoque les hauts lieux cathares, on pense évidemment à Montségur, dernière citadelle, ultime refuge et temple des derniers albigeois.

    Mais avant d'en venir à parler du Thabor pyrénéen, il faut songer que les château forts cathares étaient nombreux en pays d'oc, obéissant pour la plupart, dans leur symbolisme architectural, à des préoccupations ésotériques qui rejoignent les conceptions mathématiques des pythagoriciens de l'Antiquité. Nous examinerons tour à tour, à la lumière du symbolisme solaire, les châteaux de Peyrepertuse, Cabaret, Queribus et enfin Montségur.

    Peyrepertuse, situé sur une côte rocheuse inaccessible, par son nom signifie " La roche percée " ( pierre = pertuse ). C'est sans conteste la plus vaste forteresse du Midi. Le donjon, partie du château qui nous intéresse, est du XIIIe siècle. C'est une construction à deux étages formée par une tour ronde. La salle du rez-de-chaussée est pourvue de trois grandes archères distribuées au nord, à l'est et au sud. La salle du premier étage forme une demi-circonférence. Elle est voûtée en cul de four. Une seule archère perce la muraille à cet endroit. Pourquoi ce premier étage comporte-t-il une seule archère ? Manifestement une intention particulière a présidé au choix de l'orientation de cette archère. Cette direction est celle du soleil levant au solstice d'été. Le maître d'oeuvre a fait en sorte que le disque solaire vienne s'encadrer dans l'étroite embrasure le jour où l'astre est le plus haut dans le ciel. Il a donc fallu qu'il fût à la fois ingénieur, astronome et initié.

    Le même phénomène peut être observé dans le château de Cabaret, plus communément appelé château de Lastours . Il s'agit de quatre tours formant un ensemble monumental très remarquable en regard de l’architecture médiéval. Chacune porte un nom : Cabaret, Tour Régine, Fleur d'Espine et Quertinheux? Cet édifice fortifié était une des places fortes du vicomté de Carcassonne. Cabaret vient du latin " caput arietis " (la tête du Bêlier). On aperçoit immédiatement la correspondance astrologique avec le " Bélier " signe solaire, et la " Toison d'or ". Cabaret donna son nom à la châtellenie du Cabardès.

    Le château est orienté nord-sud, tel un vaisseau juché sur une crête rocheuse, entouré d'un chemin de ronde supporté par des ogives ( fin du XIII siècle). Le corps de logis et le donjon ont été construits au début du XIe siècle. ce qui est remarquable dans cette dernière partie du château, c'est la forme pentagonale double comprenant une salle basse et une salle en étage couverte d'une magnifique croisée d'ogive à cinq nervures. Il existe un deuxième étage bordé d'archères et couvert de tuiles.

    Mais revenons au rez-de-chaussée, en tous points extraordinaire. D'abord cette forme en pentagone régulier. On peut rappeler sa signification ésotérique dans laquelle s'inscrit le pentagramme ou étoile à cinq branches de la tradition maçonnique. Cette symbolique est fondée sur le nombre 5, et se rattache à l'androgynat (3 = principe mâle ; 2 = principe féminin ) des pythagoriciens. La présence de cette figure hermétique dans les monuments cathares permet de penser à une origine gnostique et pythagoricienne des doctrines initiatiques des Parfaits albigeois. Ajoutons à cela que la salle est éclairée par cinq archères, l'une d'elle ouverte à l'est (orient), qui est la direction du soleil levant au solstice d'hivers. Ce fait prouve encore les hautes connaissances mathématiques qu'astronomiques, des maîtres d’œuvres de ces châteaux.

    Chose encore plus extraordinaire et qui vient confirmer la signification ésotérique de cette architecture, on a retrouvé dans les décombres de cette salle deux pentacles en forme de pentagone, l'un en plomb, l'autre en bronze. Voilà certainement deux objets portés par des croyants cathares de l'époque de la " croisade ".

    M. Gilbert Costeplane a lui-même découvert , dans ce même donjon, une clef ancienne dont la poignée est de forme pentagonale. Qui oserait prétendre qu'il s'agit de pures coïncidences ?

    Ce même chercheur a observé que le donjon était orienté non seulement au soleil levant du solstice d'hiver, mais en opposite, c'est-à-dire au solstice d'hiver du coucher de telle sorte que le château de Cabaret est orienté à la fois dans le temps et dans l'espace par quatre archères. D'autres explications nous entraîneraient trop loin, car il nous faut maintenant dire un mot du château de Queribus, présentant lui-même des dispositions remarquables.

    Les ruines de Queribus se dressent sur un piton escarpé des Corbières, à 25 km environ au nord-ouest de Perpignan. La forteresse, par sa position dominante, regarde à la fois les départements de l'Aude et des Pyrénées-Orientales.

    Le monument est couronné par un magnifique donjon polygonal, pratiquement intact. La " salle gothique " de cette tour est une des merveilles du Languedoc-Roussillon.

    Un unique pilier cylindrique soutient une voûte à quatre croisées d'ogives, dite " en palmier". Les habitants de la région ne s'y sont pas trompés, puisqu'ils appellent cette salle l' " église ". la patine du temps et l'humidité ont donné à la pierre une teinte vert pâle du plus bel effet.

    Premier fait curieux : dans cette salle gothique, le pilier central se trouve en fait déporté de 70 cm par rapport au centre réel. Ce déplacement n'est pas à mettre au compte de la fantaisie ou de l'erreur. On peut faire la même observation en ce qui concerne les murs de la salle, orientés apparemment selon les quatre points cardinaux, alors qu'il n'est rien. Ils font en réalité un angle de six ou sept degrés par rapport à ces points. Comment expliquer ces particularités ?

    Là encore, il faut faire appel au symbolisme solaire et à l'ésotérisme puisque par l'archère de la salle du donjon on peut observer, le 21 décembre, l'alignement du disque solaire dans l'axe de l'embrasure, formant une croix lumineuse parfaite. Par la projection de l'ombre du pilier central aux différentes heures, on réalise une sorte de "zodiaque" déjà relevé par l'historien Fernand Niel. Si la salle avait été construite sur un plan géométriquement régulier, ce dispositif n'aurait pu être mis en place. Ce pilier central figure symboliquement le Soleil, la salle gothique formant une sorte de temple. Les cathares ne vénéraient donc pas le soleil physique, qu'ils pouvaient regarder tout à loisir sur la montagne, mais le logo solaire, c'est-à-dire l'astre spirituel.

    Il faut enfin évoquer Montségur, montagne sacrée des cathares, pôle mystique où le temple-forteresse des albigeois figure le point d'équilibre entre les forces cosmiques et les forces telluriques. Il faut souligner ici l'importance de Montségur sur le plan religieux, bien avant l'implantation des cathares.

    Depuis la haute Antiquité, en effet, le site grandiose de Montségur, piton rocheux dominant de ses 1 300 m les vallées de l'Ariège, en plein cœur des Pyrénées, n'a cessé d’exercer sur les hommes une attraction magique liée à des phénomènes d'ordre surnaturel.

    Sans doute, à l'époque préhistorique, les chamans y invoquaient-ils déjà les âmes des grands ancêtres au milieu des sacrifices humains, où le sang des victimes s'associait à des orgies hallucinatoires mêlées à des actes de nécromancie.

    Les Celtes, que l'on fait directement descendre la mystique Atlantide, centre d'initié de haut rang, balayèrent ces cultes ténébreux voués aux divinités chtoniques de la terre mère, fécondée par le sang nourricier. Le culte solaire fit alors son apparition sur le pog de Montségur pour ne plus jamais disparaître de ce lieu. La plate-forme sommitale communiquait avec de profondes cavernes situées dans les flancs de la montagne.

    C'est ce culte rendu à l'astre du jour, sur des autels dressés au sommet de la montagne, qui inspira cette prolifération de croix celtiques dans la région pyrénéenne.

    Lorsque les druides, qui connaissaient la haute valeur du site de Montségur en tant que point de rencontre des forces cosmiques et souterraines, eurent disparu, une longue nuit s’abattit sur la montagne inspirée cependant que les menhirs dressés dans toute la région comme d'invisibles signes balisaient inutilement le site pour la venue d'éventuels initiés.

    Le catharisme devait reprendre le flambeau de la connaissance et renouer avec la tradition solaire et hyperboréenne de Montségur.

    Il est à noter que le château fut bâti à la demande expresse des Parfaits pour en faire le refuge suprême de la foi cathare, et achevé en 1204. Il recèle, dans son plan, la possibilité de repérer avec précision les principales positions du Soleil à son lever. Sur un plan tracé du château, on peut aisément repérer les alignements donnant la direction du soleil levant au solstice d'hiver. Les archères de la prétendue " forteresse " ne furent percées qu'en fonction de leur utilisation optique, ce qui explique l'absence susceptibles de gêner, par leurs superstructures, le passage en oblique des rayons lumineux.

    Le château est, pour cette raison, orienté est-ouest. Le monument présente les mêmes dispositions que celles observées à Cabaret, mais il permet, en outre, de repérer des levers héliaques, non seulement aux deux solstices, mais également aux équinoxes du printemps et de l'automne. La disposition géométrique de l'édifice permet encore de relever la position du Soleil dans les signes du zodiaques.

    En ce qui concerne le solstice d'été, on peut facilement observer le phénomène du lever du Soleil à travers les archères du donjon. Il suffit de se placer dans l'axe de l'une ou l'autre des embrasures pratiquées dans le mur nord-est. Vers 5 h 15 du matin, le Soleil apparaît exactement dans les embrasures. Ce spectacle peut être contemplé tous les jours du 15 au 28 juin. 

     Montségur est donc bien le temple de la Lumière, de la Lumière de l'Esprit, que Manès voyait présente dans le Christ.

     


    3 commentaires
  •  

    La popularité de Jules Verne est une des rares constantes de la littérature, au point que l'on peut se demander pour quelles raisons cet écrivain, qui n'est ni un grand philosophe ni un styliste de premier ordre, trône au royaume des grands, quelque part entre Balzac et Dostoïevski, lui qui ne voulait écrire que des romans d'aventures et qui y trouvait son plaisir.

    Certains esthètes pourront cependant rétorquer : " Est-il pour cela un véritable écrivain, mérite-t-il donc ce succès international, ce maniaque de la plume atteint d'une paranoïa prolifique, éperdument amoureux de n'importe laquelle de ses plus grotesques petites machines ? " A ceux-là il faut répondre qu'une dimension fondamentale de l'oeuvre de Jules Verne leur échappe, qui pourtant se conjugue extraordinairement bien avec le " grand voyage " qu'est la lecture de tous ses romans. Abrupte et brûlante, enivrante comme un vieil alcool, cette dimension s'appelle poésie.

    Bien qu'un de ses plus fascinants romans, Les Cinq Cents Millions de la Bégum, prophétise le premier satellite artificiel, et que le Nautilus préfigure, dix ans à l'avance, les sous-marins de l'ingénieur Laubeuf, Jules Verne n'est pas un scientifique. C'est moins la science que sa puissante poésie qu'il incarne dans de redoutables mythes en acier, pressentant les noces de l'homme et de la machine, voyant l'ossature métallique du XXè siècle prendre forme et se développer, déterminant la marche en avant du monde pour dix siècles d'histoire.

    Ainsi, on a pu écrire que " Jules Verne vibre et crée à l'intersection du présent et de l'avenir ".

    Jules Verne est né à Nantes, en 1828, dans une famille aisée. Installé à Paris pour y terminer ses études, il mène la vie d'un jeune étudiant sans le sou : il veut tout savoir, tout lire, tout connaitre. Il jeûnera trois jours pour s'acheter le théâtre de Shakespeare. En 1849, il fait la connaissance d'Alexandre Dumas. L'année suivante, il passe sa thèse de droit. Pour obéir à son père, il doit s'inscrire au barreau de Nantes et prendre sa charge d'avoué.

    Jules Verne ne l'entend pas de cette oreille. Il a trop fréquenté le milieu des écrivains et des poètes : c'est décidé, il sera écrivain. Dès 1852, il publie deux récits déjà marqués de sa patte de grand romancier d'aventures : Les Premiers Navires de la marine mexicaine et Un voyage en ballon. La même année, il se fait remarquer en publiant Martin Paz, un court roman historique qui se voit se déchirer, au Pérou, des Espagnols, des Indiens et des métis, tandis que se déroule une très belle intrigue sentimentale. Il semble que le monde dans lequel il coulera la plupart de ses quelques quatre-vingts romans est déjà creusé, avec ce balancement idéal entre les grandes vision historiques et géographiques, et l'expression des sentiments et des passions.

    Il n'a pas assez de nuit pour apaiser sa fringale de savoir. Les connaissances théoriques ne lui suffisant pas, il commence à voyager : Angleterre, Ecosse, Scandinavie. C'est en 1862 que tout va se décider : Il propose à Hetzel, le célèbre éditeur parisien, son nouveau roman Cinq Semaines en Ballon, et signe avec ce dernier un contrat pour vingt ans. Le succès du roman est complet, d'abord en France, puis à l'étranger : le livre est bientôt traduit dans toutes les langues européennes Désormais, les Romans de Jules Verne, qui passionnent  la fois les parents et les enfants, vont se succéder à un rythme rapide.

    Dans les Aventures du capitaine Hatteras, qui transporte le lecteur dans les froides étendues polaires, il écrit : " Je ne crois pas aux contrées inhabitables ; à force de sacrifices et avec les ressources de la science, l'homme finira par fertiliser même un tel pays. " Son nouveau héros, le minéralogiste Lidenbrok, s'enfonce dans les entrailles de la Terre et y découvre les espèces antédiluviennes et les végétations pétrifiées du monde préhistorique.

    Puis ce sont Les Enfants du capitaine Grant et Vingt mille Lieues sous les mers, roman hanté par la vision de ces profondeurs qui restent calmes, même quand la tempête se déchaîne. L'auteur compose son récit avec une sorte de jouissance frénétique : " Je suis en plein dans mon voyage sous les eaux et je m'y plonge avec un plaisir inouï. " L'édition illustrée du roman paraît pour les étrennes de l'année 1870.

    Le Temps publie Le Tour du monde en quatre-vingts jours et le tirage du journal se met soudain à grimper vertigineusement. Chaque jour, les correspondants des journaux américains câblent dans leur pays les péripéties d'une aventure que tout le monde s'accorde à trouver incroyable. Les plus grandes compagnies maritimes font à Jules Verne des ponts d'or afin qu'il consente à embarquer son héros sur un de leurs navires. Le succès atteindra son point culminant avec Michel Strogoff. Désormais, il est riche, immensément riche. Il va pouvoir voyager.

    A bord de son Yacht, le Saint Michel III, Jules Verne visite l'Espagne, le Maroc, l'Algérie, la Norvège, l'Irlande et l'Ecosse, dont les mines inspireront 
    Les Indes noires. Passant devant la rade de Kiel, il pressent, de ce don presque prophétique que personne n'a jamais vraiment pu expliquer, les futures machines de guerre, les canons à longue portée et les gaz mortels.

    Pour écrire Mathias Sandorf, il s'embarque pour le Portugal, visite l'Italie, où il est reçu par le pape Léon XIII. Quand il revient d'Italie, il a déjà écrit le plan complet de son livre, enrichi de tous les personnages pittoresques qu'il a rencontrés.

    Les adolescents qui furent enchantés par ses premiers romans et passèrent des nuits blanches pour connaitre plus rapidement la conclusion de ses aventures sont, en cette fin de XIXè siècle, devenus des hommes : certains vont transposer dans le réel ses plus géniales inventions. Les premiers aéronautes, les grands explorateurs des pôles, les constructeurs de sous-marins affirmeront tous que Jules Verne leur a donné l'idée de tenter l'impensable. L'Américain Simon Lake crée un Nautilus qui, lui aussi, explosera le fond des océans. Au même moment, la France commence à construire sa flotte sous-marine.

    Jules Verne avait raison d'écrire : " Tout ce qu'un homme est capable d'imaginer, d'autres seront capables de le réaliser. "

    Tandis que son dernier ouvrage, L'Invasion de la mer, paraît au tout début de 1905, en même temps que les premiers essais de vol aéroplane, une crise de diabète emporte l'écrivain. Quatre années avant sa mort, le cinéma avait commencé à s'occuper de ses romans : Les Enfants du capitaine Grant furent réalisés en 1901 par Fredinand Zecca, pour Charles Pathé ; puis, l'année suivante parut sur les écrans le fameux Voyage dans la Lune de Georges Mélies

    Dans ses lettres du Tonkin et de Madagascar, Lyautey rapporte une de ses conversations avec un fonctionnaire aux conceptions attardées.
    C'est sans doute le plus bel hommage qu'on puisse rendre à Jules Verne :
    " - Mais oui, mon bon monsieur, c'est du Jules Verne, parce que, depuis vingt ans, les peuples qui marchent ne font plus que du Jules Verne ! "


    1 commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires